le Cercle des Légendes ...
Jerry Rawlings, ancien président ghanéen et figure historique du continent africain, est mort..En 2001, il quitte le pouvoir : – fait rare en Afrique ; – de manière pacifique et volontaire, après quasiment dix-neuf années d’exercice ininterrompu....« Un grand arbre est tombé, a déclaré M. Akufo-Addo, et le Ghana sort appauvri de cette perte. »
Il y a 90 ans, Mermoz traversait l'Atlantique et franchissait le Pot-au-noir ! Les 12 et 13 mai 1930, l'aviateur de l'Aeropostale Jean Mermoz bouclait la première traversée aérienne commerciale de l'Atlantique sud, en à peine plus de 21 heures. Un véritable exploit !
Barry Marshall : l'hérétique des ulcères
Grâce à lui des millions de malades à travers le monde qui souffraient d'ulcères à l'estomac ont compris qu'ils étaient infectés par une bactérie. Et ont guéri.
Appelez-le fanatique, excessif, obsessif, il y a peu de chances pour que Barry Marshall s'offusque encore. Après avoir essuyé les critiques durant dix ans, le gastro-entérologue australien a la peau dure. Il a aussi un argument de poids. Un prix Nobel de médecine, cela vous pose un chercheur. Et depuis qu'il a reçu la récompense, en 2005, conjointement avec Robin Warren, il se trouve, de toute façon, beaucoup moins de gens pour le critiquer.
Sans les deux scientifiques, l'Helicobacter pylori se promènerait toujours indûment dans des millions d'estomacs. La bactérie, qui tire son nom de sa forme hélicoïdale, est à l'origine de nombreuses formes d'ulcères et de cancers gastriques. Très répandue à travers le monde, en particulier dans les pays en voie de développement, elle était cependant restée quasiment inconnue jusque dans les années 1980.
A cette époque, Barry Marshall termine sa formation de médecin à l'hôpital royal de Perth, sur la côte Ouest australienne. Après des études à l'université d'Australie-Occidentale, le jeune homme de 29 ans, fils de mécanicien, se voit docteur. "Médecin de famille, cela m'aurait déjà paru très bien", raconte Marj, sa mère, une ancienne infirmière. Mais le cursus de médecine inclut quelques projets de recherche, dont l'un en gastro-entérologie.
Barry Marshall rencontre alors le professeur Robin Warren, un pathologiste qui affirme détecter une bactérie dans les estomacs de ses patients. Et rapidement, ce qui ne devait être qu'un travail de fin d'études se transforme en idée fixe. "C'est devenu une passion très vite", se souvient Adrienne Marshall, l'épouse de Barry. "Il rentrait le soir et me parlait de leurs expériences." Une passion bien solitaire. L'idée qu'une bactérie puisse survivre dans le milieu acide de l'estomac est alors considérée comme une hérésie par le corps médical. Néanmoins, les deux chercheurs pratiquent de nouvelles biopsies sur une centaine de patients. La bactérie est présente : c'est une première révolution.
Encore faut-il cultiver l'Helicobacter pylori en laboratoire, puis prouver qu'elle provoque des ulcères. Après des tests sur animaux, reste l'ultime étape : reproduire l'expérience sur l'homme. Et pour cela, les chercheurs ont besoin d'un cobaye. Ce sera Barry. "C'était un processus compliqué, il était plus facile que j'essaie sur moi-même", explique-t-il simplement. "Si la bactérie m'infectait, on était sur la bonne voie. Sinon, je n'avais plus qu'à m'installer comme médecin de ville." En 1984, le jeune homme boit donc, en cachette de ses proches, une solution contenant le H. pylori. S'ensuivent dix jours de maux de ventre et de vomissements. "Il était très souffrant", se rappelle Adrienne, qui découvre le pot aux roses après quelques jours. Sur vive injonction conjugale, le malade finit donc par prendre des antibiotiques. Et arrête sa décision : il sera chercheur en gastro-entérologie. Les deux scientifiques mettent alors au point des combinaisons médicamenteuses permettant une meilleure guérison des malades.
La preuve est faite, mais les honneurs, eux, se feront attendre. Car la découverte n'arrive pas au bon moment. Les grands groupes pharmaceutiques ont mis au point des traitements permettant de soigner les symptômes de l'ulcère. "Barry leur proposait de tuer la maladie. Et donc, de tuer leurs médicaments", explique le professeur Adrian Lee, un chercheur en microbiologie proche de lui. Quant au corps médical, il campe sur ses certitudes : les ulcères sont causés par le stress ou l'alimentation. "Leur dire qu'une bactérie était responsable, cela revenait à dire que la Terre était ronde alors qu'ils croyaient qu'elle était plate", observe le gastro-entérologue. Le médecin cumule en outre les handicaps : jeune, il vient d'un laboratoire peu financé.
D'une ville inconnue, Perth, la Dallas australienne, plus célèbre pour ses industries minières que pour son université. Et puis, son tempérament lui joue des tours. "Il est sûr de lui. Quand il sait qu'il a raison, il n'hésite pas à le dire", observe Adrienne. "Il est très extraverti. Si jeune, il expliquait sans détour aux gastro-entérologues les plus expérimentés qu'ils avaient tort", se souvient Adrian Lee.
A force de frustrations ravalées et de communications enthousiastes, l'idée fait néanmoins son chemin. "C'est un très bon vendeur. Il était toujours sur le pont à essayer de convaincre", rappelle Adrian Lee. "Je savais que les sceptiques finiraient par partir à la retraite, il suffisait d'attendre", plaisante Barry. Finalement, en 1994, les Instituts nationaux de santé des Etats-Unis reconnaissent officiellement le rôle de la bactérie dans les ulcères et recommandent les traitements antibiotiques prônés par les deux chercheurs. La suite n'est qu'une longue liste de reconnaissances officielles, culminant avec le prix Nobel.
Désormais, des millions de personnes ont été guéries à travers le globe. Entre-temps, Barry a pris des années, même si son allure mince de jeune homme trompe encore son monde. En 1997, après avoir passé dix ans aux Etats-Unis - le chercheur était en poste à l'université de Virginie -, la famille s'est de nouveau établie en Australie-Occidentale. Plus exactement à Subiaco, dans l'ouest de Perth. Une banlieue un peu chic, ils peuvent désormais se le permettre.
Dans la maisonnée, "l'Helicobacter est devenu le cinquième enfant, se moque Adrienne. Parce qu'il lui a toujours consacré plus de temps qu'à moi ou aux quatre enfants". Toute la famille était présente pour la remise du prix Nobel, à Stockholm. Bien loin de Kalgoorlie, la petite ville minière où Barry, l'aîné, gardait ses frères et soeurs en déchiffrant les manuels de médecine de sa mère. Quand il ne jouait pas - déjà - avec des produits chimiques. "Il faisait des expériences, caché dans la laverie", rit Marj, sa mère.
A presque 56 ans, le professeur pourrait commencer à se reposer, mais l'idée ne semble pas l'effleurer. Entre ses conférences et ses cours à l'université, il reçoit des patients ; voyage au Japon, qui envisage une campagne massive d'éradication de l'infection.
Surtout, il a fondé Ondek, une compagnie de biotechnologies, pour financer ses nouvelles recherches. En s'aidant des propriétés du H. pylori, qui semble exercer un contrôle sur le système immunitaire, il veut développer des vaccins contre la grippe, l'hépatite... Barry Marshall est confiant. "Avec les nouvelles technologies, il y aura encore d'importantes découvertes médicales." Les jeunes médecins ont de beaux jours devant eux, pense-t-il. Il en viendrait presque à regretter ses années de vaches maigres.
Edward Jenner, pionnier du vaccin contre la variole
Avant d’être éradiquée en 1979, la variole était l’un des fléaux les plus anciens et les plus dévastateurs de l’humanité. Le virus, dont l’origine remonte à l’Égypte pharaonique, aurait tué entre 300 et 500 millions de personnes au XXe siècle.
« Monstre tacheté », comme on l’appelait en Angleterre au XVIIIe siècle, la variole était très contagieuse et laissait le corps de la victime couvert d’abcès qui causaient d’immenses cicatrices. Si l’infection virale était suffisamment forte, le système immunitaire du patient s’effondrait, et la personne mourait.
Le taux de mortalité de la variole se situait entre 20 et 60 %, et parmi ceux qui avaient la chance de survivre, un tiers restait aveugle. Chez les nourrissons, ce taux était de 80 %.
Puis arriva Edward Jenner.
Né dans le Gloucestershire en 1749, Jenner avait été immunisé contre la variole à l’âge de 8 ans. Entre 14 et 21 ans, il fait son apprentissage chez un chirurgien du comté du Devon. En 1770, il s’inscrit comme élève au St. George’s Hospital de Londres.
À l’hôpital, Jenner montre de l’intérêt pour des domaines variés : il étudie la géologie, mène des expériences sur le sang humain, construit et lance deux fois ses propres ballons à hydrogène, et mène une étude particulièrement longue sur le coucou.
En mai 1796, il commence à s’intéresser à la variole. Pendant de nombreuses années, Jenner avait entendu des histoires selon lesquelles les employées de laiterie étaient immunisées contre la variole parce qu’elles avaient déjà contracté une forme de variole – une maladie bénigne des vaches qui ressemble à la variole – quand elles étaient enfants.
Jenner rencontre une jeune employée de laiterie du nom de Sarah Nelms, récemment contaminée par la variole de Blossom, une vache dont la peau est encore accrochée au mur de l’hôpital médical de St. George. Jenner extrait le pus d’une des pustules de Nelms et l’injecte au jeune garçon de 8 ans, James Phipps – le fils de son jardinier.
Phipps développa une légère fièvre, mais pas d’infection. Deux mois plus tard, Jenner fit au garçon une injection contenant une lésion de variole fraîche : aucune maladie ne se développa. Jenner en conclut que l’expérience était un succès et il baptisa la nouvelle procédure de vaccination du mot latin vacca qui signifie vache.
Le médecin américain Donald Hopkins écrivit plus tard que « la contribution unique de Jenner n’était pas d’avoir inoculé la variole à quelques personnes, mais d’avoir ensuite prouvé qu’elles étaient immunisées contre la variole ».
Le succès de la découverte de Jenner se répandit rapidement dans toute l’Europe. Napoléon, alors en guerre contre l’Angleterre, fit vacciner toutes ses troupes, décerna une médaille à Jenner et libéra même deux prisonniers anglais à sa demande. Napoléon aurait dit qu’il ne pouvait « rien refuser à l’un des plus grands bienfaiteurs de l’humanité ».
Jenner n’a pas cherché à s’enrichir par sa découverte ; il avait même construit une petite baraque d’une pièce dans son jardin, où il vaccinait gratuitement les pauvres – qu’il avait baptisée le Temple de Vaccinia.
Plus tard, il sera nommé médecin extraordinaire du roi George IV et deviendra maire de Berkeley, dans le Gloucestershire. Il s’éteint le 26 janvier 1823, à l’âge de 73 ans.
En 1979, l’Organisation mondiale de la santé déclare officiellement que la variole est éradiquée.
Le vaccin contre la variole a jeté les bases d’autres découvertes en immunologie et de la guérison de maladies telles que la rougeole, la grippe, la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite A et B, la polio, la fièvre jaune et les rotavirus.
Le travail d’Edward Jenner a permis d’épargner des millions de vies d’une maladie qui sévit dans l’humanité depuis des millénaires
Par Alexander Hammond.
Un article de HumanProgress
Paul Volcker : hommage à un de nos bienfaiteurs méconnus
L'ancien président de la Réserve fédérale (FED) est décédé le 8 décembre à l'âge de 92 ans. Bien que discret, il fut une légende de la finance.
Les bienfaiteurs réels de l'humanité passent souvent inaperçus : Paul Volcker en fut un. Certes, sa disparition, le 8 décembre, a été signalée par la presse, mais le lecteur aura au mieux retenu qu'il dirigea la banque fédérale des États-Unis dans les années 1980 : pas de quoi s'extasier en dehors du cercle restreint des économistes. En réalité, Volcker a changé notre vie, aux États-Unis, puis en Europe, et enfin dans le reste du monde. Comment cela ? Il avait initialement pris ses fonctions à un moment où le monde entier était ravagé par l'inflation ; il y a mis un terme. Expliquons en détail, pas trop techniques, pour les non-initiés.
Depuis des siècles, les hommes ont vécu des périodes alternatives de prix stables et de prix élevés : les plus pauvres en ont toujours été les victimes, car ils n'avaient aucun moyen de se prémunir contre ces hausses de prix. En d'autres termes, la monnaie avait une valeur imprévisible : les riches pouvaient s'y adapter en acquérant des biens réels, de l'or, de la terre, des bijoux. Pour les pauvres, cette monnaie imprévisible conduisait à la famine. Autre conséquence de ce yoyo monétaire, l'hésitation à investir et entreprendre : à quoi bon prendre le risque de créer une activité nouvelle si le résultat en était totalement imprévisible.
Curieusement, ce phénomène de l'inflation monétaire, essentiel et délétère dans toutes les économies, ne fut réellement compris qu'au milieu du XXe siècle, grâce aux travaux décisifs d'un économiste de Chicago, Milton Friedman, considéré quelquefois comme le fondateur du monétarisme. Friedman, sur la base d'études historiques, a démontré en 1956 que l'inflation était toujours la conséquence non pas de méchants commerçants, qui augmenteraient leurs prix, mais de la création de monnaie en quantité excessive. Cette création était généralement l'œuvre des États à court d'argent, par les manipulations monétaires naguère (comme la réduction du poids de l'argent et de l'or dans les pièces de monnaie) et, dans les temps modernes, par les déficits budgétaires.
Il eut l'audace de monter le taux d'intérêt à 20 %
De manière à éliminer l'inflation, il fallait donc, selon Friedman, réduire la quantité de monnaie et de crédit en circulation : pour cela, les banques centrales disposaient d'un outil simple, le taux d'intérêt. On comprend bien que s'il augmente, la demande de crédit diminuera. Cette théorie de simple apparence fut une révolution : Paul Volcker, nommé par Jimmy Carter en 1979, puis reconduit par Ronald Reagan, disciple de Milton Friedman, eut l'audace de monter le taux d'intérêt américain à 20 %. L'économie ralentit, faute de crédit, pour une brève période, mais l'inflation disparut. Les prix qui augmentaient, à cette époque, de 20 à 30 % par an aux États-Unis, comme en Europe, se stabilisèrent définitivement. Un salarié américain sut désormais qu'un dollar dans sa poche au début du mois vaudrait encore un dollar à la fin du mois : il cesserait de s'appauvrir. Les entrepreneurs pouvaient de nouveau calculer dans le long terme.
Depuis ce moment fondateur, le « monétarisme » est resté la règle aux États-Unis, puis, par mimétisme, dans le reste du monde. Dans les pays les plus pauvres, Inde, Chine, Afrique noire, la stabilité monétaire gérée par des banques centrales indépendantes des gouvernements – cette indépendance est aussi un outil indispensable du monétarisme – a permis le décollage économique, au profit des populations les plus pauvres de la planète. Il faut ici, en passant, rendre hommage au Fonds monétaire international, FMI si décrié, qui a enseigné, voire imposé, le monétarisme en complément de ses prêts ; seuls les Argentins n'en tiennent pas compte, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît. Aujourd'hui, hormis en Argentine et au Zimbabwe, on ne sait même plus ce qu'est l'inflation : les peuples ont la mémoire courte et l'économie est peu enseignée. Nous vivons tous avec des prix stables et prévisibles et des taux d'intérêt qui permettent d'acquérir, sans risque monétaire, un logement ou une automobile, voire de créer une entreprise. La monnaie stable est devenue naturelle comme l'air que l'on respire ; en Europe, c'est grâce à la gestion monétariste de l'euro par la Banque européenne à Francfort.
Donc le progrès existe non seulement dans les sciences dures comme la physique ou la médecine, mais aussi dans une science plus aléatoire comme l'économie. Pour mémoire, de même que la stabilité monétaire est fondée sur la théorie monétariste, il revient à l'Écossais Adam Smith d'avoir démontré, dès 1769, que le commerce international bénéficiait aux deux parties qui échangeaient ou à Joseph Schumpeter d'avoir expliqué, en 1940, la destruction créatrice, c'est-à-dire la nécessité d'épouser l'innovation technique en renonçant aux modes de production périmés. Mais connaissez-vous une seule rue dans le monde, voire un seul monument, qui rendrait hommage à Adam Smith, Joseph Schumpeter ou Milton Friedman ? Je n'en connais pas, tandis que des hommages publics aux destructeurs de l'économie, à commencer par Karl Marx, il s'en trouve partout.
Par Guy Sorman