Dérèglement climatique : la fin du monde est-elle vraiment pour 2050 ?

Publié le par ottolilienthal

Pics à 48 °C, inondations pluviales… le bulletin météo de 2050

«Libé» et le climatologue Robert Vautard se projettent dans un monde à +2°C, où les phénomènes exceptionnels d’aujourd’hui seraient plus fréquents et plus intenses.

Si l’humanité continue à émettre autant de gaz à effet de serre qu’aujourd’hui, la température moyenne à la surface du globe continuera à augmenter, pour osciller en 2050 entre +2°C et +2,4°C par rapport à l’ère pré-industrielle (1850-1900), sachant que celle-ci a déjà grimpé de 1,2°C. Dans ce cas, une année comme celle qui vient de s’écouler, de très loin la plus chaude jamais enregistrée en France, pourrait devenir la «norme» climatique en 2050. A quoi ressemblerait une année exceptionnelle au milieu du siècle, si ce qui nous paraît exceptionnel aujourd’hui ne l’était plus ? Quelle intensité auraient les vagues de chaleur, sécheresses ou pluies extrêmes dans un monde à +2°C ? Et quelle serait leur fréquence ?

Publié en 2021, le premier volet du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies (Giec), qui synthétise des milliers de travaux scientifiques, fournit quelques pistes : «La fréquence et l’intensité des extrêmes augmentent, dans les projections, pour chaque incrément supplémentaire de réchauffement planétaire.»

Des canicules intenses «quasiment tous les ans»

Ainsi, au niveau mondial, un événement de température extrême qui se produisait tous les dix ans à l’époque pré-industrielle est devenu trois fois plus probable aujourd’hui, et à +2°C, il le serait six fois plus. «C’est-à-dire qu’il se produirait au moins une année sur deux», explicite le climatologue Robert Vautard, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace et directeur de recherche au CNRS. Et un événement beaucoup plus rare, qui se produisait tous les cinquante ans à l’ère pré-industrielle, déjà devenu cinq fois plus probable aujourd’hui, deviendrait 14 fois plus probable. «Si on prend comme référence les grosses canicules de la dernière décennie, il faut s’attendre à ce que des canicules de la même intensité se produisent de façon trois fois plus fréquente qu’aujourd’hui, soit quasiment tous les ans», traduit encore Robert Vautard.

 

Par ailleurs, les événements extrêmes de 2050 seraient bien plus extrêmes que ceux d’aujourd’hui. Dans un monde à +2°C, il faut ainsi s’attendre, selon le rapport du Giec, à au moins 2°C de plus lors des vagues de chaleur les plus intenses. Les 46°C, soit le record absolu de température en France atteint en 2019 dans l’Hérault, pourraient donc être dépassés d’au moins 2°C. Soit des pics à 48°C, voire plus. «On ne peut pas exclure des températures qui avoisineraient les 50°C dans nos latitudes, y compris dans le nord de la France. Mais on ne sait pas trop quelle serait la durée de ces pics extrêmes, indique Robert Vautard. Il faut donc que les villes et les décideurs locaux se préparent dès maintenant à des extrêmes allant au-delà de ceux que nous avons déjà vécus, à des canicules plus longues, qui couvrent une grosse partie de la saison avec des températures dépassant fréquemment les 40°C et pouvant monter jusqu’à 50°C».

«Pas une fatalité»

Les précipitations extrêmes, elles, devraient connaître une hausse de leur intensité de 5 à 20 % dans un monde à +2°C. «Il faut s’attendre à un élément relativement nouveau et qui va se multiplier : ce qu’on appelle les inondations pluviales, comme ce qui s’est passé en août sur la région parisienne, avec l’inondation du métro, souligne le climatologue. Ce ne sont pas les rivières qui débordent, mais les systèmes d’évacuation des eaux pluviales qui ne sont plus en capacité d’évacuer ces précipitations très intenses ayant lieu sur de très courtes durées, à peine quelques heures.»

En revanche, l’évaluation faite par le Giec d’après la littérature scientifique actuelle ne montre pas de façon certaine d’augmentation significative des sécheresses d’ici 2050 en Europe de l’Ouest. «A + 2°C, dans cette région, il n’est pas certain qu’il y ait plus de sécheresses extrêmes qu’aujourd’hui, même si c’est probable. En revanche, autour de la Méditerranée, c’est certain, de même qu’il est certain que le risque d’incendies augmentera autour de celle-ci», indique Robert Vautard. Ceci dit, pour lui, ce scénario à +2°C «ne serait pas la fin du monde, mais un monde extrêmement contraint et dur en termes de risques, particulièrement en été. Et si en France, on aurait une certaine capacité à s’adapter, certains pays ne l’auraient pas». Surtout, ce n’est «pas une fatalité, on peut encore l’éviter si la décarbonation se fait rapidement au niveau mondial, dans les dix à vingt années qui viennent».

Coralie Schaub

publié le 6 janvier 2023

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