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Publié le par ottolilienthal

Voilà pourquoi il faut écrire à la main, d'après les scientifiques

Contrairement à l'écriture numérique, l'écriture manuscrite produit des effets bénéfiques au niveau cérébral.

L'avènement du numérique a-t-il signé la fin de l'écriture manuscrite ? À en croire un sondage publié par Otypo, site spécialisé dans la gravure, la signalétique et l'impression, et réalisé par l'Ifop en mai 2023, les Français délaissent bien l'écriture à la main. 78% des personnes interrogées disent moins écrire à la main qu'il y a dix ans et 55% avouent désormais utiliser le clavier plutôt que le stylo pour écrire au quotidien. Si l'écriture à la main n'est plus systématiquement privilégiée, c'est notamment en raison d'"une véritable perte du prestige de l'écriture" liée à l'essor des nouvelles technologies, explique Laurence Pierson, graphopédagogue interrogée par Le Figaro Étudiant. "L'utilité de l'écriture n'est plus la même. Auparavant, elle avait un côté pratique. Aujourd'hui, ce qui est pratique, c'est d'écrire sur l'ordinateur", souligne-t-elle.

Mais c'est aussi, et surtout, parce que la maîtrise de l'écriture manuscrite décline, d'après la  graphopédagogue. Selon elle, il y a trois raisons à ce phénomène, à commencer par le fait que les jeunes y consacrent de moins en moins de temps. "Le nombre d'heures destinées à l'apprentissage de l'écriture manuelle à l'école a reculé au fil des années", indique-t-elle. Cela s'ajoute à un manque de formation des enseignants sur cette question. "Nous n'avons aucun cours sur comment apprendre à écrire à un élève", déplore-t-elle. C'est d'ailleurs ce qui l'a poussée à enseigner la pédagogie de l'écriture, un métier encore peu réglementé : "Ce manque de maîtrise a des conséquences en cascade sur les études des jeunes".

L'écriture manuscrite est en effet bien plus qu'un simple moyen de communication pour le cerveau. C'est en tout cas ce que révèlent des recherches en psychologie cognitive et en neurosciences, notamment celles menées par l'équipe d'Audrey van der Meer, neuroscientifique à l'université norvégienne des sciences et des technologies. Les résultats obtenus par les scientifiques démontrent, entre autres, que l'écriture manuscrite engendre une activité cérébrale plus favorable à l'apprentissage.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont observé douze enfants et douze jeunes adultes, à l'aide d'électro-encéphalogrammes (EEG), réalisés avec plus de 250 électrodes captant l'activité électrique du cerveau lors d'une séance d'écriture manuscrite. L'activité neuronale observée a montré que "les mouvements délicats et finement contrôlés de l'écriture manuscrite contribuent aux schémas d'activation cérébrale liés à l'apprentissage", expliquent les chercheurs. Autrement dit, les scientifiques ont constaté qu'enfants et adultes apprennent et mémorisent mieux en écrivant à la main que lors d'une séance d'écriture au clavier.

"L'utilisation du stylo et du papier donne au cerveau plus de 'crochets' pour accrocher vos souvenirs. L'écriture à la main crée beaucoup plus d'activité dans les parties sensori-motrices du cerveau. De nombreux sens sont activés lorsque l'on appuie le stylo sur du papier, que l'on voit les lettres que l'on écrit et que l'on entend le son que l'on fait en écrivant. Ces expériences sensorielles créent un contact entre différentes parties du cerveau et l'invitent à l'apprentissage. Nous apprenons mieux et nous nous souvenons mieux", a résumé la scientifique Van der Meer dans un communiqué. Néanmoins, ni elle ni Laurence Pierson ne renient les aspects positifs des nouvelles technologies. Elles estiment, en revanche, que l'apprentissage de l'écriture manuscrite doit être conservé.

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Quand les Gaulois écrivaient… pour honorer les dieux ou maudire les vivants

Un vaste programme de l’Agence nationale de la Recherche prévoit la prochaine mise en ligne de la totalité des inscriptions gauloises recueillies à ce jour.

Escengolati aniateios immi" (J’appartiens à Escengolatos et on ne doit pas me voler !), ou encore "Segomaros ouilloneos touutious namausatis eiorou belesami sosin nemeton", (Segomaros fils de Villonos, citoyen de Nîmes, a dédié à Belesama ce lieu sacré)… Savez-vous que vous venez de lire deux phrases en langue gauloise ? Deux inscriptions vieilles de plus de 2000 ans ! On entendrait presque Astérix saluer la célèbre "Belisama" !

A l’encontre de ce que l’on imagine souvent, les Gaulois ont laissé des documents écrits. De courts textes gravés sur pierre, poteries, et parfois feuilles de plomb. Concernant le monde antique, une idée reçue est que le bassin méditerranéen n’était alors divisé qu’entre le grec et le latin. "Mais la réalité est bien plus complexe. Il existait de nombreux dialectes par groupes culturels", explique Coline Ruiz Darasse, épigraphiste, chargée de recherche CNRS à l’Institut Ausonius UMR 5607, de l’Université Bordeaux Montaigne

800 inscriptions en langue gauloise

A la tête d’un important projet, elle coordonne la mise en ligne d’une plate-forme où sera hébergé le "recueil informatisé des inscriptions gauloises" (RIIG), soit l’édition de l’ensemble des 800 inscriptions en langue gauloise dénombrées à ce jour, en dehors des frappes monétaires qui n’entrent pas dans ce programme. Traduits et enrichis, ces écrits seront complétés par tout un appareillage scientifique issu des données recueillies par les archéologues, linguistes et épigraphistes tout au long des trente dernières années. "Sur la Gaule, nous possédons bien sûr les Commentaires de César, et d’autres textes historiques, mais grâce aux inscriptions gauloises, nous accédons directement à la pensée des habitants de la Gaule entre la fin du 3e siècle av. J.C et le 5e siècle après J.-C.", poursuit la spécialiste des langues d’attestation fragmentaire, nom savant de la discipline.

Les Gaulois ont en effet écrit en ayant recours dans un premier temps à l’alphabet grec, ce qui a donné le gallo-grec, puis, avec les lettres latines, le gallo-latin.

"Ces textes nous montrent combien les Gaulois s’adaptaient aux systèmes graphiques existants", ajoute Coline Ruiz Darasse. L’étude de l’épigraphie gauloise est un domaine qui suscite l’intérêt des chercheurs, mais aussi la curiosité du public. D’où l’édition de ces citations antiques replacées dans leur contexte archéologique et historique à destination de tous les curieux.

 

Ces paroles antiques livrent également de nombreuses informations. De l’anthroponymie [étude des noms de personnes] avec, par exemple, Segomaros, Martialis ou Escengolatos ; des filiations patronymiques comme "Untel fils de Untel", dans un monde où n’existe pas de nom de famille, et où seul est attribué celui du père ; de la toponymie [étude des noms de lieux], à l’instar de Namausus pour Nîmes ; ou encore l’appellation des divinités tels que Cernunnos le dieu cornu, Belisama, la Minerve gauloise, ou encore Esus.

Ces textes donnent une idée du multilinguisme et multigraphisme avec lequel les gaulois fonctionnaient

La majorité de ces transcriptions sur pierre ont été découvertes en Narbonnaise, au sud-est de la Gaule, le long de la vallée du Rhône, à Paris, et dans le centre, le Puy-de-Dôme, ou le Berry. Paradoxalement, un unique cas est connu dans l’actuelle Bretagne. Ces citations sont la plupart du temps des dédicaces votives, des contenus adressés à des divinités, ou encore des épitaphes sur des pierres tombales. Certaines ont été retrouvées en Suisse, en Belgique et en Allemagne. "De rares cas ont été rencontrés dans le nord de l’Italie où vivaient des populations celtiques. Cinq inscriptions gauloises sont ainsi transcrites… en gallo-étrusque", déclare Coline Ruiz Darasse. Ces textes donnent une idée du multilinguisme et multigraphisme avec lequel les gaulois fonctionnaient. "A titre d’exemple, une stèle du 1er siècle av. J.C trouvée à Velleron, dans le Vaucluse, et sa dédicace : "kaios indoutilo samolatis anektia oualete " (Caios Indoutilo et son épouse Samolatis, fille d’Anektos, salut !). On peut y voir apparaitre le nom à la fois gaulois et latin du propriétaire, celui gaulois de son épouse, le salut final, un mot latin, et l’ensemble de l’inscription est écrite à l’aide d’alphabet grec ! Rien qu’avec cette pierre incisée nous disposons d’un témoignage d’imbrication d’identités, autant que de systèmes graphiques et de la langue parlée à ce moment-là. Un véritable instantané de l’adaptation avec laquelle fonctionnaient les Gaulois !", s’enthousiasme la spécialiste.

Les poteries caractérisent aussi d’autres supports d’écrits. Il s’agit souvent de très courts titres de propriétés de type "J’appartiens à…". Comme dans toute l’Antiquité, des mentions grivoises pointent de temps à autres, en particulier sur des objets à boire retrouvés en contexte de banquets telles des cruches ornées de phallus. Mais pas seulement. Certains de ces graffitis ont été identifiés sur des fusaïoles, accessoires féminins pour filer la laine.

"Un autre groupe d’inscriptions gauloises sur feuilles de plomb sont les tablettes dites de défixion", poursuit l’épigraphiste. Dans le monde antique, ces inscriptions malveillantes étaient consacrées aux divinités infernales. Peu onéreux et répandu, le plomb était surtout facile à inciser. Imprécations, mauvais sorts, pratiques magiques, tout était bon pour vouer aux gémonies le destinataire de la tablette en lui promettant la pire des fins. Les Gaulois les ont utilisées au même titre que de nombreux autres peuples de l’Antiquité. "Ces tablettes vengeresses étaient déposées dans les tombes, car on pensait que les morts faisaient parvenir plus rapidement malédictions et anathèmes aux divinités infernales du monde souterrain", indique Coline Ruiz Darasse. 

 

Une quinzaine de chercheurs européens collaborent actuellement à ce programme qui devrait être accessible dans son intégralité dès 2022.

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