agriculture et maraichage..

Publié le par ottolilienthal

Agriculture : « Il faut abandonner le labour »


Commentaire de Jean-Marc Jancovici sur Linkedin :


"Dans un entretien au Télégramme (qui à une époque fut "de Brest"), Lionel Alletto évoque les modifications des pratiques agricoles qu'il serait pertinent de mettre en oeuvre pour gagner en résilience et diminuer la pression sur l'environnement (NB : je soupçonne la transcription de l'interview de comporter quelques erreurs ici ou là, qui conduisent certaines phrases à être étranges ou en décalage).

Quelques éléments intéressants de cette interview :


- les techniques sans labour semblent améliorer la résistance à la sécheresse (un avantage qui pourrait ne pas être mince avec ce qui nous attend)


- la diversification des cultures - dont la polyculture élevage - permet de diminuer l'usage des phytosanitaires
- le seul phytosanitaire vraiment utile en agriculture de conservation c'est... le glyphosate (tous les échos que j'ai eus laissent penser que ce n'est pas celui dont l'interdiction est la plus prioritaire...)


- en "période de temps calme" sur le prix de l'énergie, l'agriculture de conservation ne change pas la donne sur le plan économique (donc elle ne rapporte rien de plus... mais ne coute pas plus non plus), mais quand les prix des hydrocarbures grimpent au plafond elle donne un avantage

J'avais retenu par ailleurs que d'avoir un couvert végétal sur l'ensemble de l'année favorise la séquestration de carbone dans le sol.

"sur le papier", dixit l'urbain que je suis qui ne tient pas souvent une fourche ou une bêche , cette technique semble donc à généraliser. Que manque-t-il pour que cela soit le cas ? La liste des "conditions du succès" n'est pas très différente ici de ce qu'elle est pour tout passage à l'échelle d'une manière de faire pour laquelle des pionniers montrent que globalement ca fonctionne :


- une valorisation "culturelle" d'un changement de pratique dans un monde où c'est plutôt l'inverse qui est la règle. Les terroirs, AOC, etc, valorisent le fait de "faire toujours pareil", et là il s'agit de valoriser l'inverse !


- du coup il faut un accompagnement et de la formation, à la fois par la recherche (c'est donc une très bonne chose que l'INRAE s'en mêle) et par les entités dévolues à cet effet (chambres d'agriculture et conseil interne des coopératives notamment)


- il faut aussi que les règles économiques ne dissuadent pas explicitement les modifications de pratiques, voire les encouragent (il n'y a pas que les prix de vente pour cela : l'Etat, comme il l'a fait pour le covid, pourrait reprendre de la dette d'agriculteurs qui accepteraient de changer de pratiques, par exemple). Or le premier souci des règles économiques aujourd'hui n'est pas d'assurer la "durabilité physique" !

Tout est résumé dans cette phrase de l'interview : "Les systèmes [agricoles] doivent (...) gagner en résilience et (...) être moins dépendants des ressources externes, être plus diversifiés pour faire face aux aléas, maximiser les services écosystémiques". Il n'y a plus qu'à "


https://www.letelegramme.fr/…/agriculture-il-faut-abandonne…
(posté par Joëlle Leconte)

« Installer un million de paysans dans les campagnes, seule façon de limiter le recours aux pesticides »
 

Il faut changer radicalement de modèle agricole et « reprendre la terre aux machines », plaide Nicolas Mirouze, ancien élève d’AgroParisTech devenu viticulteur, et qui a « bifurqué » vers l’agroécologie, dans une tribune au « Monde ».

Je m’appelle Nicolas Mirouze, je suis vigneron dans les Corbières (Occitanie), mais aussi ancien élève d’AgroParisTech et sociétaire de la coopérative d’intérêt collectif L’Atelier paysan, qui agit pour un changement de modèle agricole et alimentaire. Je me suis établi en 1999 sur un domaine viticole en agriculture conventionnelle et j’ai décidé, dès la deuxième année, de changer de mode de culture, en délaissant les engrais chimiques et en limitant l’emploi de pesticides. Il m’a fallu vingt longues et difficiles années pour m’extraire complètement du modèle de l’agriculture industrielle intensive tout en rendant ma ferme pérenne. J’ai aujourd’hui 50 ans, j’en avais 27 le jour ou j’ai décidé de « bifurquer ».

En France, une partie non négligeable de la population n’a pas les moyens de l’alimentation qu’elle voudrait choisir. Parfois, elle ne peut même pas acheter l’alimentation la moins chère disponible en grande surface : c’est ainsi que, selon l’inspection générale des affaires sociales, 5,5 millions de personnes en grande précarité alimentaire dans la France de 2018, antérieure à la crise due au Covid-19, se procuraient leurs repas quotidiens grâce à l’aide alimentaire.

Cynisme

Cette aide, devenue systémique en France, est distribuée par plus de 200 000 bénévoles, qui subissent quotidiennement toute la violence de cette pauvreté. Elle est abondamment pourvue par les surplus inconsidérés de l’agriculture industrielle intensive (car il faut toujours produire plus) et participe directement à la compression des coûts des produits agricoles et donc à la diminution du revenu des agriculteurs. Elle est également abondamment pourvue par les invendus de la grande distribution, qui se voit ainsi dotée d’une efficiente filière de recyclage. Comble du cynisme : cette nourriture « recyclée » est une source de défiscalisation pour des entreprises dont la contribution est assimilée à un don. Peut-on continuer à traiter d’une façon aussi indigente les plus pauvres d’entre nous, les bénévoles qui les soutiennent, les paysans qui voudraient les nourrir ?

L’autre face de cette triste réalité est que, sur la période 2010-2019, 77 % des revenus des agriculteurs proviennent des aides nationales et européennes. Sur la même période, 25 % des agriculteurs ont un revenu annuel moyen inférieur à 8 400 euros. Sur l’année 2018, 14 % des exploitations françaises ont un résultat courant négatif, selon les chiffres publiés en 2020 par le ministère de l’agriculture. Ce tableau stupéfiant est celui d’un système qui ne fonctionne pas du tout, qui – sans même parler de dégâts écologiques, de rendements énergétiques négatifs ou de perte de qualité nutritive – ne remplit aucun de ses objectifs initiaux : rémunérer les agriculteurs pour qu’ils fournissent une alimentation suffisante, satisfaisante et à la portée de tous.

Parmi toutes les technologies paysannes que nous défendons à L’Atelier paysan, la machine tient une position singulière. Nous accompagnons des agriculteurs à concevoir des outils qui sont assemblés lors de formations. Les participants se réapproprient un savoir-faire qui a, bien souvent, disparu de nos campagnes : celui du travail du métal. Ces formations sont une première étape vers une autonomie technique paysanne. La mécanisation industrielle telle qu’elle s’est déployée en France, soutenue par des politiques publiques depuis soixante-dix ans, a créé de terribles dépendances techniques et financières, qui expliquent la prolétarisation avancée d’une grande partie des agriculteurs de notre pays. Elle a aussi contribué à la destruction des communautés paysannes en engageant les agriculteurs dans une course à la terre : il faut « bouffer l’autre avant d’être bouffé ».

Fuite en avant

Ce sont bien des choix politiques qui ont condamné les agriculteurs vers une fuite en avant insensée. Mais comment s’extraire aujourd’hui de ce modèle ? Avec, selon l’Insee, 400 000 exploitants et 650 000 travailleurs et travailleuses de la terre au total, en 2019, l’usage massif de pesticides est absolument inévitable : il n’y a plus suffisamment de ressources dans nos campagnes pour réaliser le travail que suppose une agriculture sans recours à une chimisation massive.

L’avenir est déjà là, avec l’agriculture « 4.0 », qui représente la « nouvelle frontière » du lobby agro-industriel : les drones, les robots et le numérique. L’histoire se répète : cette mise en application du progrès ne servira que des intérêts sans rapports directs avec celui de l’alimentation de la population. Elle se fera au détriment des agriculteurs, dont les dépendances aux équipementiers et aux banques vont s’aggraver. Ce qui nous est promis, c’est une agriculture pratiquée dans une campagne complètement déshumanisée, définitivement vidée de ses paysans.

Depuis plus de dix ans, nous accueillons, dans nos maisons de L’Atelier paysan, les « bifurqueurs » de tous horizons, le mouvement est donc durablement installé. Nous avons encore beaucoup de travail pour faire en sorte que les colères et les larmes deviennent une puissance de transformation sociale plutôt qu’une fuite. Notre projet politique est consigné dans un manifeste : Reprendre la terre aux machines (Seuil, 2021). Ce projet refuse de dissocier la question de l’autonomie paysanne et celle de l’autonomie alimentaire. Nous avons pour objectif d’installer dans les campagnes françaises un million de paysans et ce sera la seule façon de limiter significativement le recours aux pesticides. L’agroécologie paysanne ne sera alors plus pratiquée par quelques marginaux cantonnés dans des sortes de « réserves », mais deviendra le modèle agricole dominant à l’échelle d’une nation comme la nôtre. Un bouleversement aussi important ne sera pas concédé par les élites politiques et économiques sans le surgissement d’un mouvement social. Il n’aura jamais lieu sans un rapport de force assumé, il sera conquis par la lutte ou il n’adviendra pas.

Nicolas Mirouze

Vigneron, sociétaire de la coopérative L’Atelier paysan

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/01/nous-avons-pour-objectif-d-installer-dans-les-campagnes-francaises-un-million-de-paysans_6128443_3232.html

Disette d’engrais : les agriculteurs sur un volcan

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la chasse à l’azote, à la potasse et au phosphore tourne au casse-tête. Dur, dur de faire sans eux. Reportage.

Le trésor est rouge. Le trésor est blanc. Le trésor est ocre. Le trésor est rare. Le trésor n'a pas de prix. Il est sous clé, derrière de lourdes portes, dans un hangar de 4,5 m de hauteur. Philippe Forgeret, sous-directeur de la coopérative agricole Agropithiviers, nous invite à glisser une tête « case n° 7 ». Voici de l'ammonitrate, de petits granulés beige-blanc.

On arrive en fin de saison. Dans un coin, il n'en reste qu'une cinquantaine de tonnes. Nous poursuivons case n° 6 : les réserves d'un « engrais binaire 0/10/30 » sont tout aussi faibles. Idem case n° 5, qui abrite un reste rouge de chlorure de potassium. Sur ce site situé en périphérie de la sous-préfecture du Loiret, il est possible de stocker jusqu'à 4 000 tonnes d'engrais, de différentes natures. On est loin du compte.

Philippe Forgeret a pour mission de remplir toutes ces cases et, plus largement, d'acheter le nécessaire pour les 400 agriculteurs de sa « coop », installés dans un rayon de 20 kilomètres autour de la sous-préfecture du Loiret, tous au service de leurs champs de blé, de colza, d'orge… L'acheteur d'Agropithiviers a beau sourire, il est face à un sacré casse-tête, une situation inédite en trente-cinq ans de carrière. Un gros nuage plane sur les prochaines récoltes… Il est de plus en plus difficile de se procurer les engrais sur le marché international – la production française ne couvrant pas les besoins de tous nos agriculteurs, il faut chasser à l'étranger. « L'année dernière, la situation était déjà tendue du fait des difficultés logistiques sur le plan mondial avec le Covid et de la forte reprise économique. Puis il y a eu le 24 février… » Ce jour-là, faut-il le rappeler, la Russie, puissance agricole, attaquait une autre puissance agricole, l'Ukraine, et bousculait ainsi les flux commerciaux de matières premières. « Je n'ai plus de repères », reconnaît Philippe Forgeret.

D'habitude, à cette période-là de l'année, il multiplie les bonnes affaires. Car nous sommes à la « morte-saison », ni l'hémisphère Sud ni l'hémisphère Nord n'ont besoin d'engrais. À lui, normalement, potasse, azote et phosphore à prix cassés. Sauf qu'il y a panique dans nos campagnes ! Toute la planète céréalière est sur un volcan, à la recherche désespérée de ces trois éléments indispensables aux cultures.

Ça chauffe pour l'azote

Avec l'azote, la partie est des plus compliquées. Sa fabrication nécessite du gaz, et l'on connaît désormais la place clé de la Russie sur ce segment et la dépendance de notre continent à ce pays. Conséquence : les prix de l'azote et des dérivés explosent puisqu'ils suivent ceux du gaz. Ajoutez à cela la crainte que Vladimir Poutine ne ferme les robinets… Sans oublier, en conformité avec les sanctions françaises contre Moscou, l'impossibilité de se fournir auprès d'usines installées parfois même sur le Vieux Continent mais détenues par des Russes ou leurs proches, comme le gigantesque établissement d'Eurochem à Anvers, en Belgique. « Les Allemands peuvent encore mener des transactions financières avec cette usine puisque le siège est en Suisse. Le propriétaire russe a transféré ses actions à son épouse croate. Mais nous, Français, à la demande du Trésor, ne pouvons plus rien faire avec cette société. »

Que d'obstacles à franchir, oui, pour nourrir nos sols ! « Il y a peu, j'ai voulu acheter 1 200 tonnes d'engrais. Je n'ai trouvé aucun vendeur en mesure de me fournir la totalité. J'ai dû passer par plusieurs entreprises, qui m'en ont lâché 200 chacune, à des prix différents. » L'acheteur d'Agropithiviers accepte d'y mettre le prix. « Si je n'en achète pas maintenant, le risque est que je n'en trouve plus dans les prochains mois et, par conséquent, que mes agriculteurs n'en aient pas à disposition. » C'est à la sortie de l'hiver, du mois de février au mois d'avril, qu'ils s'en servent essentiellement pour leurs épandages.

Mais il n'y a pas que l'azote qui tourmente Forgeret, la potasse le chiffonne aussi. Cet élément se trouve en abondance du côté de la Biélorussie, alliée de la Russie, et sous sanctions européennes depuis quelques semaines. L'alternative serait de se fournir, par voie maritime, auprès du lointain Canada, qui a déjà son carnet de commandes bien plein avec ses ogres de voisins américains et brésiliens…

« La semaine prochaine, j'envoie mes bons de commande aux agriculteurs », ne désespère pas Philippe Forgeret. Les 400 exploitants d'Agropithiviers auront le choix : ou le suivre, demander un tonnage d'engrais et n'en connaître le prix qu'à l'issue des courses – ce sera une moyenne annualisée – ou ne pas en être et acheter au coup par coup, en comptant sur le facteur chance.

« Les engrais pèsent lourd dans mes charges »

Fils et petit-fils d'agriculteur installé à Gueudreville Jouy, Cédric Benoist a opté pour la deuxième solution. Sans attendre, cet adhérent d'Agropithiviers a commandé la semaine dernière un camion d'engrais pour nourrir ses betteraves sucrières, son blé dur, ses blés améliorants (utilisés pour des mélanges de farine), son orge de printemps. Le voici plongé dans son ordinateur, examinant une feuille de calcul Excel, un nouvel outil fourni par sa coopérative afin de piloter ses coûts d'exploitation. « Les engrais pèsent lourd dans mes charges : leur prix est passé de 23 euros par tonne d'orge en 2021 à 60 euros aujourd'hui. »

Lui a besoin, en tout, de 50 tonnes pour ses 160 hectares de terre. Avec un prix à la tonne 600 euros plus cher que la normale, « ça représente un billet supplémentaire de 30 000 euros », calcule-t-il. Dans les prochaines semaines, il devrait recevoir son « camion » d'ammonitrate, un dérivé de l'azote redoutablement efficace pour la culture du blé : Sans lui, « la productivité baisserait de 50 à 60 % » ; avec lui, le blé prend rapidement de la hauteur, de la masse.

Indispensable triptyque azote-potasse-phosphore

Très peu d'alternatives efficientes et bon marché à l'indispensable triptyque azote-potasse-phosphore s'offrent aux céréaliers. Il y a le compost. Cédric Benoist se fournit auprès d'un éleveur des Côtes-d'Armor. Il s'en sert avant de mettre en culture ses betteraves, son colza et ses tournesols. Puis, grâce à une analyse satellitaire de ses sols, il complète, parcelle après parcelle, avec « du chimique » . Au kilogramme près. Car le compost est peu pratique à étaler ; de toute façon, il n'y en aurait pas suffisamment pour tous.

« On ne peut pas se passer des engrais. Il faudrait changer tout le système de culture, il faudrait réintroduire de l'élevage, ce serait une évolution structurelle », explique Jean-François Bléchet, vice-président de la chambre d'agriculture du Loiret. L'exploitant nous reçoit en bordure d'un de ses terrains, situé à Jouy-en-Pithiverais. Au loin, on aperçoit du colza, des éoliennes et des vignes expérimentales. Des insectes tournicotent. « L'augmentation de nos coûts est vertigineuse. » Adhérent lui aussi d'Agropithiviers, il sort de la poche de sa chemise une petite feuille où il a griffonné quelques chiffres chocs à notre attention. En 2021, il achetait de la solution azotée, un engrais liquide, au prix de 240 euros le litre, contre 400 actuellement ; quant à l'ammonitrate, il s'échangeait à 270 euros la tonne l'année dernière et s'affiche aujourd'hui à 790. « Cela remet en cause le cadencement de notre exploitation », insiste Jean-François Bléchet.

Avec son frère Éric, il cultive 340 hectares et élabore l'assolement. D'une année à l'autre, pour des raisons agronomiques, ou économiques, les cultures diffèrent, ou ne se voient pas accorder la surface. C'est ainsi qu'en 2021, en voyant les prix des engrais déjà monter, le duo de frangins a décidé de faire « plus d'orge que de blé, car il demande moins d'engrais azoté. Pour l'année prochaine, le tournesol pourrait être une alternative intéressante, car il demande moins d'engrais que les betteraves, ou de l'orge ».

Pour baisser leur consommation d'engrais chimiques, les Bléchet passent aussi par le méthaniseur de leur coopérative, qui produit du digestat – un résidu de matières naturelles – à épandre sur leurs parcelles. Mais, là aussi, l'offre est limitée. Qui sait s'ils se laisseront tenter par des cendres de coques de tournesol, chargées en potasse, achetées récemment et pour la première fois par Agropithiviers ? Le gisement français ne couvrira jamais l'ensemble des besoins… Une solution après l'autre.

Dans certains cas, les céréaliers ont la possibilité de semer entre deux cultures des plantes-usines à azote. Il y a aussi cette innovation : des bactéries capables d'attraper de l'azote dans l'air afin de faciliter son absorption par le blé. De quoi permettre de capter 20 à 30 unités d'azote par hectare. Mais il en faut en tout de 150 à 200 unités… « Je compte sur la recherche pour limiter nos intrants », dit Jean-François Bléchet. Elle a permis de diviser par trois la quantité d'engrais nécessaire pour produire une tonne de sucre grâce à de nouvelles variétés de betteraves. Il a fallu vingt ans.

le quotidien de plus en plus coûteux des maraîchers

Les agriculteurs souffrent aussi de la hausse des matières premières, comme beaucoup de professions. Que ce soit les engrais, les plastiques, mais aussi l'énergie pour ceux qui chauffent leur serre, la facture a été multipliée par trois en quelques mois, comme dans la région de Nantes, en Loire-Atlantique.

Près de 11 hectares de tomates viennent tout juste d'être plantés sous un immense abri de verre. Mais Antoine Cheminant, maraîcher à Carquefou (Loire-Atlantique) ne sait pas s'il pourra en tirer un bénéfice cette année. Ses coûts de production ont explosé : +15 % sur les plants, +25 % sur la laine de roche dans laquelle ils poussent, idem sur l'engrais. Le prix du gaz dont il dépend pour maintenir ses serres à 17 degrés a été multiplié par trois. "Je ne sais pas si ma culture sera rentable en 2022", s'inquiète Antoine Cheminant. Son père le confirme, il n'a jamais vu une telle hausse de toutes les matières premières.

Des maraîchers déboussolés

Selon lui, pour que l'entreprise familiale continue de faire vivre 85 salariés, il faudra que la grande distribution rogne ses marges. Autour de Nantes (Loire-Atlantique), il y a 4 000 hectares de légumes, et 200 maraîchers déboussolés. La profession prévient : certaines entreprises pourraient ne pas se relever.

T. Paga, K. Moreau,P. Lacotte - France 2
France Télévisions

 

 

https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/agriculture-le-quotidien-de-plus-en-plus-couteux-des-maraichers_4881001.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20211215-[lesimages/image3]

Les agriculteurs ont besoin d'être soutenus financièrement pour favoriser le développement de l'agroforesterie

Commentaire de Jean-Marc Jancovici : «L'agroforesterie devient un élément bien identifié de la politique agricole commune pour "aller vers la neutralité carbone". Il faut dire que cette pratique apporte de nombreux bénéfices : elle remet du carbone dans le sol (via les racines des arbres), retient ce dernier (ce qui limite l'érosion), ombrage les cultures ou les animaux en pâture qui supportent mal la sécheresse en période de coup de chaud, amende le sol (via les chutes de feuilles), abrite des oiseaux ou prédateurs qui se nourrissent de ravageurs, limite la diffusion des maladies, bref ce n'est que du bonheur ou presque... à ceci près que cela peut gêner le passage des engins agricoles et donc diminuer à court terme la productivité, raison, pour laquelle on a fait "sauter les haies" un peu partout dans les paysages de plaine.

Il est important d'inverser cette tendance et de revenir à "plus d'arbres dans les champs" (et des arbres et des culture qui seront adaptés au climat de 2100, ce qui est une difficulté supplémentaire).

Mais pour cela les agriculteurs ont parfois besoin d'une aide financière. Là comme ailleurs, la méthode employée et le schéma retenu seront cruciaux pour que les pratiques encouragées ne comportent pas d'effet pervers.»

(publié par J-Pierre Dieterlen)

https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/10159700797027281

Foncier agricole, ces centaines de milliers d'hectares qui échappent au contrôle des Safer

Les ventes de parts sociales, de biens en usufruit ou en nue-propriété, masquent des transactions foncières et financières qui échappent au fonctionnement des marchés des terres et des prairies libres. Des centaines de milliers d’hectares sont ainsi échangés.

Le marché foncier préfigure l’évolution de la propriété foncière dans les années à venir. L’an passé, 424 000 hectares de terre et de prés ont changé de propriétaire. Mais parallèlement à ces marchés de 5,3 milliards d’euros, 616 000 hectares appartenant à 5 560 sociétés sont en partie détenus  par de nouveaux actionnaires. 1,1 milliard d’euros de parts sociales a été vendu et acheté en 2019, soit 17,6 % de la valeur des ventes sur le marché foncier agricole.

Cette surface de 616 000 hectares est mentionnée par la fédération nationale des Safer (FN Safer) dans son dernier rapport rendu public fin mai. Même s’il s’agit d’une estimation, ce chiffre montre que le marché des parts sociétaires représentait 1,4 fois la surface des ventes réalisées sur le marché de terres libres et louées.

Mais on ne sait pas quel a été le montant moyen de chaque hectare de terre et de prairie ainsi échangé, puisque les acquisitions ont porté sur des parts sociales.

Toutefois, « une seconde estimation, basée sur le pourcentage moyen de parts cédées, donne l’équivalent des surfaces transférées en 2019 via les cessions de part : 9 780 hectares pour les sociétés de portage, 177 200 hectares pour les sociétés d’exploitation », analyse la FN Safer.

Le travail à façon, un accès au foncier "déguisé"

« Du point de vue de l’entreprise de travaux agricoles (ETA), la sollicitation par une exploitation peut être assimilée à un mode d’accès au foncier », défend aussi la FN Safer. Si certains contrats prévoient uniquement l’exploitation des terres, d’autres ETA proposent un spectre plus large de services, comprenant l’exploitation, mais aussi les décisions et la gestion. » Certaines ETA exploiteraient plusieurs milliers d’hectares "en toute impunité" (du point de vue des Safer) puisqu’il n’existe aucune structure pour limiter la superficie cultivée.

Autre marché foncier qui échappe aux contrôles des Safer, les ventes de propriétés rurales en démembrement. La surface croît régulièrement et le nombre de transactions a battu un record l’an passé.

Les ventes en démembrement portaient entre autres sur 1,54 % de la surface du marché foncier rural : 1,24 % pour la nue-propriété et 0,3 % pour l’usufruit.

« 350 ventes d’usufruit ont été notifiées aux Safer pour 2 100 hectares et 20,4 millions d’euros. Les cessions de nue-propriété notifiées sont au nombre de 950 pour 8 580 hectares et 115,8 millions d’euros. »

Enfin, le marché des terres et des près loués porte chaque année sur une surface de plus en plus importante. En 2019, 174 900 hectares ont été vendus, soit 5,3 % de plus que l’an passé auxquels s’ajoutent 43 600 hectares de bâtiments loués.

Ces dernières années, environ 150 000 hectares en fermage ont changé de propriétaire, si on exclut les années 2009 et 2010, alors que le marché des surfaces des terres libres oscillait entre 150 000 et 250 000 hectares.

Le profil des vendeurs et des acquéreurs de terres change. Parmi les terres louées, « la vague des départs à la retraite peut expliquer la hausse des ventes de bien bâtis, autrement dit des exploitations », analyse la FN Safer. Des fermiers en place peuvent aussi être tentés d’acheter les terres qu’ils cultivent pour sécuriser leur exploitation avant de la transmettre.

La crise de l’élevage peut aussi expliquer cette hausse : des terres sont cédées pour recapitaliser les exploitations.

Enfin, la détention de terres est un bon placement financier. Selon la FN Safer, le taux de rendement brut d’une terre louée est de 2,70 % (montant du fermage divisé par le prix de l’hectare) alors que celui d’un produit d’assurance vie n’excède pas 1,4 %.

Toutefois, ce taux de rendement varie d’un département à l’autre selon le prix de l’hectare de terre et le montant du fermage. Il était supérieur à 3,7 % dans les Pays de la Loire et il est plus faible dans le Grand bassin parisien.

Dans ces conditions, la hausse continue du prix moyen de l’hectare loué n’est pas une surprise.

Ainsi, le prix de l’hectare de terre louée était de 4 760 € l’an passé. Il a donc progressé de 0,6 % alors que le prix de l’hectare libre a stagné (6 000 € ; 7 290 € en grandes cultures, 4 670 € en zones d’élevage).

Dans le Bassin parisien, un hectare loué était vendu 6 000 € en moyenne  et même 10 000 € dans la Marne. Mais dans les départements d’élevage (Bourgogne, Pays de la Loire, Franche-Comté par exemple), la FN Safer souligne que l’hectare de terre n’excédait pas 3 000 €.

Outre les prix, les écarts de prix

En 2019, un hectare de terre louée équivaut à 79 % du prix d’un hectare de terre libre.

Cet écart de prix « oscille de 66,6% dans les Hauts-de-France à 97,3 % en région Grand Est, où les terres louées sont quasiment négociées au prix des terres libres », souligne la FN Safer.

Ces écarts de prix évoluent d’année en année. Ils renseignent sur le dynamisme du marché foncier des terres louées.

Dans chaque département, il est animé par des bailleurs qui cherchent à vendre leurs terres et par des fermiers en place qui ont un droit de préemption sur les terres mises en ventes qu’ils cultivent. Aussi, ces agriculteurs font pression pour acheter des terres moins chères.

En fait, le prix de vente des terres prend en partie en compte les loyers versés durant la durée du bail. Il a même souvent été négocié au moment de la signature du contrat de location, toujours selon la FN Safer.

Par ailleurs, des parcelles louées de petite dimension et isolées intéressent peu d’acquéreurs, hormis les exploitants en place qui voient, dans l’acquisition de ces terres, la sécurisation du foncier de leur exploitation.

Au final, cette conjoncture de facteurs contribue à faire baisser le prix de l’hectare de terre occupée et à creuser l’écart avec les prix de vente de terres louées.

Mais dans certaines régions, l’expansion urbaine et l’expulsion d’agriculteurs de leurs terres tendent à accroître l’écart de prix entre terres libres et louées car les agriculteurs expulsés cherchent à acquérir de nouvelles terres. Par ailleurs des terres libres proches d’une ville sont susceptibles de devenir constructibles ce qui les renchérit!

Mais si dans certains départements, peu de terres libres sont en en vente, le marché des terres louées se confondra alors avec celui des terres libres. Les écarts de prix seront alors faibles puisque les deux marchés s’aligneront !
 

Les fruits et légumes bio d'été cultivés en France interdits à la vente cet hiver
Jusqu'au 1er mai prochain, les fruits et légumes d'été issus de l'agriculture biologique française sont interdits à la vente dans l'Hexagone.

 

 

 
 

Non, vous ne pourrez plus acheter de tomates bio cultivées en France cet hiver.

Conformément à la décision du Comité national de l'agriculture biologique (Cnab) de juillet dernier, depuis le 21 décembre, il est interdit de vendre en France des fruits et légumes d'été bio cultivés dans l'Hexagone cet hiver, rapporte LCI.

 
 
 

Jusqu'au 30 avril, il ne sera donc plus possible de trouver sur les étais des tomates, concombres, poivrons ou aubergines issus de l'agriculture biologique française.

Des serres chauffées

En effet, cultiver ces fruits et légumes en plein hiver suppose en général de le faire sous des serres chauffées, ce qui implique des émissions de gaz à effet de serre plus importantes qu'en saison. 

Pour autant, les agriculteurs français n'ont pas l'interdiction de cultiver des fruits et légumes d'été bio en serres chauffées pendant l'hiver : ils peuvent le faire, mais ne pourront pas commercialiser leur production avant le 1er mai prochain.

L'objectif reste cependant de basculer vers un mode de production meilleur pour l'environnement. Les serres construites à partir du 1er janvier 2020 auront ainsi l'obligation de fonctionner avec des énergies renouvelables. Celles déjà en place ont jusqu'en 2025 pour faire la transition.

Reste un paradoxe, que souligne Le Figaro : l'interdiction "n'affecte pas les fruits et légumes produits à l'étranger comme en Espagne, aux Pays-Bas ou en Italie. Des produits qui peuvent donc être cultivés sous serre dans leur pays d'origine puis être importés".

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