Education niouzes
Pour relever le niveau des élèves, et avec lui la richesse de la nation, c’est tout le système éducatif français qui doit être repensé.
Les connaissances des jeunes entrant en quatrième en 2023 ont fait l'objet d'une évaluation nationale portant sur 7 039 établissements et 795 000 collégiens, qui montre un effondrement sans précédent de leur niveau. Selon ses conclusions, 52,8 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences élémentaires requises en français et 54,7 % en mathématiques.
Dans les établissements classés en éducation prioritaire, 79,1 % des élèves ne comprennent pas la langue française et 83,5 % ignorent les bases du calcul. Les trois quarts des élèves présentant un retard scolaire ne savent ni lire ni compter. Seuls les établissements privés présentent des performances acceptables, largement supérieures à celles du secteur public hors éducation prioritaire.
Le constat est sans appel. La France connaît une régression éducative inouïe, qui fait d'elle une nation d'illettrés. L'Éducation nationale est devenue une machine à stériliser notre capital humain, dans un temps où la connaissance détermine la richesse des nations, la compétitivité des entreprises et la cohésion des sociétés. Elle ne transmet plus de connaissances mais constitue un foyer de contagion de la violence, avec plus de 70 000 incidents graves par an, et désormais de radicalisation des mineurs. Sa faillite constitue la première explication de la chute des gains de productivité, de l'explosion des inégalités, du basculement de pans entiers de la population et du territoire français dans l'anomie.
Bureaucratie paralysante
Le naufrage de l'éducation ne trouve pas son origine dans le manque de moyens puisque le budget s'élève à 64,2 milliards d'euros pour 12 millions d'écoliers et lycéens et que les dépenses éducatives atteignent près de 110 milliards d'euros, largement au-dessus de la moyenne de l'OCDE. Il s'explique d'abord par une organisation figée et dysfonctionnelle, marquée par un centralisme paralysant, par l'absence d'autonomie des établissements, par une logique bureaucratique qui ne prend jamais en compte la qualité de l'enseignement.
Il est indissociable du déclassement des professeurs – dont les rémunérations ont diminué de 28 % en termes réels depuis 1982 – et de leur sous-formation, qui débouchent sur une crise majeure de recrutement et sur le remplacement d'enseignants qualifiés au statut rigide par des contractuels peu compétents mais flexibles. Il découle aussi d'une dispersion endémique des cours au détriment des enseignements fondamentaux, et notamment du français qui conditionne l'accès à tous les autres savoirs.
Surtout, l'éducation est victime d'un renoncement intellectuel et moral. Il se traduit par la rupture avec la transmission des connaissances et l'éthique du travail au profit de la mixité scolaire, de l'empathie envers les élèves et de la satisfaction des familles – avec pour symbole la dévalorisation du bac qui affiche en 2023 un taux de réussite de 90,9 % sans que nombre de reçus sachent lire, écrire et compter. Il s'accompagne d'une tolérance envers la violence, banalisée au nom de la lutte contre les discriminations, et d'un abandon des valeurs de la République que même les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard n'ont pas remis en question.
La désintégration du système éducatif constitue l'une des pires menaces qui pèsent sur l'avenir de la France et un obstacle majeur à son redressement. L'éducation doit donc être érigée en grande cause nationale. L'interdiction des abayas et la lutte contre le harcèlement scolaire sont assurément indispensables, et il faut saluer la rupture effectuée par Gabriel Attal avec de longues années de passivité face à l'islamisme et d'impunité pour les élèves harceleurs associée à l'indifférence envers leurs victimes. Mais le cœur du défi éducatif est autrement plus difficile : il consiste à inverser la chute du niveau des élèves et des professeurs. Et ceci passe par des changements profonds dans les structures mais plus encore dans les principes de l'éducation.
Plus d'heures de français
Le système éducatif doit être repensé autour du primat de la connaissance et de la qualité de l'enseignement, qui constituent le meilleur moyen de lutter contre les inégalités. Et ce autour de six axes. La maîtrise des savoirs fondamentaux, à commencer par le français, grâce à l'augmentation des heures qui leur sont consacrées – l'écriture inclusive devant par ailleurs être définitivement interdite. Le réinvestissement dans le primaire (sous-financé de 7 % par rapport à la moyenne de l'OCDE), qui se trouve à la racine de l'exclusion scolaire, et l'incitation aux apprentissages précoces.
La réhabilitation matérielle et symbolique du métier de professeur ainsi que l'amélioration de leur mobilité et de leur formation, afin de répondre aux besoins de recrutement qui s'élèvent à 380 000 postes d'ici à 2030. La décentralisation du système auprès des régions, l'autonomie des établissements et leur débureaucratisation (250 000 agents exercent des missions étrangères à l'enseignement). L'égalité de traitement entre secteur public et privé avec la suppression du plafond de 20 % des moyens financiers et humains affectés au privé. La systématisation et la transparence des évaluations pour les élèves comme pour les professeurs et les établissements.
La clé de voûte de la réforme de l'éducation demeure un changement radical d'état d'esprit. Il faut casser le pacte pervers qui repose sur la distribution de diplômes dévalorisés à des élèves que des professeurs prolétarisés et déqualifiés font semblant de faire travailler. L'éducation est l'investissement le plus rentable pour les individus comme pour la nation, car rien n'est plus ruineux qu'un peuple illettré et ignorant. Mais elle se renie quand elle repose sur la généralisation du mensonge. Les résultats calamiteux de l'enquête sur le niveau des collégiens de quatrième nous obligent à sortir du déni et à refonder notre système éducatif autour de la transmission des connaissances, de la reconnaissance du mérite et du respect des valeurs de la République
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/le-krach-educatif-francais-27-11-2023-2544635_32.php?M_BT=6286141392673&boc=3627676&nl_key=ea892c9bf26a7f7afeaffd33e0f6585511db5b12c41b69d649cb8370f928ba6c#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20231127-[Article_1]
Face à un niveau de lecture en chute libre, la Suède va remplacer les tablettes par des manuels scolaires....On n’arrête pas le progrès, dit-on. Parfois si. En Suède, l’éducation nationale fait marche arrière en réhabilitant le manuel scolaire, qui avait été effacé par les tablettes. Dans l’actu : le retour des manuels scolaires pour la rentrée des classes suédoise, ce lundi.
ENTRETIEN. Le psychologue dénonce depuis 40 ans les excès de l’éducation positive à la française… et se réjouit de voir le vent tourner.
Il s'est accoutumé à être traité en affreux personnage, pisse-froid et réactionnaire. Pouvait-il en aller autrement, argue-t-il, alors qu'il s'opposait aux dogmes de Françoise Dolto et prônait, en matière d'éducation, l'importance de la frustration, des règles et de l'effort ? Didier Pleux, docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien, réitère et détaille ses positions dans L'Éducation bienveillante, ça suffit ! (Odile Jacob). Où il lit (de près) les écrits de ses adversaires, raconte sa propre enfance et constate avec satisfaction que ses arguments, comme ceux de sa consœur Caroline Goldman, portent aujourd'hui leurs fruits.
Le Point : Commençons par la fin, si vous le voulez bien : vous dites, dans les dernières pages de votre livre, que le vent tourne enfin et que la critique de l'éducation bienveillante à la française commence aujourd'hui d'être entendue… À quoi attribuez-vous ce changement ?
Didier Pleux : Au fait, d'abord, que cela ne fonctionne pas. Je répète à peu près les mêmes choses depuis quarante ans, et je me suis habitué à être considéré comme une sorte d'affreux réactionnaire sous prétexte que je m'oppose à une psychologisation effrénée de l'éducation, que je conteste les positions de Françoise Dolto et que je défends l'importance de la frustration à côté de celle de l'amour et de l'empathie. Il se trouve que l'hypothèse que je formulais sur l'émergence d'enfants-tyrans s'est révélée de plus en plus juste… A fortiori lorsque s'est imposée en France, il y a une quinzaine d'années, la mode d'une éducation « bienveillante », sous l'impulsion notamment de la thérapeute Isabelle Filliozat. Le premier principe de ce courant est de dire que si l'enfant est suffisamment aimé et sécurisé, il ira naturellement bien, et que toute crise, tout caprice appelle à un renforcement du lien d'attachement. Sauf que ce n'est pas vrai, tout le monde en fait le constat. Le résultat, ce sont des parents qui arrivent dans nos cabinets littéralement épuisés.
Vous dites même « maltraités » !
Bien sûr ! Les principes de l'éducation bienveillante peuvent fonctionner avec des tempéraments très anxieux. Mais nous avons aujourd'hui une génération d'enfants que j'appelle « intrépides » : très extravertis, quémandeurs de plaisirs incessants, d'une attention, d'une stimulation, d'une valorisation permanentes. Les parents craquent, frôlent le burn-out… et voilà que j'entends, en réaction, prôner le retour à la fessée pour les tout-petits, à l'autoritarisme pour les plus grands. Le succès que rencontre Caroline Goldman avec File dans ta chambre ! (Dunod) tient un peu de cela : les parents sont profondément soulagés d'entendre de nouveau parler de limites éducatives. Je suis d'accord sur bien des points avec ma consœur, d'ailleurs. Mais j'estime qu'avoir à interrompre la relation en envoyant l'enfant au coin tient tout de même de l'aveu d'impuissance. Un petit qui pique une colère parce qu'il n'a pas une énième histoire avant de se coucher, un adolescent qui se met à hurler parce qu'on lui demande de faire son devoir plutôt que de sortir avec ses copains sont des enfants à qui l'on n'a pas appris assez tôt à tolérer la frustration, à faire des choses moins agréables, plus contraignantes que celles vers lesquelles ils se seraient spontanément dirigés.
Vous défendez même la valeur de l'ennui.
En effet. Pas l'ennui que les gens de mon âge ont vécu, évidemment, et je ne défends pas non plus la façon qu'avaient nos parents de ne jamais nous valoriser, de s'en remettre à l'autorité exclusive du curé ou de l'instituteur. Toute une génération, qui a souffert de ces excès, a porté au pinacle le principe de plaisir. Cela a eu ses bienfaits, mais le principe de réalité nous revient aujourd'hui en plein. Ce que j'essaie de montrer, au fond, c'est que si les carences affectives peuvent être douloureuses, les carences éducatives, elles, sont autrement plus graves. Protégez votre enfant et aimez-le, bien sûr. Mais faites-lui comprendre que, s'il a des talents, il a également des efforts à faire – pour être bon dans une discipline exigeante, pour être plus attentif à autrui ou au contraire sortir de sa réserve selon qu'il est très extraverti ou plutôt inhibé. Montrez-lui, aussi, quelle part de responsabilité il a dans ce qui ne marche pas bien pour lui, dans un mauvais résultat ou une contrariété de ses parents. Il existe un bon sentiment de culpabilité, j'en suis convaincu. Pas celui de la honte, pas celui du sentiment d'être une personne mauvaise, méchante ou nulle. Mais celui qui amène à s'interroger sur ce que l'on a mal fait. Dans l'éducation bienveillante, un tel sentiment est tout à fait exclu. Il faudrait que l'enfant ne se sente jamais comptable d'aucun mal-être. Mais pourquoi ? Il ne s'agit pas ici de l'humilier mais de le rendre humain, c'est-à-dire conscient du lien qui existe entre lui et les autres.
Vous êtes très agacé par la psychanalyse. Pourquoi ?
Je la respecte comme démarche personnelle, et j'admire le philosophe qu'était Freud – il est d'ailleurs le premier à avoir parlé du principe de réalité et du principe de plaisir. Mais je m'étrangle lorsque je lis chez Dolto, et aujourd'hui chez Isabelle Filliozat, que l'inconscient domine tout, que tout est langage : que si un enfant fait un caprice, c'est qu'il manque d'amour, que lorsqu'un parent punit, ce sont ses propres névroses qui parlent, qu'un adolescent est d'une fragilité extrême qui rend normales ses crises ou ses addictions. Et je m'étrangle plus encore lorsque je vois mélanger aujourd'hui tout cela avec des neurosciences où l'on va piocher ce que l'on veut, et à qui l'on fait dire n'importe quoi. Je reçois, dans mon cabinet, des parents convaincus qu'une grosse colère peut provoquer des lésions irréversibles dans le cerveau de leur enfant, et qu'il faut donc à tout prix éviter de le contrarier. Tant pis si, au passage, on confond des enfants traumatisés par des parents en effet abusifs ou tyranniques et des enfants qui, tout simplement, se confrontent à la frustration. Tant pis aussi si l'on en vient à des positions complètement incohérentes : il faudrait tout accepter de l'enfant sous prétexte que son cerveau est « immature »… mais considérer qu'il a bien assez de maturité pour discuter et négocier les règles. Alors oui, je suis opposé à ces théories qui sont hors de la réalité. La réalité n'est pas que plaisante. Sous certains aspects, elle est même bien plus dure et plus angoissante aujourd'hui qu'à mon époque. Et on rend les enfants très vulnérables en ne le leur apprenant pas.
Vous avez le sentiment qu'ils sont plus troublés qu'autrefois ?
Ce n'est pas la même détresse. Il y a quarante ans, je recevais en consultation les enfants des autoritaristes : des gamins mal dans leur peau, malheureux, avec une piètre estime d'eux-mêmes. Depuis une vingtaine d'années, je vois au contraire des enfants et des adolescents qui ont envie de mourir, pas à cause d'un spleen fondamental mais parce qu'ils trouvent que la vie est trop dure. On leur a dit qu'ils étaient des génies, et ils ratent un concours. Qu'ils étaient les plus beaux, et ils échouent à plaire à la personne dont ils sont amoureux. Ils sont très confiants, mais la vie ne répond pas à leur attente. Alors certains se réfugient dans les paradis artificiels, dans les addictions aux écrans, dans la recherche de plaisirs immédiats. Je vois, en somme, émerger des pathologies qui sont le fruit de carences éducatives, et qui les rendent très malheureux. Cela dit, il me semble encore une fois que les choses changent, et que les parents constatent que les limites procurent en réalité bien plus de sécurité aux enfants que la négociation permanente des règles…
Propos recueillis par Marion Cocquet
« Si j’aurais pas eu mon bac je pense pas que je serais allée en prépa littéraire » Effondrement du niveau...Oui dans la vie il faut travailler. Travailler beaucoup. Travailler fort pour réussir. Et même en travaillant fort et dur il n’y a jamais la certitude de la réussite qui n’est d’ailleurs pas que financière!
Dans une note publiée ce mardi, la Cour des comptes juge que malgré les dépenses effectuées, la performance du système scolaire français est insuffisante. La Cour plaide notamment pour "renforcer les marges d'autonomie des établissements".
Les dépenses pour l'éducation sont élevées en France, mais les résultats ne sont pas à la hauteur. C'est le constat fait par la Cour des comptes dans une note publiée mardi 14 décembre.
Dans cette note, les membres de la Cour estiment que malgré "une dépense nationale d’éducation supérieure à la moyenne de l’OCDE, la performance du système scolaire français tend à se dégrader, en particulier pour les jeunes issus des milieux défavorisés". Ils jugent que les réformes pédagogiques, l’accroissement des moyens et les résultats des évaluations n'ont pas permis d'améliorer l'ensemble du système éducatif. 40% des élèves de fin de primaire n'ont ainsi pas les connaissances fondamentales en lecture et en mathématiques, selon une étude publiée en 2016 par le Centre national d'études des systèmes scolaires (Cnesco).
Un système scolaire trop centralisé
La Cour des comptes affirme que le système éducatif est trop centralisé, trop encadré, et qu'il doit donner plus d'autonomie. Pour faire face à des performances qualifiées d'"insuffisantes", elle préconise "quatre leviers d'action" pour accroître "l'efficacité" du système. Il s'agit de "faciliter le parcours de l'élève", de "rénover le cadre du métier d'enseignement", de "renforcer les marges d'autonomie des établissements" et de "mieux évaluer la performance et l'évaluer".
Selon la note de la Cour, il faudrait ainsi que les chefs d'établissements soient plus libres dans leurs choix de projets et puissent avoir plus d'autorité sur les professeurs, en s'occupant par exemple de leur évaluation. La Cour des comptes préconise de changer l'organisation du temps de travail des enseignants, en prenant en compte dans les horaires obligatoires les heures de préparation, de correction, de formation ou de réunion. Aujourd'hui, seul le temps devant la classe est fixe.
Enfin, les magistrats financiers jugent nécessaire d'évaluer bien plus les établissements scolaires, en se fondant sur les résultats scolaires, l'absentéisme, les exclusions ou encore la poursuite d'études.
https://www.francetvinfo.fr/societe/education/refondation-de-l-ecole/education-nationale-la-cour-des-comptes-juge-les-resultats-insuffisants-malgre-des-depenses-elevees_4880131.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20211216-[lespluspartages/titre3]
...J’ai deux grandes réflexions à partager avec vous aujourd’hui. La première concerne l’utilité de l’école. La seconde la faillite des facs et collèges anglo-saxons......En ces temps de confinement et deux mois après, je ne trouve pas l’école sortie grandie de tout cela.....
« Ils ont fait tout ce qu’ils ont pu pour lui rendre la vie la plus simple possible, comme ces types qui balayent devant la pierre de curling pour qu’elle glisse bien… »
Ainsi parle Jussi Adler Olsen dans Selfies — la dernière traduite des enquêtes du fameux « Département V », dont le romancier danois a narré les exploits dans Miséricorde, Profanation, Délivrance, et quelques autres polars mémorables dont les adaptations au cinéma ne déméritent pas.
Celle à qui l’on a rendu ainsi la vie aussi simple que possible, dans le roman, est l’une des représentantes émérites de la « génération α », comme il est convenu d’appeler les gosses nés aux alentours de l’an 2000 — après les génération x, y et z. Des enfants choyés, sur-protégés, par des parents-poules et un système scolaire dont on a évacué tout problème traumatisant. Des gosses qui pensent que la vie est facile, que tout leur est dû, qu’un excellent boulot les attend à la sortie du Grand N’Importe Quoi éducatif dans lequel ils auront traîné leurs fesses et leur ennui pendant une quinzaine d’années, et que même si ce n’est pas le cas, la société les prendra en charge et leur fournira une allocation confortable (ou un salaire à vie) pour ne rien faire d’autre que s’offrir du vert à lèvres, des robes obsolètes à peine portées, tout en écoutant sur leur précieux Smartphone les tubes affligeants du dernier DJ. Et de se flasher entre copines, comme si leur vie n’était qu’une longue succession de selfies… Du coup, quand on les tue, les unes après les autres, le lecteur ne s’afflige guère…
Je suis mentalement passé du roman d’Adler Olsen aux Tribulations d’un Chinois en Chine, le merveilleux roman de Jules Verne paru en 1879 — dont Philippe de Broca, réalisateur trop sous-estimé, a tiré un film parfaitement délirant en 1965, avec Belmondo, Ursula Andress et Jean Rochefort. Un délice. Que raconte Verne ? Qu’un jeune milliardaire de l’Empire céleste s’ennuie fort — tout lui est tombé tout rôti dans la bouche depuis sa tendre enfance. Il est riche à millions, il n’a aucun souci, « jamais un pli de rose n’a troublé son repos ». Son meilleur ami, Wang, un philosophe chargé d’un passé tumultueux, lui explique donc que « si tu n’es pas heureux ici-bas, c’est que jusqu’ici ton bonheur n’a été que négatif. C’est qu’il en est du bonheur comme de la santé. Pour en bien jouir, il faut en avoir été privé quelquefois. » Et de conclure qu’il « souhaite un peu d’ombre au soleil de son hôte, et quelques douleurs à sa vie. »
Et croyez-moi, il va lui procurer quelques sensations rares et délicates — la crainte d’être tué dans l’instant pendant tout un mois, « quelques terribles angoisses », « presque au-delà de ce qu’il était humain de faire » — et ce, comme il le précise, « bien que son cœur en saignât »…
On a aplani la pédagogie. On a supprimé tout effort, en supprimant toute difficulté. Peut-être vous rappelez-vous cette BD si drôle de Franquin, montrant Gaston allergique au mot « effort »? Voilà un désagrément qui ne saurait toucher les enfants d’aujourd’hui — en Occident tout au moins. Les problèmes de maths sont reformulés sous un énoncé immuable — « montrez que » — et la solution est avancée. Les questions de Français sont de la même farine : « Dans le poème « Liberté » d’Eluard, quel est le mot le plus fréquent ? » Ou encore : « Say something in english » — « Fuck you » — « Wonderful ! » Jusqu’au Bac, et au-delà dans bien des formations universitaires, la route est lisse, un vrai billard.
En Classes préparatoires, c’est un peu plus ardu. C’est parfois même escarpé. C’est que l’on a décidé de sélectionner — sauf quand (ça m’est arrivé récemment) un Inspecteur Général décide que vos méthodes sont définitivement trop brutales. Hé quoi ! Vous croyiez dégager des élites, mais on vous somme d’aplanir la route aux plus incompétents, on vous accuserait presque de l’échec de certains… Comme dans certaines épreuves cyclistes où l’on balaie les gravillons avant le passage des coureurs de peur qu’un champion dérape…
L’image du curling est pleinement adéquate. En balayant très fort et très vite devant la grosse boule de granit poli, on lui permet de glisser au mieux jusqu’au rond central, en produisant par frottement une mince pellicule d’eau sur laquelle la pierre fait de l’aquaplaning. Un velours…
J’ai dit ici, il y a bientôt quatre ans, mon admiration pour Whiplash, le remarquable film de Damien Chazelle sur l’univers des batteurs de jazz. Bien sûr, le chef d’orchestre qui pousse le jeune héros au-delà de ses limites, et jusqu’à la perfection, peut être accusé de manipulation ou de cruauté mentale — et alors ? Je me rappelle y avoir évoqué la critique de Télérama, écrivant : « Imaginez le marquis de Sade à la tête d’un IUFM ». Eh bien oui, qui d’autre que le Divin Marquis devrait être chargé de la formation des maîtres ? Un peu de cruauté me messied pas à la vraie pédagogie, tant il est vrai que tout effort est douloureux, que toute exigence est cruelle — mais à la fin, le jeune batteur vous sort sur Caravan un solo qui est la copie conforme de celui de Charlie Antolini ou de Buddy Rich. Mais je doute que les parents, l’administration, et les élèves eux-mêmes, instruits selon la loi du moindre effort, comprennent que c’est pour leur bien qu’on les flagelle — alors qu’ils l’admettent assez facilement dans le domaine sportif. Que c’est dans leur intérêt qu’on les bouscule, afin que leur bonheur désormais émerge d’un itinéraire tourmenté, et non d’un ciel sans nuage.
Jean-Paul Brighelli
Entre peur et idéologie, l'école abandonne la laïcité - Causeur
https://www.causeur.fr/ecole-laicite-abandon-blanquer-vague-156604
..Au-delà des gesticulations du ministère, rien n’est fait pour assurer la laïcité à l’école. Sous pression, certains éducateurs ont peur de l’enseigner ; d’autres la refusent carrément…
/https%3A%2F%2Fwww.causeur.fr%2Fwp-content%2Fuploads%2F2018%2F10%2Flycee-carquefou-d-estienne-d-orves.png)
Ce lycée qui refuse de porter le nom d'un résistant - Causeur
https://www.causeur.fr/lycee-carquefou-honore-d-estienne-orves-155313
La "communauté éducative" veut débaptiser le lycée Honoré-d'Estienne-d'Orves à Carquefou..
Le déclin du système éducatif français est inexorable. François Kersaudy retrace les étapes qui depuis 40 ans mènent à cette interminable faillite.
Au siège de la NSA, où les écoutes ont repris de plus belle, on intercepte la 34 857e communication de la matinée, provenant d'une Assemblée située au bord de la Seine :
- "Hey, Bill ! C'est un député de droite qui parle à sa secrétaire... Écoute un peu !" :
- "... L'inventaire de nos erreurs passées n'a pas été fait, et c'est dommage, parce qu'en les passant sous silence, on risque de les répéter. Si je devais les énumérer, je ne saurais même pas par où commencer... Bon, disons par l'enseignement : je crois que Mai 68 n'a fait qu'amplifier ce qui était déjà dans l'air du temps, où l'on était fasciné par les prestidigitations verbales de Lacan, les expériences pédagogiques anglo-saxonnes, la psychologie de Piaget, l'émergence de l'audiovisuel et les rêveries égalitaristes de l'opposition. Dans le projet de réforme de la commission Peyrefitte en 1967, on trouvait déjà en filigrane toutes les dérives à venir : dénonciation du cours magistral, dévaluation de la grammaire et de la littérature, structuration des classes en "petites républiques", suppression de l'examen de fin d'année pour éviter de traumatiser les élèves, etc.
Mai 68 est venu y ajouter les outrances de la révolution culturelle chinoise, de la contre-culture américaine, de l'agitation libertaire, du constructivisme bourdieusien et de la fantaisie adolescente incontrôlée. Voilà le bouillon de culture qui s'est imposé depuis à tous les ministres, car dans ce domaine comme dans bien d'autres, la droite au pouvoir s'est laissée intimider par les bricolages intellectuels de la gauche..."
L'enseignement nouveau devait libérer l'enfant opprimé
La secrétaire : "Concrètement, qu'est-ce que ça a donné ?"
"Le grand gourou Bourdieu dénonçait l'enseignement traditionnel comme un instrument de la domination bourgeoise, et il prétendait vaincre les inégalités par une pédagogie centrée sur l'élève : les connaissances n'étaient plus transmises, mais découvertes par l'"apprenant", qui devait construire son savoir à partir de sa propre expérience.
L'enseignement traditionnel de maître à élève était réactionnaire, car il perpétuait la relation dominant-dominé, maître-esclave, patron-prolétaire. L'enseignement nouveau, lui, libérerait l'enfant opprimé : pas de vouvoiement, pas de langage bourgeois, pas de morale, pas de réprimandes, pas de retenues, pas d'exclusions, pas de notes, pas de classements, pas de récompenses, pas de devoirs, pas de leçons, pas de dictées, pas d'interrogations écrites, pas de lecture à haute voix, pas de calcul mental, pas de passé simple, pas de récitations, pas d'exercices d'écriture, pas de lecture syllabique, pas d'histoire chronologique, pas de littérature classique, pas de sélection, pas de règlements, pas d'examens, pas de redoublements - autant d'éléments traumatisants issus d'un passé répressif antédiluvien. Évidemment, tout n'a pas pu s'imposer, car même au royaume d'Ubu, le ridicule peut encore tuer..."
On a vu s'éclipser la discipline et l'effort
- "On n'a tout de même pas fait que s'attaquer aux anciennes pratiques ?"
- "Non, bien sûr ; pour vaincre les inégalités, on a instauré le collège unique, la pédagogie différenciée, les conseils d'élèves, l'évaluation des compétences, les questionnaires à choix multiple, les itinéraires de découverte, les activités d'éveil, l'expression spontanée, le contrat de communication, l'autodiscipline, le décloisonnement, les études dirigées, les contenus allégés, la méthode globale, la grammaire structuraliste, les mathématiques modernes, le travail autonome accompagné, la pédagogie du détour, la sensibilisation citoyenne, la socialisation des écrits, les goûters éducatifs, les initiatives citoyennes, les déclencheurs d'écriture, les groupes de vie, les savoir-faire, les savoir-être, les autocorrections, les droits de l'enfant, les ouvertures à la différence, les démarches de projet, sans oublier l'éducation sexuelle, le Code de la route, les jeux vidéo et le hors-temps scolaire - tout cela dans une ambiance résolument égalitariste, jeuniste, non directive et gentiment contestataire... Les gouvernements de droite ont bien tenté de limiter les dégâts en fermant les instituts universitaires de formation des maîtres, ce qui n'était qu'à moitié intelligent, et en asphyxiant les réseaux d'aide spécialisée aux enfants en difficulté, ce qui était parfaitement aberrant. Mais pour le reste, ils se sont heurtés aux syndicats de gauche, aux parents d'élèves militants et à la loi Savary de 1983, disposant que les professeurs avaient le libre choix de leurs méthodes d'enseignement. Dès lors, entre la disparition des contraintes et l'apparition des innovations, on a vu s'éclipser la discipline et l'effort, en même temps que l'orthographe et la lecture - avec des arguties pitoyables de la part des autorités pour nier l'évidence..."
Les principes élémentaires de politesse sont absents dès l'école primaire
- "Mais nos écoliers ne sont pas moins intelligents pour autant !"
- "Certes non, mais leur capacité d'attention a beaucoup baissé, ils n'ont plus de repères chronologiques, leur écriture est illisible, et beaucoup peinent à lire du fait de la méthode globale : le libre choix par l'enseignant étant opposable à tous, cette méthode... progressiste exerce toujours ses ravages. C'est ainsi que dans notre système d'éducation égalitaire, l'avenir intellectuel de l'enfant dépend étroitement des fantaisies de son instituteur : une enquête a établi que 3,4 % des enseignants du primaire utilisaient la méthode syllabique, 9,3 % la méthode globale pure, 56,2 % la méthode mixte à départ global, 30,5 % "une démarche centrée prioritairement sur le sens du texte", et 0,6 % ne savait pas ce qu'ils faisaient !
C'est tout de même une fabuleuse loterie qui accueille nos jeunes dès le CP... Et les ministères de droite d'accompagner le mouvement : le règlement du concours des professeurs des écoles précise par exemple que "dans chaque épreuve, il est tenu compte, à la hauteur de trois points maximum, de la qualité orthographique de la production des candidats". Donc, avec soixante fautes d'orthographe, les futurs enseignants de nos chers petits peuvent encore avoir 17 sur 20 ! Mais le plus grave, c'est encore que les principes élémentaires de politesse sont absents dès l'école primaire, et que devant les parents-électeurs, on n'ose pas avouer qu'il est impossible d'instruire des enfants qui ne sont pas éduqués. Toujours ce manque de courage..."
Dans le secondaire, 30 % des élèves sont incapables de comprendre ce qu'ils lisent
- "On a beaucoup incriminé la massification..."
- "Oui, mais c'est le cas de l'école primaire depuis 1833, et elle ne s'en est pas portée plus mal. Par contre, la massification de l'immigration a certainement joué un rôle : aux faiblesses de l'enseignement branché et aux carences de l'éducation familiale est venue s'ajouter l'arrivée en nombre d'enfants d'immigrés, rapidement devenus majoritaires dans de nombreuses classes. Dire que l'entrée de 700 000 jeunes étrangers dans le primaire n'a posé aucun problème est politiquement correct, mais parfaitement inepte : en s'obstinant à nier les faits, on s'est interdit d'y porter remède. Beaucoup de ces enfants sont arrivés en cours d'année, sans parler le français, avec un énorme poids de préjugés familiaux, de haines claniques, d'interdits religieux et de traditions nationales très éloignées des nôtres.
Les gouvernements de droite ont laissé faire - surtout pas de vagues - et ils ont même rivalisé d'imagination avec ceux de gauche pour introduire des projets farfelus, comme ces "classes de langue et de civilisation des pays d'origine" - des cours de turc, d'arabe ou de bambara pour permettre aux enfants d'immigrés de mieux réussir à l'école française ! Une fois dans le secondaire, 30 % des élèves français ou étrangers sont incapables de comprendre ce qu'ils lisent. Mais à ce stade, il y a aussi la politisation à outrance par les comités d'action lycéens, la multiplication des règlements de compte dans des établissements "sanctuarisés", la circulation sans entraves des stupéfiants, la banalisation des poursuites pénales contre les enseignants, la déscolarisation tacitement acceptée, le harcèlement par les professionnels de l'antiracisme sélectif, l'intrusion des parents violents et la progression de l'intégrisme musulman - dont il ne faut surtout pas parler...
En fin de parcours, il y a un bac bradé, où les candidats peuvent avoir 24 sur 20 pour les meilleurs, et être reçus sans vraiment savoir lire pour les moins bons - qui se retrouvent ensuite dans des universités dites autonomes : depuis 1968, malgré trois décennies au pouvoir, nous n'avons pas pu y imposer la sélection ou même l'orientation, par peur panique des grèves et des manifestations menées par les syndicats socialistes, trotskistes et anarchistes qui tiennent le haut du pavé dans les facs. Résultat : la plupart des étudiants y perdent leur temps et se retrouvent à Pôle emploi. Mais ça, comme disait Kipling, c'est une autre histoire..."