BPCE et Natixis...

Publié le par ottolilienthal

Affaire H2O AM : les porteurs lésés estiment leur préjudice à 674 millions d’euros
Natixis IM, KPMG et Caceis vont être assignés en justice aux côtés de H2O AM France. Le principe de responsabilité in solidum des tiers de confiance est retenu par le regroupement d’investisseurs.
 

L’Association collectif porteurs H2O a estimé le montant total du préjudice subi par ses adhérents depuis le début du conflit qui les oppose à la société de gestion H2O AM. Lors d’une conférence dédiée à ses membres, qui s’est déroulée le 17 novembre, elle a annoncé qu’elle l’avait évalué à 674 millions d’euros. La somme inclut la prise en charge de 30% de frais de justice, les pertes subies et le manque à gagner des montants bloqués dans des fonds cantonnés (fonds SP pour side-pocket, ndlr) de la société de gestion, ex-affilié de Natixis Investment Managers, depuis 2019.

Dans cette affaire, le collectif met ainsi en cause la responsabilité de la société de gestion H2O, mais également les défaillances de contrôle des tiers de confiance. Selon l’association, Natixis IM, l’actionnaire majoritaire à l'époque des faits, Caceis, le dépositaire des actifs, et KPMG, le commissaire aux comptes, ont conjointement joué un rôle direct dans la commission de manquements. «Si une société de gestion investit dans des actifs qui ne sont pas éligibles au portefeuille d’un OPCVM, il appartient au dépositaire de l’empêcher. Si le dépositaire se rend compte du manquement, le manquement disparait. Pendant six ans, Caceis Banque a eu la possibilité de voir et de signaler les anomalies sur les titres illiquides (Tennor), alors qu’il n’y a jamais eu d’alertes de la part du dépositaire», explique Dominique Stucki, avocat associé et fondateur de Legitix. En conclusion, l’ensemble des tiers de confiance seront assignés en justice aux côtés de H2O. Sans doute début décembre.

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L’association, accompagnée du litigation fund Deminor, a finalement relevé lors de son enquête plus de 2,3 milliards d’euros de pertes depuis le début de l’affaire. En plus des SP, composés de 1,6 milliard d’euros d’actifs dits illiquides adossés au groupe Tennor, le collectif retient une perte supplémentaire de 714 millions d’euros, réalisée juste avant le transfert des obligations dans les fonds cantonnés. «Cette poche est aujourd’hui invendable, les adhérents n’ont plus d’attentes concernant ces actifs», indique Gérard Maurin, fondateur de l’association. Après avoir subi deux baisses consécutives de valorisation depuis le mois de septembre, la valeur des fonds cantonnés est passée de 1,6 milliard d’euros à environ 301 millions d’euros.

Une holding luxembourgeoise dans le viseur

 

L’attention du collectif d’investisseurs se tourne aussi vers la holding luxembourgeoise détentrice des entités de la société de Bruno Crastes, H2O AM Holding SA, Luxembourg. «Nous voulions savoir quelles ont été les décisions stratégiques prises par cette holding pour comprendre son rôle, explique Gérard Maurin. Nous pensons que le Luxembourg a joué un rôle important». Une demande de documents référés in futurum a ainsi été déposée. «Nous avons demandé des documents simples, comme les liens entre la holding, ses filiales et les actionnaires, mais aussi les PV d’assemblée générale», ajoute le fondateur de l’association.

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L’association, qui a finalement laissé les inscriptions ouvertes jusqu'à l’assignation en justice auprès du Tribunal de commerce de Paris, compte à l’heure actuelle 5.936 demandeurs. Parmi eux, le collectif compte des milliers d'épargnants, mais aussi des conseillers en gestion de patrimoine, des tiers gérants et des assureurs, dont cinq luxembourgeois et deux français. Le report de cette assignation en justice, pour cause de documents incomplets, a également permis à certains professionnels de rejoindre le mouvement, notamment depuis septembre lors des annonces de baisse de valorisations des fonds cantonnés. Bien qu’ils ne croient plus à la récupération de cette poche de capital, les professionnels financiers ne tirent pas non plus un trait sur une possible procédure à l’amiable avec la société de gestion. «Nous sommes des financiers pragmatiques et nous gardons la porte ouverte à une négociation dans l’intérêt de nos membres», conclut Gérard Maurin.

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https://www.agefi.fr/patrimoine/fonds/affaire-h2o-am-lassociation-collectif-porteurs-h2o-estime-le-prejudice-total-a-674-millions-deuros

Amende record pour le gestionnaire d'actifs H2O et ses deux fondateurs

Lourd revers judiciaire pour le fonds H2O, sanctionné par une amende record par l'AMF pour "manquements" aux obligations professionnelles au détriment de milliers d'épargnants.

Une amende record pour de graves "manquements" aux obligations professionnelles au détriment de milliers d'épargnants : l'Autorité des marchés financiers (AMF) a frappé fort mardi 3 janvier en infligeant 93 millions d'euros d'amende à la société de gestion H2O et à ses dirigeants. Ce sont 75 millions d'euros qui devront être versés par cette société britannique détenue encore en partie par la banque française Natixis. S'y ajoutent 15 millions d'euros pour Bruno Crastes, son directeur général, et 3 millions d'euros pour Vincent Chailley, directeur des investissements.

La Commission des sanctions de l'AMF a ainsi suivi pratiquement en tout point les réquisitions prises lors d'une séance publique fin novembre. Seule nuance : M. Crastes ne se voit pas interdire d'occuper des fonctions de dirigeant et de gérant de fonds en France et dans l'Union européenne pendant dix ans, comme requis, mais pendant cinq ans. L'AMF a justifié sa décision par "la gravité des manquements", "l'implication des dirigeants dans la commission de ceux-ci" ainsi que le "préjudice subi par les investisseurs résultant en particulier du blocage de leur épargne."

L'amende est d'un montant sans précédent. La plus lourde jusqu'alors (35 millions d'euros) avait été prononcée à l'encontre de Natixis en 2017. Elle avait été ramenée par le Conseil d'Etat à 20 millions d'euros. Cette sanction record marque une nouvelle étape dans le feuilleton de H2O, gérant d'actifs aux performances exceptionnelles avant qu'il ne chute brutalement à partir de 2019 à la suite d'un article du Financial Times mettant en doute la qualité de certains des placements proposés. En cause notamment : les investissements conséquents dans la holding financière Tennor, liée à l'homme d'affaires allemand controversé Lars Windhorst. L'épargne de certains investisseurs dans H2O était dirigée à "plus de 10%" sur la dette de Tennor, ce qui ne respecte pas le "ratio d'investissement" des sociétés de gestion, a relevé l'AMF.

"Défaut de liquidité"

L'autorité a pointé "le défaut de liquidité" de ces placements, le fait qu'ils "n'entraient pas dans le cadre de la politique d'investissement fixée par les prospectus des fonds" gérés par la société H2O et que cette dernière ne disposait pas "d'informations suffisantes" pour investir "de manière fiable". Résultat : plusieurs des fonds d'H2O, représentant 1,6 milliard d'euros à l'automne 2020, ont été bloqués et les épargnants lésés n'ont à ce jour toujours pas pu récupérer leur mise.

H2O a annoncé mardi, avant la publication de la sanction, qu'elle allait rembourser "dans les prochains jours" une première partie des fonds bloqués, mais sans préciser les montants. Jointe par l'AFP, la société n'a pas encore commenté la décision, susceptible de faire l'objet d'un recours. Lors de la séance de la Commission des sanctions, la défense avait fait part de sa "sidération", estimant que les réquisitions étaient "disproportionnées". "Il n'y a ni fraude, ni même allégation de fraude, ni manipulation, aucune dissimulation, ni malversation, ni enrichissement personnel sur le dos des porteurs, même pas une faute volontaire", avait-t-elle plaidé.

 

La sanction de l'AMF n'est peut être qu'une première étape sur un chemin de croix judiciaire pour H2O, également visée par une enquête du gendarme des marchés britannique. En France, une association regroupant plus de 3.000 épargnants lésés, le Collectif Porteurs H2O, a également annoncé son intention d'assigner en justice la société devant le tribunal de commerce ou d'instance. Réagissant à la sanction prononcée par l'AMF, cette association s'est "félicitée de cette sanction et notamment des griefs retenus, clairs et circonstanciés". Elle a annoncé son intention de "déposer une assignation contre H2O AM en mars 2023 en vue de la réparation du préjudice subi".

pris dans le scandale H2O, filiale de Natixis, les épargnants se rebiffent

 

En raison des placements sulfureux de ce fonds spéculatif français, des milliers de particuliers lésés ne peuvent plus accéder à leurs économies
 
« Je pourrais encore en parler longtemps : c’est un roman !  » Interrogé par la commission des finances du Sénat en mars 2021, Robert Ophèle, le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), se montre intarissable sur le scandale financier H2O Asset Management (AM), un fonds spéculatif à la française, filiale de Natixis (groupe Banque populaire Caisse d’épargne), mis en difficulté par des investissements hasardeux.
 
Ce « roman », Agnès Pratviel, retraitée de la région de Grenoble, ancienne secrétaire administrative à l’hôpital, y a pris part, à son corps défendant. Comme plusieurs dizaines de milliers d’épargnants en France, en Europe et au-delà, elle a placé une partie de ses économies dans des fonds H2O, par le biais d’une assurance-vie. Sa conseillère en gestion de patrimoine lui a recommandé cet investissement. « Elle nous a dit que ces fonds étaient sûrs, qu’ils surperformaient en permanence. Idéal si nous voulions booster notre épargne », souligne son mari, Jean-Pierre Pratviel. Mais quand le couple constate une sous-performance, à l’été 2020, et veut s’en débarrasser, « elle nous a dit qu’on ne pouvait pas vendre ». Sur les 10 400 euros investis, quelque 1 800 euros restent en effet bloqués. « Je n’ai toujours pas compris pourquoi », déplore M. Pratviel.
 

En mai 2020, Véronique Lajoinie, enseignante à la retraite dans le Calvados, a investi 5 700 euros dans des fonds H2O, également à travers une assurance-vie proposée par un conseiller en gestion de patrimoine. « Aujourd’hui, j’ai 1 400 euros dehors, gelés dans des side pockets [fonds cantonnés], s’alarme-t-elle. Or je ne sais pas comment suivre ça, je n’y connais rien, je suis plutôt une littéraire. Je voulais bien prendre un peu de risques, mais pas tant que ça. »

Paris à quitte ou double

 

Les petits épargnants sont loin d’avoir été les seuls piégés par le scandale financier H2O. De très gros patrimoines en font également les frais. Jean-Luc Durand, ancien avocat de 56 ans, a d’abord gagné beaucoup d’argent grâce à H2O. « De 2012 à 2020, tout se passait bien, avec 10 % en moyenne de plus-values par an, reconnaît-il. Jusqu’à ce que je découvre dans la presse un avertissement de l’AMF, en 2020. Mon conseiller en gestion de patrimoine, qui a lui même beaucoup investi dans H2O, n’était informé de rien. »

Pendant près de dix ans, la société de gestion d’actifs créée à Londres en 2010 a en effet fait gagner beaucoup à ceux qui lui ont confié leur argent. Le patron de H2O AM, Bruno Crastes, gérant star, cow-boy des marchés financiers, réalise des performances hors du commun en prenant des paris, par exemple sur la dette grecque, à quitte ou double. Avant que le vent tourne. Le banquier a choisi d’appeler sa « boutique » H2O pour mettre en avant la bonne liquidité de ses fonds, c’est-à-dire la rapidité d’achat et de vente des actifs.

Pourtant, à partir de 2015, la société commence à acheter des dettes privées (non cotées, donc très peu liquides) émises par des entreprises du groupe Tennor, fondé par un sulfureux homme d’affaires allemand, Lars Windhorst. Il a à son passif deux faillites, a été poursuivi pour fraude, détournement de fonds et abus de confiance, et les sociétés de sa holding sont en difficulté.

La situation devient intenable lorsque, en mars 2020, au début la crise sanitaire, la chute brutale des marchés financiers entraîne une forte perte de valeur des actifs liquides

Les problèmes commencent lorsque, en juin 2019, le Financial Times mentionne dans un article les liens étroits entre H2O AM et Lars Windhorst. Aussitôt, le groupe d’évaluation financière Morningstar suspend la notation d’un fonds H2O, « la concentration des placements sur une série de sociétés liées au même individu »étant « une source d’inquiétude ». S’ensuit un début de panique chez les investisseurs et des retraits massifs chez H2O, de l’ordre de 8 milliards d’euros en quelques jours, sur un total de 34 milliards d’encours. Ce mouvement augmente proportionnellement les expositions aux actifs illiquides de Lars Windhorst.

La situation devient intenable lorsque, en mars 2020, au début la crise sanitaire, la chute brutale des marchés financiers entraîne une forte perte de valeur des actifs liquides. La proportion des actifs illiquides dans le total devient trop importante. Impossible d’attribuer une valeur à ces titres, devenus invendables. En août 2020, l’AMF intervient pour demander la suspension de plusieurs fonds H2O, rendant impossibles dépôts et retraits. Quelques mois plus tard, en octobre, une scission se produit au sein de ces fonds pour cantonner la partie illiquide (la dette du groupe Tennor), placée en liquidation. Depuis un an et demi, les avoirs de dizaines de milliers d’épargnants se retrouvent ainsi bloqués dans ces side pockets. Qui plus est, leur valeur estimée par H2O a été violemment décotée, au 31 décembre 2021.

« Une valorisation artificielle »

 

« En août 2020, j’avais 195 000 euros bloqués dans les side pockets. Aujourd’hui, cela vaut 117 000 euros, constate Jean-Luc Durand. Mais il s’agit là d’une valorisation artificielle, ça ne vaut en réalité certainement plus rien. » Comme plusieurs centaines d’épargnants, ce gros investisseur a décidé de rejoindre l’association Collectif porteurs H2O, pour tenter de récupérer ses fonds. « Nous estimons que H2O a acheté 2,8 milliards d’euros d’obligations du groupe Tennor et que, aujourd’hui, cet investissement ne vaut plus que 1 milliard d’euros, après la dernière décote », relève le président de cette association, Gérard Maurin, conseiller en gestion de patrimoine, qui détient 15 000 euros bloqués dans les fonds cantonnés.

« Ces 2 milliards manquants, je suis convaincu qu’on ne les retrouvera pas, pronostique-t-il, car Tennor a été mis en faillite en novembre [2021]pour une créance de 30 millions d’euros, signe qu’il n’y a plus du tout d’argent. » Un tribunal néerlandais avait alors déclaré la holding du groupe Tennor en cessation de paiements. Une décision finalement annulée en seconde instance, en décembre, Lars Windhorst étant parvenu à obtenir de ses créanciers un moratoire de six mois.

Des rebondissements dont les épargnants lésés ignorent tout, la plupart du temps. H2O AM limite strictement ses communications sur l’affaire, estimant qu’il s’agit du meilleur moyen de récupérer l’argent de ses clients. L’AMF se garde de tout commentaire. Quant à Natixis, il travaille activement à se désengager du capital de sa filiale H2O. Faute d’interlocuteurs, le Collectif porteurs H2O s’est tourné vers le tribunal de commerce de Paris, afin que soit désigné un expert pour quantifier le préjudice subi. « Notre dénouement idéal, avance Gérard Maurin, serait la création d’un fonds pour dédommager les épargnants, sur le modèle du fonds pour les victimes de [Bernard] Madoff. »

 
Véronique Chocron

Natixis, la banque qui accumule les mécomptes courants

 

Infos trompeuses, placements douteux, ententes. Depuis 2006, elle régale des millions de clients.

 

Un coup au coeur et..au portefeuille des épargnants ! L'Autorité des marchés financiers doit, ces prochains jours, donner son feu vert à une opération préparée de longue date par BPCE. Le groupe mutualiste, en effet, a décidé de retirer sa banque d'investissement Natixis de la cote boursière. Pour ce faire, BPCE propose de racheter (3;7 milliards d'euros) les 29,3 % de Natixis qu'il ne possède pas encore aux actionnaires qui les détiennent. Lesquels recevront une aumône : 4 euros par titre. "Une honte !" se lamente l'un d'eux.

Comme 2,8 millions de semblables, ce client de l'Ecureuil s'était laissé convaincre de participer à la mise en bourse de Natixis, en 2006, et avait acheté les actions à 19,55 euros pièce. "Ce cours, malheureusement, correspond à une autre époque" a déclaré, le 9 février, Laurent Mignon. Le pédégé de BPCE connait bien le sujet, il a été directeur général de Natixis de 2009 à 2018.

Admirable résignation ! Car lui-même a souffert. "Le jour où il a pris ses fonctions, l'action avait chuté à 1 euro !" rappelle l'une de ses collaboratrices. Au cours de cette décennie, Laurent Mignon a tout de même gagné 16,5 millions d'euros (revenus fixes et variables). Mais avec un cours aussi minable, le malheureux n'a pu faire fructifier des actions gratuites...

Les dirigeants de la galaxie BPCE passent volontiers  sous silence les facéties de cette banque d'investissement qui rêvait de jouer avec les grands de Wall Street. Depuis 2006, elle a pourtant prouvé à maintes reprises son habileté à contourner les règles et son incapacité à gérer les risques. Revue des hauts faits de cette banque modèle...

Un virus made in USA

Natixis a été envoyé au tribunal correctionnel, du 29 mars au 8 avril, pour avoir sous-estimé, dans ses communiqués financiers, son exposition aux subprimes -ces prêts hypothécaires américains douteux ayant déclenché la crise de 2008. Cette année-là, Natixis avait perdu..2,8 milliards d'euros et, en 2009, 1,7 milliards.

Soutenus par des associations, des centaines de petits actionnaires ont saisi la justice, en 2009, pour "diffusion d'informations trompeuses" et "présentation de comptes inexactes". Si les juges leur donnent raison (verdict le 24 juin), la décision pourrait inspirer des milliers d'autres victimes. La banque redoute l'échec en blanc !

 

ça trompe énormément

"information inexacte et trompeuse"..l'Autorité des marchés financiers n'a pas mâché ses mots quand elle a infligé, le 25 juillet 2017, une amende record de 35 millions d'euros à Natixis Asset Management -une pénalité ramenée à 20 millions d'euros par le Conseil d'Etat. L'AMF reproche à la banque d'avoir ponctionné, à l'insu de ses clients investissant dans des valeurs risquées-via des assurances-vie ou de PEA- des frais très supérieur à ceux payés par la société de gestion. La banque qualifiait ces sommes indues de "coussin". Le gendarme de la Bourse lui a volé dans les plumes !

Jeu de go coréen

"Un accident de marché" : voilà comment Natixis a qualifié, le 18 décembre 2018, sa perte de 260 millions d'euros sur les marchés financiers asiatiques. Natixis proposait des produits "structurés" (complexes et risqués) avec Korea Exchange, la Bourse sud-coréenne. Sauf que le produit financier, mal calibré, s'est révélé déficitaire. Ex-conseiller élyséen de Sarkozy, François Riahi, qui régnait à l'époque sur la banque d'investissement en Asie, a été poussé vers la sortie.

Ainsi fond le fonds...

Quelques mois plus tard, le 18 juin 2019, affolement chez les investisseurs de la société de gestion d'actifs H20, détenue à 50,01 % par Natixis. Craignant de ne plus voir la couleur de leurs placements, longtemps hyperrentable, des milliers de particuliers retirent brutalement 8 milliards d'actifs sur les 34 milliards qu'elle gérait. Fin août, l'AMF contraint H20 à suspendre ses opérations spéculatives. L'estimation des pertes de ses clients tutoie le milliard...Natixis s'est séparé de cette activité risquée le 4 janvier 2021. H20 a rincé la clientèle.

Ticket choc

Comme si ces acrobaties bancaires ne suffisaient pas, la filiale Natixis Intertitres s'est fait gauler pour pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des tickets-restaurant. Emettrice des "chèques de table", la société avait échangé des informations confidentielles avec Edenrend France (Accor), la coopérative Up (les "chèques déjeuners") et Sodexo Pass France, histoire d'évincer les nouveaux entrants de ce juteux marché. Le 18 décembre 2019, Natixis Intertitres a écopé d'une prune de 83,3 millions d'euros. Finies les petites bouffes entre concurrents ?

 

Odile Benyahia-Kouider

"le Canard enchaîné", 14/04/2021

 

Vingt ans après ...
Ce titre pourrait faire redouter l’annonce d’un infâme plagiat de l’œuvre d’Alexandre Dumas. Rassurez-vous : il ne doit rien au vicomte de Bragelonne et ce n’est que l’écho de l’actualité du 29 mars qui l’a inspiré. L’annonce ce jour là du jugement rendu dans l’affaire du Médiator fit ressurgir en certains esprits les méandres ténébreux de la saga de l’« affaire » Doublo.

Les guillemets ne sont pas une simple coquetterie ; ils expriment plutôt une sorte de litote pour désigner l'absence de prise en compte par la justice du douloureux litige persistant entre la Caisse d’Épargne (depuis longtemps fusionnée avec les Banques Populaires en la BPCE) et ceux de ses infortunés clients qui avaient eu, vingt ans plus tôt, la naïve crédulité de souscrire à ces produits, « FCP à promesse » (« le FCP haute performance pour doubler votre épargne en toute sérénité »), dont six itérations ont été commercialisées en 2001 et 2002,  systématiquement vouées à l’échec six ans plus tard. Une façon, peut-être, de reprendre (mais en doublant la mise, contexte oblige) le slogan des insurgés de 1968 : « Vingt ans, ça suffit ! ».

L’actualité vient donc d’allumer un projecteur braqué sur le « variant pharmacologique » de l’affaire du Médiator. « Variant », car on serait surpris des similitudes entre ces deux virus sournois ; s’il est nécessaire de s’en convaincre, on peut se livrer à l’expérience de remplacer Servier par Caisse d’Épargne et Médiator par Doublo dans ce qui se publie actuellement et ne pas manquer d’être frappé par la cohérence que conservera la nouvelle rédaction résultant de ces substitutions.

Dans un cas comme dans l’autre, les victimes se situent parmi le grand public (267.000 pour Doublo et 5 millions « revendiqués » par le Médiator) et leur naïveté a été abusée par de vigoureuses campagnes de commercialisation que la justice qualifie maintenant  de « tromperie aggravée » pour le laboratoire et de « publicité trompeuse » pour la banque !

Pourtant, des différences distinguent les deux sagas :

  • aucun parlementaire ne s’est vu reprocher d’avoir modifié un rapport parlementaire relatif à Doublo pour minimiser la responsabilité du groupe bancaire, pour la bonne et simple raison qu’aucun rapport n’a jamais été produit sur ce sujet, ni même demandé
  • contrairement à l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM, ex-AFSSAPS), personne n’a jamais accusé l’Autorité des Marchés Financiers (AMF, ex-COB) d’avoir « gravement failli dans sa mission de police financière ».

La responsabilité du « gendarme de la Bourse » n’a jamais été recherchée, ni même été évoquée, hormis, à demi-mots, par le Conseil d’État. Par son avis du 28 mars 2014, il considérait que c'était « à bon droit que la Commission des sanctions [de l’AMF] avait estimé que les faits dont elle avait été saisie étaient prescrits ». Mais il relevait aussi que les fonds Doublo et suivants « étaient destinés à une clientèle « grand public » et ce alors que la formule de rémunération du capital investi dans les fonds était particulièrement complexe ; que ces fonds avaient été commercialisés dans le réseau de la Caisse d’Épargne où ils avaient fait l'objet d'une promotion commerciale de grande ampleur ».

Selon l'analyse du Conseil d’État, ces conditions de commercialisation « justifiaient une vigilance particulière de la COB, puis de l’AMF dans l'exercice de leur mission de contrôle ». Les autorités de contrôle avaient eu la possibilité de relever les manquements allégués dès la période de commercialisation, qui s'était achevée en avril 2002. 

Elles en avaient eu la possibilité, mais s’en étaient abstenues en dépit des appels qui leur avaient été adressés, très solennellement, par Maître Richard, et par le CLAB (alors Collectif Lagardère contre les Abus Bancaires, rebaptisé ultérieurement Collectif de Lutte contre les Abus Bancaires pour éviter toute confusion avec le groupe de presse éponyme).

Une autre différence majeure, la plus éminente, sans doute, est qu’à ce jour, l’affaire Doublo n’est jamais venue devant le tribunal correctionnel. En effet, le 15 septembre 2016, le périodique Challenges publiait, sous le titre « Affaire Doublo : BPCE de nouveau dans le viseur de la justice », l’information selon laquelle « … la plainte du CLAB déposée au niveau national, à laquelle s’étaient joints de nombreux plaignants, a été classée sans suite en 2014. Motif invoqué par le Parquet : le groupe BPCE, issue de la fusion en 2010 de la Caisse d’Épargne et des Banques Populaires, ne saurait être considéré comme responsable d’une infraction commise auparavant par une société qu’il a absorbée. Daniel Richard dénonce alors dans Le Parisien un  « enterrement de première classe »   mais ne se décourage pas. L’une des victimes dépose une nouvelle plainte avec constitution de partie civile début 2015. C’est cette plainte, reprise par l’avocate Hélène Féron-Poloni après le décès de son confrère, qui va aujourd’hui donner lieu à une enquête pénale ... »

Après bien des pérégrinations, le Président du CLAB pouvait annoncer à ses adhérents, le 2 octobre 2019 : « Notre dossier avance. L'avocate a pris connaissance du rapport enfin envoyé à la Juge par la DGCCRF, rapport qui nous est favorable.  Elle a également rencontré la Juge, qui envisage de demander une transaction à BPCE, plutôt que de poursuivre en direction d’un procès. »

Pourtant, à ce jour (plus de 500 jours plus tard), après avoir répondu à toutes les demandes d’informations complémentaires relatives aux victimes, l’avocate ne peut que faire le constat que la transaction en est toujours au stade de la négociation, sans avoir réellement progressé d’un seul pouce.

Le montant en est substantiel : à raison de 50 % de leur investissement initial (en 2001-2002, voici deux décennies !), il s’agit de quelque deux millions d’euros, répartis entre 153 plaignants.

Leur handicap tient aussi probablement à l’absence de la moindre Irène Frachon, même à dose homéopathique,  au sein des milieux bancaires ; « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », une pensée  d’autant plus légitime qu’elle nous vient en pleine période pascale !

Mediapart (repris, pourquoi pas,  par Le Canard Enchaîné, Le Parisien, Aujourd’hui en France, ainsi que par les médias télévisés) leur rendrait un fier service s’il incitait BPCE à mesurer l’ampleur de l’enjeu en procédant à quelques règles de trois élémentaires : sous les mêmes conditions, le maximum des indemnisations encourues plafonnerait juste au-delà d’un milliard d’euros s’il devait concerner la totalité des  267.000 épargnants qui  avaient à l’origine investi 2,13 milliards d’euros avec l’espoir entretenu par la Caisse d’Épargne d’en recevoir autant…

Sa performance rivaliserait alors avec celle des Laboratoires Servier. En toute sérénité !

Dans les jours qui viennent, seront publiés dans ces pages, les uns à la suite des autres, les trente-huit chapitres de l’épopée à suspense inspirée de ces épisodes, Le Guêpier.

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Les subprime se rappellent au bon souvenir de Natixis

La banque sera jugée aujourd’hui pour une affaire datant d’il y a 14 ans concernant une possible diffusion d’informations fausses ou trompeuses.

Les juges n'ont pas oublié Natixis. Ce lundi s’ouvre pendant trois jours le procès de la banque pour une plainte déposée par certains de ses actionnaires pour des faits datant de... 14 ans. En 2009, ceux-ci ont reproché à Natixis d’avoir caché ses graves difficultés liées aux subprime en 2007, après son introduction en fanfare à la Bourse de Paris fin 2006. Difficultés qui avaient fait chuter le cours de l’action en 2008 et entraîné, en juin de la même année, une première augmentation de capital au prix de 2,25 euros.

Le 24 février 2009, 91 actionnaires de Natixis ont adressé une plainte au procureur de la République dans laquelle ils mettaient en cause la communication financière de la société lors de son introduction en 2006, la communication financière des années 2007 et 2008, et celle effectuée lors de l’augmentation de capital de septembre 2008. Ils estimaient que sans ces communications, et les multiples campagnes commerciales menées par les Caisses d’Epargne et les Banques Populaires, ils n’auraient pas perdu leurs économies en sortant des fonds de leurs livrets d’épargne pour acheter des titres Natixis.

En 2010, une information judiciaire relative à la diffusion d’informations fausses ou trompeuses et à la présentation de comptes ne donnant pas une image fidèle et la répartition de dividendes fictifs a été ouverte. Finalement, après une enquête à rallonge, le 14 février 2017, Natixis a été mise en examen pour le seul motif de «diffusion d’information fausse ou trompeuse sur les perspectives d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé». En cause, les informations présentes dans un communiqué diffusé par la banque en novembre 2007 et portant sur ses comptes au 30 septembre 2007, dans lequel les pertes liées aux subprime auraient été minorées.

Cette affaire ressort devant les tribunaux alors même que Natixis vient d’entrer dans le dur de son processus de retrait de la cote. Et pourtant, il n’y a pas de rapport entre la plainte et ce retrait. A l’origine, le procès devait avoir lieu en 2020, avant la décision de BPCE de réintégrer Natixis, mais il a été reporté à cause de la crise sanitaire.  

Plus de 14 ans après les faits, même si une condamnation de Natixis pourrait avoir lieu, celle-ci n’aurait que peu de portée. Il n’empêche, la banque n’a pas besoin d’une telle publicité négative, au moment où elle doit convaincre ses actionnaires d‘apporter leurs titres à son offre de retrait.

29/03/2021 L'AGEFI Quotidien

 le groupe BPCE veut retirer sa filiale Natixis de la cote
 

Le groupe mutualiste BPCE (Banque populaire Caisse d’épargne) a décidé de racheter le solde du capital de sa filiale cotée pour 3,7 milliards d’euros, au prix de 4 euros par action. Natixis avait été introduit en Bourse en 2006 à 19,55 euros.

 

Spleen du petit actionnaire, ce mardi 9 février, lorsque le groupe Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE) a annoncé son intention de retirer sa filiale Natixis de la cote. L’établissement mutualiste a décidé d’« acquérir les 29,3 % du capital de Natixis qu’il ne détient pas » encore, pour quelque 3,7 milliards d’euros, au prix de 4 euros par action. Bien loin du cours d’introduction en Bourse de Natixis, en 2006, à 19,55 euros.

 

« Le monde bancaire n’est plus le même, a justifié Laurent Mignon, le président du directoire de BPCE, lors d’une conférence de presse téléphonique. Le cours de 19,55 euros, malheureusement, correspond à une autre époque. »

 

La cotation, menée en pleine euphorie bancaire, deux ans avant la crise financière de 2008, fut un succès notoire. Les Banques populaires et les Caisses d’épargne y contribuèrent en écoulant largement le titre Natixis auprès de leurs clients. Au total, plus de 2,8 millions de petits épargnants y souscrivirent. « Ce n’est pas étonnant car c’est un dossier tranquille », analysait alors un gérant de CCR Actions dans les colonnes de L’Expansion. La suite lui donna tort.

 

 

Natixis, qui réunit notamment les activités de marché et la gestion d’actifs du groupe BPCE, manque d’être emporté par la crise de 2008 ; son cours tombe même sous la barre de 1 euro en mars 2009. Redressé au mitan des années 2010, l’établissement vient de traverser de nouveau deux années difficiles. En décembre 2018, Natixis émet un profit warning(« avertissement sur résultats ») pour prévenir qu’un sévère revers sur les marchés asiatiques va lui coûter 260 millions d’euros de revenus. La banque détient trop de produits complexes et risqués en Corée du Sud.

 

Panique et retraits massifs

 

Quelques mois plus tard, Natixis doit gérer les déboires de son hedge fund (fonds spéculatif) H2O, une société de gestion d’actifs au goût assumé pour le risque, qu’elle détient à 50,01 %. Un début de panique chez les investisseurs de H2O provoque en juin 2019 des retraits massifs, de 8 milliards d’euros. L’affaire rebondit à l’été 2020, lorsque plusieurs dizaines de milliers d’épargnants voient leurs économies bloquées plusieurs semaines sur les fonds que H2O a dû suspendre le 28 août, après intervention de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Le « gendarme boursier » français a des doutes sur la valorisation des fonds concernés.

 

 

Dans la foulée de cette séquence chahutée, Natixis se sépare de son patron, François Riahi, engage la cession de ses parts dans H2O et sabre dans son activité de dérivés actions. La banque vient d’annoncer un plan de départs volontaires ciblant 245 postes, en partie sur ces métiers. Sous l’effet de ces secousses et de la crise du Covid-19, Natixis voit son bénéfice net chuter à 101 millions d’euros en 2020, contre 1,9 milliard en 2019.

 

C’est dans ce contexte que BPCE a donc choisi de mener deux projets conjoints. D’une part, réorganiser le groupe, en transférant les activités de paiements et d’assurances de Natixis à la holding BPCE SA (détenue par les Banques populaires et les Caisses d’épargne). D’autre part, lancer une offre de rachat des minoritaires de Natixis.

 

Provisions

 

Pourquoi lancer un chantier si coûteux, en pleine crise sanitaire, alors que les banques doivent accumuler d’importantes provisions pour faire face aux faillites et impayés à venir de leurs clients ? « Le fait d’être coté n’apporte rien aux métiers de Natixis », a expliqué Laurent Mignon. « Etre en Bourse a son lot de contraintes, cela a un coût, et ça met la pression. En sortant de la cote, BPCE récupère par ailleurs 100 % du bénéfice réalisé chaque année par Natixis, puisqu’il n’y a plus de minoritaires », ajoute une source interne au groupe. A l’avenir, une cotation des activités de gestion d’actifs n’est toutefois « pas exclue », a indiqué M. Mignon.

 

 

Autre bénéfice majeur, pour ce dirigeant d’une des banques régionales du groupe : « Le pouvoir est clairement revenu entre les mains de BPCE SA, et donc des Banques populaires et des Caisses d’épargne, alors qu’auparavant il était bicéphale, partagé avec Natixis ». En avalant sa filiale, le groupe BPCE, qui a accumulé au fil des années beaucoup du capital, « va permettre à Natixis, qui n’est pas dans la meilleure des positions, de se restructurer et de diminuer ses risques », analyse de son côté Antonio Roman, gérant de portefeuille chez Axiom.

 

Par Véronique Chocron
Natixis, l’embarrassante filiale de BPCE

La banque doit gérer les déboires de son « hedge fund » H20 AM. Des dizaines de milliers d’épargnants ont quelque 10 milliards d’euros bloqués sur ses fonds. La question de son maintien au sein de Banque populaire-Caisse d’épargne se pose.

 

 

 

L’histoire de la finance est peuplée d’affaires de placements mirobolants, dont les performances défient le bon sens et qui, immanquablement, se terminent mal. La dernière en date concerne H20 AM, une société de gestion d’actifs revendiquant son goût pour le risque, détenue majoritairement par la banque française Natixis, la filiale cotée du groupe mutualiste Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE).

Des années durant, H20 AM a fait gagner beaucoup à ceux qui lui confiaient leur argent. Le fonds H20 Multibonds a ainsi signé un gain de 485 % entre 2012 et 2019, selon Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Facts & Figures, un cabinet de conseil en stratégie spécialisé dans l’assurance. Des performances « anormalement élevées, souligne l’expert, notamment quand on les compare à la performance moyenne de la gestion alternative qui était de l’ordre de 20 % sur cette période. »

Mais la machine à gagner a fini par s’enrayer. Et plusieurs dizaines de milliers d’épargnants ont vu leurs économies bloquées sur les fonds que ce hedge fund à la française a dû suspendre le 28 août, après intervention de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

« Haut rendement volatil »

Tout commence en 2010, lorsque Bruno Crastes, gérant star, « garçon brillant, beau gosse, beaux costards » comme le décrit un ancien collègue, crée à Londres la société de gestion H20 AM. Un nom censé vanter la bonne gestion de la liquidité, c’est-à-dire la rapidité d’achat et de vente d’actifs. Le financier vient alors de quitter le Crédit agricole Asset Management où il a monté une gamme de fonds qui a connu un succès phénoménal auprès des investisseurs… jusqu’à ce que survienne la crise de 2008. Pour lancer H20 AM, il s’appuie sur Natixis.

La filiale de BPCE se remet tout juste de la crise des subprimes, qui a failli l’emporter. Elle ne craint pourtant pas de prendre 50,01 % du capital de la boutique de gestion pilotée par M. Crastes. La banque française sait où elle met les pieds. « C’est un style de gestion à haut rendement et volatil, qui prend par exemple des paris sur l’évolution des devises. Pendant la crise de la Grèce en 2011, ses performances ont d’abord chuté de 40 %, avant de revenir à + 60 % », reconnaît aujourd’hui un dirigeant de Natixis. La magie Bruno Crastes opère, les investisseurs placent leur argent chez H20 sur son seul nom.

« L’homme a compris qu’il y avait en France un déficit de produits nerveux qui font rêver. Il a des visions de marché fulgurantes, il est un brin mégalomane… En résumé, il a le profil des dirigeants de hedge funds », poursuit son ancien camarade du Crédit agricole. « Il y a donc eu un emballement de marché sur les fonds H20 », constate Cyrille Chartier-Kastler.

Cet emballement connaît un premier coup d’arrêt en juin 2019 lorsque le Financial Times (FT) publie un article pointant les liens étroits entre H20 AM et le fonds de capital-investissement d’un homme d’affaires allemand controversé, Lars Windhorst, visé dans le passé par plusieurs procédures judiciaires. La boutique de gestion H20 AM a abondamment investi dans des obligations émises par plusieurs sociétés dont M. Windhorst est actionnaire.

Le risque d’illiquidité déclenche un début de panique chez les investisseurs et des retraits massifs, de l’ordre de 8 milliards d’euros en quelques jours

Problème : ces obligations ne sont pas liquides, elles ne peuvent donc pas être vendues rapidement, alors que les fonds de H20 sont qualifiés d’« ouverts », ce qui signifie que les clients peuvent à tout moment récupérer leur argent. Le lendemain, le groupe d’évaluation financière Morningstar indique que « la concentration des placements sur une série de sociétés liées au même individu est une source d’inquiétude » et suspend la notation d’un fonds de H20 AM. Le risque d’illiquidité déclenche un début de panique chez les investisseurs et des retraits massifs, de l’ordre de 8 milliards d’euros en quelques jours, sur un total de 34 milliards d’encours. Le titre Natixis dévisse en Bourse. La banque n’avait eu jusqu’alors qu’à se féliciter des résultats de son hedge fund. L’an dernier encore, en dépit de cet accident de parcours, H20 a généré 480 millions d’euros de commissions de surperformance (elles sont touchées si le fonds atteint ou dépasse l’objectif fixé par le gérant), contre 150 millions pour l’ensemble des 23 autres sociétés de gestion affiliées à Natixis.

La filiale cotée de BPCE regarde si peu ce qui se passe chez H2O AM qu’elle ne découvre qu’en juin 2019, dans la presse, le problème Lars Windhorst, selon un bon connaisseur du dossier. Dans la holding regroupant les activités de gestion d’actifs de Natixis, personne ne paraît avoir remarqué qu’il y avait chez H20 AM une telle concentration d’investissements liés au financier allemand. Depuis, la banque travaille à renforcer ses contrôles.

Une décision rare

Début 2020, le hedge fund cherche à liquider les titres non cotés de la galaxie Lars Windhorst auprès d’un consortium d’investisseurs… lié au financier allemand. Ce projet « Evergreen » commence à être exécuté au printemps mais traîne puis s’interrompt. Au même moment, l’audacieux M. Crastes – sollicité, il n’a pas répondu à nos questions – continue de prendre des paris risqués et accuse des performances très négatives. La part de la dette d’entreprise non cotée et illiquide monte alors mécaniquement en flèche et crève le plafond de 10 % d’actifs non cotés autorisé par la réglementation.

Surtout, nul n’est plus en mesure de savoir combien valent ces titres, devenus si difficiles à vendre. Si bien que le 28 août, coup de théâtre, l’AMF demande dans l’intérêt des clients la suspension de trois fonds à H20 AM, qui étendra le gel à cinq autres de ses fonds. Les dépôts et retraits ne peuvent donc plus avoir lieu pendant au moins quatre semaines. Une décision rare. La précédente demande de suspension du gendarme boursier français remontait à 2014, et ne concernait qu’une petite société de gestion et des fonds détenus par les membres d’une seule famille.

Cette fois-ci la décision est bien différente. Près de 10 milliards d’euros sont actuellement bloqués et de très nombreux épargnants sont concernés, dont quelques dizaines de milliers de clients des Banques populaires et des Caisses d’épargne, parce qu’ils ont investi dans ces fonds H20 AM par le biais de leur assurance-vie. La société de gestion travaille aujourd’hui encore à séparer les actifs liquides des illiquides, dont le montant s’élève selon Natixis à 1,5 milliard d’euros. Ils seront cantonnés pour être ensuite vendus au fil de l’eau au meilleur prix possible.

La suspension de ces fonds ne devrait pas avoir d’impact financier majeur sur Natixis − à moins que le hedge fund n’essuie de lourdes pertes. L’image de la banque sort toutefois écornée par cette affaire. Et la question de l’avenir de H20 AM au sein de Natixis est clairement posée.

L’affaire est suffisamment sérieuse pour que le superviseur bancaire, la BCE, y consacre un rapport d’information

Le groupe BPCE n’a d’ailleurs pas attendu la décision-couperet de l’AMF pour remodeler Natixis. Le directeur général François Riahi, ancien conseiller technique à l’Elysée sous Nicolas Sarkozy, en poste depuis deux ans à la tête de la banque, a été remercié cet été, à l’occasion de la publication des comptes du deuxième trimestre, qui se sont soldés par une perte nette.

H20 AM ne constitue pas son premier accident de parcours. En décembre 2018, six mois après l’arrivée de François Riahi à la tête de Natixis, la banque émet un « profit warning » pour prévenir qu’un ratage sur les marchés asiatiques lui coûtera 260 millions d’euros de revenus. En cause, un défaut de couverture d’instruments financiers potentiellement risqués (les dérivés actions) en Corée du Sud. Natixis avait fini par détenir sur ces produits très complexes, baptisés « autocall », une part de marché de plus de 30 % dans ce pays, beaucoup trop importante pour sa taille. Or c’est justement M. Riahi qui était aux commandes de la banque d’investissement en Asie lorsque ces produits se développaient.

Terrains risqués

L’affaire est suffisamment sérieuse pour que le superviseur bancaire, la BCE, y consacre un rapport d’information. Et face à l’ampleur de ces pertes, des analystes s’interrogent déjà sur la gestion du risque au sein de la banque.

Cela n’empêche pas M. Riahi de quitter le groupe bancaire, en août dernier, avec une solide indemnité de départ (2,4 millions d’euros) à laquelle s’ajoute une indemnité de non-concurrence de 400 000 euros. « 3 millions d’euros dans la poche, scandaleux, illégitime et immoral ! », réagit alors le syndicat Sud-Solidaires de BPCE, dans un tract. D’autres organisations syndicales estiment que « François Riahi est le fusible de Laurent Mignon », le patron de BPCE, qui occupait précédemment le poste de directeur général de Natixis.

Natixis annoncera le 5 novembre un nouveau programme de réduction des coûts et un coup de frein sur les dérivés actions

Dans les Banques populaires et les Caisses d’épargne régionales, actionnaires de BPCE, on se demande s’il est bien raisonnable qu’un groupe mutualiste s’aventure sur ce genre de terrains, particulièrement risqués.

Chez Natixis, des changements sont à venir. L’établissement annoncera le 5 novembre un nouveau programme de réduction des coûts et un coup de frein sur les dérivés actions. « Cette activité, par toutes les ressources qu’elle mobilise − capitaux, informatique… , et par la volatilité de ses résultats, ne crée plus assez de valeur pérenne pour l’entreprise », précise Nicolas Namias, le nouveau directeur général de Natixis.

L’été dernier, des rumeurs ont circulé sur un possible retrait de la cote de Natixis, dont le cours de Bourse a été divisé par plus de trois depuis le début de 2018. BPCE a aussitôt démenti. Mais le projet n’est pas enterré. « Tous les scénarios sont possibles, note le patron d’une banque régionale du groupe. La cotation a de moins en moins d’intérêt aujourd’hui. Mais un tel projet, s’il aboutit, n’interviendrait pas avant 2021 ou 2022. »

 

H2O, la fausse note

 

La performance à tout prix a tout de même un prix. Pour H2O Asset Management, elle est synonyme de gel d’une partie de ses OPCVM. La décision n’aura certes pas l’impact systémique du blocage des fonds monétaires de BNP Paribas, Axa et Oddo en pleine crise des subprime. Voilà plus d’un an que l’affilié de Natixis est empêtré dans des investissements illiquides liés au financier allemand Lars Windhorst. Il ne le doit qu’à ses choix, dont les dangers avaient été mis au jour par temps calme, bien avant l’apparition du Covid-19. Cet accident industriel n’en constitue pas moins un choc pour les conseillers en gestion de patrimoine et les assureurs-vie qui avaient largement distribué les produits de H2O auprès d’une clientèle de particuliers en vantant leurs rendements exceptionnels. Depuis que le vent a commencé à tourner, en juin 2019, ils sont d'ailleurs restés d’une remarquable discrétion...

Le secteur est malheureusement coutumier de ces effets de mode. Trop de distributeurs regardent les gérants stars avec les yeux de Chimène. Parfois, l’histoire se termine mal, comme celle de Richelieu Finance, ancienne gloire de la gestion actions ayant succombé à des paris trop audacieux sur des valeurs moyennes. Pour d’autres, la désillusion succède à l’emballement : Carmignac, le grand gagnant de la crise financière, a fini par rentrer peu à peu dans le rang. Ces dernières années, la filiale de Natixis avait supplanté le gérant de la Place Vendôme dans le cœur des épargnants et de ceux qui font profession de guider leurs placements. Comment résister à des rendements à deux chiffres qui reléguaient tous les fonds concurrents, hedge funds compris, en catégorie amateur ? Comment ne pas succomber au charisme d’une équipe qui paraissait changer en or tout ce qu’elle touchait ? Pour nombre de distributeurs de produits financiers, une bonne louchée d’H2O Adagio ou Multibonds dans l’allocation de leurs clients, additionnée d’un zeste de parts de société civile en placement immobilier, constituait jusqu’à l’an dernier la recette miracle.

L’effondrement généralisé de la valeur des fonds en mars, dépassant de beaucoup le krach des marchés financiers, a confirmé pourtant, si besoin était, la vraie nature de la gestion de la société. L’asset manager a toujours mené une stratégie alternative agressive, capable de faire bien mieux et bien pire que ses concurrents, sans demi-mesure. Ce risque élevé était assumé. A-t-il été bien expliqué, s’agissant de fonds de droit français commercialisés auprès de clients pas tous avertis ? Pour tous ceux qui conseillent ou vendent ces produits, l’affaire H2O constitue un sérieux rappel à l’ordre sur la réalité de leur devoir fiduciaire. Un avertissement d’autant plus utile que dans cette période de taux bas, il sera tentant de s’enticher du prochain Mozart de la finance.

03/09/2020 L'AGEFI Hebdo

Banque : le poison lent des « portes tournantes »

Nommé début août, le nouveau directeur général de Natixis, Nicolas Namias, était préalablement directeur financier du groupe BPCE qui détient environ 70 % de Natixis. A l’occasion de sa prise de fonction, il a récemment fait la déclaration suivante : « Ma position est claire. Mon mandat en tant que directeur général de Natixis consiste simplement à créer de la valeur pour tous mes actionnaires, pour chacun d’entre eux. C’est mon unique mandat. »

 

Décalage

Chacun appréciera cette déclaration d’intention, sachant que dans la banque doper le RoE (Return on equity, le bénéfice que rapporte le capital engagé) s’accompagne en général de prises de risque excessives, d’un passif composé de trop peu de capital (absorbeur de pertes non anticipées) et de trop de dettes.

Chacun pourra aussi apprécier l’opportunité de cette déclaration au moment où la France et l’Europe traversent une crise sanitaire et une récession sans précédent, où un nombre considérable de défaillances d’entreprises sont en cours et à venir et où la BCE a demandé aux banques de la zone de ne pas distribuer de dividendes afin de renforcer leurs capitaux propres et donc leur capacité à faire face par elles-mêmes aux pertes massives qui s’annoncent !

Privé/public, allers et retours

Là où l’histoire devient intéressante, c’est qu’avant cette brillante carrière dans la banque, qui commença dès 2008 dans le groupe BPCE, Nicolas Namias avait travaillé à la Direction générale du Trésor, puis comme commissaire du gouvernement suppléant auprès de l’Autorité des marchés financiers.

En 2012, il quitte la banque pour être nommé conseiller technique du Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour le financement de l’économie, les entreprises et les affaires économiques internationales. Ce passage en cabinet fut plutôt bref… mais suffisamment long pour avoir contribué à torpiller et vider de son contenu la loi dite de séparation et de régulation des activités bancaires, qui devait renforcer la régulation du secteur.1.

Dès avril 2014, c’est dire peu de temps après l’adoption de la loi bancaire, il quitte son activité de cabinet ministériel, et hop ! Retour à la bergerie : il devient membre du comité exécutif de Natixis chargé de la stratégie. Superbe promotion ! Pour services rendus ?

Car quoi de plus efficace sur des sujets techniques que de placer des hommes du lobby bancaire dans les cabinets ministériels ? La capture des autorités publiques par cette industrie est d’autant plus puissante qu’elle est concentrée, et que ses activités sont complexes. Le recours à l’expert, généralement issu de l’industrie, pour « conseiller » le décideur public dans ses activités de régulation du secteur, fait que la vision pro-industrie s’insinue au cœur même de l’Etat sous couvert d’une expertise purement technique.

Effets pervers

L’itinéraire professionnel de Nicolas Namias illustre parfaitement les effets pervers des « portes tournantes » (« revolving doors », en anglais), ces trajectoires professionnelles d’alternance de positions de cadres dirigeants dans l’industrie (ici la banque) et dans la haute fonction publique et les cabinets ministériels.

Indépendamment de la probité des individus, se pose fatalement la question des intérêts défendus par les personnes officiellement en charge de l’intérêt public, dès lors qu’elles savent que leur avenir professionnel se trouve dans l’industrie qu’il régule.

Ce doute décrédibilise les institutions publiques et mine la démocratie. Quand aujourd’hui cet ancien – bref – serviteur de l’Etat affirme, en tant que dirigeant de banque, ne rechercher que la maximisation des dividendes pour les actionnaires, il faut bien comprendre ce que cela signifie : rendre sa banque plus vulnérable à une crise financière et donc plus susceptible d’avoir à être renflouée par les contribuables.

Les « portes tournantes » sont un poison lent qui affaiblit la crédibilité des pouvoirs publics et la confiance des citoyens dans leurs institutions. Elles rongent de l’intérieur leur indépendance vis-à-vis de l’industrie et des lobbys. Elle crée un terrain favorable à une forme de capture corrosive, particulièrement pernicieuse car affaiblissant de l’intérieur l’efficacité des régulations du fait de la convergence de conception du monde entre l’industrie et les pouvoirs publics.

  • 1. Je fus reçue par lui lors des consultations organisées par le Premier ministre à propos de cette loi.
 
Laurence Scialom Professeure d'économie à l'université Paris Nanterre
Les mauvaises affaires de BPCE avec sa néobanque Fidor

La « fintech » allemande, rachetée en 2016, multiplie les accidents de parcours. Le cabinet Oliver Wyman réfléchit à une nouvelle stratégie de développement.

 

Les « fintech », ces start-up de la finance qui exhalent un parfum de modernité, sont parvenues, ces dernières années, à tourner la tête du vieux monde bancaire. Mais gare aux miroirs aux alouettes ! Le groupe mutualiste BPCE (Banque populaire Caisse d’Epargne) en fait aujourd’hui l’expérience, après avoir acquis en 2016 la banque numérique allemande Fidor.

Sur le papier, l’opération devait être un coup de maître. Le groupe coopératif était alors le dernier en France à ne disposer ni d’une banque en ligne ni d’une « néobanque », ces établissements numériques quasi gratuits, à l’offre basique, accessibles par le biais d’une application mobile. BPCE ambitionnait de rattraper ses concurrents en mettant la main sur Fidor, un modèle bancaire « totalement innovant », utilisant une technologie dernier cri.

Son concept ? Animer une communauté de discussions et d’avis sur les produits financiers, dont les membres sont autant de clients potentiels. Une « banque entre amis », qui récompense financièrement les contributeurs les plus actifs. Un système original permettant d’acquérir des clients à moindre coût (moins de 30 euros).

Lorsque le groupe BPCE est démarché par la jeune « fintech », en quête d’investisseurs, celle-ci dispose de plusieurs atouts : un agrément bancaire décroché en Allemagne en 2009, un début d’activité en Angleterre, l’ambition de lancer une offre aux Etats-Unis et un partenariat avec Telefonica O2 pour développer l’offre bancaire de l’opérateur télécoms en Allemagne. Fidor, qui affichait en 2015 un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros, avait atteint l’équilibre opérationnel l’année précédente. L’institution mutualiste y voit une occasion de se développer à moindres frais à l’échelle internationale, en utilisant la plate-forme de Fidor. Mais, dès le rachat, des difficultés se font jour.

Placements risqués

D’abord, le tarif est élevé. BPCE débourse près de 142 millions d’euros pour reprendre la néobanque, qui compte une centaine de salariés. Ce prix inclut d’emblée une première augmentation de capital de près de 40 millions d’euros. Le bilan de Fidor recèle ensuite une faille de taille : les dépôts collectés auprès de la clientèle de la banque allemande ont en grande partie (130 millions d’euros d’encours) été investis dans un portefeuille de crédits à la consommation automobile « subprimes » au Royaume-Uni afin de doper ses résultats.

Selon un observateur au fait du dossier, si BPCE n’ignorait pas l’existence de ces placements risqués et avait prévu d’y mettre fin, une dégradation rapide de ces portefeuilles de prêts serait intervenue entre la signature de la convention de cession et le transfert de la propriété des actions. Et ce, sans que le groupe mutualiste soit mis au courant.

Puis, tout en amorçant, sous l’impulsion de son nouvel actionnaire, la réduction progressive de son exposition aux crédits « subprimes », Fidor aurait financé la société de crédit émettrice de ces crédits risqués, The Car Finance Company (TCFC). S’est ensuivie une reprise en main du management de la « néobanque ».

Au bout du compte, la restructuration du portefeuille de crédits engendre de lourdes pertes, ce qui oblige BPCE à procéder en 2017 à une nouvelle augmentation de capital de 89 millions d’euros, comme le révélaient Les Echos en avril. D’après diverses sources, cette recapitalisation est exigée par le superviseur bancaire allemand, la BaFin. Celle-ci fait passer le message selon lequel BPCE a« quelques sujets à régler avant d’imaginer étendre l’activité de Fidor ailleurs en Europe », souligne un proche du dossier. Le groupe mutualiste, qui avait envisagé de développer Fidor sur le continent, en bénéficiant de son agrément bancaire allemand grâce au passeport européen, doit réexaminer sa stratégie.

Avenir incertain de la « fintech »

L’arrivée de Fidor en France, prévue initialement courant 2017, est reportée. Début 2018, à l’occasion du Paris Fintech Forum, François Pérol, alors patron de BPCE, annonce que sa « néobanque » se lancera finalement « sans licence bancaire », optant pour « un modèle plus léger, moins coûteux ». Ce format autorisé par les directives européennes sur les services de paiement permet d’ouvrir des comptes et de gérer des paiements, mais pas de distribuer des crédits ni d’autoriser des découverts. Cette activité, même réduite, se fait toujours attendre. En juin, le site de l’enseigne a bien ouvert dans l’Hexagone, mais il ne permet à ce stade que de rejoindre la communauté Fidor.

Le sujet est délicat, car il a déjà coûté beaucoup d’argent au groupe : 230 millions d’euros en tenant compte des recapitalisations, auxquels s’ajoutent les pertes annuelles. Selon l’analyse des comptes 2017 du groupe effectuée par le cabinet Secafi pour les instances représentatives du personnel, la contribution négative de Fidor aux résultats du groupe s’est établie à – 38 millions d’euros. D’après une source interne, une nouvelle mouture du business plan de la « fintech » prévoyait il y a peu un retour à l’équilibre opérationnel en 2020, mais l’avenir de Fidor n’est pas encore arrêté.

A la demande de BPCE, la firme de conseil en stratégie Oliver Wyman réfléchit actuellement à « une nouvelle stratégie de développement de Fidor en Europe », a confirmé au Monde une source proche du dossier. « Le marché des néobanques n’est pas facile. Pour l’instant, personne n’a trouvé le modèle qui permet d’atteindre le point d’équilibre. Il faut être humble. Nous n’avons pas de certitude, confie une source interne chez BPCE. Pour autant, est-ce qu’un groupe de notre taille, avec 25 % de parts de marché dans la banque de proximité, peut rester en dehors de ce mouvement ? Il est bien trop tôt pour dire si cela va marcher ou non. »

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