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effondrements..

Publié le par ottolilienthal

 

civilisation en déclin

La civilisation industrielle est en train de s'effondrer lentement et c'est un peu nul d'être coincé avec elle. Au cours des dernières semaines et des derniers mois, j'ai publié de plus en plus d'articles sur l'échec de la civilisation occidentale, mais n'oublions pas que l'Occident n'est qu'une partie de la civilisation mondiale qui souffre des mêmes maux qui entraînent l'effondrement de tout le système. La fin prochaine de la domination occidentale mondiale coïncide avec l'approche rapide des limites de la croissance matérielle et les défis environnementaux croissants causés par notre abandon irréfléchi. Le changement climatique, les crises énergétiques, la pénurie de ressources et le dépassement de toutes les limites et frontières naturelles vont compliquer les choses au-delà de la capacité de gestion de notre classe dirigeante. Attendez-vous à vivre des moments difficiles.

Toute l'idée de la civilisation industrielle et du progrès technologique sans fin a commencé par la croyance que nous pouvons continuer à extraire des minéraux du sous-sol pour toujours (sinon, nous trouverons des substituts). Regardez autour de vous dans votre chambre : tous vos objets, ainsi que l'énergie qui les alimente, proviennent de quelque part sous terre. Le plastique, fabriqué à partir de pétrole pompé sous la surface. Le métal, fabriqué à partir de minerais. Le ciment, le gypse, la céramique : tous sont fabriqués à partir de la terre elle-même - sans parler de l'immense chaleur (bien supérieure à 1000°C) nécessaire pour les transformer dans leur forme actuelle. Tout cela à partir des combustibles fossiles et des minéraux qui se trouvent sous nos pieds.

Vous avez des panneaux solaires sur votre toit ? Eh bien, ils sont également fabriqués à partir de minéraux. Certains d'entre eux sont si rares, comme l'indium ou le gallium, que la production mondiale devrait être multipliée par plusieurs centaines pour construire des panneaux solaires en quantité suffisante afin d'"arrêter" le changement climatique. Même le bois s'est révélé être un matériau de construction non durable. Depuis des siècles, l'humanité abat les forêts anciennes à un rythme toujours plus soutenu, signe évident que les nouvelles forêts sont loin de suffire à satisfaire la demande. Et tandis que le bois est transformé en meubles et en logements, les minéraux aspirés du sol par les arbres restent piégés en eux et sont empoisonnés par la peinture et les pesticides. En d'autres termes, ils ne sont jamais autorisés à retourner dans le sol d'où ils proviennent, laissant derrière eux des terres épuisées, impropres à l'agriculture après quelques cycles de récolte. (Au fait, il en va de même pour la production alimentaire).

Les minéraux sont omniprésents dans l'environnement créé par l'homme, mais notre corps n'en contient (et n'en a besoin) que de toutes petites quantités - pour une bonne raison. Les métaux (et l'énergie fossile que nous utilisons pour les extraire et les transformer) se trouvent dans des réserves finies, où ils s'accumulent depuis des centaines de millions d'années. Aujourd'hui, nous les brûlons et les exploitons à un rythme exponentiel - plusieurs millions de fois plus vite qu'ils ne s'accumulent. Une fois que nous avons épuisé les gisements riches et faciles d'accès, il ne reste que la lie : il faut toujours plus d'énergie chaque année pour obtenir la tonne suivante. Cette situation est par définition non durable.

    Les êtres durables sont faits de matériaux abondants. Le corps humain est composé à 99 % de six éléments seulement : oxygène, hydrogène, azote, carbone, calcium et phosphore.

Notre corps, les plantes que nous mangeons et les animaux qui nous entourent ne contiennent pas de câbles en cuivre ni de batteries au lithium-ion et ne sont pas alimentés en huile minérale. Ils n'ont pas non plus besoin de cathodes spéciales pour générer de l'hydrogène, puis de piles à combustible en platine pour l'utiliser, et ce pour une très bonne raison.

Si la vie elle-même était fondée sur des éléments aussi rares, elle serait passée de mode il y a longtemps. Il faut rappeler à ceux qui pensent qu'il suffit de recycler qu'aucun processus de recyclage ne peut être parfait à 100 %. Aucun. Pas même dans la nature. C'est pourquoi le carbone a continué à s'accumuler sous terre sous forme de charbon, de pétrole et de gaz naturel. Parmi les billions d'organismes qui ont vécu et sont morts sur cette planète, certains sont tombés dans des endroits où le recyclage complet n'était pas possible et leurs corps et cellules se sont retrouvés piégés sous des kilomètres de roche. C'est pourquoi les niveaux de CO2 n'ont cessé de baisser au fil des millions d'années, jusqu'à ce qu'une grande éruption volcanique survienne ou qu'une bande de singes se remette à brûler du carbone ancien.

Le processus de recyclage du carbone n'est pas étanche et piège le carbone dans le sous-sol. (Bien que cela puisse sembler être une grâce salvatrice pour le climat, ce processus est loin d'être assez rapide pour suivre le rythme de notre charge polluante). Ce processus n'est absolument pas différent de tout autre processus humain. En fait, nous perdons de l'énergie et des matériaux à un niveau bien plus élevé.

De nombreux matériaux dont nous dépendons, comme le béton par exemple, ne sont même pas du tout recyclables, et même si nous étions capables de recycler rigoureusement les métaux et tous les matériaux que nous utilisons aujourd'hui, il y aurait toujours une toute petite fraction que nous perdrions à cause de l'usure, de l'oxydation, de l'abrasion et ainsi de suite. En d'autres termes, même en atteignant un niveau de recyclage de 99 % (c'est-à-dire en ne perdant que 1 % de notre stock de matériaux accumulés chaque année, ce qui est tout simplement techniquement irréalisable et irréaliste), nous épuiserions toujours notre stock existant en un siècle à peine.

La civilisation de haute technologie reste donc fondée sur la transformation de réserves minérales finies du sous-sol en énergie et en matériaux de construction - pour les mettre au rebut plus tard et polluer l'environnement tout au long de leur cycle de vie. Il ne peut en être autrement : il n'y a pas d'utilisation de la technologie sans exploitation de la terre, sans pollution et sans mise à la décharge. La civilisation technologique est une voie à sens unique avec un début et, vous l'avez deviné, une fin définitive (1).
Cela ne veut pas dire que nous allons manquer de tout d'un seul coup demain, ou dans un avenir proche. Au contraire, nous connaîtrons un pic d'approvisionnement, au-delà duquel la production annuelle commencera à diminuer année après année. En raison des innombrables variables impliquées dans l'extraction des ressources naturelles (législation, demande réelle, prix), il peut bien sûr y avoir des années meilleures ou pires. Il est même possible d'atteindre un plateau de production, où les quantités annuelles ne changent pas. Du moins pendant un certain temps. Cependant, comme nous parlons de réserves finies, il est mathématiquement impossible de maintenir des niveaux de production stables pendant longtemps.

    Une économie stable n'est pas possible sur la base de stocks de matériaux finis et d'un processus de recyclage défaillant. Ce qui monte, doit aussi redescendre.

C'est exactement sur cette pente descendante de la production de ressources que l'humanité sera confrontée au plus dur des défis. Faute de minéraux (métaux, sable, soufre, potassium, etc.) en quantités suffisantes (c'est-à-dire ce qui était disponible l'année dernière) et d'un climat stable correspondant, l'humanité aura de plus en plus de mal à maintenir une civilisation de haute technologie et une agriculture industrielle.

À mesure que l'offre diminuera sous la pression incessante de la demande énergétique croissante de l'exploitation minière, la demande diminuera également. Non pas parce que les gens ne voudraient pas utiliser des matériaux de haute technologie, mais simplement parce qu'ils ne pourront pas se les offrir. Lorsque la pénurie frappe, les prix augmentent, puis la demande est détruite en quelques mois ou années. Les prix baissent en conséquence, ce qui empêche les investissements dans des opérations minières et de forage toujours plus complexes (eau profonde...). En l'absence de projets de remplacement adéquats pour remplacer les anciennes mines et les anciens puits en voie d'épuisement, un nouveau goulet d'étranglement de l'offre apparaît, et les prix augmentent à nouveau, tuant un autre groupe d'entreprises et de ménages en même temps que les prix élevés et tout espoir de remplacer les mines nouvellement épuisées. On rince et on répète, jusqu'à ce que nous touchions le fond dans quelques décennies, un siècle tout au plus.

D'ici là, il ne restera que de petites poches (plus proches des pôles) où la technologie et l'agriculture mécanisée seront encore disponibles. L'effondrement éventuel des chaînes d'approvisionnement mondiales garantira toutefois qu'à un moment donné, il n'y aura plus de pièces de rechange pour les machines et les appareils électroniques cassés, et que même ces havres de paix technologiques seront abandonnés.

La technologie actuelle est si complexe qu'il suffit de quelques composants vitaux pour la rendre inutile. Dans un monde aux prises avec des ressources rares, une crise énergétique permanente, des inondations côtières, des vagues de chaleur et des sécheresses, les gens seront contraints de revenir à des technologies inédites depuis des siècles. Si je devais résumer en quelques mots ce à quoi ressemblera la technologie des prochaines décennies, je n'utiliserais pas des termes magiques comme "IA" ou "Industrie 4.0". Non, l'avenir sera de plus en plus low-tech. Approprié. Dé-automatisé. Manuel. Radicalement utile. Pourquoi ne pas commencer aujourd'hui... ?

La perte des fondements - ressources bon marché et climat stable - de notre civilisation de haute technologie est un lent accident de train, pas un événement soudain de changement de monde. Ce processus est en cours depuis au moins un demi-siècle, mais il a jusqu'à présent été masqué par des moyens financiers (crédits et prêts) et une mondialisation agressive (prise de contrôle des ressources d'autres nations). Le rythme des prélèvements s'accélère cependant et il entamera la chair des nations riches plus tôt que beaucoup n'osent l'espérer.

Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas été avertis. La logique a informé nombre de nos grands penseurs que c'est ce à quoi nous pouvons nous attendre (les travaux de Nicholas Georgescu-Roegen ou d'Herman Daly viennent à l'esprit ici). La célèbre étude Limits to Growth est également arrivée à la même conclusion. Il y a cinquante ans. On a tenté de nier leurs conclusions, mais elles se sont avérées plutôt exactes. L'étude n'a fait aucune prédiction, mais a présenté plusieurs scénarios différents. À l'époque - du moins en théorie - nous pouvions encore être durables, si nous étions parvenus à diviser par deux notre taux de consommation. Je répète : le diviser par deux, par rapport aux niveaux des années 1970( !). Non, nous avons continué à le faire croître, quadruplant effectivement notre utilisation des ressources au lieu de la réduire.

    Les résultats parlent d'eux-mêmes. Le business habituel a gagné, haut la main.

Comment cela nous renseigne-t-il sur les récents événements géopolitiques ? Bien qu'on n'en parle pas publiquement, il est facile de voir comment l'épuisement des ressources bon marché alimente de nombreuses guerres et révoltes dans notre monde. Prenons par exemple le cas du cuivre au Pérou et au Chili. Comme nous l'avons vu, en raison de l'épuisement des ressources, l'exploitation minière nécessite des quantités toujours plus importantes d'énergie sous forme d'électricité et de carburant diesel. Cette hausse incessante des dépenses énergétiques a érodé les bénéfices, et les augmentations sans précédent du coût de l'énergie ces dernières années n'ont fait qu'aggraver la situation. Rappelez-vous : il ne s'agit pas d'une augmentation ponctuelle des coûts énergétiques (en kW et pas seulement en dollars), mais d'un glissement de terrain : plus la qualité du cuivre sortant de la mine diminue, plus les besoins énergétiques pour le traiter augmentent. Sans relâche.

Ainsi, à mesure que les revenus de l'exploitation minière diminuent (tant pour l'État que pour la classe ouvrière), nous assistons à des soulèvements populaires de plus en plus nombreux - et à une contre-réaction de plus en plus puissante de l'élite dirigeante du monde. Pas étonnant, il faut beaucoup de cuivre et de lithium bon marché pour mener une révolution verte et construire toutes ces Tesla... Et quelle est la réponse des oligarques ?

    "Nous ferons le coup d'État de qui nous voulons ! Faites avec." - Elon Musk

Cela peut être vu actuellement comme du "nationalisme des ressources" et de l'impérialisme par d'autres moyens, mais il y a plus que cela. Sachant à quel point nous sommes proches de frapper des limites de ressources dures puis de décliner (des années ? une décennie ou deux ?) la compétition de grande puissance entre les États-Unis et la Chine prend un nouveau sens. Les deux pays ont besoin d'une tonne de ressources bon marché pour faire tourner leur économie et permettre à leur population de consommer allègrement comme s'il n'y avait pas de lendemain. Mais comme ces deux pays connaissent toujours une croissance exponentielle, il n'y aura bientôt plus de place pour deux économies aussi importantes sur notre planète finie. S'attendre à une croissance infinie de la consommation des ressources est insensé et conduira à un crash d'une manière ou d'une autre. Il en va de même pour la tentative de contraindre d'autres nations.

Réduire l'impérialisme et, en fin de compte, l'utilisation des ressources en se concentrant sur les communautés locales, en renforçant la résilience chez soi et en adoptant des pratiques agricoles plus durables, pourrait nous aider à éviter cette situation. Mais ce n'est pas vers cela que nous nous dirigeons. Les tambours de la guerre sont battus de plus en plus fort, et éviter une guerre chaude dans le Pacifique semble de plus en plus improbable. Il semble que nous soyons coincés dans une civilisation défaillante qui se dirige vers un crash.

Sur le long terme, cependant, il importe peu de savoir qui gagnera la troisième guerre mondiale. La civilisation occidentale est peut-être plus loin sur la voie du déclin et pourrait perdre le choc des titans à venir (nous y reviendrons dans un prochain article), mais ce qui arrive aux puissances occidentales est aussi ce qui attend les autres. La pression croissante exercée par les défis environnementaux et l'épuisement des ressources (entraînant un lent déclin de la quantité de minéraux et de nourriture produite) accélérera ce processus et rendra très improbable la survie des États-nations actuels au siècle prochain.

Jusqu'à la prochaine fois,

B

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

 

Au revoir, 2022

Une autre année s'est écoulée (presque), et pourtant le monde ne s'est pas effondré. Nous avons frôlé l'annihilation nucléaire - probablement plus près que nous ne l'avons jamais fait - et pourtant nous sommes toujours là. Le long déclin de notre civilisation de haute technologie en général, et de l'empire occidental en particulier, fonctionne sur des échelles de temps différentes de celles des années. La chute d'une civilisation produit de sérieuses bosses sur la route (dont certaines sont brutales et terribles), mais pour la plupart des gens qui la vivent, elle ressemble plutôt à une longue ligne de tendance orientée vers le bas pendant plusieurs décennies. Examinons pourquoi nous nous retrouvons toujours dans ce processus, et comment il pourrait continuer à se dérouler dans notre cas.

Afin de mieux comprendre ce à quoi nous sommes confrontés en cette nouvelle année, nous devons sortir notre objectif ultra grand angle et voir comment 2022 s'inscrit dans le grand schéma des choses. Il est vrai que nous vivons une époque remarquable, marquée par de grands changements et une grande imprévisibilité. Cette fois-ci, cependant, c'est un peu différent des cas précédents de déclin et de chute. Nous sommes à un tournant de la civilisation humaine, un tournant qui ne peut être compris que dans une perspective véritablement historique et systémique.

Notre civilisation moderne et planétaire est un système complexe avec d'innombrables boucles de rétroaction positives et négatives. Une multitude de facteurs, de processus et de groupes de personnes influentes sont en concurrence les uns avec les autres, produisant un équilibre dynamique. Dans un monde relativement stable et doté de ressources abondantes, de tels systèmes d'êtres humains produisent des résultats, une croissance et une prospérité remarquables. Les facteurs qui servent de base à cette croissance et que nous tenions pour acquis ont toutefois commencé à se déplacer sous l'immense pression de nos activités industrielles. Le climat s'est détérioré de manière accélérée par rapport à sa moyenne décennale. Les ressources, que nous pensions inépuisables, sont devenues de plus en plus difficiles à obtenir. Le sable. L'eau douce. Les combustibles fossiles. Minerais métalliques. Tous ces éléments.


Qu'on le veuille ou non, sans ces quatre intrants, la civilisation industrielle est grillée. Pas de sable ? Pas de béton. Pas d'eau douce ? Pas d'agriculture dans de nombreux endroits. Pas de combustibles fossiles ? Pas d'engrais. Pas d'extraction de métaux. Pas de fonte. Pas de construction. Pas de routes. Pas de plastique. Pas d'agriculture à l'échelle industrielle. Pas de transport à longue distance : pas de camions, pas de gros cargos. Pas d'énergies renouvelables. Pas de fusion. Pas de surplus d'énergie. Rien du tout. Tous ceux d'entre vous qui ont eu la chance, en 2022, de profiter des avantages de ces choses devraient être reconnaissants de leur bonne fortune. Vous avez assisté à l'apogée de la civilisation humaine, entièrement alimentée par les combustibles fossiles.

 

La mauvaise nouvelle : une fois brûlés, le charbon, le pétrole et le gaz naturel mettront des milliers d'années à être à nouveau capturés par des plantes et des algues, puis des millions d'années supplémentaires à couler au fond d'une mer peu profonde et à être à nouveau transformés en combustibles fossiles. Pendant ce temps, ils continueront à réchauffer la planète, jusqu'à ce que toutes les glaces polaires fondent et que le niveau des mers monte de 70 mètres (environ 230 pieds), redessinant le paysage dans les siècles et millénaires à venir. Si vous n'êtes pas affecté par ce phénomène et les nombreux autres effets secondaires de la pollution, alors votre chance est vraiment à l'échelle planétaire.

Si nous ne pensons pas en ces termes, nous ne serons jamais en mesure de comprendre ce qui nous arrive ici et maintenant. Nous vivons des économies d'une époque révolue, de la lumière du soleil et du CO2 captés par la photosynthèse, d'anciennes éruptions volcaniques laissant derrière elles de riches dépôts de cuivre, de la tectonique des plaques déterrant des minerais et des minéraux précieux. Alors que la croûte terrestre contient de vastes quantités de métaux et de minéraux dont nous avons besoin, la partie qui nous est accessible (près de la surface et en concentration adéquate) est consommée par l'humanité à une vitesse fulgurante. Cette civilisation vit de cet héritage minéral unique, dont la partie accessible est appelée à être consommée presque entièrement au cours des prochaines décennies.

    Il s'agit d'un pic. Peut-être le seul et unique pour notre espèce : aucune génération future ne sera en mesure de brûler et de consommer autant. La matière à brûler et à consommer ne sera tout simplement plus là.

Après des siècles de croissance, il semble que nous ayons atteint un plateau cahoteux dans les années 2010 en matière d'extraction de la générosité de la Terre. Pour continuer à remplacer nos systèmes énergétiques basés sur les combustibles fossiles, et encore moins pour continuer à les faire croître, nous devrions extraire, fondre et produire autant de métaux dans les prochaines décennies que nous en avons extrait au cours des dix derniers millénaires - le dernier siècle de croissance et de consommation exubérantes inclus. C'est manifestement impossible, car les réserves de pétrole - qui alimentent encore toute notre machinerie lourde - ne durent que 53 ans (1) au rythme actuel d'extraction. (Oui, nous avons besoin de pétrole pour nous électrifier... et nous n'avons toujours pas de moyen éprouvé de produire des "énergies renouvelables" avec de l'électricité "renouvelable" uniquement. Quelle belle énigme).

La croissance à ce stade est tout simplement insoutenable, et deviendra lentement impossible. Comme le dit le dicton en écologie : ce qui n'est pas durable ne peut pas être soutenu. Un taux d'extraction toujours plus élevé (à la fois des ressources minérales et naturelles de la Terre) en fait clairement partie. Avec le déclin inévitable de l'exploitation minière (après l'épuisement du pétrole abondant et bon marché et des endroits propices à l'extraction de minerais métalliques), nous ne pouvons pas espérer utiliser ces ressources au rythme actuel, mais toutes les "solutions" exagérées reposent sur cette conviction.

Le nœud de notre problème est que nous avons clairement dépassé la capacité de charge de la Terre pour les humains civilisés. Ce niveau d'utilisation de la technologie - quelle que soit la façon dont nous l'alimentons - n'est pas durable. Il ronge les ressources naturelles et minérales mille fois, voire un million de fois, plus vite qu'elles ne se reconstituent. Pourtant, nous avons réussi à nous bercer de l'illusion qu'il n'y a pas de limites à nos ambitions, qu'il s'agisse d'énergie renouvelable ou de fusion nucléaire. Nous avons complètement oublié la quantité de matériaux non renouvelables nécessaires pour être intégrés - et finalement consommés - par ces technologies complexes.

En fin de compte, nous sommes devenus complètement aveugles à la biosphère qui ne cesse de rétrécir et que nous transformerions en puits d'extraction, en bassins de résidus acides et en décharges où nous pourrions enterrer les millions de pales d'éoliennes usagées, les panneaux solaires écrasés qui fuient les déchets toxiques, les barres de combustible d'uranium usagées et les innombrables gadgets électroniques que nous alimentions avec ces sources d'énergie "durables" (2).

La tragédie de la civilisation humaine, pas seulement de celle-ci, mais de pratiquement toutes, est que lorsque nous réalisons à quel point les choses vont mal, il est bien trop tard pour faire des ajustements significatifs. Peut-être aurions-nous pu inverser la tendance dans les années 1970, en revenant à une vie beaucoup plus simple, mais nous n'avons pas tenu compte des avertissements. Un demi-siècle plus tard, l'année 2023 se déroule sur cette toile de fond, dans laquelle un effondrement lent et progressif - parfaitement normal dans les civilisations en phase terminale d'ailleurs - continuera à éroder la résilience des personnes et des pays.

Concentrez-vous sur les bonnes choses de la vie et soyez-en immensément reconnaissants. Ne considérez rien comme acquis et soyez prêt à laisser partir ce qui ne peut être maintenu. Soyez stoïque. Essayez d'être bon envers les autres.

Enfin, comme Erik Micheals ne cesse de le conseiller : Vivez maintenant.

Au revoir, 2022.

B

Notes :

(1) Cela ne veut pas dire qu'il est possible de maintenir le taux de production de pétrole actuel jusqu'à la dernière goutte. Les champs se videront à leur propre rythme, certains plus tôt, d'autres plus tard, jusqu'à ce que, dans 45 ans, seule une infime partie d'entre eux soit encore en activité. Entre-temps, nous assisterons à un déclin constant de la production, imputé à tout et à tous, sauf à la véritable raison : l'épuisement.

(2) Le recyclage consomme encore plus d'énergie et coûte beaucoup plus cher que la production à partir de nouvelles matières premières. Dans de nombreux cas, il n'est même pas possible : si l'on peut débarrasser un panneau solaire de son cadre métallique et de son électronique, par exemple, la tranche de silicium, dopée avec des métaux rares comme le gallium et l'arsenic (un déchet toxique) ne peut tout simplement pas être transformée en nouveaux panneaux. Elle sera broyée et vendue avec le verre qui la recouvre. Au mieux, cela rongera lentement et épuisera ces métaux rares (et le silicium de haute pureté), au pire, ces minéraux autrefois dignes d'intérêt s'infiltreront dans les eaux souterraines et les contamineront pour les siècles à venir.

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Quel effondrement ?

 

Ces derniers temps, j'ai beaucoup réfléchi à la manière dont la civilisation industrielle moderne allait s'effondrer. (Le terme "effondrement" évoque bien sûr la peur et l'anxiété chez la plupart des gens, car il implique un événement soudain, irréversible, véritablement catastrophique, aux proportions épiques. Un jour vraiment mauvais, toute la merde se déchaîne et soudain - puff ! - tout part en fumée. (Remarquez, cela peut arriver : c'est ce qu'on appelle une guerre nucléaire, dont la probabilité augmente si les belligérants insistent pour poursuivre l'escalade - en se mettant des bombes nucléaires sous le nez - au lieu d'engager des pourparlers de paix). Si nous parvenons à éviter cette issue plutôt fâcheuse, l'effondrement, selon moi, se déroulera à un rythme beaucoup plus lent et ne sera visible que rétrospectivement.

Cependant, avant de nous plonger dans ce que l'avenir nous réserve, nous devons comprendre qu'il existe plusieurs types - niveaux si vous préférez - d'effondrement. Tous partagent la caractéristique de se produire sous la surface pendant des années et des décennies, pour refaire surface sous la forme d'une crise, qui défie alors toutes les méthodes de résolution et met définitivement fin à l'ancien statu quo.

Vous pouvez trouver une description détaillée des différentes étapes menant à l'effondrement social dans la liste de Dmitry Orlov, basée sur son expérience de la vie pendant l'effondrement de l'Union soviétique. Mon objectif n'était toutefois pas de reproduire ici ses conclusions, mais d'offrir une perspective différente. Les étapes d'Orlov, pour moi du moins, ressemblent à des phases distinctes dans chacune desquelles l'effondrement d'une certaine structure (financière, commerciale, politique, sociale et enfin culturelle) est déjà achevé. Mais ce qui me fascine vraiment, c'est la façon dont nous y parvenons et comment les choses peuvent se dérouler en cours de route. S'agit-il vraiment d'une succession rapide d'événements, l'un menant à l'autre, ou plutôt de quelque chose de plus éphémère, qui prend lentement de l'élan puis fait irruption à la surface - pour disparaître aussi vite qu'il est apparu ?

Dans mon esprit, il n'y a pas de hiérarchie stricte dans le processus de démantèlement : un pays ou une région peut sauter des phases, tandis qu'un autre peut vaciller entre elles avant de passer à autre chose. Il y a également de fortes chances qu'un pays survive à un effondrement (partiel), puis connaisse une période de reprise (voire de croissance), avant de reprendre sa lente progression lorsque les ressources s'épuisent à nouveau. Les systèmes complexes tels que nos sociétés sont très adaptatifs et trouvent des moyens "créatifs" de contourner les problèmes, mais ils ne peuvent éviter l'inévitable.

Politique

Si l'on regarde ce qui s'est passé en Grande-Bretagne, on a aujourd'hui une bonne idée de ce à quoi ressemble un effondrement politique en cours de réalisation. Dans ce cas particulier, l'élite financière a décidé de couper le premier ministre le plus éphémère d'un empire autrefois fier, peu après que la position du précédent soit devenue intenable.

Tout ce processus montre à quel point l'électeur moyen n'a pas eu son mot à dire dans tout cela, dans un système qui - en théorie du moins - est toujours une démocratie veillant au bien-être de ses électeurs. Si vous avez encore l'espoir que le nouveau titulaire de Dawning Street servira au mieux les intérêts des électeurs, détrompez-vous.

La véritable tragédie de la perte de la démocratie s'est déjà produite il y a longtemps ; ce que nous voyons aujourd'hui n'est rien d'autre qu'une comédie tragique. Une farce, jouée par des hommes de paille décoratifs pour un public délibérément abruti. Dans les coulisses, on assiste à une guerre des castes classique, apparemment menée entre divers groupes d'élite, mais en réalité menée aux dépens des castes inférieures (c'est-à-dire contre les 99% de la population) afin de maintenir les chiens de tête à flot un peu plus longtemps. Pourtant, à chaque fois que la prochaine élection est prévue, les gens continuent à se présenter devant les urnes en espérant que cette fois-ci, ce sera différent.

Alerte spoiler ! Ce ne sera pas le cas. Celui qui prendra le volant la prochaine fois continuera à servir docilement les intérêts des élites financières et économiques mondialistes, tout en n'offrant rien de plus qu'une austérité accrue au peuple... Depuis longtemps, les électeurs ne choisissent qu'entre des candidats présélectionnés, soigneusement passés au crible d'un processus de sélection visant à empêcher quiconque ayant la moindre chance de perturber le statu quo de se rapprocher du pouvoir. Si quelqu'un parvient à le faire, il ou elle sera éliminé(e) tôt ou tard, confronté(e) à toutes sortes d'enquêtes judiciaires.

La seule différence autorisée à subsister entre les candidats proposés est la rhétorique - dans un sens plutôt édulcoré. Dans ce système, la distinction entre les récits se résume à savoir si l'un d'entre eux proclame haut et fort qu'il sert l'élite mondialiste ou s'il cache ses intentions derrière un écran de fumée nationaliste. La seule question géopolitique que l'on peut se poser est de savoir s'il faut harceler les puissances eurasiennes depuis l'ouest ou depuis l'est. Ou bien était-ce l'inverse, et ils nous harcelaient... ? Qui s'en souvient ? Quoi qu'il en soit, une chose reste certaine :

    "L'Océanie était en guerre contre l'Eurasie : l'Océanie avait donc toujours été en guerre contre l'Eurasie."

    - George Orwell

Mais cet état n'est pas permanent. Il n'y a pas d'équilibre stable et durable dans un système aussi dynamique. Toute cette dystopie orwellienne se déroule sur fond d'épuisement des ressources, et avec elles, l'espoir rapidement évanoui pour les puissances occidentales de préserver leur domination - tant sur le plan économique que militaire. Il se trouve que les nations les plus développées et les plus industrialisées de la planète sont celles qui ont épuisé en premier leurs ressources bon marché et qui sont désormais totalement dépendantes du reste du monde pour répondre à leurs besoins.

C'est un fait moins connu, mais l'Union soviétique est tombée quelques années seulement après avoir connu son propre pic de production de pétrole. Cependant, étant exclus de la mondialisation, ils ont été immédiatement confrontés à leurs limites de croissance. Ils se sont rapidement retrouvés face à un défi civilisationnel auquel leurs systèmes inadéquats ne pouvaient faire face. Pourtant, les personnes vivant ce tournant de l'histoire ne pouvaient tout simplement pas imaginer que leur pays pourrait littéralement s'effondrer en quelques années à peine, malgré tous les vecteurs pointant dans cette direction.

Est-il donc possible que l'Occident soit confronté à son propre défi civilisationnel en ce moment même ? L'épuisement de leurs ressources bon marché et leur incapacité à maintenir l'hégémonie mondiale peuvent-ils conduire à leur effondrement politique ? Je ne dis pas que le Royaume-Uni, l'Union européenne ou les États-Unis vont s'effondrer demain, mais à mon avis, toutes ces entités sont sur la voie de l'éclatement. C'est un processus fastidieux, qui se prépare depuis longtemps déjà, mais qui est nié par tous les participants jusqu'au tout dernier moment.

Puis, "tout d'un coup", cela se produit.

Économie

La politique économique est issue de la politique - c'est du moins ce qu'on nous dit. Comme nous l'avons vu dans le cas ci-dessus, avec la mort de la démocratie, ce n'est plus le cas, si cela l'a jamais été.

Ce que nous voyons aujourd'hui dans le "monde libre" (où les gens sont "libres" de penser ce qu'ils sont autorisés à penser), c'est que les entreprises écrivent les lois, bénéficient de réductions d'impôts et de commandes importantes de la part du gouvernement, et que les castes inférieures sont contraintes d'accepter l'austérité, la hausse des taux d'intérêt sur leurs prêts, et des factures d'énergie et d'épicerie toujours plus élevées - sans parler des coûts des soins de santé ou de l'éducation. Pendant ce temps, la population est libre de choisir le candidat qu'elle souhaite haïr ou aimer le plus, tandis que leurs manipulateurs (ahem, "donateurs") rient jusqu'à la banque - car tous les gladiateurs de l'arène politique font avancer leurs intérêts, dans un sens ou dans l'autre.

Si l'économie est effectivement en aval de la politique, alors l'effondrement économique en cours est en fin de compte le résultat de l'imagination défaillante de la caste dirigeante, qui se manifeste dans une culture bâclée remplie d'utopies, de pensée magique et d'un mépris total de la réalité physique.

La vie n'est pourtant pas une science-fiction filmée à Hollywood. Il n'y a pas de méchants, ni de civilisations fonctionnant sur une sorte de source d'énergie infinie, ni de planètes attendant d'être colonisées. Nos élites n'ont pas osé / voulu / aimé imaginer un avenir de limites et de modestie, au lieu de quoi elles ont franchi toutes les barrières et tous les signaux d'alarme sans se briser.

Nous vivons un moment à la Thelma et Louise : du haut de la falaise, dans les airs. La plupart d'entre nous ont commencé à avoir une sensation d'enfoncement dans l'estomac lorsque la gravité nous tire vers le bas, mais nous croyons qu'un éventuel atterrissage brutal peut être évité, et que le bouleversement progressif de nos modes de vie confortables est encore évitable.

La plupart des Occidentaux sont encore incapables d'imaginer que le bon vieux temps est désormais révolu et que les difficultés nous attendent. Cependant, le fait que nous soyons en situation de surproduction et que nous dépendions totalement de combustibles fossiles autrefois bon marché (ce qui entraîne l'épuisement des ressources et le changement climatique) ne disparaîtra pas simplement parce qu'une grande partie de nos sociétés choisit de ne pas y prêter attention.

Ce à quoi nous assistons ces dernières années, c'est à la fin de la croissance, aussi peu rentable qu'elle ait été au cours des quatre ou cinq dernières décennies. Tous ces chiffres magiques représentant le PIB et la croissance ont été gonflés artificiellement avec une explosion exponentielle de la dette depuis les années 1980, cachant le fait qu'il existe toujours un lien univoque entre la croissance économique réelle et l'expansion de nos flux énergétiques. Maintenant que cette dernière est, comme on pouvait s'y attendre, terminée (et effectivement auto-terminée pour l'Europe), il n'est pas du tout difficile de comprendre ce qui va arriver à la première.

Nous sommes témoins d'un accident de train au ralenti. Comme les flux d'énergie diminuent plus rapidement dans une région et plus lentement dans d'autres (où les exportations sont encore possibles et en fait assez rentables), nous verrons de plus en plus les anciennes superpuissances et les anciens empires se précipiter pour remplacer leurs ressources épuisées par des fournitures provenant de régions qui ont encore quelque chose à brûler.

Maintenant que les États d'Afrique et d'Eurasie, riches en ressources, ont montré la bride aux puissances occidentales, la rivalité et les luttes intestines entre les anciens alliés de l'Occident vont s'intensifier, de même que les inégalités au sein de leurs sociétés, car la pompe à richesse se transforme en une véritable machine à aspirer. La croissance doit survivre, même si elle est superficielle et limitée à une élite de plus en plus réduite.

L'effondrement politique et l'effondrement économique vont de pair, jusqu'à ce qu'ils deviennent complètement incontrôlables dans une autre boucle de rétroaction auto-renforcée. Plus la population générale s'appauvrit en raison de la hausse des coûts et de l'incapacité des salaires et des pensions à suivre l'inflation, moins elle sera en mesure d'acheter de produits et de services.

Moins de produits signifie moins de revenus pour les entreprises et moins de recettes fiscales après leurs ventes. Les entreprises feront alors tout ce qui est en leur pouvoir pour récupérer le plus possible sur les salaires, économiser sur la qualité des produits ou délocaliser la production vers des endroits où il est moins cher de faire des affaires - sans avoir à réfléchir à la possibilité de ruiner leur clientèle dans le processus. Il en résulterait bien sûr des licenciements, et ceux qui pourraient conserver leur emploi seraient contraints d'accepter des salaires toujours plus bas (en valeur d'achat réelle).

Rincer et répéter.

La nationalisation des principaux actifs industriels et énergétiques restera hors de question, par peur du communisme en apparence, mais en réalité motivée par la perte des dernières sources de revenus de l'élite riche.

L'effondrement économique touchera d'abord les économies les plus faibles et les plus dépendantes des importations, entraînant la perte de valeur de la monnaie locale, puis une crise de la dette souveraine. Le Sri Lanka est la pièce à conviction A de ce processus, qui sera suivi de près par le Royaume-Uni et l'Union européenne. À la fin, lorsque le pays est littéralement à genoux, la cavalerie du FMI est autorisée à entrer fièrement dans le pays, à sélectionner des actifs et à les transférer à leurs gestionnaires à des prix dérisoires.

Si cela vous semble prédateur, voire cannibale, alors bienvenue dans l'effondrement catabolique. Un processus par étapes, où les ressources sont libérées par des crises "plus petites et locales", qui conduisent les anciens propriétaires à la faillite, avant d'être absorbées par des forces plus importantes qui leur permettent de retrouver au moins un semblant de croissance. Bien que cela puisse sembler diabolique, voire conspirationniste, c'est parfaitement ce que fait un grand système inconscient lorsqu'il manque d'énergie - ce n'est pas tout à fait différent d'un grand animal qui meurt de faim - il mange ses propres muscles puis arrête ses organes un par un.

La mort est un chemin, pas un état final. Il y a des périodes fastes, où le repas est parfois gratuit, mais il y a de plus en plus de périodes difficiles où tout semble s'écrouler. Quel effet cela aura-t-il sur les sociétés au fur et à mesure de son déroulement ? À quoi pouvons-nous nous attendre ? Ce sera le sujet d'un prochain billet.

En attendant la prochaine fois,

B

 

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Eau. Aliments. Énergie.

 

À moins que vous n'ayez passé l'été dernier sous un rocher sur une île lointaine, vous avez probablement entendu parler des graves sécheresses qui frappent l'Asie, l'Europe et les États-Unis. Des rivières qui se transforment en simples ruisseaux. Des récoltes qui souffrent ou donnent moins de la moitié de leurs rendements habituels. Des centrales électriques qui s'arrêtent par manque de refroidissement ou de carburant. Le côté moins connu de l'histoire est que nous nous sommes surtout infligés cette situation à nous-mêmes.

La sécheresse est une fatalité pour les civilisations. Quelques années, sans parler de décennies de sécheresse persistante, ont mis à genoux de nombreuses civilisations. L'Empire Akkadien. Les Mayas. La dynastie Tang... Le manque d'eau a forcé les populations du passé à quitter leurs villages ou à mourir en essayant de gagner leur vie là où les cultures ne poussaient plus.

Notre version actuelle de la civilisation agricole n'est pas différente à cet égard non plus. Nous dépendons fortement de l'agriculture pour produire de la nourriture, qui à son tour dépend fortement des modèles de précipitations prévisibles et d'un sol riche en nutriments pour faire pousser les cultures. La seule raison pour laquelle nous sommes si nombreux sur la planète à l'heure actuelle est que nous avons réussi à briser - ou du moins à affaiblir - ce lien entre la terre, la nourriture et l'eau, ainsi que le lien entre les lieux où les aliments sont cultivés et ceux où ils sont consommés. Du moins, pour un certain temps.

L'ingrédient magique - bien sûr - était l'énergie, et dans le cas de notre civilisation actuelle, cela signifiait : les combustibles fossiles. L'énergie est l'économie, mais pas seulement : l'énergie est l'agriculture. Il existe un lien complexe et inséparable entre la nourriture, l'eau et l'énergie.

Nous avons utilisé le pouvoir de créatures mortes depuis longtemps pour créer des engrais (qui sont les seuls responsables du maintien en vie d'au moins 4 milliards d'entre nous grâce à des rendements artificiellement augmentés) et pour pomper l'eau à une échelle inimaginable auparavant. Alors que nos ancêtres ne pouvaient que détourner l'eau des rivières par des canaux, avec l'aide occasionnelle de moulins à vent et en creusant beaucoup, nous utilisons maintenant de vastes réseaux de pompes pour extraire l'eau de toutes les sources. Eaux de surface. Réservoirs souterrains. Même de la mer elle-même, en la dessalant.

   " L'agriculture est le plus grand consommateur de ressources en eau douce du monde, et l'eau est utilisée pour produire la plupart des formes d'énergie. [...] 72 % de tous les prélèvements d'eau sont utilisés par l'agriculture, 16 % par les municipalités pour les ménages et les services, et 12 % par les industries."

- écrit le rapport des Nations unies sur l'eau. Avec l'aide de la vapeur, puis de machines à moteur diesel, nous avons creusé d'immenses réseaux de canaux, revêtus de béton fabriqué en brûlant du charbon. Nous avons construit des barrages avec encore plus de béton, fabriqué en brûlant encore plus de combustibles fossiles, pour retenir de grandes quantités d'eau.

Des tâches qui ne peuvent pas être électrifiées de manière significative, du moins pas à l'échelle requise. Et ces tâches sont loin d'être les seules à partager ce trait... Notre civilisation a besoin d'un flux d'énergie constant et en constante augmentation pour rester en vie. Il n'y a pas d'état stable dans ce modèle.

Nous sommes devenus plus dépendants de l'énergie extérieure à notre corps que jamais dans l'histoire de l'humanité. Il n'y a tout simplement pas d'autre moyen de maintenir 8 milliards d'entre nous en vie, avec un tel nombre d'entre nous habitant de grandes villes. Ces établissements aspirent une immense quantité d'énergie de leur environnement pour maintenir une population anormalement dense, bien nourrie et (relativement) exempte de parasites. Imaginez la vie sans camions transportant de la nourriture depuis des terres lointaines, ou sans pompes acheminant de l'eau fraîche et évacuant les eaux usées 24 heures sur 24, 365 jours par an. Ou la vie sans chauffage et sans climatisation fournis par l'électricité ou le gaz naturel.

Les biens sur lesquels nous parions tous pour continuer à mener un style de vie somptueux et qui nous aident à entretenir de belles images de 10 milliards d'entre nous se mêlant dans des villes vertes et propres, sont également construits à partir de métaux extraits par des excavatrices diesel, fondus dans des usines alimentées au charbon et au gaz, et transportés jusqu'à votre porte par des navires et des camions brûlant du pétrole. Oui, y compris les panneaux solaires brillants, les éoliennes d'un blanc nacré et votre dernière Tesla.

    Nous avons réussi à mettre le destin de toute notre civilisation mondiale entre les mains de plantes et de planctons morts depuis longtemps, transformés en charbon, en pétrole et en gaz. Du carbone qui ne demande qu'à retourner dans l'atmosphère par nos mains pour rétablir les conditions climatiques dans lesquelles ces créatures mortes depuis longtemps prospéraient.

Le pompage de l'eau pour irriguer les cultures est considéré comme le "bien civilisationnel" ultime : transformer les déserts en jardins d'Eden fleuris, en nourrissant gentiment les humbles personnes qui ont rendu cela possible. Pourtant, l'un des effets secondaires moins connus de l'irrigation est la salinisation, c'est-à-dire l'accumulation de sel dans nos sols. Un minéral destiné à l'origine aux mers, transporté là par les rivières depuis les montagnes, se retrouve piégé dans nos terres. C'est une malédiction qui frappe non seulement les civilisations précédentes, mais aussi la nôtre. Plus on arrose les cultures à partir des rivières, plus on met de sel dans le sol qui, lorsqu'il atteint un seuil critique pour les plantes, rend vain l'effort même de cultiver des aliments. Mais cela ne s'arrête pas là : le sel finit par se retrouver dans les réservoirs souterrains et empoisonne l'eau potable. Un véritable piège à progrès - un parmi tant d'autres.

    Une autre difficulté liée à l'arrosage des plantes apparaît lorsqu'on examine le problème du point de vue des réserves souterraines. L'eau, qui a mis des lustres à s'accumuler dans des aquifères comme l'Ogallala sous les grandes plaines, ou celui sous la vallée centrale de Californie, est pompée à une vitesse insoutenable. À un rythme qui non seulement dépasse le taux de réapprovisionnement naturel, mais qui fait également s'effondrer les cavernes utilisées pour contenir l'eau accumulée - rendant leur remplissage éventuel impossible. Si cela vous donne l'impression que nous sommes en train de couper la branche sur laquelle nous et notre avenir reposent, alors vos sentiments ne sont pas entièrement erronés. Un autre piège menace de refermer ses mâchoires sur les croyants du progrès.

À ce stade, il est peut-être inutile de préciser que les combustibles magiques, qui ont rendu possible cette stratégie à courte vue, sont de la même nature limitée. Stockés dans des réserves souterraines, les combustibles fossiles sont tout aussi susceptibles de s'épuiser que n'importe quel réservoir d'eau. Avons-nous donc utilisé cette ressource unique à bon escient ?

Dans notre joie ressentie devant l'abondance de cette ancienne réserve d'énergie, et la quantité d'eau qu'elle rendait accessible, nous nous sommes rapidement débarrassés des zones humides et des forêts qui retenaient des quantités suffisantes d'humidité pour les périodes sèches. Nous avons transformé ces précieux écosystèmes en terres cultivées qui nécessitent désormais d'être arrosées au lieu d'agir comme une réserve tampon ou, dans le cas des forêts, comme un tapis roulant pour la pluie. Pour ajouter l'insulte à l'injure, nous avons également redressé les rivières avec nos machines fumantes, et les avons transformées en voies rapides par lesquelles la fonte printanière et les averses soudaines pouvaient être évacuées aussi rapidement que possible.

  Il me faut faire un effort considérable pour ne pas qualifier cette approche de complètement folle. Nous asséchons effectivement les terres que nous habitons, tant par le haut que par le bas, les salinons à mort, puis nous nous plaignons du manque de pluie - causé ou du moins aggravé par les fumées que nous avons envoyées dans l'air pendant tout le processus. Follement ingénieux.

L'Europe est un cas désespéré plein d'exemples. Ses problèmes d'énergie - qui menacent non seulement son industrie, mais entraînent aussi l'arrêt complet de la production d'engrais - ont été aggravés par la récente sécheresse. Conséquence directe de la mission suicidaire "asséchez vos terres", combinée au changement climatique qui fait fondre les glaciers, le niveau des rivières a atteint un plancher record, ce qui rend le transport du charbon de moins en moins efficace, voire impossible dans certains cas. Les barges ne peuvent pas être chargées à plein, à moins de vouloir rester coincées sur un banc de sable dans les eaux peu profondes. Cette situation a entraîné une pénurie aiguë de ce combustible dans les centrales électriques, réduisant encore la production d'électricité.

Ces installations, outre le combustible, ont toutes besoin d'être refroidies par l'eau. L'eau, qui non seulement coule à des niveaux historiquement bas, mais qui, en raison des vagues de chaleur persistantes, s'est également considérablement réchauffée, rendant le refroidissement moins efficace et le rejet du liquide de refroidissement réchauffé dans les rivières plus mortel que jamais pour les poissons. Mais l'Europe n'est pas la seule concernée. Les niveaux d'eau historiquement bas du lac Mead aux États-Unis ou du Yangtze en Chine ont rendu la production d'électricité beaucoup moins efficace dans ces endroits également. Et avant que vous ne commenciez à placer vos espoirs dans l'énergie solaire : la chaleur réduit également son efficacité de 10 à 25 % en augmentant la résistance électrique interne des panneaux eux-mêmes. (Sans parler des immenses quantités d'eau douce nécessaires au cours du processus d'extraction et de fabrication de ces produits et de nombreux autres produits "verts").

   Il s'agit d'un phénomène mondial causé par notre modèle économique fou alimenté par des combustibles fossiles - que nous sommes tellement occupés à espérer pouvoir électrifier - qui donne la priorité aux rendements à court terme de la nourriture, des humains et de leurs gadgets avant tout. Il n'est donc pas étonnant qu'en conséquence, quatre milliards d'entre nous pourraient vivre dans des régions confrontées à une pénurie d'eau dès 2025. La moitié de la population mondiale - en trois ans.

    Les civilisations sont ainsi faites : elles se créent des difficultés en prétendant résoudre des problèmes mineurs, qui auraient pu être évités en faisant preuve d'un peu de retenue et de bon sens.

Les dommages que nous avons causés à la planète au nom du progrès reviennent nous hanter dans tous les domaines à la fois. L'utilisation des combustibles fossiles a permis aux industries polluantes (y compris l'agriculture à l'échelle industrielle) de se développer bien au-delà de la capacité de la nature à y faire face. Elle a entraîné la disparition des nappes phréatiques, des forêts et des zones humides, ainsi que l'augmentation des températures, ce qui a provoqué des sécheresses et de la pollution, entraînant une baisse des rendements et de la "production" d'énergie. Plus les températures augmentent et plus nous consommons de forêts et de zones humides, plus les sécheresses seront nombreuses - et la nature se moquera bien de savoir si nous avons sacrifié ces écosystèmes pour ouvrir une mine de lithium ou pour faire pousser des cultures destinées à produire des biocarburants.

Mais, comme d'habitude, ce qui n'est pas durable ne le sera tout simplement pas. Nous avons mis en place des boucles de rétroaction négative très intéressantes, qui empêchent la poursuite de l'expansion de l'utilisation de l'énergie et de la production alimentaire - tout cela s'ajoutant aux malheurs que nous devons déjà à l'épuisement des ressources. L'agriculture basée sur l'irrigation et bénéficiant d'un coup de pouce ponctuel des combustibles fossiles sous la forme d'énergie, d'engrais et de produits chimiques va tout simplement vaciller à mesure que les ressources limitées qui la soutiennent s'épuisent et que les conséquences de sécheresses de plus en plus fréquentes se font sentir - que vous arrosiez votre pelouse ou non, que vous preniez des douches plus courtes ou non.

Il s'agit d'un problème systémique qui ne peut être résolu qu'en se débarrassant de l'appât du gain à court terme et en cherchant à réduire la consommation sur tous les fronts, tout en essayant de restaurer les écosystèmes qui ont été perdus dans le processus. Ce n'est pas un domaine dans lequel les grandes sociétés dirigées par une classe dirigeante sénile sont particulièrement douées, mais c'est un concept qui explique pourquoi toutes les civilisations suivent un schéma similaire d'ascension, de prospérité et de chute - et pourquoi la nôtre vient d'entrer dans sa propre phase de déclin terminal (1).

A la prochaine fois,

B

Notes :

(1) À ce stade, tout ce que vous pouvez faire est d'adopter : apprenez à cultiver de la nourriture, à épargner et à retenir l'eau sur votre terre, à protéger les écosystèmes existants de la destruction et à restaurer ce qui a été perdu. Apprenez les compétences que vous jugez nécessaires à une époque où l'agriculture industrielle n'est plus viable et où les systèmes de la civilisation se désintègrent lentement. Notez qu'il s'agit d'un processus terriblement long, précédé par l'accumulation de richesses (et de terres) puis marqué par de brusques effondrements (l'effondrement d'un État par-ci, une crise par-là) - ce qui donne l'impression d'une urgence sans fin. Il est toutefois important de noter qu'il y aura une vie après la fin de cette civilisation et qu'il est donc plus important que jamais d'éviter qu'une guerre mondiale ne vienne aggraver la situation.

Ce post est basé sur l'article d'Oilprice.com intitulé Water And Energy Shortages Are Fueling A Global Food Crisis - un sujet qui, selon moi, méritait un regard plus global que celui présenté ici.

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Incendies, sécheresse : la France gagnée par le sentiment croissant d’aller vers une catastrophe

Les Français, confrontés à une succession de vagues de chaleur, prennent pleinement conscience du péril climatique.

Le réveil est brutal au sortir des deux années Covid qui ont sérieusement éprouvé les organismes et le moral des Français. Nous pensions souffler un peu durant cet été, passer enfin à autre chose.

C’était sans compter, dans un premier temps, sur la guerre déclenchée en Ukraine par Poutine, génératrice de peur et de destructions. Un conflit à effet immédiat sur notre vie quotidienne, de l’explosion des prix des carburants à la disparition des pots de moutarde dans les rayons des supermarchés. La guerre n’est plus une abstraction, loin de nous dans l’espace et dans le temps, mais une réalité qui frappe à nos portes.

Il y a eu ensuite cette vague de chaleur record qui s’est abattue sur le pays. Soudain, les forêts se sont mises à flamber, en Gironde et ailleurs. La sécheresse a vidé nos rivières. Et les épisodes caniculaires n’en finissent plus de rebondir, installant une idée dans tous les esprits, comme une évidence qui s’impose à nous : le dérèglement climatique, c’est maintenant.

Prise de conscience collective

Chaleur extrême et incendies occupent une grande partie des conversations des Français, explique Véronique Reille-Soult, la présidente de Backbone Consulting : témoignages, informations pratiques, et surtout questions et craintes s’expriment sur les réseaux sociaux. Les citoyens sont gagnés par le sentiment croissant d’aller vers une catastrophe. Et plus on est jeune, plus on est angoissé par le péril climatique et l’inaction publique.

Nous sommes face à un phénomène inédit de "crise sans fin", comme l’a identifié Bruno Cautrès dans La Revue Politique, ce sentiment de passer sans discontinuer d’une urgence à l’autre. Selon le politologue-chercheur au Cevipof, les responsables politiques expliquent à chaque fois qu'ils ont anticipé, qu'ils prennent les mesures nécessaires. Mais comme les crises s’enchaînent, c'est un sentiment de confusion et de crainte qui prend le dessus. Nos décideurs peinent à hiérarchiser les réponses et les moyens à mettre en œuvre, car tout flambe à la fois...

La prise de conscience du péril climatique, qui s’est invitée brutalement cet été, est donc bien réelle. Mais nous faisons face à un paradoxe, toujours le même : la société reste prisonnière du court terme. Bien gagner sa vie, remplir le réservoir de sa voiture, boucler ses fins de mois... Tant que l’équation "fin du mois contre fin du monde" ne sera pas résolue dans nos esprits, nous irons dans le mur sans pouvoir changer le futur.

Radio France
 
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https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/incendies-secheresse-la-france-gagnee-par-le-sentiment-croissant-daller-vers-une-catastrophe_5233441.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220813-[lespluspartages/titre5]

L'agriculture biologique est-elle responsable de la crise au Sri Lanka ?

La crise qui secoue actuellement ce pays est avant tout liée à l'échec de son modèle économique, basé sur le tourisme et les exportations. La transition vers le bio, elle, s'est faite trop brutalement. Des experts décryptent la situation.

"Bravo les ayatollahs verts." Les images de la crise qui secoue le Sri Lanka ont fait réagir les détracteurs de l'agriculture biologique. Selon le docteur Laurent Alexandre, les manifestations dans le pays seraient dues au passage à "une agriculture 100% bio". Une affirmation reprise par la patronne des députés RN, Marine Le Pen, mais également par celle des députés de la majorité, Aurore Bergé, pour fustiger le programme économique de la Nupes.

Alors, l'agriculture biologique a-t-elle vraiment causé la chute du régime sri lankais ? Franceinfo vous explique, grâce à plusieurs experts, pourquoi les causes de la crise que traverse le pays sont plus larges et profondes.

Un modèle économique trop fragile

Pour Jean-Joseph Boillot, économiste et chercheur associé à l'Iris, la crise qui touche le Sri Lanka prend racine dans son modèle économique bâti sur "une spécialisation outrancière dans le tourisme" et une mauvaise gouvernance. "On est face à une crise classique : une émeute contre une famille, un clan, qui a choisi un modèle économique bâti sur du sable, sur les conseils d'étrangers qui voyaient le potentiel touristique des belles plages sri lankaises pour développer le tourisme haut de gamme", explique le spécialiste des pays émergents, et tout particulièrement du monde indien. 

Le Sri Lanka est également très dépendant du commerce extérieur. L'île consacre une grande partie de ses terres agricoles à la production de thé destinée à l'exportation. Au détriment de l'autonomie alimentaire du pays. "S'il y a une chose à mettre en lumière principalement, c'est la non-autonomie alimentaire du Sri Lanka", estime Jacques Caplat, agronome spécialisé en agro-écologie paysanne. Le gouvernement sri lankais a ainsi fait le choix de miser sur les importations pour nourrir sa population.

Or, ce modèle économique est fragile et peu résilient. Après les attentats de 2019, puis la pandémie en 2020, l'île s'est vidée de ses touristes. Conséquence : le Sri Lanka a perdu la majorité de ses recettes en devises étrangères et les Sri Lankais employés dans le secteur du tourisme se sont retrouvés sans emploi et sans revenu. Le pays s'est vite retrouvé dans une situation de déséquilibre de sa balance des paiements et sa dette extérieure a explosé. Les exportations et le tourisme ne lui rapportaient plus suffisamment de recettes pour financer ses importations.

Une transition vers le bio trop brutale

L'agriculture sri lankaise étant encore fortement dépendante des importations massives d'engrais chimiques, le président Rajapaksa a décidé d'accélérer le plan de conversion du pays à l'agriculture bio en interdisant brusquement les importations d'intrants chimiques. Une interdiction entrée en vigueur le 26 avril 2021, avant d'être abandonnée six mois plus tard.

Pour autant, désigner l'agriculture biologique comme la cause de la crise qui secoue le régime, "c'est se faire avoir par les lobbies de l'industrie chimique en embuscade", estime Jean-Joseph Boillot. Selon l'expert du monde indien, les causes de la crise de régime sont plus profondes. "On est face à une mal-gouvernance croissante qui est très bien perçue par la population : des routes qui ne sont pas réparées, des centrales qui ne sont pas entretenues... Et puis le Sri Lanka, qui est un pays plutôt égalitaire dans la tradition, a vu ses inégalités exploser. Il y a une colère populaire qui demande des comptes au clan qui s'est beaucoup enrichi."

L'agronome Jacques Caplat livre la même analyse : "La focalisation de certains sur le bio est d'une grande malhonnêteté. On ne peut pas nier qu'il y a eu une erreur à ce niveau-là, mais ce n'est pas la cause de la crise, qui existait déjà avant." Le spécialiste de l'agro-écologie paysanne adhère cependant au mécontentement des paysans sri lankais. "On ne peut pas demander aux paysans de passer au bio en un an. Par exemple, pour faire des légumes en bio, il faut mettre des légumineuses l'année d'avant."

"La transition vers le bio se prévoit sur cinq à dix ans. Le bio, ce n'est pas uniquement supprimer les produits chimiques, c'est tout un travail pour recaler l'agrosystème dans une vision écologique, faire interférer positivement l'écosystème et les cultures."

Jacques Caplat, spécialiste de l'agro-écologie paysanne

à franceinfo

Selon une étude réalisée par un think tank sri lankais (en anglais), 64% des paysans sont favorables à une transition vers une agriculture sans engrais chimiques. Mais parmi eux, 78% disent avoir besoin de plus d'un an pour opérer cette transition. "Les paysans sri lankais ne sont pas hostiles au bio sur le principe, mais ils sont en colère avec la manière dont cela a été fait en 2021," explique Jacques Caplat. "Le régime a perdu son assise populaire dans les campagnes. Aucun manifestant n'est mécontent de la transition organique en elle-même, mais l'imposition verticale brutale a mis en colère les paysans", abonde Jean-Joseph Boillot.

Produire pour le marché local

Si le passage imposé au bio en 2021, et depuis annulé, a pu accélérer la hausse des prix de l'alimentation, il est faux d'affirmer que c'est la cause de la crise de régime qui a conduit à la démission (et la fuite) du président Rajapaksa. Les pénuries alimentaires que connaît le pays sont en premier lieu dues à un modèle économique qui a ruiné l'île. L'endettement extérieur du Sri Lanka a entraîné la dévaluation de sa monnaie (la roupie sri lankaise) et donc une explosion du prix des denrées alimentaires importées, alors que, dans le même temps, la population sri lankaise a perdu en revenus.

La guerre en Ukraine, les restrictions sur certaines exportations et la spéculation qui a fait grimper les prix de l'énergie se sont ajoutées comme des facteurs aggravants qui frappent de plein fouet le Sri Lanka. Une partie grandissante de la population ne mange pas à sa faim et le pays fait également face à des coupures d'électricité, des problèmes d'accès au gaz, au fioul ou à l'essence. "On est en pleine période de plantation de la récolte d'octobre et il n'y a plus de fioul pour faire fonctionner les motoculteurs", relève Jean-Joseph Boillot, qui craint que les prochaines récoltes ne soient délicates.

L'économiste veut tout de même garder espoir. "Les crises sont l'occasion de régler des problèmes qui s'étaient accumulés. Le monde paysan va développer une résilience. Il y a une opportunité pour le Sri Lanka de repartir sur des bases un peu plus saines et un peu plus solides." Jacques Caplat partage cet optimisme mais rappelle que "le passage au bio ne pourra se faire qu'avec les paysans, dans une dynamique de responsabilisation. Les paysans sri lankais veulent du bio en tant que technique performante pour produire des récoltes, pas en tant que label pour un marché destiné aux bobos du Nord."

France Télévisions
 
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https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/vrai-ou-fake-l-agriculture-biologique-est-elle-responsable-de-la-crise-au-sri-lanka_5251963.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220714-[lestitres-coldroite/titre7]

 

Contraintes en matière d’énergie

(extraits)

La Russie possède 6,4 % des réserves mondiales de pétrole et 17,3 % des réserves de gaz..Gail Tverberg réfléchit sur cette question dans son dernier article, en mettant l’accent sur le gaz naturel. Fondamental à son analyse est le constat que les producteurs des ressources fossiles nécessitent un prix plutôt élevé pour pouvoir continuer à les extraire (elle croit que c’est autour de $120 le baril pour le pétrole) et que cela nécessite que les consommateurs soient capables de vivre avec un tel prix. Selon elle, le débat sur les changements climatiques et la nécessité de réduire nos émissions représentent presque une distraction devant l’imminence des conséquences de l’incapacité à respecter ces conditions concernant les prix et donc sur l’approvisionnement en énergie fossile.

Le problème associé aux énergies fossiles a été caché derrière une narration imaginative mais fausse à l’effet que notre défi le plus important est le changement climatique, résultant de l’extraction des combustibles fossiles qui va continuer au moins jusqu’en 2100, à moins que des actions soient prises pour ralentir cette extraction.

Selon cette fausse narration, tout ce que le monde doit faire est de remplacer ses besoins en énergie en allant vers l’éolien et le solaire (voir la chronique d’Émilie Nicholas du 10 mars et un texte d’opinion de la même date d’Yvan Cliche comme récents exemples). Comme j’ai discuté dans mon dernier article du blogue, «Limits to Green Energy Are Becoming Much Clearer», cette narration faisant miroiter le succès est complètement fausse. Plutôt, nous semblons rencontrer des limites en matière d’énergie à court terme en raison de bas prix chroniques. L’éolien et le solaire aident très peu parce ce qu’ils ne sont pas fiables quand on en a besoin. Par ailleurs, les quantité de l’éolien et du solaire disponibles sont beaucoup trop faibles pour remplacer les énergies fossiles.

Peu de gens en Amérique et en Europe réalisent que l’économie mondiale est entièrement dépendante des exportations russes de pétrole, et charbon et de gaz. Cette dépendance peut être vue de plusieurs manières. Par exemple, en 2020, 41% des exportations de gaz naturel venaient de la Russie. Ce gaz naturel est particulièrement important pour équilibrer les systèmes électriques fondés sur l’éolien et le solaire.

Plus souvent qu’autrement, les gens critiquent les politiciens, sans réaliser que les politiciens savent, plus ou moins consciemment, que ce qui est requis est totalement inacceptable pour la société et pour la population...

Comme Tverberg souligne, «peu de gens en Amérique et en Europe réalisent que l’économie mondiale est totalement dépendante des exportations russes de pétrole, et charbon et de gaz.» Plus précisément, «sans les exportations de gaz naturel de la Russe et de ses proches associés, il n’y a aucune possibilité d’approvisionner avec des quantités suffisantes le reste du monde.»

Tverberg conclut:

Si des prix plus élevés pour l’énergie ne peuvent être obtenus, il y a une très bonne chance que le changement en cours dans l’ordre mondial poussera l’économie mondiale dans la direction d’un effondrement. Nous vivons aujourd’hui dans un monde avec des ressources énergétiques par habitant en décroissance. Nous devrions être conscients que nous nous approchons des limites des énergies fossiles et d’autres minéraux que nous pouvons extraire, à moins de voir l’économie capable de tolérer des prix plus élevés.

Le risque que nous encourrons est que les plus hauts niveaux de gouvernement, partout dans le monde, vont soit s’effondrer soit se voir renversés par des citoyens mécontents. La quantité réduite d’énergie disponible poussera les gouvernements vers une telle situation. En même temps, les programmes comme les pensions et les programmes pour gérer le chômage, soutenus par les gouvernements, vont disparaître. L’électricité deviendra probablement intermittente et finalement inexistante. Le commerce international va diminuer et les économies deviendront beaucoup plus locales.

Nous étions avertis que nous nous approchions ces temps-ci d’une époque avec des sérieux problèmes concernant l’énergie. Halte! a documenté, avec une approche par la modélisation, le problème de limites dans un monde fini. L’invasion de l’Ukraine sera peut-être une poussée vers des problèmes énergétiques plus sérieux, venant surtout de la volonté d’autres pays de punir la Russie. Peu sont conscients que l’idée de punir la Russie est dangereuse; une préoccupation fondamentale dans l’économie d’aujourd’hui est que l’économie actuelle ne pourra continuer dans sa forme actuelle sans les exportations russes des énergie fossiles…

"Dans quelques mois, on peut avoir un effondrement de l'hôpital", alerte le président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP

"Aujourd'hui à Paris, 30 % des lits dans les urgences neuro-vasculaires sont fermés faute de personnel", dénonce Rémi Salomon.

"On est dans une situation où, dans quelques mois, on peut avoir un effondrement de l'hôpital", a prévenu Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP, vendredi 12 novembre sur franceinfo. "Il faut un signal fort dès maintenant" de la part du gouvernement pour retenir les professionnels de santé qui ont envie de partir, "et il y en a beaucoup", a-t-il souligné.

"La situation à l'hôpital en ce moment est catastrophique" en région parisienne et "très très inquiétante dans beaucoup d'autres régions", estime-t-il, précisant que cela "ne date pas d'hier, c'est la conséquence d'une politique qui a été menée depuis des années où on a donné des moyens à l'hôpital uniquement sur des critères budgétaires. On fixe le budget de l'hôpital a priori, sans tenir compte des vrais besoins".

Un manque de personnel criant

"Ce qui ne va pas, c'est qu'on manque de personnel. Cela fait des années", dénonce-t-il. "Il y a deux ans, pendant la dernière épidémie de bronchiolite, j'alertais sur le fait qu'on envoyait des nourrissons à 200 km de Paris parce qu'on n'avait pas de places pour les hospitaliser. Il manque surtout du personnel infirmier, il y a aussi un manque de médecins, il y a des services d'urgences qui ferment faute de médecins, il y a des blocs opératoires qui ne tournent pas parce qu'on manque d'anesthésistes-réanimateurs et d'infirmières-anesthésistes", détaille-t-il.

"Des interventions chirurgicales urgentes sont reportées, un gamin qui a une fracture qu'on doit opérer en urgence peut attendre deux ou trois jours, on a été obligés de refuser une greffe de foie récemment pour un enfant."

Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP

à franceinfo

"On a des gens qui attendent aux urgences parfois jusqu'à 24 heures pour pouvoir trouver de la place.Quand vous avez un AVC, il y a des traitements extrêmement efficaces qui doivent être faits dans l'urgence, mais aujourd'hui à Paris 30 % des lits dans les urgences neuro-vasculaires sont fermés faute de personnel, ça veut dire que quand vous avez un AVC, vous êtes dans le camion des pompiers et ils cherchent un lit, ils peuvent y passer du temps, donc c'est une perte de chance réel pour le patient", selon lui.

Rémi Salomon trouve que "c'est inacceptable" et pousse un "cri d'alarme". "On entend des responsables qui nous disent qu'ils ont mis beaucoup d'argent, c'est vrai, mais on a pris tellement de retard qu'il faut mettre plus d'argent", déclare-t-il en saluant la revalorisation décidée au Ségur de la santé, mais estime "ridicule" les rémunérations des travailleurs de nuit et du week-end faisant que "plus personne ne veut y aller parce que c'est pénible".

Radio France

 

 

 

https://www.francetvinfo.fr/sante/hopital/video-dans-quelques-mois-on-peut-avoir-un-effondrement-de-l-hopital-alerte-le-president-de-la-commission-medicale-detablissement-de-lap-hp_4842245.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20211114-[lesimages/image0]

Rationnement drastique du diesel des camions en Chine.

"La situation devient surréaliste et le terme de "rationnement" est maintenant partout (rappelons qu'il y a 5 ans, les termes "effondrement" et "résilience" n'existaient nulle part). Il se passe dans des détails troublants des choses inédites que des prévisionnistes iconoclastes loin des "experts des milieux autorisés", et pris à l'époque pour de joyeux lurons, annonçaient il y a quelques années.

Dans notre système complexe, mondialement interconnecté et fonctionnant à flux tendus, la moindre perturbation et/ou rupture d'approvisionnement d'un composant essentiel peut générer des ondes de choc pouvant aller jusqu'à déborder nos capacités de réaction. Ce n'est pas une chose nouvelle que l'Histoire bifurque dans une direction inattendue par effet papillon. Ce qui est nouveau, c'est la configuration du système, la taille de la population, le niveau de pression sur les écosystèmes, le dérèglement climatique, la multiplicité des ressources et des composants nécessaires au bon fonctionnement du système etc etc...

... Tout cela ne suggère guère une longévité de notre système (dont on peut estimer qu'il prend ses origines dans les années 80-90, donc le système est tout nouveau et il apparait pour le moins contestable de dire "le système s'en est toujours sorti") qui puisse être supérieure à celle de l'Empire Byzantin. Les choses vont se transformer de manière plus ou moins brutale, sans répit, et sans atteindre un équilibre stable avant loooongtemps.

Bref, la pénurie et le rationnement du jour sont en Chine, et ça commence à prendre des proportions conséquentes. Les camions ne sont autorisés à faire le plein qu'à 10% dans la province de Hebei. Ailleurs dans le pays les rationnements seraient encore plus drastiques, les conducteurs n'ayant le droit que d'acheter 25 litres de diesel.

Une raison de ce bazar qui aura forcément des répercussions en France, qui risquent d'aller bien au-delà de "gérer le ouin ouin de nos enfants qui n'auront pas de jouets à Noël" (franchement c'est le cadet de nos soucis, il y a des milliards de jouets en stock en France qui ne sont pas utilisés, j'ose espérer qu'on sera suffisamment intelligents pour gérer cette crisounette) : les usines chinoises à court d'électricité (en raison de la pénurie de charbon) utilisent des générateurs diesel, entrant ainsi en concurrence avec le transport routier. 🤔"

https://www.bbc.com/news/business-59059093

(publié par C Farhangi)

https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/434585114691710

Pas de nourriture, pas de carburant, pas de téléphone : les feux de brousse ont montré que nous ne sommes qu'à un pas de l'effondrement du système
 

Les feux de brousse de cet été n'ont pas seulement été des événements dévastateurs en eux-mêmes. Plus largement, ils ont mis en évidence l'immense vulnérabilité des systèmes qui rendent notre vie contemporaine possible.

Les incendies ont coupé l'accès aux routes, ce qui a entraîné une pénurie de carburant et de nourriture dans les villes. L'électricité des villes a été coupée et les services de téléphonie mobile ont cessé de fonctionner. Il en a été de même pour les distributeurs automatiques de billets et les points de vente électroniques dont l'économie a besoin pour continuer à fonctionner.

Dans un pays moderne et riche comme l'Australie, comment cela a-t-il pu arriver ?

Pour répondre à cette question, il est utile d'adopter une "pensée systémique". Cette approche considère les problèmes comme faisant partie d'un système global, où chaque partie est liée aux autres.

En d'autres termes, nous devons avoir une vue d'ensemble.

A travers le prisme systémique

Les systèmes sont partout, de l'écosystème corallien de la Grande Barrière de Corail aux vastes réseaux technologiques des marchés financiers mondiaux. Au sens humain, les systèmes sociaux vont de la petite, comme une famille, aux grandes organisations ou à la population nationale ou mondiale.

Les systèmes que je viens de mentionner sont des systèmes "complexes". Cela signifie qu'ils sont reliés à d'autres systèmes de nombreuses façons. Cela signifie également qu'un changement dans une partie du système, tel qu'un feu de brousse dans un paysage, peut déclencher des changements imprévus dans les systèmes connectés - qu'ils soient politiques, technologiques, économiques ou sociaux.

Tous les systèmes complexes ont trois choses en commun :

ils ont besoin d'un approvisionnement constant en énergie pour continuer à fonctionner

ils sont interconnectés à plusieurs niveaux, du niveau personnel et local au niveau mondial et au-delà

ils sont fragiles quand ils n'ont pas de "redondance", ou de plan B.

Le cas du Gippsland oriental

Pour mieux comprendre l'effondrement d'un système complexe, examinons ce qui s'est passé dans la région du Gippsland Est de Victoria, en particulier dans la ville côtière de Mallacoota, lors des récents incendies.

Ce cas montre comment un seul élément déclencheur (dans ce cas, un feu de brousse) peut déclencher une cascade d'événements, mais la fragilité intrinsèque du système permet un effondrement total.

Sur le plan des transports, ni le Gippsland oriental ni Mallacoota elle-même ne sont physiquement bien reliés. Les incendies ont coupé la seule liaison de transport vers le Gippsland oriental, la Princes Highway, et la seule route de Mallacoota.

Le nuage de fumée a empêché le transport aérien. La seule issue était donc la mer, sous la forme d'une intervention de la marine australienne.

Deuxièmement, il n'y avait pas de réserves de nourriture, de carburant, d'eau, de fournitures médicales ou de communications à portée de main lorsque les incendies ont cessé. Les réserves étaient si faibles qu'une "crise humanitaire" menaçait d'éclater.

Ces pénuries ne sont pas une surprise. En Australie, comme dans la plupart des pays développés, les systèmes de distribution de nourriture et de carburant fonctionnent selon un modèle "à flux tendu". Cette approche, développée à l'origine par le constructeur automobile japonais Toyota, consiste à organiser les réseaux d'approvisionnement de manière à ce que les matériaux soient commandés et reçus au moment où ils sont nécessaires.

Ces systèmes suppriment la nécessité de stocker les marchandises excédentaires dans des entrepôts et sont sans aucun doute efficaces. Mais ils sont aussi extrêmement fragiles car il n'y a pas de redondance dans le système - pas de plan B.

Implications pour l'Australie

L'Australie dans son ensemble est, à bien des égards, tout aussi fragile que Mallacoota.

Nous importons 90% de notre pétrole - un chiffre qui devrait atteindre 100% d'ici 2030. Une grande partie de ce carburant passe par le détroit d'Ormuz, puis par l'archipel indonésien. Nous n'avons que peu de routes alternatives.

Nous ne maintenons pas non plus de réserves suffisantes de carburant. L'Australie est le seul membre de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui ne respecte pas l'obligation de garder en réserve 90 jours d'approvisionnement en carburant.

Comme l'ont montré le Gippsland oriental et Mallacoota, de nombreux autres systèmes connectés, tels que les réseaux de distribution alimentaire, dépendent de manière critique de ce fragile approvisionnement en carburant.

Nous l'avons échappé belle

Le 3 janvier de cette année - le jour même où le HMAS Choules a évacué la population de Mallacoota - les Etats-Unis ont tué le général iranien Qasem Soleimani par une attaque de drone.

Si l'Iran avait réagi en interrompant le transport du pétrole par le détroit d'Ormuz, ce qui aurait perturbé l'approvisionnement mondial en pétrole, l'Australie aurait pu être confrontée à une pénurie de carburant à l'échelle nationale au plus fort de la crise des feux de brousse.

A la fin de l'année dernière, l'Australie aurait eu 18 jours d'essence, 22 jours de diesel et 23 jours de carburéacteur en réserve.

Une crise mondiale du carburant n'a pu être évitée que grâce à la retenue des États-Unis et de l'Iran. L'Australie pourrait ne pas être aussi chanceuse la prochaine fois.

Le besoin de réserves

Nos communautés, en particulier dans les zones sujettes aux feux de brousse, ont besoin de plus de redondance pour pouvoir résister aux catastrophes. Cela peut signifier que les villes doivent stocker de l'eau, des denrées non périssables, des couvertures, des fournitures médicales, un générateur, un téléphone satellite et éventuellement du carburant, dans des endroits protégés.

Plus généralement, l'Australie a besoin d'une réserve nationale de carburant. Cette réserve devrait être conforme aux obligations de l'AIE, qui sont de 90 jours. En décembre de l'année dernière, l'Australie n'aurait disposé que de 54 jours de réserves.

Le gouvernement fédéral a récemment cherché à renforcer les réserves par le biais d'éventuels accords avec les États-Unis et les Pays-Bas. Mais les approvisionnements à l'étranger ne seront pas très utiles en cas de crise immédiate.

Les implications de la crise des feux de brousse sont claires. Au niveau national et individuel, nous devons améliorer la résilience des systèmes qui rendent notre vie quotidienne possible.

 

par Anthony Richardson

(publié par J-Pierre Dieterlen)

https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/10158984708667281

« L’humanisme est en danger… pourquoi? Dans une économie de survie la réalité de la solidarité n’existe pas…. La solidarité c’est une construction sociale raisonnable et raisonnée… on ne sait pas régulé un monde sans passer par la catastrophe. on a toujours régulé le monde par la catastrophe »

« En 2 minutes Cynthia Fleury-Perkins explique en quoi les dérèglements de notre écosystème ne remettent pas en cause la planète - qui finira toujours par s'adapter - mais l'humanisme, c'est à dire le fondement du contrat social et les systèmes de solidarité qui nous permettent de vivre sans nous entre-tuer et qui disparaissent quand on se retrouve dans une économie de survie. » Xavier Alberti

Cynthia Fleury-Perkins est philosophe et psychanalyste

L'intégralité de l'interview (fin decembre 2018) : https://www.youtube.com/watch?v=Wtqlga4lpbA

 

https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/10158087005222281

Effondrement, nucléaire et capitalisme : entretien avec Jean-Marc Jancovici et Yves Cochet

 

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INTERVIEW CROISÉE - Yves Cochet et Jean-Marc Jancovici tentent depuis de nombreuses années de sensibiliser l'opinion sur la crise climatique et énergétique à venir. À partir de ce constat partagé, ils débattent pour LCI des causes et des conséquences de cet effondrement qu'ils ont prédit.

Ils pensent tous deux que le monde se dirige vers une grave crise énergétique et climatique. Ils pensent aussi que la décroissance, voulue ou non, est notre horizon. Scientifiques de formation, Yves Cochet et Jean-Marc Jancovici tentent depuis de nombreuses années d'alerter sur l'impasse dans laquelle nous mène notre modèle de développement. Pour LCI, ils discutent ensemble des causes et des conséquences de cet effondrement qu'ils ont prédit.

 

Mathématicien et enseignant, Yves Cochet a cofondé les Verts en 1984 puis exercé plusieurs mandats de député et de député européen entre 1989 et 2014. Ministre  de l'Écologie du gouvernement Jospin en 2001-2002, il préside désormais l'institut Momentum, un cercle de réflexion sur l'effondrement, la transition et la décroissance. Il est le premier responsable politique national à avoir popularisé ces questions.

 

Ingénieur et polytechnicien, Jean-Marc Jancovici a cofondé le cabinet Carbone 4, qui aide les entreprises à opérer une transition post-énergies fossiles. Il est également enseignant, auteur, conférencier et chroniqueur. Membre de la Fondation Nicolas-Hulot en 2001, il a participé à l'élaboration du Pacte écologique et du Grenelle de l'environnement en 2007. Il préside désormais notamment le think-tank The Shift Project, consacré à la transition énergétique. 

LCI : Partons du constat qui est aujourd’hui acté par tous, et qui est illustré par le récent rapport du GIEC : notre mode de vie va changer de gré ou de force, notamment à cause de la raréfaction des ressources. Jean-Marc Jancovici, vous l’exprimez comme ceci : la planète ne peut pas tenir si 7 milliards d’humains ont le niveau de vie d’un smicard français.

 

Jean-Marc Jancovici : D’abord, je dis que notre mode de vie a déjà commencé à changer, et de force ! Ensuite j’ai effectivement dit que l’indicible politique dans cette histoire, c’est qu’on ne peut matériellement pas fournir – et encore moins durablement - à 7,5 milliards de terriens le même niveau de consommation qu’un smicard français. 

 

LCI : Une fois qu’on a dit ça, comment peut-on espérer préserver un niveau de confort minimal à l’avenir ?

 

JMJ : Si l’on se demande comment préserver quelque chose qu’on ne peut pas préserver, on a déjà la réponse... La question à laquelle je peux répondre, c’est : que peut-on préserver de façon durable pour 7 milliards d’individus ? Si l’on ne mange pas trop de viande, on peut probablement préserver l’alimentation, car l’essentiel des surfaces végétales servent actuellement à nourrir les animaux. Mais notre modèle devra s’adapter, car l’agriculture actuelle est une agriculture "minière" qui doit extraire de la potasse ou du gaz pour fabriquer les engrais et qui provoque une érosion des sols. Les rendements actuels en Occident sont permis par les engrais, les tracteurs et les phytosanitaires, donc par les hydrocarbures, et ce n'est pas durable.

 

Ensuite, on ne pourra pas préserver la mobilité motorisée actuelle. Il y a 1 milliard de voitures aujourd’hui dans le monde, et même si elles ne consommaient que 2 litres aux 100 km, contre 6 à 8 actuellement, c’est encore trop pour durer un siècle. On ne pourra pas non plus toutes les faire fonctionner à l’électricité, car l'appel de puissance électrique ne pourra pas suivre, ni la fourniture de matériaux nécessaires à la construction des batteries. On pourra probablement garder la quantité actuelle de bâtiments, mais ce sera compliqué de la tripler ou d’y maintenir tout le confort énergétique.

 

Enfin, on ne pourra pas produire autant de biens manufacturés qu’aujourd’hui, ce qui revient à dire que le prix réel de ces biens (donc le temps de travail nécessaire pour les acheter) va augmenter. Prenons l’exemple des vêtements. Ma grand mère était couturière à une époque où, quand on avait un trou à la manche de sa chemise, on cousait une pièce dessus car l’achat d’un vêtement demandait un prix réel beaucoup élevé qu’aujourd’hui. Dans un monde sobre, on reviendra à celà. Le t-shirt à 5 euros en soldes, ce sera terminé. Même chose pour le jouet en plastique qu’on offre au petit dernier et dont il se sert deux fois.

 

Quand je dis que 7 milliards d’humains ne peuvent pas vivre comme un smicard français, ce n’est pas pour être méprisant. C’est parce que les chiffres montrent que le monde qui nous attend ne sera pas un monde d’abondance. C’est terriblement déstabilisant car ça va à l’encontre de l’idée d’une progression matérielle continue et sans problèmes.

 

LCI : Yves Cochet, vous partagez ce constat, et vous avez été l’un des premiers élus à tenir ce discours. Comment ont réagi les gens quand vous leur annonciez ce monde-là ?

 

Yves Cochet : Je partage effectivement ce constat. On peut dire malheureusement que jamais les Chinois, les Indiens, les Africains ou les Sud-américains ne vivront comme les Européens de 2018, à cause de la raréfaction de l’énergie et des matières premières. Une fois qu’on dit ça, l’impasse politique est totale. Malgré quelques petites prises de conscience récentes - la démission de Nicolas Hulot, le rapport de Giec ou les sécheresses estivales - je pense que ce déni perdurera jusqu’à la fin et qu’il n’y aura pas de transition facile. La grande loi de transition énergétique de Ségolène Royal n’est pas appliquée et comporte des tares rédhibitoires, tout comme l’accord de Paris. Après 23 ans de politique professionnelle, je constate que les seules solutions proposées sont : plus de croissance, plus de technologie, plus de marchés. C’est une pure folie.

"Le déni ne cessera pas avant de très gros ennuis car on a inventé un système de pensée qui n’est pas confrontable au réel"

LCI : Pour vous aussi, Jean-Marc Jancovici, ce déni perdurera ?

 

JMJ : J’ajouterais d’abord qu’avec traité de Lisbonne, l’UE se retrouve probablement avec la seule Constitution au monde qui impose une recherche de "la croissance". J’ajouterais aussi que le nouveau "prix Nobel" d’économie, William Nordhaus, s’est fait connaître en attaquant Dennis Meadows [le premier physicien et économiste à avoir travaillé sur les limites physiques de la croissance, ndlr], et en critiquant la lutte contre le réchauffement parce que, selon lui, elle n’est pas rentable ! Comme on peut le lire dans le livre "Des marchés et des dieux" du journaliste Stéphane Foucart, l’économie fonctionne comme une religion, car elle part de professions de foi non démontrées, et a besoin d’un clergé. Les principes dominants en économie - qui sont vieux de deux siècles - se basent entre autres sur une "fonction d’utilité", qui ne s’observe nulle part et qui n’est pas quantifiable… Comme le concept de "dieu" ! Le déni ne cessera pas avant de très gros ennuis car on a inventé un système de pensée qui n’est pas confrontable au réel.

 

LCI : Cette théorie économique et cette Constitution européenne sont-elles finalement les composantes de ce qu’on appelle le capitalisme ?

 

JMJ : Ce n’est pas propre au capitalisme. La pensée communiste excluait également l’environnement, et les soviétiques étaient tout aussi productivistes et "destructeurs de la planète".

 

LCI : Alors comment définir notre système économique ? Peut-on parler d’économie "extractiviste" ?

 

YC : D’économie extractiviste en croissance, avec le mythe du progrès continu et indéfini. En bref, le libéral-productivisme.

"Pour comprendre les effets de l'effondrement, il faut que nos dirigeants et nous-même soyons touchés dans notre chair"

LCI : Ce système économique actuel est aussi caractérisé par la concurrence. Cette concurrence ne peut-elle pas devenir un obstacle à la transition écologique ? 

 

JMJ : L’ennemi de la transition écologique, c’est tout ce qui raccourcit l’horizon de temps, et tout ce qui empêche la prise en compte de l’environnement dans le raisonnement économique et social. Or, la concurrence et la financiarisation raccourcissent l’horizon de temps. Dans une société cotée en bourse, le long terme c’est trop souvent 6 mois, tandis que les actions de lutte contre le réchauffement se pensent à un horizon de 30 ans, voire d’un ou deux siècles. Quand l’action de votre entreprise est en concurrence avec l’action du voisin, vous êtes tétanisé à l’idée de perdre en productivité. D’ailleurs, les grandes réalisations françaises, comme les fortifications de Vauban, le système ferroviaire ou hospitalier, n’auraient pas pu se faire dans un contexte de concurrence. Aujourd’hui, nous avons décidé de faire de la concurrence l’alpha et l'oméga de la construction européenne, mais c'est une erreur que nous allons payer cher.

 

LCI : Yves Cochet, vous avez été élu européen. Comment changer ce cadre économique qui empêche la transition écologique ?

 

YC : C’est très difficile dans le cadre européen, parce que l’idéologie libérale-productiviste est profondément ancrée et parce qu’on manque d’une idéologie de remplacement vue comme crédible par tout le spectre de l’opinion. Je pense qu’on va vers le pire car, pour comprendre les effets de l'effondrement, il faut que nos dirigeants et nous-même soyons touchés dans notre chair par ceux-ci. Il ne suffit pas de lire un article ! Il faut le vivre concrètement à travers nous-mêmes et nos enfants. Quand ce sera le cas, il sera trop tard, car l’état politique de l’Europe se sera déjà dégradé.

"Si l’on cherche le pays le plus résilient en Europe, je pense que c’est l’Albanie, parce que 40% de ses paysans n’ont pas de tracteurs"

LCI : Ne pensez-vous pas qu’au moment de cet effondrement, les dirigeants et les plus riches parviendront à conserver leur confort et leurs intérêts ?

 

Y.C : Je pense qu’au moment de l’effondrement, qui interviendra pour moi plutôt avant 2030 qu’avant 2050, les riches ne pourront pas s’isoler du reste de la population et continuer comme si de rien n’était. Dans cet effondrement rapide, qui peut intervenir en quelques mois, peut être que seule l’armée tiendra plus longtemps car elle dispose de stocks d’à peu près tout : essence, nourriture, etc. Mais pas Emmanuel Macron ou Bernard Arnault, qui sont trop dépendants de l’économie mondiale. D’ailleurs, si l’on cherche le pays le plus résilient en Europe, je pense que c’est l’Albanie, parce que 40% de ses paysans n’ont pas de tracteur... Quand les nôtres ne pourront plus marcher, les Albanais sauront comment faire autrement.

 

JMJ : Si on regarde les indicateurs matériels, la décroissance a commencé en Europe en 2007. Les tonnes-kilomètre en camion, les surfaces de bâtiments construites, le nombre de séjours au ski ont atteint leur maximum historique en 2007. Ces indicateurs ont chuté jusqu’en 2014, puis légèrement remonté grâce à l’arrivée du pétrole de schiste américain qui a réalimenté le marché mondial, car davantage d’énergie, c’est davantage de machines en fonctionnement et un PIB qui remonte. 

 

Mais la hausse actuelle du prix du baril de pétrole suggère que la hausse de la production s'essouffle. D’ailleurs, j’ai constaté que le prix du baril en monnaie locale pour de nombreux pays importateurs a déjà dépassé son niveau de 2014. On se dirige vers une crise semblable à celle de 2008, avec des niveaux de dette équivalents voire supérieurs.

LCI : Pensez-vous comme Yves Cochet qu’un effondrement politique précèdera l’effondrement économique ?

 

JMJ : Les deux vont un peu de pair. Pour moi, l’effondrement politique a déjà commencé sans qu’on le désigne comme tel. L’élection de Trump, le Brexit, les élections italiennes et même la crise en Catalogne sont selon moi des marqueurs précoces de cet effondrement, tout comme le sont les intentions de vote pour Marine Le Pen aux prochaines élections européennes. Les élites urbaines - dont nous faisons partie - ne voient pas ce qui se passe car nous calculons le PIB de telle sorte qu'il continue d’augmenter, mais une fraction croissante de la population se retrouve exclue.

 

LCI : Selon vous, comment cet effondrement se manifestera en France ?

 

JMJ : Quand un pays se retrouve en situation de contrainte énergétique, c’est à la périphérie des villes, où se concentrent les premiers perdants de l'affaire, que la désagrégation s’exprime le plus fortement. C’est dans ces zones que le vote contestataire, en faveur de gens qui veulent "casser le système", se développe le plus. Quand ces perdants seront suffisamment nombreux, il finira par se passer quelque chose, je ne sais pas quoi. Mais ça se passera avant que tout le monde ne crève de faim.

"Yves et moi avons en commun de penser que le nucléaire n’empêchera pas la chute globale"

LCI : Vous parlez de "contrainte énergétique". Quelle place accorder au nucléaire pour se préparer à une telle situation ? Vous n’êtes pas vraiment d’accord tous les deux sur ce point.

 

JMJ : Yves et moi avons en commun de penser que le nucléaire n’empêchera pas la chute globale. Personnellement, je ne suis ni d’accord avec les pro-nucléaires qui y voient un moyen de parer à toute pénurie, ni avec les anti-nucléaire qui exagèrent ses inconvénients techniques et sanitaires. Je pense juste que le nucléaire est un amortisseur bienvenu de la contraction :  sans lui, on se cogne plus fort dans le mur, mais je ne sais pas à quel point ! Le nucléaire sert aujourd’hui à concurrencer le charbon. Or, plus longtemps on recourt au charbon dans l’électricité, plus vite on détruit le système climatique, qui a permis le développement de la civilisation. C’est donc au nom d’un arbitrage entre les risques que je souhaite avoir davantage recours au nucléaire dans les pays qui connaissent déjà cette technologie. Mais le nucléaire n’évitera pas la sobriété, qui reste le premier déterminant de ce qu'il faut faire.

 

YC : Contrairement à Jean-Marc, je ne pense pas que le nucléaire amortira la chute. Si je sors du raisonnement économique, le nucléaire ne peut fonctionner selon moi que dans des sociétés stables, démocratiques et très technologiques. Ces trois conditions sont nécessaires pour la gestion des déchets nucléaires, dont la radioactivité dure plusieurs dizaines de milliers d’années. Or, qui peut parier sur le fait que la France, ou l’Europe, conserve la même stabilité, le même niveau technologique et le même système démocratique dans le contexte de crise qui marquera le 21e siècle, et possiblement le 22e siècle ?

 

JMJ : Je suis d’accord avec Yves sur ces objections, mais si l’on se place dans le cas de figure où nos sociétés sont incapables de maintenir un niveau technologique suffisant pour conserver du nucléaire, les problèmes liés au nucléaire ne seront rien par rapport aux problèmes généraux auxquels nous seront confrontés… Dans une nouvelle d’anticipation que j’ai écrite pour L’Expansion en 2005, j’imaginais le monde en 2048 comme un régime totalitaire. Je pense en effet que la contrainte énergétique implique le retour du totalitarisme, car la démocratie ne sait pas gérer la rareté. Elle ne sait que gérer que la liberté pour tous, donc l’abondance. La démocratie moderne est d’ailleurs née dans des mondes en croissance, aux 17e et 18e siècles.

 

YC : Si l’on se retrouve dans l’instabilité, voire dans la barbarie ou le chaos, le détournement de matériaux fissiles devient une possibilité. Sachant qu’il y a plusieurs tonnes de plutonium dans le centre de retraitement nucléaire de La Hague, imaginez ce qu’entrainerait une défection des services publics comme celle qui a eu lieu aux États-Unis pendant l’ouragan Katrina. Ou ce qu’entrainerait l’arrêt du refroidissement des piscines de La Hague.

"Si l’on dit aux gens de passer tout de suite à l’action, sans en expliquer la justification, ils vont changer 2 ampoules pour être en paix avec leur conscience"

LCI : Vous travaillez tous les deux comme conseillers auprès de publics différents - des militants ou des entreprises. Que conseilleriez-vous à ceux qui ont la main sur la politique énergétique française ?

 

YC : Il faudrait présenter aux dirigeants un "crash program" de descente énergétique rapide. Mais quand on voit la contestation qu’a suscitée le passage aux 80 km/h, imaginez un décret qui passerait la vitesse maximale à 30 km/h en ville, 60 km/h sur route et 90 km/h sur autoroute ! Politiquement, c’est un suicide. Face à une grève des routiers et des agriculteurs, le gouvernement ne peut pas tenir. Je l’ai vu quand j’étais ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement. Et ce n’est qu’une mesure parmi cent.

 

LCI : Que diriez-vous à un lecteur qui vient de découvrir votre pensée ?

 

YC : Je lui dirais d’aller militer dans une association écologiste, il y en a plein de bonnes. Ou de lire les livres de Jean-Marc !

 

JMJ : Moi, je dirais plutôt : "Documentez-vous !" Je pense qu’on ne croit qu’en ce dont on s’est convaincu soi-même. Si l’on dit aux gens de passer tout de suite à l’action, sans en expliquer la justification, ils vont changer deux ampoules pour être en paix avec leur conscience et rien d’autre. Donc je dis aux lecteurs de LCI : documentez vous sur ce défi. C’est désagréable, mais c’est passionnant.

 

YC : Et ne restez pas seul ! Discutez-en avec vos proches et votre famille. Il ne faut pas perdre l’idée de la solidarité en route. 

EFFONDREMENT, FAUT-IL OUVRIR LE DÉBAT ?

 

 

Pour les scientifiques travaillant sur les risques systémiques, la pression des activités humaines sur tous les écosystèmes est désormais telle qu’un effondrement global menace nos sociétés. Une alerte que les économistes partisans de la croissance ignorent et que les défenseurs du progrès rejettent, au nom de l’inventivité humaine. (Dossier paru dans l'Actuariel / Accroche Presse, oct. 2018)

« Une politique écologique est-elle compatible avec une économie de la croissance ? » Voilà comment un internaute a interpellé Édouard Philippe le 2 juillet, lors d’un Facebook Live organisé depuis Matignon. La réponse du Premier ministre, largement reprise par les médias et les réseaux sociaux, a pu surprendre : elle évoquait le risque… d’effondrement. Pour lui, faire en sorte que « notre société humaine n’arrive pas au point où elle serait condamnée à s’effondrer » est « une question assez obsédante ». Quant à Nicolas Hulot, également présent durant ce Live, il a répondu de façon encore plus radicale, en démissionnant de son poste de ministre de la Transition écologique et solidaire le 28 août.

Qu’un chef de gouvernement déclare publiquement avoir conscience d’un risque aussi alarmant est un fait nouveau. Le fond du problème, lui, ne l'est pas. Cela fait même quarante-six ans qu’il existe dans le débat public. En 1972 sort en effet le rapport The Limits to Growth, réalisé pour le Club de Rome. Une équipe de scientifiques du Massachusetts Institute of Technology, dirigée par le physicien Dennis Meadows, en est l’auteur. Son originalité : présenter la première modélisation des conséquences de la croissance sur les ressources naturelles. Cinq variables principales sont prises en compte dans ce modèle baptisé World 3 : démographie, production industrielle et agricole, ressources non renouvelables et pollution persistante. Verdict : si les tendances de ces cinq variables se poursuivent, les limites de la croissance sur cette planète seront atteintes « sometime within the next one hundred years ».

LA DYNAMIQUE INTERNE DE L’EFFONDREMENT 

L’explication ? « Les variables “démographie” et “production industrielle et agricole” suivent des croissances exponentielles, explique Pierre-Yves Longaretti, physicien à l’Ipag et chercheur dans l’équipe Steep de l’Inria¹. Par ailleurs, le modèle intègre des boucles de rétroactions positives qui amplifient ce caractère exponentiel. Ainsi, l’intensification de la production agricole, destinée à nourrir une population grandissante, renforce encore l’augmentation “naturelle” de la population. » Attention, le modèle inclut également des boucles de rétroactions négatives. Exemples : la pollution, qui croît tendanciellement avec la démographie, restreint l’espérance de vie ; la diminution des ressources non renouvelables réduit le rendement du capital. En toute logique, ces forces contraires à la croissance devraient nous empêcher de dépasser les limites des écosystèmes. Mais ce n’est pas le cas. Les impacts négatifs se développent en effet dans l’ombre et ne sont pas tangibles suffisamment tôt. « Ce retard est au cœur de la dynamique de l’effondrement, poursuit Pierre-Yves Longaretti. Comme la menace n’est pas ou est mal identifiée, les mesures préventives ne sont pas prises à temps. Résultat : quand le danger devient réel, il est trop tard pour intervenir. Les capacités de renouvellement des ressources naturelles ne sont plus seulement dépassées : elles s’érodent. »

Autre message majeur du rapport : « Les nombreuses rétroactions du modèle effacent la distinction entre cause et conséquence et une conséquence peut devenir sa propre cause, comme dans tout système non linéaire", note Pierre-Yves Longaretti. Penser pouvoir échapper à l’effondrement en s’attaquant à une seule variable serait illusoire : « Ce qu’il faut, c’est changer la structure même des rétroactions – et donc notre modèle de société. »

DÉCLOISONNER LES APPROCHES 

Tiré à 30 millions d’exemplaires, traduit dans 32 langues et réactualisé deux fois (en 1990 et 2004) The Limits to Growth n’a pourtant eu aucun impact sur la mise en place de politiques publiques efficaces. « Alors que les décennies passent, presque tous les indicateurs sur la soutenabilité des écosystèmes ont viré au rouge, remarque Emmanuel Prados, mathématicien et responsable de l’équipe Steep². La plupart des gens continuent de ne considérer qu’un aspect des problèmes. D’où la nécessité de décloisonner les approches et d’aborder ce risque de façon transdisciplinaire. De fait, vous ne trouverez pas un scientifique ayant une vision globale des interactions économiques et écologiques pour vous dire qu’on ne fonce pas dans le mur. » Soit. Mais alors, comment expliquer, malgré la notoriété de The Limits to Growth, que le risque d’effondrement systémique n’ait pas été pris en compte ? Y a-t-il de solides arguments qui puissent justifier l’inaction ?

DÉBAT AVORTÉ

« Le problème, c’est que, jusqu’ici, le débat n’a jamais réellement eu lieu avec les économistes dits “orthodoxes”, autrement dit la très grande majorité des économistes, qui considèrent la croissance du PIB comme le pilier incontournable de toute politique publique », indique Christophe Goupil, professeur de physique à l’université Paris Diderot et chercheur au Laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain (Lied). Un constat dont les racines sont lointaines. La célèbre phrase de Jean-Baptiste Say dans son Traité d’économie politique (1803) résume la problématique : « Les richesses naturelles sont inépuisables, car, sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques. » Sans le savoir, Jean-Baptiste Say ouvre un conflit qui va durer plus de deux siècles : d’un côté les « sciences économiques », qui considèrent la nature hors de leur radar ; de l’autre, l’ensemble des sciences qui étudient les lois de la nature et, en première ligne, les physiciens. En 1974, lors de la remise de son prix Nobel d’économie, Friedrich Hayek s’inscrit dans la même lignée. S’en prenant au travail de l’équipe de Meadows, il dénonce « l’immense publicité donnée récemment par les médias à un rapport qui se prononçait au nom de la science sur les limites de la croissance ». Hayek accuse également ces mêmes médias d’avoir passé sous silence la « critique dévastatrice de ce rapport par des experts compétents », c’est-à-dire des économistes. Au final, les seules attaques faites par des économistes contre The Limits to Growth le seront sur le mode de l’incompréhension…

Could the Club of Rome have been correct, after all?

Un exemple ? L’effondrement ne s’étant toujours pas produit et le pic pétrolier n’ayant pas été dépassé en 2000, tout le modèle est donc invalide. « Cet argument relève d’une grave méconnaissance du rapport, qui n’a rien prédit du tout. Ses auteurs ont même été très prudents et n’ont cessé de répéter qu’ils ne pouvaient pas donner de date », répond Emmanuel Prados. Ironie de l’affaire, malgré la grande précaution de The Limits to Growth, il semblerait que ses hypothèses puissent servir de base à des projections pertinentes. En 2000, Matthew Simmons, à la tête de l’une des plus importantes banques d’investissement pétrolier, a écrit un article intitulé « Could the Club of Rome have been correct, after all? », qui a fait grand bruit : il y accréditait les conclusions de World 3, notamment sur les conséquences de la pollution. En 2008 puis en 2012, le physicien australien Graham Turner s’est également penché sur les courbes de l’équipe de Meadows en les comparant avec des données historiques mises à jour. Résultat : sur la douzaine de scénarios proposés par le rapport en 1972, la comparaison « ne correspond fortement qu’au seul scénario business-as-usual, qui produit un effondrement de l’économie mondiale et de l’environnement ». Et Graham Turner de conclure que nous avons gaspillé les dernières décennies et que « se préparer à un effondrement mondial pourrait être encore plus important que de chercher à l’éviter ».

LES PHYSICIENS TOMBENT DE LEUR CHAISE

En toute logique, l’absence de débat de fond contribue en effet à ce que rien ne bouge. Pour Jean-Marc Jancovici, fondateur du cabinet de conseil Carbone 4 et auteur d’un site de référence sur les questions d’énergie et de climat, « l’asymétrie de moyens entre compter ce que Jean-Baptiste Say a dit de compter et compter le monde physique dont on dépend est absolument massive³ ». Gaël Giraud, chef économiste à l’Agence française de développement (AFD), fait le même constat : le discours des économistes « fait tomber de leur chaise les physiciens, pose-t-il dans une interview sur Présages, un site de podcast spécialisé sur l’effondrement. Et l’une des raisons pour lesquelles nous arrivons à raconter autant de bêtises, nous les économistes, c’est que nous avons des modèles qui n’ont pas grand-chose à voir avec le monde réel, dans lesquels il n’y a pas d’énergie, pas de matière, il n’y a que des dollars, ou des unités monétaires, qui permettent de mesurer à la fois du capital et du travail ».

Principaux « oublis » de l’économie orthodoxe selon Christophe Goupil ? Premièrement : le rôle central de l’énergie, alors que les courbes mondiales de l’augmentation du PIB et de la consommation d’énergie primaire suivent deux trajectoires quasiment superposées. Deuxièmement : les deux lois de la thermodynamique4, que « tous les modèles néoclassiques violent allègrement », souligne Gaël Giraud.

UN MODÈLE ECOPHYSIQUE

Pour dépasser ces antagonismes et faire évoluer une économie pensée hors sol et hors temps, l’AFD, le Lied et l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) mettent actuellement au point un nouveau programme qui combine macro-économie, thermodynamique et climat : « Il s’agit de coupler des modèles macroéconomiques standards à un monde physique soumis aux limites des ressources et du recyclage, explique Christophe Goupil. Ce modèle écophysique introduit naturellement la question du temps, puisqu’à la longue les ressources naturelles diminuent. Le modèle prend donc bien en compte le principe d’entropie physique. » La dynamique des échanges tient en particulier compte du rôle central des dettes privées et s’inspire d’un article (« Coping with Collapse ») de Gaël Giraud, récemment paru dans le journal Ecological Economics5. Cette modélisation intéressa-t-elle les actuaires ? « Aujourd’hui, le risque d’effondrement n’est pas un sujet, indique l’un d’entre eux, qui souhaite garder l’anonymat. Nous travaillons sur des perspectives nettement plus court-termistes. Et comme un effondrement toucherait tout le monde par définition, personne ne sent individuellement responsable. Ce n’est pas très glorieux. »

LE SCÉNARIO SUPER-TECHNO

Si jusqu’à ce jour la majorité des économistes est donc passée à côté du débat, les scientifiques alertant sur le risque d’effondrement font face à un argument majeur d’un tout autre ordre : l’inventivité de l’espèce humaine. Ne sommes-nous pas en route vers le transhumanisme ? L’intelligence artificielle n’est-elle pas la preuve qu’une nouvelle ère s’annonce ? Bref, l’innovation sauvera le monde et l’humanité s’en sortira… parce qu’elle s’en est toujours sortie. La confiance dans le potentiel salvateur des technologies est telle chez les progressistes que, là encore, le débat tombe bien souvent dans la caricature. Ainsi, le statisticien Bjorn Lomborg et le mathématicien Olivier Rubin suggèrent tout bonnement de jeter The Limits to Growth dans « la poubelle de l’histoire ». Mais ces critiques semblent ignorer un point essentiel : « En 2004, l’équipe de Meadows a également produit un scénario baptisé Super Techno, où les avancées technologiques sont prises en compte et même de façon assez optimiste, indique Emmanuel Prados. Dans ce cas, l’effondrement n’est pas évité, mais seulement retardé d’une ou deux décennies. Car les progressistes surévaluent la possibilité de substitution des ressources naturelles par la technologie et sous-évaluent les effets systémiques et les effets rebonds. » Les optimistes ne seraient-ils que des pessimistes en manque (ou en déni) d’informations ?

Conscients de cet écueil et en ligne avec les travaux de Meadows, certains scientifiques refusent pourtant de baisser les bras. Une alliance européenne d’universités, d’industriels et de centres de recherche, portée en particulier par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), travaille ainsi sur un projet baptisé Sunrise. Actuellement en appel d’offres auprès de la Commission européenne, Sunrise tente de décrocher un budget de 1 milliard d’euros sur dix ans : « Il s’agit de produire des composés chimiques de base et des carburants à partir de l’énergie solaire et des gaz de l’atmosphère (dont le CO2), souligne Hervé Bercegol, physicien au CEA. Des solutions académiques existent pour fournir des produits utiles avec un très haut rendement et des matières premières abondantes, mais le temps presse pour rendre les technologies compétitives. » Or un projet d’une telle ampleur ne peut démarrer qu’à une condition, « celle que l’Europe et les États soutiennent la recherche académique et la R&D industrielle. La recherche appliquée de longue haleine manque de fonds sur tous ces sujets ».

Enfin, le débat sur l’effondrement est victime d’un frein psychologique auquel personne n’échappe vraiment : « Parler d’effondrement ouvre une perspective qui dépasse l’esprit humain, explique Petros Chatzimpiros, socio-écologue à l’université Paris Diderot et chercheur au Lied. Dans la vie courante, on trouve toujours des solutions, sauf quand il s’agit de mourir, mais on n’y pense pas tous les jours et on continue malgré tout à se projeter. Ainsi, même si on est certain que tout va s’effondrer en raison des impacts du progrès sur la planète, on ne peut pas s’empêcher de continuer à faire confiance… au progrès. » Un paradoxe déjà évoqué par l’écrivain Francis Scott Fitzgerald : « On devrait (…) pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir et cependant tout faire pour essayer de les changer. »

 

ET TOUT A COMMENCÉ PAR…

Si un effondrement devait se produire, quel serait le facteur déclenchant ? Le dérèglement climatique, le pic pétrolier ou encore un krach financier sont de bons candidats…

À lui seul, le dérèglement climatique peut conduire à l’effondrement. Des migrations, des tensions, voire des guerres pour l’accès aux ressources vitales sont à craindre, ainsi que l’extension des groupes terroristes qui tirent profit de la fragilisation des plus démunis. Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est d’ailleurs réuni le 11 juillet dernier pour discuter de la menace que le climat constitue pour la sécurité et la paix dans le monde. D’autres conséquences de l’accaparement généralisé des ressources et des milieux naturels par l’homme pourraient également entraîner le même type de scénario. À commencer par le déclin massif de la biodiversité.

Des variables non intégrées dans The Limits to Growth sont également à surveiller de près. « Les chercheurs n’ont pas pris en considération le système financier de quelque manière que ce soit, note Gail Tverberg, économiste et actuaire américaine, sur son blog Our Finite World. En particulier, les modèles ont négligé le rôle de la dette. Réparer cette omission tend à avancer la date réelle de l’effondrement et à le rendre plus prononcé. » Et d’expliquer comment la dette est nécessaire pour alimenter la croissance et la croissance pour rembourser la dette, le tout n’étant possible que grâce à un accès à une énergie abondante et peu chère. Gail Tverberg pointe alors une deuxième omission : le modèle d’origine ne s’intéressait pas séparément aux ressources, tel le pétrole, « alors que les limites sur le pétrole, par elles-mêmes, pourraient abattre l’économie plus rapidement ». Le physicien Graham Turner ne dit pas autre chose : « Le mécanisme clé qui conduit à l’effondrement dans le scénario business-as-usual est le détournement de capitaux vers l’extraction toujours plus coûteuse de ressources qui s’épuisent. »

En toile de fond se développent des phénomènes de longue haleine, qui favorisent la montée de ces déclencheurs potentiels. Exemple : « l’effet tampon de la richesse », comme l’expliquent Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans Comment tout peut s’effondrer (Éd. Seuil). En raison des inégalités sociales, les élites dirigeantes ne souffrent pas directement des premières conséquences du déclin et accentuent encore le retard – déjà inhérent à la dynamique interne de l’effondrement – pour mettre en œuvre de réelles mesures d’atténuation ou de préparation à l’effondrement. Des mesures qui permettraient pourtant d’éviter une adaptation brutale et anarchique.

Enfin, pour certains, ce n’est pas tant le « comment » qui importe, mais le « quand ». Et le plus tôt sera le mieux. « Un effondrement qui s’amorcerait dans les années 2030 serait certainement moins brutal qu’un effondrement démarrant après 2050, quand il y aura sensiblement moins de ressources naturelles pour rebondir », souligne Pierre-Yves Longaretti, qui travaille sur les hypothèses réactualisées de Meadows pour tenter de trancher entre ces deux scénarios. « La rareté, ça se pilote ; la pénurie, ça se subit », avait d’ailleurs souligné Nicolas Hulot, lors du Facebook Live de juillet dernier. Partant du fait que plus la date de l’effondrement est éloignée, plus il sera violent, certains en viennent même à vouloir le provoquer, comme l’Australien David Holmgren, l’un des pères de la permaculture, dans un essai intitulé Crash on Demand.

NOTES

1. L’Ipag est l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble. L’équipe Steep (Soutenabilité, territoires, environnement, économie et politique) dépend de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique).

2. Steep, voir note 1.

3. In « BIENVENUE DANS UN MONDE FINI », conférence faite à l’Ademe le 13 avril 2018, disponible sur YouTube

4. La première loi indique que l’énergie ne peut pas être créée mais uniquement transformée. La seconde précise que les transformations de l’énergie ou de la matière ne se font jamais sans dégradation ni perte.

5. Ecological Economics, vol. 147, mai 2018, pages 383-398,  HTTPS://WWW.SCIENCEDIRECT.COM/SCIENCE/ARTICLE/PII/S0921800916309569

SUR LE THÈME DE L’EFFONDREMENT

The Collapse of Complex Societies, de Joseph Tainter (1988) ; Collapse, de Jared Diamond (2005) ; World on the Edge, de Lester Brown (2010) ; The Five Stages of Collapse, de Dmitry Orlov (2013) ; Can a Collapse of Global Civilization Be Avoided?, de Paul et Anne Ehrlich (2013) ; Comment tout peut s’effondrer, de Pablo Servigne et Raphaël Stevens (2015) ; la web-série Next, de Clément Montfort.

EN BREF

Pour les scientifiques, le mécanisme d’un effondrement biophysique se déroule en 4 phases :

1)   croissance physique ;

2)  dépassement des capacités naturelles ;

3)  retard dans la réaction ;

4)  érosion des capacités. Il aboutit alors à une situation dans laquelle « les besoins de base (eau, alimentation, logement…) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi », selon Yves Cochet, de l’institut Momentum.

 

 

Juliette Nouel
Journaliste
Les deux sciences et le politique

La science, c'est le plus souvent avec les yeux de Chimène que nous la regardons : ne nous a-t-elle pas permis de vaincre la rage, de mettre au point des transports rapides, d'avoir chaud l'hiver et de téléphoner de partout ? Cette science-là, hélas, a aussi un effet secondaire : elle aide trop souvent à accélérer le sciage de la branche sur laquelle nous sommes assis. Des bateaux de pêche motorisés, des tronçonneuses et des centrales à charbon vont avec un prélèvement accéléré de ressources non renouvelables, une diminution des surfaces boisées ou un changement climatique plus rapide.

C'est alors qu'entre en jeu une deuxième science, qui ne cherche pas à créer ou à améliorer une technique, mais qui rend compte de l'état du monde. Cette science-là inventorie les espèces et leur abondance, ausculte le système climatique, sonde les océans ou décrit l'état des forêts et des sols cultivables. La première de ces sciences est toujours à la fête, budgétairement et réglementairement. Permettant de déboucher sur des produits commerciaux, elle attire les milliards, et donc les cervelles. Pour la même raison, il n'est pas un décideur politique qui ne cherche à lui rendre la vie facile, ce qui correspond au souhait de la majorité de ses électeurs.

La seconde science, qui ne sert qu'à nous dire si nous faisons ce qu'il faut pour que notre vaisseau spatial habitable pour 7 milliards d'humains le reste encore longtemps, n'a pas autant nos faveurs. Ses résultats sont contestés injustement, ses budgets sont maigrichons et sa place dans nos arbitrages réglementaires l'est plus encore. Et, malgré les discours - un Grenelle, un débat sur la transition énergétique ou un accord de Paris -, dans les actes les mesures décidées sont trop souvent à côté du problème, ou le font empirer (ce n'est pas rare), ou restent lilliputiennes au vu des ordres de grandeur.

Il est urgent de renverser la hiérarchie entre ces deux sciences, et que celle des constats prenne l'importance qui lui revient dans le monde économique, politique et associatif. A défaut, nous n'aurons pas la réalisation des promesses de campagne, nous aurons un effondrement dont nous voyons malheureusement les signes avant-coureurs un peu partout.

Jean-Marc Jancovici

Jean-Marc Jancovici, associé de Carbone 4, est président du Shift Project


 
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