dissuasion nucleaire
L’ombre du Maréchal de Saxe planera sur le discours du chef des armées : parlant des « généraux en chef », ce théoricien militaire du XVIIIe siècle écrivait : « Je les regarde comme des gens à qui la tête tourne et qui ne savent faire que ce qu’ils ont fait toute leur vie »..
La France doit partager son arsenal nucléaire avec l’Allemagne et même avec le reste de l’Union européenne. C’est l’opinion controversée de Johann Wadephul, le vice-président du groupe parlementaire de l'Union démocrate-chrétienne (CDU)...
« La guerre nucléaire serait une aberration »
Le général Maigret commandant des forces aériennes stratégiques se livre au « Point », alors que cette composante de la dissuasion nucléaire célèbre ses 55 ans.
Après avoir passé de lourdes portes blindées capables de résister à une explosion nucléaire et marché quelques centaines de mètres dans les galeries de cette ancienne carrière de gypse, nous devons abandonner nos appareils connectés dans un casier. Puis nous franchissons un sas pressurisé. Nous voilà dans le saint des saints : le commandement des forces aériennes stratégiques (FAS), la composante de l'armée de l'air chargée de la mission de dissuasion nucléaire avec la force océanique stratégique (FOST) de la marine nationale. Bienvenue à Taverny, dans la plus grande cage de Faraday d'Europe .
Le 8 octobre 2019, les forces aériennes stratégiques célèbrent leurs 5 ans d'alerte continue : elles ont tenu, sans interruption depuis 20 000 jours, des équipages prêts à décoller à tout instant pour frapper un agresseur de la France avec une arme nucléaire. Privilège rare, nous avons pu rencontrer pour cette occasion leur commandant, le général Bruno Maigret, dans une petite salle de réunion… à 80 mètres sous terre.
Le Point : Quel enseignement tirez-vous des 55 ans d'alerte continue des FAS ?

Le gérénal de corps aérien Bruno Maigret, commandant des Forces aériennes stratégiques.
L'arme nucléaire est souvent qualifiée d'arme de non-emploi. Comment voyez-vous votre mission ?
La guerre nucléaire serait une aberration, personne n'a envie de détruire la planète ! Le principe de la dissuasion nucléaire, c'est que l'adversaire ne puisse attendre aucun bénéfice de son attaque. Après la Guerre froide et la chute du mur de Berlin, nous vivons aujourd'hui la troisième rupture stratégique : le retour des États-puissance. Mais nous ne raisonnons pas en rapport de force comme dans le champ conventionnel. Nous raisonnons en termes de « dommages incceptables », quel que soit le pays. La dissuasion nucléaire doit garantir au président que, quel que soit l'adversaire, nous saurions lui infiger ces dommages. Cela lui permet de le faire reculer.
Notre rôle est à la fois d'être prêts, et de montrer que l'on est prêts. J'assume totalement de démontrer au quotidien la crédibilité de la dissuasion. Nous le faisons à travers des exercices et opératons de type Poker, Banco ou Excalibur, dans le cadre desquels nous simulons au plus près des conditions réelles toutes les étapes d'un raid nucléaire, avec la planification, le décollage sur alerte, la constituton du raid, le combat à haute intensité de l'escorte pour laisser pénétrer à très basse altitude les avions « précieux » équipés de l'arme. Régulièrement, des tirs d'essai et de validation du vecteur, c'est-à-dire du missile sans sa tête nucléaire, sont pratiqués dans les centres d'essais français. Nous le savons, ces raids fictifs sont observés par les autres nations, et cela fait partie de notre objectif : ils peuvent alors se rendre compte de la crédibilité de notre dissuasion nucéaire. Il n'y a que trois ou quatre armées de l'air capables de mener ce type de mission dans le monde. Nous devons rester l'une d'entre elles.
Même s'ils n'ont pas mené de raid nucléaire jusqu'à aujourd'hui, vos avions sont partis en opération…
Les aéronefs des Forces aériennes stratégiques participent largement aux opérations conventionnelles : nos Rafale sont capables de mener toutes les autres missions, et nos pilotes participent à toutes les opérations extérieures de l'armée de l'air.
La crédibilité de la dissuasion nucléaire repose sur sa fiabilité technique et la rigueur de sa mise en œuvre. Durant nos exercices, nous mettons les pilotes en situation, comme si c'était le jour J. Ils s'entrainent en vol avec des missiles d'entrainement non nucléaires qui permettent de répéter régulièrement l'ensemble des procédures (les avions français n'emportent jamais d'armes nucléaires réelles en exercice, NDLR).
Avez-vous des tests psychologiques particuliers pour ceux qui seraient amenés à exécuter un ordre de tir réel ?
Dès lors que vous êtes en test, vous savez inconsciemment que vous n'êtes pas dans les conditions extrêmes qui feraient envisager l'engagement des forces nucléaires. Cela rend votre test vain, et son résultat caduc.
Comment calculez-vous le nombre d'avions nécessaires pour une mission ?
En cas de conflit, nous aurons de l'attrition, il n'y a aucun doute. [tous les missiles nucléaires n'atteindront pas leur cible, à cause des défenses ennemies, d'avions abattus, de pannes mécaniques ou encore - c'est possible - d'un pilote qui n'appuierait pas sur le bouton, NDLR]. À chaque entrainement, mon métier est d'évaluer quelles auraient été les performances du raid dans des conditions réelles. Cela afin de garantir que le président dispose de solutions robustes en toutes circonstances.
L'endurance des pilotes est aujourd'hui la seule limite. En exercice, nous avons mené des raids avec des vols de près de douze heures, au terme desquels les pilotes ont réalisé un tir avec une précision conforme. Douze heures de vol, je pense que cela va devenir la norme.
Pouvez-vous fonctionner sans GPS ou autre système de positionnement par satellite ?
Bien sûr ! L'autonomie stratégique qu'exige cette mission impose de savoir la conduire sans GPS. Grâce à nos Rafale biplaces, nous avons un officier navigateur à bord. Nous utilisons notamment des centrales inertielles [un instrument de navigation capable de suivre le déplacement de l'avion en enregistrant les modifications de vitesse, d'angle, etc.]
pour le guidage, et l'expertise du navigateur permet d'avoir une précision optimale.
Par Guerric Poncet
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Malgré l'austérité, la France va dépenser 37 milliards pour son réarmement nucléaire
https://www.bastamag.net/Malgre-l-austerite-la-France-va-depenser-37-milliards-pour-son-rearmement
Emmanuel Macron a tranché : la France renouvellera les deux composantes de son arsenal de dissuasion nucléaire, navale et aérienne. Modernisation et renouvellement des sous-marins nucléaires, nouvelle génération de système porteur de missile, le projet de Loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2019-2025 s’y engage : pour les décennies à venir, la dissuasion restera « la clé de voûte de notre stratégie de défense »...
le futur hôte de l’Elysée est au pied d’un mur financier
La modernisation de la dissuasion nucléaire française sera l’un des grands dossiers du prochain chef de l’Etat. Les dépenses devraient augmenter de 2,5 milliards chaque année. Pendant une vingtaine d’années…
Le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, demande, dans Les Echos, que le budget de la défense atteigne 2 % du PIB « avant la fin du prochain quinquennat ». Il s’agit notamment « d’assurer l’indispensable crédibilité de la dissuasion nucléaire par le renouvellement de ses deux composantes, océanique et aérienne. Différer cette décision acterait un véritable renoncement. »
Imaginez un escalier très raide avec des marches hautes de plusieurs milliards. C’est ainsi que se présentent les perspectives budgétaires sur la modernisation de la dissuasion nucléaire de la France. Elles donnent le vertige aux candidats à la présidentielle et sont l’objet de batailles feutrées en coulisses. « Nous consacrons aujourd’hui 3,5 milliards à la dissuasion. Selon les hypothèses, il faudrait passer à au moins 6 milliards par an à partir de 2020 », explique ainsi le député (PS) Jean-Jacques Bridey, auteur avec Jacques Lamblin (LR) d’un récent rapport sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement de la dissuasion. C’est-à-dire trouver, chaque année, 2,5 milliards de plus pour les forces nucléaires. « Un effort budgétaire conséquent », reconnaît le parlementaire, qui risque de se heurter à l’état dégradé des finances publiques, surtout en cas de remontée des taux d’intérêt.
L’augmentation des crédits du nucléaire militaire s’inscrit sur le long terme. Progressive durant le prochain quinquennat, elle devrait atteindre un rythme de croisière durant le suivant (2022-27). En fonction des arbitrages du futur président de la République, la modernisation de la force de frappe durera entre quinze et vingt-cinq ans… Les estimations les plus prudentes, sans doute sous-évaluées, évoquent un surcoût de trente milliards alors que certains experts tablent même sur « environ 75 milliards entre 2017 et 2042. »
Ce « renouvellement » de la dissuasion porte sur les deux composantes, océanique et aéroportée. Pour la première, il s’agit de construire quatre nouveaux sous-marins lanceur d’engins de troisième génération (SNLE-3G) qui remplaceront les actuels Triomphant. Ils seront équipés d’une version modernisée des missiles stratégiques M-51. Alors que les premières « études de conception » de ces sous-marins sont lancées cette année, le calendrier prévoit que le dernier d’entre eux sera retiré de service… en 2080 ! Ces bateaux sont infiniment complexes. Construits à Cherbourg, ils nécessitent chacun 12 millions d’heures de travail. Leur discrétion doit être renforcée afin d’échapper aux systèmes de détection adverses.
Hypervélocité et furtivité. La composante aéroportée se présente sous la forme d’un missile tiré depuis un avion, comme l’actuel ASMPA mis en œuvre par le Rafale. Elle fait l’objet de très vifs débats au sein du complexe militaro-industriel, non sur son maintien, mais sur les choix techniques pour l’avenir. « Des études sont menées par la Direction générale de l’armement pour identifier la meilleure option entre l’hypervélocité et la furtivité », lit-on dans le rapport parlementaire.
Dans les deux cas, il s’agit d’échapper à ce que pourraient être les défenses antimissiles ennemies à partir de 2035. La furtivité consiste à rendre l’engin quasiment indétectable par les radars alors que l’hypervélocité lui confère une vitesse de Mach 6 ou 7, rendant l’interception impossible. L’organisme de recherche Onera et l’industriel MBDA ont élaboré deux projets de missiles hypervéloces baptisés Camosis et Prométhée, utilisant la technique du statoréacteur. Le choix de l’engin conditionne aussi celui du porteur : avion de chasse comme le Rafale, drone de combat furtif développé à partir du Neuron ou gros porteur de type Airbus. Les options sont ouvertes et font, évidemment, l’objet de désaccords - et de concurrence - entre les industriels concernés.
Tous ces systèmes font appel à des technologies de pointe qui jouent un rôle « structurant » dans l’industrie aérospatiale, navale et nucléaire. Elles reposent sur des compétences « longues à acquérir, rapides à perdre et impossible à récupérer », selon Patrick Boissier, ancien président de DCNS. Le maintien de ces compétences est une priorité stratégique, assurent les deux parlementaires, qui expliquent que pour certains domaines particuliers, il n’existe qu’une seule PME en France. Ou que les entreprises ont du mal à recruter des soudeurs ou des câbleurs. Selon le rapport, l’activité industrielle de dissuasion représente aujourd’hui 12 600 emplois ; et elle devrait dépasser les 17 000 dans la phase du renouvellement. Pour des raisons de sécurité nationale, 90 % de la valeur ajoutée est créée en France, uniquement dans de la très haute technologie.
Réalisme budgétaire. Face à ce mur budgétaire, les militaires prennent les devants, comme vient de le faire le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers. Dans une tribune publiée par Les Echos, il demande une hausse du budget de la défense, pour atteindre 2 % du PIB au cours du prochain quinquennat. Ce que François Fillon, par exemple, refuse jusqu’à présent par réalisme budgétaire. Pour les armées, le problème, c’est qu’il n’y a pas que le nucléaire… Les forces conventionnelles, suremployées en opérations extérieures et sur le territoire national, sont fragilisées. Dans un entretien à l’hebdomadaire Air et Cosmos, le chef d’état-major de l’armée de l’air met ainsi en garde contre un « épuisement organique. »
Prudents, les politiques font leurs comptes. Parallèlement au renouvellement de la dissuasion, ils voient également les difficultés de la filière civile, avec l’entretien du parc de centrales d’EDF (50 milliards à 2025…) ou le sauvetage d’Areva qui se chiffre lui aussi en milliards. Une chose est sûre : le nucléaire sera l’un des grands dossiers du prochain Président. Ses choix engageront la France sur plusieurs décennies et se mesureront en dizaines de milliards.
22 Décembre 2016
Jusqu'à présent, le risque de cyberattaque contre les arsenaux nucléaires était rarement évoqué. C'est pourtant une menace bien réelle, comme le montre par exemple la résolution " La cyber-...
http://www.idn-france.org/2016/02/des-cyberattaques-contre-les-sous-marins-nucleaires/