le collectif au dessus de la liberté individuelle..

Publié le par ottolilienthal

« De la vaccination à la lutte climatique, l’absolue nécessité de réaffirmer le rôle régulateur de l’Etat ». Un collectif de chercheurs estime qu’une redéfinition du rôle de l’Etat sera nécessaire au XXIe siècle, afin de faire face au défi, par exemple, du changement climatique. La tradition libérale devra admettre des limites aux droits individuels pour le bien commun.

Tribune. En dépit de l’efficacité désormais bien établie des vaccins contre le Covid-19, la campagne de vaccination rencontre toujours d’importantes résistances. La défiance envers l’Etat, la force de certaines croyances, l’aversion au risque de la population et les revendications de libertés individuelles sont autant de freins à la mise en œuvre d’une politique servant pourtant l’intérêt général. Loin de ne se limiter qu’à la seule question de la vaccination, ce phénomène de contestation de l’autorité publique peut désormais s’observer à chaque nouvelle proposition de réforme à visée sociale, économique ou environnementale. En dépit d’études préalables démontrant leur efficience au regard du bien commun, celles-ci se heurtent régulièrement à un cortège de citoyens insatisfaits auxquels les réseaux sociaux procurent à la fois des capacités d’agglomération et une caisse de résonance uniques dans l’histoire des démocraties modernes.

Ces résistances à l’action publique ont de multiples origines. L’une d’elles pourrait être l’absence de définition claire et consensuelle du bien commun. On constate en effet combien la « neutralité libérale » prônée par le philosophe américain Charles Larmore, selon laquelle l’Etat doit s’abstenir de prendre position en faveur d’une définition du bien commun dès lors que celui-ci est soumis à débat, s’est progressivement imposée.

L’Etat face à deux options

Une autre résistance pourrait faire écho au tropisme individualiste fortement ancré dans la tradition libérale française qui, en cas de dilemme, pousse le politique à systématiquement arbitrer en faveur des libertés individuelles relativement aux libertés sociales. Il faut alors se rappeler que les politiques publiques incarnent la raison d’être de l’Etat moderne.

Ne sont-elles pas les « interventions d’une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire », selon les mots de la juriste Madeleine Grawitz, du politiste Jean Leca et du sociologue Jean-Claude Thoenig ? Cette définition souligne à la fois le caractère juridiquement légitime de l’action et sa dimension nécessairement collective.

Voici l’Etat face à deux options. La première consiste à mener des politiques dites « incitatives « , récompensant les « bonnes actions ». L’efficience d’une telle approche est sujette à débat car le risque est fort de voir apparaître des « passagers clandestins » cherchant à bénéficier des effets positifs de la politique publique sans s’y soumettre.

Un besoin de politiques volontaristes

Le biologiste américain Garrett Hardin (1915-2003) avait parfaitement décrit ce phénomène lorsqu’il évoquait sa fameuse « tragédie des communs », qui se traduit par une surexploitation mortifère des ressources communes, faute de ne pas savoir créer les conditions d’une exploitation collective raisonnée.

La seconde option que pourrait retenir l’Etat emprunterait à Thomas Hobbes l’idée que, face à l’impossibilité d’un consensus économique et social, l’Etat doit arbitrer de façon autoritaire, au nom de la sauvegarde de l’intérêt général.

Or, il nous semble que nulle réponse aux grands défs du XXIe siècle, qu’il s’agisse d’environnement, de santé ou de transition démographique, ne pourra faire l’économie de politiques volontaristes qui se traduiront par des restrictions et/ou des limitations qui pèseront sur chacun, mais au bénéfice de l’ensemble.

Ces politiques, par essence, ne pourront faire l’objet d’un consensus et seront impossibles à faire appliquer si l’on accepte une lecture large et sans réserve des droits individuels. Mais elles pourraient être légitimées par leur capacité à servir le bien commun, y compris au nom des générations futures.

Repenser le bien commun, discuter d’une vision collective pour le pays et préciser les politiques publiques qui en découlent sont les trois axes autour desquels le débat démocratique devrait s’articuler. Au regard des propositions clientélistes portées par les candidats déclarés, ce début de campagne présidentielle ne nous laisse guère d’espoir de voir notre souhait se concrétiser.

Les signataires de cette tribune sont:


Serge Guérin, sociologue, directeur scientifique du Pôle santé Inseec MSc&MBA;
Eric Muraille, biologiste, immunologiste, Université libre de Bruxelles;
Philippe Naccache, enseignant-chercheur, Inseec Grande Ecole;
Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur, Inseec Grande Ecole

(publié par C Farhangi)

https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/454372129379675

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