armée chronique : "Si vis pacem, para bellum"
Les dirigeants européens planchent sur des investissements militaires de 800 milliards d’euros pour faire face à une éventuelle menace russe...
Cet objectif offre l’avantage d’un resserrement des liens entre pays, et permettra de remédier partiellement à la désindustrialisation, de stimuler l’innovation et de recycler les milliers d’emplois perdus notamment dans le secteur automobile. Pour avoir une armée compétitive, un ingrédient est essentiel : du Pétrole !
Cette envie Européenne d'une puissance armée forte touche au talon d’Achille d’un continent aux sols pauvres en ressources. L’énergie étant le nerf de la guerre, la plus grande faiblesse de l’Europe réside dans sa nécessité d’importer la quasi-totalité de son pétrole et de son gaz.
Chaque pays va devoir s’assurer un accès aux hydrocarbures et aux minerais stratégiques auprès d’alliés de circonstance et choisir ses dépendances vis-à-vis des pays exportateurs comme la Russie.
A l’horizon des programmes d’armement, qui s’étalent sur dix, vingt voire cinquante ans, ce problème de sécurité d’approvisionnement énergétique peine à percuter les radars de Bruxelles.
La cause pourrait provenir de cette pensée d'être en situation d’abondance énergétique.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les puissances militaires s’appuient sur une chaîne logistique biberonnée au pétrole. Une armée est l’affaire de machines qui sont alimentées par du diesel et du kérosène.
La densité énergétique des combustibles fossiles reste inégalée pour les combats, qui demandent d’assurer le maximum de puissance à un moment opportun. Symbole de ce concept d’insouciance énergétique, l’avion de chasse F-35, qui consomme chaque heure 6000 litres d’un kérosène spécial.
La guerre en Ukraine a montré aux Européens que leur puissance armée repose sur un château de cartes. Sans ressources pétrolières et sans minerais stratégiques pour la confection des armes de demain, l’Europe se trouve devant le défi de réinventer ses équipements pour s’adapter à ses limites.
En effet, l’acier, les moteurs des chars d’assaut et des véhicules militaires proviennent principalement de l’industrie civile.
Avec la disparition des aciéries et l’électrification de son parc automobile, comment assurer les réparations et le développement du parc militaire actuel?
On peine à imaginer un jet ou un tank électrique. Les 800 milliards d’euros rendent indispensable le financement d’innovations. Aux Etats-Unis et en Israël, les produits des start-up répondent souvent à des besoins militaires pour ensuite être transférés au civil.
Les développements d’internet, des panneaux solaires, des technologies utilisées dans nos smartphones, comme les écrans tactiles ainsi que l’intelligence artificielle, ont suivi ce processus. Qu’importent les dépassements financiers ou les pertes, les armées n'ont pas à se justifier, protégées par le sceau de la nécessité de protéger la population.
L’Europe pourrait suivre l’exemple de la Chine, la meilleure élève de la classe.
Pékin mixe autant le pétrole que des énergies nouvelles. Ainsi ont vu le jour des drones et des robots électriques ou à hydrogène, des véhicules de combat autonomes avec utilisation du solaire.
Mais pour atteindre ses objectifs, la Chine a d'abord commencé par assurer son approvisionnement pétrolier, gazier et en minerais stratégiques comme l’uranium, le lithium, en passant par les terres rares ou les énergies renouvelables.
Ces percées technologiques l'ont positionnée comme leader mondial de ces nouvelles technologies avec un transfert vers le secteur privé pour y chercher une rentabilité économique.
Pour l’instant, ce qui immunise l’Europe continentale contre une tentative d’annexion par la Chine ou la Russie, c’est que les terres du Vieux-Continent ne regorgent d’aucun minerai stratégique ou de gisements d’hydrocarbures intéressants.
L’Europe est un désert peuplé de 490 millions de consommateurs qui n'offre aucun intérêt stratégique pour les années à venir.
Tout l’opposé du Groenland, de l’Afrique et surtout de l’Arctique qui deviennent des cibles stratégiques pour les années à venir.
L’insistance de Trump ou la lourdeur de son vice-président, J. D. Vance, face au Groenland témoignent ouvertement de ces besoins géostratégiques.
A l’avenir, l’une des plus grandes menaces militaires pour l’Europe sera de manquer d’énergie.
Chronique publiée dans le journal Le Temps
Face aux nouvelles menaces, Paris et Berlin ont décidé de concevoir ensemble le MGCS, un char de combat modulaire et intelligent, symbole de leur volonté de peser militairement sur la scène internationale. Une ambition à la hauteur des fractures du continent.
La guerre en Ukraine a rappelé aux pays du Vieux Continent que la guerre n'était pas une chimère et que, malgré la paix relativement stable en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle pouvait encore frapper à leur porte. La France, en dépit de ses efforts diplomatiques avec la Russie du président Vladimir Poutine, l'a amèrement constaté. À Berlin, le choc fut peut-être encore plus grand lorsque débuta l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en février 2022.
Cet électrochoc a conduit les nations européennes à revoir leurs positions. La France a durci son discours à l'égard de la Russie, et l'Allemagne, qui refusait jusqu'alors d'entreprendre une modernisation en profondeur de son appareil militaire, a fait évoluer sa doctrine. Dans la continuité du moteur franco-allemand en Europe –parfois grippé ces dernières années– Paris et Berlin ont fait le choix de s'associer autour d'un projet ambitieux: le «Système de combat terrestre principal» (plus connu sous l'acronyme MGCS). Fruit d'un partenariat entre quatre entreprises –KNDS Deutschland, KNDS France, Rheinmetall Landsysteme et Thales SIX GTS France– ce char a pour ambition d'incarner l'avenir de l'armement terrestre sur le continent européen, rapporte dans un article le magazine The War Zone.
Le MGCS aura pour lourde tâche de remplacer les chars allemands Leopard 2 et les blindés Leclerc français, tous deux vieillissants, puisque conçus au cœur des années 1970. Face aux grandes manœuvres de la Russie, des États-Unis ou de la Chine, et dans un contexte de tensions internationales exacerbées, la France et l'Allemagne ont décidé de prendre l'initiative avec comme objectif de rendre ce nouveau véhicule opérationnel à l'horizon 2040.
La Federal Cartel Office –l'agence allemande chargée de réguler la concurrence en Allemagne– a apporté des éclaircissements sur les ambitions du programme, qui vise à concevoir un char de combat principal modulaire, capable de s'adapter à une variété de besoins opérationnels. Le projet prévoit ainsi la mise au point d'un châssis unique, sur lequel différents modules pourront être installés selon les missions.
Le MGCS ne pourra d'ailleurs pas être considéré comme un simple char. Il sera, en quelque sorte, un «système de systèmes», intégrant des véhicules terrestres habités et non habités, des drones, des technologies d'intelligence artificielle, ainsi que des armes innovantes, comme des lasers anti-drones.
La guerre en Ukraine, tout comme le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan entre septembre et novembre 2020 au Haut-Karabagh, ou l'offensive israélienne à Gaza, ont démontré toute l'importance stratégique et militaire occupée dorénavant par les drones. Naturellement, ces nouveaux modèles de véhicules blindés devront s'adapter aux réalités contemporaines du champ de bataille.
Ce projet lancé en 2017 aurait pourtant pu ne jamais voir le jour. La concurrence féroce que se sont livrées les entreprises françaises et allemandes autour de la gouvernance du programme en est une illustration. Les industriels ont en effet peiné à se répartir les tâches liées à la production et à la conception des composants du char.
Le MGCS est un bon indicateur de toutes les contradictions qui traversent le continent européen. Les moteurs de l'Union européenne (UE), comme l'Allemagne et la France, tentent d'être force d'initiative pour se mobiliser face à l'émergence des menaces internationales. Mais la concurrence entre pays sur ces marchés, conjuguée à la volonté d'exercer un leadership affirmé, soulèvent des questions évidentes de gouvernance économique et politique. Heureusement pour Paris et Berlin, il semblerait que cette fois la coopération ait fonctionné.
Et si le réarmement devenait « LE » moteur de la réindustrialisation française ? Entre l’élection de Donald Trump et la guerre en Ukraine, la France, l’Europe ont ouvert les yeux : il y a urgence à reconstruire les capacités de défense. En France, cela s’est traduit par la Loi de programmation militaire 2024-2030, qui prévoit 413,3 milliards d’euros de dépenses sur sept ans. Un bond historique de 40% par rapport à la précédente enveloppe. La Commission européenne a, elle, dégainé le plan « ReArm Europe » (devenu « Readiness »), visant à mobiliser environ 800 milliards d’euros. Bruxelles propose aussi de mettre en place une centrale d'achat commune pour l'armement et réserver un traitement préférentiel aux entreprises européennes en imposant que 65% de la valeur totale d'un produit soit d'origine européenne. Avantage est donc donné à ceux qui sont déjà dotés d’une industrie militaire puissante, France en tête.
Une industrie de défense déjà solide et puissante
Ces investissements seront pleinement profitables à la base industrielle et technologique de défense, la BITD, qui regroupe l’ensemble des entreprises de défense qui conçoivent et produisent directement ou indirectement les équipements pour les armées. Elle est composée de 9 grands groupes industriels et de 4 500 startups, PME, ETI sous-traitantes représentant 220 000 emplois directs et indirects, pour un chiffre d’affaires annuel d’environ 30 milliards d’euros dont près de la moitié réalisée à l’étranger. La France se positionne ainsi comme le deuxième exportateur d’armes au monde sur la période 2020-2024 derrière les États-Unis.
Un pari industriel à condition d’un réel soutien financier
À n’en pas douter, les industries de défense, les secteurs liés, leur capacité d’entraînement sont de solides atouts mais de là à en faire « LE » levier pour revitaliser l’ensemble du tissu productif paraît léger. L’ensemble ne pèse finalement pas plus que la filière automobile. Mais là s’arrête la comparaison. Cinq dimensions sont à intégrer.
1- La grande majorité des entreprises de la BITD a également une activité civile, ce qui leur permet d’avoir un portefeuille équilibré, civil, militaire, marché national et export, à même de les rendre plus résistantes face aux retournements sectoriels ou géographiques et d’ainsi mieux traverser les périodes de crise.
2- Les activités de défense irriguent de très nombreux champs industriels : fabrication d’équipements d’aides à la navigation, de communication, de composants électroniques, aéronautique, spatiale, navale, métallurgie (dont la fabrication d’armes et munitions), textile, chimie…
3- Les avancées dans le domaine militaire ont des retombées civiles majeures. C’est un moteur d’innovation transverse.
4- Les emplois de la BITD, souvent très qualifiés, sont par nature très peu délocalisables, souveraineté oblige.
5- L’activité est répartie dans des centres de production et de recherche sur l'ensemble du territoire ce qui renforce sa capacité d’entraînement sur le tissu productif local.
Produire plus d’armement, ce n’est pas seulement renforcer notre sécurité c’est aussi donner un nouvel élan à notre machine industrielle pour peu que les financements soient bien là pour accompagner les entreprises dans leur développement.
Publié le jeudi 27 mars 2025
https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Rearmer-la-France-pour-reindustrialiser
Le réveil est brutal : c’est fini, les Américains ne garantiront plus la sécurité des Européens. Pendant trop longtemps, chacun a utilisé son petit budget, au mieux pour soutenir son industrie nationale, au pire pour se gaver de matériels américains à n’utiliser que sous l’accord express de Washington. Face au mur de la réalité, les gouvernements européens réagissent enfin. Élargi au périmètre OTAN, le budget de l’Europe de défense est passé de 317 milliards de dollars en 2021 à 453 en 2024, en hausse de 43%. Plus marquant encore : parmi les 28 pays européens membres de l’OTAN, 21 consacrent aujourd’hui plus de 2% de leur richesse nationale à leur budget militaire. Ils étaient moins de 10 en 2023 et 5 en moyenne sur les 10 années précédentes.
Un effort qui reste insuffisant
L’Europe, plus offensive, reste néanmoins loin du compte. Trois dimensions sont à intégrer. D’abord, une photo est un « instantané », or une défense se construit sur le long terme. De 2003 à 2023, le budget militaire cumulé des États-Unis a dépassé 14 000 milliards de dollars, contre moins de 5 000 milliards pour l’UE, un rapport de 1 à 3. Avec un effort militaire américain constamment supérieur à 3% du PIB, l'écart ne cesse de se creuser. La Chine n'est pas en reste. Même si ses chiffres bruts peuvent paraître inférieurs à ceux de l'Occident, ses coûts industriels bien plus faibles lui permettent d'obtenir une capacité militaire bien supérieure pour chaque dollar investi. Autrement dit, l'Europe et les États-Unis doivent dépenser beaucoup plus pour atteindre le même niveau d'efficacité.
Une Europe à plusieurs vitesses
Deuxième dimension, l’effort européen est loin d’être homogène. Historiquement, la Grèce, la Pologne, les pays baltes, le Royaume-Uni et la France dépensent plus que leurs voisins. C’est encore le cas. Toutefois, après avoir longtemps déserté, l’Allemagne se réarme à nouveau et dispose depuis 2024 du premier budget de défense européen, à près de 100 milliards de dollars. En revanche, de grandes économies européennes comme l’Italie, la Belgique et plus encore l’Espagne ont consacré à peine plus de 1% de leur budget au militaire en moyenne ces 10 dernières années et se comportent en véritables passagers clandestins. Ce n’est guère mieux pour le Portugal ou les Pays-Bas. L’ambition européenne d’aller très rapidement vers 3% du PIB consacrés aux dépenses militaires, avant de tendre vers 5%, est illusoire si ces pays ne jouent pas le jeu.
Un écosystème industriel morcelé
Troisième dimension, du côté industriel, le défi est aussi de taille. Il n’y aura pas de réarmement possible de l’Europe sans la montée en régime de son industrie de la défense. Or, elle est éparpillée : d’après une étude de McKinsey, l’Europe dispose de 5 fois plus de plateformes d’armes (avions, chars, frégates, etc.) que les États-Unis. Chaque pays a ses propres normes de certification, ses propres standards. Chaque État cherche à conserver chez lui ses capacités industrielles de défense. Compte tenu de l’étroitesse des demandes nationales, difficile de voir émerger des champions européens alors qu’Américains et Chinois bénéficient de la profondeur de leur marché domestique. Et quand de vastes programmes de coopération européenne sont lancés, le principe, dit du « juste retour », qui consiste à obtenir une charge industrielle équivalente à l’investissement que chaque État a consenti, participe aussi au morcellement de l’offre.
Bilan : sur les 10 premiers groupes mondiaux d’armements, 6 sont américains, 3 sont chinois, 1 seul, le britannique BAE Systems, est européen. L’Europe n’est plus invitée à la table des grands. L’Europe se réveille, mais son retard est abyssal ; sans unité industrielle, son réarmement restera un mirage.
Alexandre Mirlicourtois
https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Reveil-brutal-l-Europe-face-a-son-retard-dans-la-defense
Publié le vendredi 28 février 2025 .
Royaume-Uni, France, Italie… Quels sont les pays les mieux équipés militairement en Europe ? La réponse en une carte...A l’heure où plane la menace russe sur l’Europe, les pays les plus à l’est ont accentué leur effort de défense, la Pologne en tête....
Pourquoi l'armée française est le dernier pays d'Europe à former des pigeons...
Avec ses porte-avions, ses sous-marins nucléaires et ses systèmes de missiles, le pays compte parmi les plus modernes du continent - et même en ce qui concerne les soldats à plumes, il est le seul à tenir tête à la Chine. Une visite chez les héros animaux de l'armée française.
En juin 1916, la bataille d'usure la plus sanglante de la Première Guerre mondiale fait rage à Verdun. Depuis quatre mois déjà, les soldats français et allemands s'y disputent chaque centimètre carré. Finalement, les Allemands parviennent à encercler le fort de Vaux, un site militaire stratégique, et à couper toutes les voies de communication.
Au milieu des bombardements et face à la menace d'une attaque au gaz toxique, le commandant français fait appel à sa dernière ressource : le pigeon voyageur Le Vaillant. Le soldat à plumes doit porter le message de la situation précaire derrière les lignes ennemies. L'appel à l'aide fixé à la patte de l'oiseau se termine par ces mots : « Ceci est mon dernier pigeon ».
L'oiseau décolle sur le champ de bataille, traverse des nuages de gaz et une pluie de balles. Il atteint son but, grièvement blessé. Certes, la forteresse tombe aux mains des Allemands, mais plus de cent soldats peuvent être évacués. Le message de Le Vaillant leur a sauvé la vie. Le pigeon, qui meurt de ses blessures, sera honoré des années plus tard par la Croix de Guerre pour sa bravoure au combat.
Des éclosions régulières pour ravitailler l'armée française
Aujourd'hui, l'héroïque pigeon voyageur trône, empaillé, dans une vitrine de musée de la forteresse du Mont Valérien à Suresnes. Tandis que le Maréchal de Logis Sylvain raconte l'histoire héroïque du Vaillant, ses successeurs roucoulent en arrière-plan. Ce site militaire historique, situé à quelques minutes en train de Paris, abrite plus de 150 pigeons militaires de l'armée française.
La France, qui se targue d'entretenir l'une des armées les plus modernes d'Europe, est le dernier pays du continent à entretenir des pigeons voyageurs.
Les oiseaux disposent de 26 hectares d'espaces verts et de six pigeonniers avec vue sur la capitale et la tour Eiffel pour leurs excursions. « Il y a pire comme lieu de travail », dit Sylvain en souriant de satisfaction. Le sous-officier ne peut pas révéler son nom complet. La France tente ainsi de protéger les membres de l'armée et les policiers des agressions depuis les attentats terroristes de 2015.
A l'origine, cet homme de 43 ans s'était engagé comme opérateur de drones dans l'armée, mais en 2014, il a finalement rejoint le huitième régiment de transmissions de l'armée française. Celui-ci surveille les systèmes de communication et d'information de l'armée et s'assure que les messages, les informations et les ordres sont transmis rapidement et en toute sécurité. Les pigeons du Mont Valérien font officiellement partie du régiment, mais c'est surtout Sylvain qui s'en occupe.
Il veille sur les animaux avec une fierté toute paternelle. Ce petit-fils d'éleveur de pigeons en a élevé lui-même un grand nombre. Ce jour-là aussi, des jeunes éclosent. Le sous-officier vérifie prudemment que les petits oiseaux se portent bien et encourage leurs parents excités. Les petits n'ont encore que la longueur d'un doigt, mais dans quelques mois, ils commenceront déjà l'école de recrues.
« Nous commençons par de courts vols d'entraînement sur le terrain, puis nous nous éloignons de plus en plus du colombier », explique Sylvain. Selon la séance d'entraînement, les oiseaux sont alors lâchés individuellement ou en groupe et doivent trouver le chemin de la maison. Les jeunes oiseaux développent ainsi progressivement les muscles nécessaires et acquièrent de l'expérience en vol.
Le sous-officier montre du doigt les oiseaux adultes, mais un peu plus minces, dans le pigeonnier. A première vue, ils ne semblent pas différents des pigeons qui s'ébattent par milliers dans chaque grande ville et qui jouissent généralement d'une mauvaise réputation. Mais ces oiseaux sont différents, assure Sylvain : « Ce sont des sprinters et ils peuvent atteindre des pointes de vitesse de 120 kilomètres à l'heure sur une distance pouvant aller jusqu'à 100 kilomètres ».
Leurs congénères plus puissants dans le pigeonnier brillent comme des athlètes d'endurance et parcourent sans peine des distances de 1000 kilomètres. Le record est toutefois bien plus élevé : en 1931, un pigeon a volé de Ho-Chi-Minh-Ville au Vietnam à Arras en France et a parcouru 11 590 kilomètres en 24 jours.
Fiable, précis et éprouvé par la guerre
Le fait que l'oiseau ait bravé le vent et les intempéries jour et nuit montre à quel point les animaux sont robustes et endurants - et combien ils sont sûrs de retrouver le chemin de la maison. Leur maison est toujours le lieu de naissance et de nourrissage, qu'ils trouvent même s'il est mobile, comme par exemple un pigeonnier déplaçable.
Toutefois, les chercheurs se demandent encore aujourd'hui pourquoi la capacité d'orientation des pigeons est si extraordinaire. Il est certes prouvé que les pigeons s'orientent à l'aide de repères optiques, de la position du soleil et du champ magnétique terrestre. Mais on ne sait pas comment les animaux déterminent leur position exacte lorsqu'ils sont lâchés dans un endroit qui leur est totalement étranger.
Dès l'Antiquité, les hommes ont utilisé les pigeons pour échanger des informations. Leur utilisation militaire a connu son apogée pendant la Première Guerre mondiale : environ 60 000 oiseaux ont été utilisés comme messagers sur les champs de bataille, dont plus de 30 000 pour les seules forces françaises.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Anglais ont soutenu la Résistance française avec près de 17 000 pigeons, parachutés ou introduits clandestinement en France dans des poches de manteau, des sacs à dos et des paniers, afin de transmettre des informations aux Alliés.
Des centaines de pigeons ont accompagné les troupes de débarquement alliées en Normandie afin de transporter discrètement et surtout à l'abri des écoutes des messages importants par-delà les lignes ennemies. Le pigeon Gustav, qui a apporté la nouvelle du succès du débarquement des troupes alliées en Angleterre le jour J, est notamment devenu célèbre. Le tube postal attaché à la jambe de Gustave contenait le message d'un correspondant de l'agence de presse Reuters qui avait assisté au débarquement en Normandie.
Les expériences en tant que drones biologiques échouent
Les messages ont été écrits sur du papier extra-fin. En effet, les pigeons ne peuvent transporter sans problème qu'environ 40 grammes, les charges plus lourdes affectant leur capacité de vol. Néanmoins, la France, l'Allemagne et les États-Unis ont expérimenté pendant et après la Seconde Guerre mondiale le harnachement de petites caméras sur les pigeons pour la reconnaissance aérienne. L'idée ne s'est pas imposée sur le plan militaire, car les animaux se dirigent avant tout vers une cible fiable : leur pigeonnier domestique. Néanmoins, des photos de caméras de pigeons prises au musée de la forteresse rappellent les tentatives d'utiliser les oiseaux comme drones biologiques.
Au Mont Valérien, on trouve également des souvenirs de la Suisse, comme des paniers de transport et des manchons de pied pour les précieux messages. Dans ce pays, l'armée a dissous ses pigeonniers militaires en 1994 et a réformé environ 30 000 soldats à plumes. Cette décision a suscité des discussions dans tout le pays. Une initiative a même été lancée pour inscrire la protection des pigeons voyageurs dans la Constitution, mais sans succès.
La France a décidé à la fin des années 1960 de retirer les pigeons du service militaire actif, mais la tradition de l'élevage de pigeons voyageurs devait être maintenue. Aussi pour continuer à honorer les mérites historiques des oiseaux. Aujourd'hui, Sylvain entretient surtout ses oiseaux pour les compétitions, les commémorations et les concours de beauté qui ont lieu dans tout le pays. Certes, ils resteraient opérationnels : « Mais pour cela, il faudrait que tous les systèmes de communication de l'armée s'arrêtent en même temps », explique Sylvain. La technologie moderne a entre-temps rendu les soldats à plumes obsolètes - du moins en Europe.
Hors du temps ? Pas si l'on regarde du côté de la Chine
L'utilité militaire des oiseaux a été mise sous les feux de la rampe au début de l'année lorsque l'Inde a relâché un pigeon prétendument chinois que la police de Mumbai avait auparavant retenu pendant des mois dans un refuge pour animaux. L'oiseau avait été soupçonné d'espionnage. Ce qui a suscité l'amusement dans le monde entier n'est pas si absurde.
La Chine avait déjà annoncé en 2010 la création d'une « armée de réserve de pigeons » qui, en cas de guerre, soutiendrait l'infrastructure de communication conventionnelle de l'Armée populaire de libération (APL) chinoise en cas de défaillance des technologies modernes. En outre, les pigeons militaires seraient également utilisés pour des « missions spéciales », expliquait alors le ministère de la Défense. Plus de 10 000 soldats à plumes seraient spécialement formés à cet effet par une unité spéciale de l'APL à Chengdu.
Le réarmement à plumes en Chine a fait réagir les amateurs de pigeons en Occident. Par peur de perdre le contact, des voix se sont élevées pour réclamer la reconstitution et le développement de nouvelles unités militaires de pigeons.
En France, Jean-Pierre Decool, sénateur au Parlement français et colombophile, s'est adressé directement au ministère de la Défense à plusieurs reprises il y a quelques années pour réclamer une augmentation massive du nombre d'oiseaux de l'armée.
Le ministère a fait référence à la multitude de systèmes de communication modernes et indépendants dont dispose l'armée française. Néanmoins, on a assuré à Decool qu'en cas de réel besoin de pigeons voyageurs, le gouvernement compterait sur l'aide des colombophiles du pays.
Des milliers de pigeons voyageurs sont actuellement détenus par des particuliers en France. Ils pourraient prendre les oiseaux de Sylvain sous leurs ailes si le pays avait à nouveau besoin de leurs services de messagerie.
Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées françaises, a assuré qu'« il faut se préparer à des temps assez durs, sinon très durs, pour l’Occident », alors que se renforce la « récusation du modèle occidental ». « On entre résolument dans une nouvelle ère, un Occident qui est contesté […] et une fragmentation de l’ordre international extrêmement forte », a-t-il averti.
Le retour des mules dans l’armée française ? Le 7ᵉ bataillon de chasseurs alpins expérimente l’usage des mules pour transporter vivres et matériel sur les chemins difficiles d’accès pour les véhicules....
Le chef d'état-major de l'armée de Terre fait part de sa "préoccupation" face aux "risques et dangers qui montent" Invité de France Culture mercredi matin, le général Pierre Schill a déploré un usage de la force "aujourd'hui désinhibé" et "employé ouvertement" par un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, à savoir la Russie.
Alerte rouge sur le potentiel militaire en France et en Europe....Le réveil est tardif, révélant au grand jour les failles militaires Européenne. En dépit des effets d’annonce, la défense n’est pas qu’affaire de flux de dépenses. Ce sont d’abord des capacités humaines et technologiques qui comportent une forte inertie
L'armée française peine à recruter : en 2023, il a manqué plus de 2 000 soldats...Autre problème : des jeunes veulent s'engager mais n'ont pas toujours, au départ, les critères physiques requis, à cause de la sédentarité ou du manque de sport..."Ce sont des niveaux très faibles. Que ce soit sur des choses très basiques comme des pompes, de la course à pied et après même la natation ou le grimper de corde. Là ou on pourrait se dire que des jeunes qui ont le projet de s'engager dans l'armée se prépareraient physiquement, au moins sur la course à pied et les pompes, on a quelques désillusions"
Pourquoi nous ne nous préparons pas à la guerre, alors que nous voulons la paix ? ..la guerre d’invasion de la Russie contre l’Ukraine ne cesse de menacer notre sécurité par manque de mobilisation de notre part....il suffit d’écouter les discours du maître du Kremlin et de son entourage pour comprendre que dans leur esprit, « la Russie n’a pas de frontières » et que Poutine s’estime légitime de « prendre des mesures pour protéger les minorités russophones des pays baltes », de récupérer l’Est de la Pologne
La France débat-elle suffisamment des conséquences militaires de la guerre de la Russie contre l'Ukraine ?
La tentation serait ici de reporter cette discussion fondamentale et nécessaire suite à l'invasion russe à la fin de la guerre. Or, alors que la guerre contre l'Ukraine dure depuis plus de 18 mois, ce débat devrait être bien engagé, ce qui est loin d'être le cas.
Comprendre ce conflit après trois décennies de déni
En France, comme dans une grande partie de l'Union européenne, nous avons évité pendant trois décennies la moindre réflexion collective sur les questions militaires, parce qu'elles nous renvoyaient clairement à un passé que nous souhaitions révolu : celui de la guerre comme moyen violent de résoudre nos conflits. L'invasion de l'Ukraine par la Russie, aussi brutale qu'inattendue, nous a pris au dépourvu et nous a mis face à la réalité.
Et comme j'appartiens à la génération d'officiers qui ont transformé l'armée française " conventionnelle " en un corps expéditionnaire léger - en l'absence de tout débat - je suis particulièrement sensible à la culture du silence qui pénalise l'armée, mais plus encore notre société.
L'implication de notre société dans les questions militaires est le premier défi que nous devons relever.
Le chancelier allemand Olaf Scholz l'a remarquablement résumé en déclarant : "Nous pensions ne plus avoir d'ennemis...". Mais depuis cette révélation, que faisons-nous pour sortir de cette fiction aussi dangereuse qu'anesthésiante ?
Plus sérieusement, face à une société française qui découvre qu'elle n'a plus de culture militaire, tout en manifestant un réel intérêt pour la guerre en Ukraine, ces questions de défense ne peuvent plus être confiées au seul Elysée. Impliquer notre société dans les questions militaires, parce que son existence même en dépend, est le premier défi que nous avons à relever.
A cet égard, j'ai noté l'étonnante évolution des Verts français, qui constituent une tendance aussi structurante que déstabilisante par les questions qu'elle soulève sur notre avenir. Ils se sont investis dans les questions de sécurité au sens large du terme, et l'un de leurs leaders, Yannick Jadot, s'est exprimé très clairement sur la nécessité de soutenir la résistance ukrainienne. Un changement d'ère ?
Seule l'Union européenne a la taille suffisante pour financer une défense crédible.
Face à cette crise, la société française s'engage plutôt énergiquement, et les hommes politiques qui n'ont cessé de valoriser Poutine, le plus souvent par intérêt personnel plus que par conviction, sont régulièrement fustigés. Je pense notamment à tous ceux qui, d'Hubert Védrine à Nicolas Sarkozy en passant par Marine Le Pen, n'ont eu de cesse de nous rapprocher de ce mafioso par des méthodes terroristes, plutôt que de nous recommander de l'empêcher de nuire.
Mais notre société n'a pas encore pris la mesure des conséquences de cette guerre en termes militaires, dont la première est sans doute de construire enfin une défense de l'Union européenne qui ne se réduise pas à des " initiatives " aux noms incompréhensibles et sans grande utilité pratique..
Un triptyque de défense complet et crédible
En effet, la première " leçon " à tirer de la guerre de la Russie contre l'Ukraine est que nous - Français - n'avons pas les moyens de nos ambitions (notamment) en matière de défense.
Un système de défense complet et crédible nécessite trois composantes essentielles : une dissuasion nucléaire - qui ne sera jamais utilisée pour faire la guerre et ne doit pas être considérée comme une arme - une force blindée capable de mener des combats de haute intensité (qui a lentement disparu sous ma génération, et qui est pourtant la forme de guerre qui fait rage en Ukraine) et un corps expéditionnaire léger capable d'intervenir, immédiatement mais temporairement, dans une crise civile ou militaire.
Aujourd'hui, seuls les Etats-Unis disposent d'un tel système à part entière, la Chine peut-être dans une moindre mesure, mais des doutes subsistent sur les capacités de son corps expéditionnaire. La première composante, la dissuasion nucléaire, nécessite à elle seule un effort financier de plusieurs dizaines de milliards d'euros et n'est plus à la portée d'une puissance moyenne comme la France, même si elle prétend le contraire.
La dissuasion nucléaire est un système global, qui ne repose pas seulement sur la présence de " deux sous-marins en mer ", mais sur la maîtrise d'un ensemble de systèmes, allant de la détection de la menace à la capacité d'éviter les tentatives de neutralisation de l'ennemi.
La dissuasion nucléaire est indispensable, mais trop coûteuse pour une nation de taille moyenne comme la France
J'ai longtemps pensé le contraire, mais face à une telle menace, nous ne pouvons pas renoncer à la dissuasion nucléaire. Cependant, la guerre en Ukraine a aussi montré que la puissance nucléaire ne suffit pas à éviter la guerre, ni à la gagner... La puissance nucléaire peut simplement nous éviter d'avoir à céder au chantage d'une menace similaire, comme l'a fait V. Poutine pendant les longs mois de guerre.
Aujourd'hui, une dissuasion nucléaire efficace et durable suppose qu'une partie de l'Union européenne, si elle le souhaite, s'unisse pour se protéger de la menace de dévastation, et rassemble les moyens financiers nécessaires.
Est-il " impossible " de partager un tel outil de souveraineté ? Eh bien, tout ceci est précisément une question de possibilités.
En l'absence de ressources suffisantes, la France paie une dissuasion nucléaire au détriment de ses capacités militaires. Si les dépenses liées à la dissuasion nucléaire n'étaient pas habilement dissimulées sous d'autres rubriques, telles que le Commissariat à l'énergie atomique, elles apparaîtraient disproportionnées par rapport à ce que notre société peut se permettre, et assècheraient littéralement les forces armées. Les dépenses nucléaires dépassent de loin les 13 % du budget des forces armées et représentent probablement plus d'un tiers des dépenses de défense de la nation, sans parler des effets collatéraux, tels que toutes les unités militaires dédiées à la protection ou au soutien de ce système nucléaire de non-utilisation.
En d'autres termes, si nous voulons continuer à nous offrir la dissuasion nucléaire, nous devons en partager les coûts et nos voisins ne peuvent plus éviter cette situation, car ils se sont eux aussi sentis largement menacés par la Russie.
Quant au système de décision ultime - qui appuierait sur le " bouton " - le véritable obstacle à son analyse est notre incapacité à reconnaître l'absence de nos moyens " franco-français " : nous entretenons en effet une notion de " souveraineté " dépassée si nous voulons enfin construire une communauté de défense à la hauteur des défis auxquels l'Europe est confrontée. Ursula von der Leyen est au moins aussi crédible qu'Emmanuel Macron lorsqu'il s'agit de prendre des décisions difficiles.
Une loi de programmation militaire non débattue qui néglige les forces terrestres
Il est frappant de constater à quel point la loi de programmation militaire (LPM) récemment adoptée par la France est inadaptée aux défis posés par la guerre en Ukraine. Cette LPM, adoptée en 2023, prévoit les équipements structurants de l'armée française jusqu'en 2030. Certes, l'effort budgétaire est considérable (+50%), à la limite de ce que nos finances publiques peuvent supporter, mais aucune initiative européenne n'est intégrée dans cette LPM, et plus préoccupant encore, elle apporte trop peu à un outil de combat militaire vulnérable. Non pas qu'il faille construire l'équivalent des divisions russes actuellement détruites par les soldats ukrainiens, mais comment ne pas remarquer que l'armée n'a pas le rôle central qu'elle devrait jouer dans une telle guerre ?
Je déteste les guerres de territoire, trop présentes dans mon passé militaire. Chaque armée et chacune de ses armes est importante, mais c'est l'ensemble qui constitue un " corps de bataille ". Mais qui se bat en Ukraine aujourd'hui ? Les navires ukrainiens ? Non, ils sont quasiment inexistants face à la " prestigieuse " flotte russe, qui semble bien inutile dans ces combats, sauf lorsqu'elle est attaquée par des drones. L'armée de l'air ukrainienne ? Elle demande quelques dizaines de F16 pour frapper en profondeur et appuyer ce que font les soldats sur le terrain : faire la guerre.
Même les Américains ont compris, après leurs nombreux échecs militaires, que la guerre ne se gagne pas uniquement avec des frégates ou des avions de chasse. Ils peuvent aider, à condition de ne pas assécher la composante essentielle d'une armée : l'armée qui se bat sur le terrain, la " land army ", celle qui gagne ou perd la guerre.
L'armée de terre française est, contre toute attente, la grande perdante de cette loi de programmation militaire : elle a en effet été privée du débat que la guerre en Ukraine aurait dû l'obliger à tenir. Et elle ne pourra pas se rattraper, d'autant que sa culture du silence l'empêche d'expliquer les enjeux et de convaincre une société - et donc des décideurs politiques - avec laquelle elle ne débat quasiment jamais...
J'ai déjà évoqué la dissuasion nucléaire, qui ne peut constituer une armée puisqu'elle ne doit jamais être utilisée. Mais arrêtons-nous un instant sur cette armée qui, dans sa configuration actuelle, n'aurait pas pu soutenir plus de deux semaines de combats similaires à ceux de l'Ukraine [déclaration du général Burkhard, chef d'état-major des armées françaises en mars 2022].
Toute la composante blindée " lourde " a en effet été pliée par ma génération : plus de chars de combat (il en restera 200 dans la LPM, et ils sont plutôt obsolètes), plus d'artillerie, composante majeure de ces conflits (une centaine de canons tout au plus), et un système de défense sol-air à peine ressuscité qui avait quasiment disparu depuis deux décennies.
Un équivalent d'Airbus dans l'armement pour remplacer les " usines " nationales et les citoyens de l'UE dans l'armée française
Une armée forte, capable de résister et de faire reculer un empire menaçant, se compte en milliers d'unités de ces équipements structurants. Cela signifie aussi que les équipements " nationaux ", piliers de la nouvelle LPM, doivent être remplacés par des armements européens, que seules les entreprises d'armement de type Airbus devraient désormais être autorisées à fabriquer, afin d'éviter les effets délétères de séries trop limitées dans leur taille et dans le temps.
L'exemple parfait est le char de combat Leclerc : comment peut-on conserver un équipement aussi spécifiquement français dans le futur, avec à peine une mise à jour majeure, alors que dans le même temps le Léopard, construit par milliers, connaîtra deux ou trois modernisations ?
Je suis désolé de le dire brutalement, mais " l'indépendance " de l'avionneur Dassault, qui dépend presque exclusivement des marchés publics, nous mène droit " dans le mur " si nous ne transformons pas dès maintenant cette entreprise en un groupement européen, que l'avionneur le veuille ou non...
La défense nécessite des moyens considérables, dont nous ne disposons plus seuls, mais que nous pouvons combiner avec d'autres nations européennes irrémédiablement liées par un destin commun. Comment ne pas admirer la solidarité de tous les pays membres de l'UE envers l'Ukraine, au grand dam des extrémistes de tous bords qui voudraient nous faire croire que nous ne sommes pas concernés par ce conflit à nos portes ?
N'est-ce pas le moment de proposer aux citoyens de l'UE vivant en France de s'engager dans l'armée française (ou dans la réserve), premier pas vers une armée européenne ?
Une défense sol-air européenne contre les missiles et les drones notamment
La guerre en Ukraine nous montre également comment un empire hostile peut bombarder un territoire depuis les airs sans même s'en approcher, en utilisant toutes sortes de missiles et de drones. Pourtant, les pays européens ont depuis longtemps renoncé à mettre en place un parapluie sol-air efficace. Les experts savent bien qu'il n'existe pas de défense aérienne étanche capable de protéger de tout, mais faut-il pour autant renoncer aux solutions intermédiaires ?
Aujourd'hui, il existe une assez bonne coopération au niveau de l'OTAN sur la gestion de l'espace aérien, et la capacité d'intercepter un vol potentiellement hostile avec des avions de chasse. Cependant, ce système est largement insuffisant pour contrer les missiles ou les drones, qui sont difficiles à détecter et encore plus à neutraliser. Si les Ukrainiens ont bien mis en place une défense aérienne solide contre ces menaces, celle-ci ne couvre qu'une partie du pays et nécessite des moyens disproportionnés, avec plusieurs couches de défense combinées, des canons aux missiles Patriot.
Un réseau européen de détection et de protection des zones les plus sensibles serait un atout face à des menaces qui ne relèvent plus de la science-fiction. Un missilier européen comme MBDA est relativement avancé, même si ses derniers systèmes - comme le MAMBA - sont encore loin des performances du Patriot américain, qui est une fois de plus le résultat d'un développement insuffisant. Un tel réseau européen serait une initiative concrète et bienvenue dans un monde où la menace des drones en particulier ne risque pas de disparaître après la guerre en Ukraine...
La résistance ukrainienne, largement soutenue par une coalition d'alliés, joue un rôle clé
La résistance ukrainienne est un autre aspect crucial de cette guerre. Au début de ce conflit, j'ai écrit que les Ukrainiens seraient incapables de résister à la puissance des armées de Poutine. J'avais tort !
Mais la résistance des Ukrainiens - leurs soldats ont arrêté l'envahisseur et se battent maintenant pour le chasser - repose sur plusieurs facteurs cruciaux : tout d'abord, le soutien décisif de plus de cinquante pays, dont la quasi-totalité de ceux de l'Union européenne et des États-Unis. A noter que la Suisse fait figure d'exception en privilégiant sa "neutralité", voire sa prospérité, comme si elle pouvait perdurer dans un environnement en guerre...
En tout état de cause, le peuple ukrainien n'aurait pas résisté aussi efficacement s'il n'avait pas bénéficié d'un tel soutien, qui s'est d'ailleurs maintenu dans le temps.
Plus que jamais, nous avons besoin d'alliances, nous avons besoin des " autres " pour former des collectifs puissants et déterminés, capables de défendre leur société au-delà des limites étroites du jardin de chacun. On a trop entendu les défenseurs de Poutine et du chaos dire que nous n'étions pas concernés par cette guerre, nous devons maintenant être capables de prévenir une crise ou d'intervenir avec la puissance et l'efficacité qu'exige la défense de notre existence.
Un corps intermédiaire entre une armée professionnelle limitée en nombre et une société civile déconnectée des questions militaires
Un autre facteur essentiel de la résistance ukrainienne est la formidable mobilisation de sa société. Cette guerre nous rappelle combien il est important de s'appuyer sur des hommes et des femmes qui ne sont pas des militaires de métier. Si la France dispose aujourd'hui d'une armée professionnelle hautement qualifiée, elle n'a plus de "corps intermédiaire" entre sa société civile et ses soldats professionnels. C'est d'autant plus inquiétant que cette armée est censée protéger la société française, comment peut-elle en être aussi éloignée ?
Sans reconstituer un système de service militaire ruineux et inefficace, pourquoi ne pas réfléchir à un système de " Garde " ouvert pour relier notre société à cette armée professionnelle ? Il faut un " corps intermédiaire " pour répondre au désir légitime d'une partie de la population de contribuer à sa défense en renouant avec une culture militaire, et pour créer une réserve potentielle d'hommes et de femmes capables de s'engager directement en cas de besoin.
Cette Garde, à construire sur un modèle et à une échelle européenne, serait avant tout un lieu d'acculturation aux enjeux militaires et de défense partagés, alors que les modèles actuels de réserve ne servent qu'à recruter quelques profils enviés par les forces armées, ou bien à resocialiser ceux que la société a laissé tomber... Une Garde utile à la défense de notre société ne peut être ni un club d'amateurs éclairés, ni une maison de redressement.
Le rôle crucial des femmes dans le rééquilibrage du système de défense
Et c'est là un facteur essentiel de la sécurisation de notre société : le rôle des femmes dans cette réappropriation de la culture militaire. Elles ne sont " que " la moitié de notre société, elles sont le facteur d'équilibre et de complémentarité qui rend toute organisation collective réellement efficace. Alors, en tant qu'Ukrainiens, exigeons que les femmes occupent une place essentielle dans ce système militaire, alors que l'actuel s'apparente encore trop à un marécage de crocodiles machistes...
Un système équilibré et partagé de défense de notre société ne peut se faire sans commencer par la parité (hommes et femmes), tant dans la prise de décision que dans l'action. La guerre en Ukraine est l'occasion de reconstruire une société équilibrée qui sait et veut se défendre, sans dépendre dangereusement d'une superpuissance bien intentionnée mais aussi lointaine qu'incertaine. Nous sommes et serons toujours confrontés à des empires menaçants qui ne nous laisseront jamais jouir "en paix" de notre incroyable prospérité... Un système de défense impliqué et étendu est le prix à payer.
Guillaume Ancel
Guillaume Ancel est un ancien lieutenant-colonel de l'armée française, formé à Saint-Cyr et diplômé de l'Ecole de Guerre et de l'Institut Royal Supérieur de Défense de Bruxelles. Il a quitté l'armée en 2005 pour rejoindre le monde de l'entreprise. Il intervient également à la radio et à la télévision sur les questions de sécurité et de défense.
Publiés aux Belles Lettres, ses récits particulièrement réalistes de ses opérations militaires, dont il est l'un des rares officiers de sa génération à parler ouvertement, ont suscité de nombreux débats. Il est l'auteur du blog Ne pas subir.
▶ Gérard CHALIAND est géostratège, grand spécialiste des conflits armés. Il a passé 50 ans dans plus de 140 pays et a enseigné dans les plus prestigieuses écoles du monde (Harvard, Berkley, l'ENA, L'École de guerre, etc). Homme de terrain, il a observé et même pris part à une 30aine de guérillas, en Asie, Afrique et Amérique latine. Dans cette interview par Olivier Berruyer pour Élucid, Gérard Chaliand propose sa lecture de la scène internationale actuelle, agitée par de violents conflits : guerre en Ukraine, escalade entre Israël et la Palestine, situation au Haut-Karabakh
Au Niger, la France est contrainte de tourner la page
https://www.lopinion.fr/international/au-niger-la-france-est-contrainte-de-tourner-la-page
Mali, Burkina-Faso, Niger : la France est congédiée...c’est une triste fin pour l’opération militaire française au Sahel. Lancée en fanfare en 2013 contre les « groupes armés terroristes » au Mali, elle s’achève en déconfiture. Emmanuel Macron a beau prétendre qu'« il n’y a plus de Françafrique »
Classement des puissances militaires: une Russie vacillante mais toujours en bonne place Le pays de Vladimir Poutine est sur le podium, mais la planche est savonneuse.... Business Insider vient de revenir sur le classement des plus grosses puissances militaires du monde. Sur un total de 145 pays figurant dans la base de données, le site en a conservé vingt-cinq
Pour un haut gradé du Pentagone, l’armée britannique serait dans un "état désastreux" et aurait perdu sa capacité à mener des combats de haut niveau. Elle ne pourrait plus rivaliser avec la France, l’Allemagne ou l’Italie.
"L’armée du Royaume-Uni est dans un état désastreux". C’est ce qu’a affirmé un général américain - resté anonyme - au secrétaire britannique de la Défense Ben Wallace. Selon Sky News, le haut gradé américain a ensuite classé les différentes armées mondiales en plusieurs catégories. Pour ce membre important du Pentagone, les États-Unis, la Russie, la France et la Chine ont les meilleures troupes de la planète et sont ainsi placés dans la "catégorie 1". L’Allemagne et l’Italie suivraient la marche et seraient donc situées dans la "catégorie 2". Selon le général anonyme, l’armée britannique serait tout juste à peine qualifiée pour entrer dans la deuxième catégorie.
Un constat amer pour Londres qui se vantait de posséder la meilleure armée d’Europe de l’Ouest avec la France. Cependant, l’officier américain n’est pas le seul à tirer à boulets rouge sur les troupes britanniques. Des hauts gradés au sein de la British Army se sont aussi confiés à Sky News et ont déploré "un déclin très inquiétant de la force de combat britannique". De nombreuses raisons sont évoquées pour expliquer "l’état désastreux" de la puissance militaire de Londres. Premièrement, l’armée de terre serait trop petite. "Nous avons réduit nos effectifs de 10.000 hommes et nos équipements sont obsolètes", a soutenu Tobias Ellwood, président du comité britannique de la défense
Une tendance qui va empirer avec les années. Le gouvernement de Rishi Sunak a prévu d’encore réduire le nombre de militaires au sein des troupes terrestres. L'armée va se séparer de 3.000 soldats supplémentaires, tandis que de nouveaux armements ne devraient pas être achetés avant quelques années. De plus Tobias Ellwood a précisé que l’armée de terre possédait 900 chars d’assaut au début des années 2.000 et que maintenant "elle n’en avait plus que 148". "Nos troupes sont incapables de protéger le Royaume-Uni et nos alliés depuis une décennie”, ont soutenu certains officiers à Sky News.
Toujours selon Tobias Ellwood, l'armée britannique serait à court de munitions "en quelques jours" si un conflit éclatait. En outre, les troupes de Londres seraient probablement incapables de défendre le ciel contre le niveau de frappes de missiles et de drones actuellement observé en Ukraine. Sky News a indiqué que le Royaume-Uni a réduit à plusieurs reprises le budget de la défense après la fin de la guerre froide, laissant l'armée avec du matériel vieux d'au moins 30 ans qui a grand besoin d'être remplacé. Face à ces déclarations, Rishi Sunak a soutenu que "l'armée britannique est une force de combat de haut niveau." Malgré de nombreuses réclamations au sein de son parti, le premier ministre n’a pas souhaité augmenter le budget de la défense du Royaume-Uni à 3% de son PIB d’ici 2030. Aujourd’hui il se situe à 2%
https://www.capital.fr/economie-politique/un-general-americain-affirme-que-larmee-britannique-nest-plus-que-lombre-delle-meme-1458882
Le déclassement inquiétant des dépenses militaires en Europe...Après avoir baissé la garde, les principales capitales européennes ont adopté dans l’urgence de nouveaux plans de réarmement avec la guerre en Ukraine. À peine plus de 5 400 milliards de dollars ont en effet été consacrés aux dépenses militaires par les pays de l’Union et le Royaume-Uni sur la période 2000-2021
Opération Barkhane: succès tactiques, impasse politique
https://www.lopinion.fr/international/operation-barkhane-succes-tactiques-impasse-politique
Opération Barkhane: succès tactiques, impasse politique...L’un des concepteurs de cette « Opex », le général Didier Castres, avait prévenu dès 2018 qu’on n’y faisait que « couper l’herbe quand elle était trop haute »..hommage aux 59 soldats tombés sur un champ de bataille difficile. Le bilan de ces neuf années de présence continue au Mali n’est pas mauvais en matière de lutte antiterroriste
Mali: la junte rompt les accords de défense avec la France et l’Europe...Le pays a décidé de mettre fin à ces accords qui fixent le cadre juridique de la présence au Mali des forces française « Barkhane » et européenne « Takuba ».
Retrait français du Mali : les chefs d'État africains réagissent....Les dirigeants africains ont partagé leurs inquiétudes et réflexions à la suite de l’annonce du retrait des forces militaires françaises et européennes du Mali.
Diplomatie. "Qu'elle y reste !" : Le Drian sur le retour au Mali de l'ex-otage Sophie Pétronin
https://www.leprogres.fr/societe/2021/11/21/jean-yves-le-drian-sur-sophie-petronin-qu-elle-y-reste
"Qu'elle y reste !" : Le Drian sur le retour au Mali de l'ex-otage Sophie Pétronin ...On ne peut pas, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, mobiliser les services secrets y compris les militaires pour essayer de sortir cette femme de sa condition d'otage, la ramener, et ensuite qu'elle reparte en disant 'Je suis bien là'"
Notre reporter a pu se rendre au Mali, à Tombouctou, qui vit dans la crainte de voir les jihadistes profiter du retrait de la force Barkhane pour reprendre la ville.
À Tombouctou, les visages sont graves, inquiets. L’insécurité gangrène la ville, les agressions, enlèvements ou braquages sont fréquents, mais les habitants ont appris à vivre dans ce climat d’instabilité. Ce qui les préoccupe au plus haut point, c’est le départ des forces françaises de Barkhane avant la fin de l’année. Le désengagement progressif du Sahel annoncé par le président Emmanuel Macron prévoit que la France abandonne ses bases du nord du Mali – Tessalit, Kidal et Tombouctou – d'ici à fin 2021.
L’annonce a eu l’effet d’un coup de massue pour Fadimata Tandina Touré, une enseignante d’histoire-géographie. "La question, c’est que va devenir la ville de Tombouctou après Barkhane ?" Comme beaucoup ici, elle ne fait pas confiance à l’armée malienne pour la protéger. "Nos territoires sont ouverts, c’est un combat que le Mali seul ne peut pas mener. Notre armée a encore besoin d’être soutenue. Si l’armée n’arrive pas à les arrêter, ils vont venir et ils vont imposer la charia." Fadimata Tandina Touré est encore sous le choc, comme dans un mauvais rêve, persuadée que les soldats français et leurs moyens militaires sont l’unique rempart contre les jihadistes qui contrôlent la région.
"Moi, j’ai déjà préparé mes bagages"
Seules les villes comme Tombouctou, Kidal ou Gao leur échappent encore. En dehors, en brousse, ce sont les jihadistes qui font la loi, selon Touré, un membre de la société civile : "À quelques kilomètres à peine de Tombouctou, ils imposent la zakat, ils forcent les femmes à se voiler et bientôt cela se passera à Tombouctou."
Cette inquiétude est partagée par Al Boukhari Ben Essayouti, le chef de la mission culturelle de Tombouctou. Il appelle la France "à revoir sa position", à tirer les leçons du fiasco afghan. "C'est certain, si Barkhane quitte, je pense que c'est la porte ouverte à toutes les dérives." Selon lui, les jihadistes vont profiter du vide laissé par le départ de la force Barkhane pour faire leur retour, avec des conséquences dramatiques sur les populations qui vivront de nouveau sous le joug de la charia : "Les jihadistes qui occupaient la ville sont d’obédience wahhabite, tenants d’un islam radical, alors que la population de Tombouctou est d’obédience soufie, donc modérée. Les habitants exècrent le wahhabisme !"
La cohabitation est donc impossible, ou alors sous la contrainte comme en 2012, quand les jihadistes ont fait régner la terreur dans la ville, allant jusqu’à s’en prendre à certaines mosquées et à détruire à coups de pioche les mausolées de terre crue du 14e siècle, patrimoine mondial de l'humanité. Ils ont été depuis reconstruits à l'identique sous l'égide de l'Unesco.
Les associations de jeunes de Tombouctou ont décidé de se mobiliser, elles ne veulent pas attendre le départ de Barkhane pour réagir. Elles ont prévu de manifester pour appeler Emmanuel Macron à reporter ce retrait en attendant le retour de l’ordre constitutionnel à Bamako, où la junte a pris le pouvoir à l’issue de deux coups d’État en moins d’un an. Khalid est membre de la société civile de Tombouctou, il ne cache pas son inquiétude : "Moi, j’ai déjà préparé mes bagages. Si Barkhane part, je m’en irai également, car la ville tombera immédiatement entre les mains des jihadistes."
Une perspective qui épouvante Mouneïssa, dont l'un des enfants est né le 5 février 2013, quelques jours après la libération de Tombouctou par les soldats français. Son fils Alpha a été surnommé Hollande. "Tout le monde l'appelle François Hollande, parce que c'est François Hollande qui nous a libérés. Ça ne va pas leur plaire, les terroristes, d'appeler un enfant François Hollande !" Elle craint, "bien sûr", des représailles. "On dit à la France : merci. On ne veut pas qu'ils partent maintenant."
Également très inquiets, les artistes de Tombouctou, ennemis jurés des jihadistes. Comme Chaibani Coulibaly. Du haut de ses 22 ans, il est une des figures de la scène musicale de la ville. "Ça me fait peur. Si on joue de la musique aujourd'hui, c'est grâce à un Barkhane. Avec les jihadistes, on ne peut pas. Ils n'aiment pas la musique. Comment est-ce qu'on va vivre ? Si Barkhane part, la nuit va tomber sur Tombouctou."
De nombreux habitants ont juré de partir dans le sillage des convois de Barkhane mais ils ont conscience que la situation a changé. En 2012, le voyage vers Bamako pouvait se faire en toute sécurité alors qu’aujourd’hui, prendre la route est dangereux, les groupes armés pullulent et rançonnent les voyageurs quand ils ne les enlèvent pas. Certains habitants prédisent donc un retrait français accompagné de l’hostilité de la population, habitée par un sentiment d’abandon. "L'histoire, certainement, peut se répéter si les forces étrangères partent, redoute Salaha Maiga, directeur du festival Vivre ensemble. Cela se voit à travers le monde, si on voit aujourd’hui l’Afghanistan. Que sera le Mali après le départ des forces étrangères ?"
https://www.francetvinfo.fr/monde/terrorisme-djihadistes/operation-barkhane/reportage-au-nord-du-mali-la-crainte-d-un-scenario-a-l-afghane-si-barkhane-part-la-nuit-va-tomber-sur-tombouctou_4766885.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20210916-[lestitres-colgauche/titre2]
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Le Mali va-t-il embaucher des mercenaires russes ? - Business AM
https://fr.businessam.be/le-mali-va-t-il-embaucher-des-mercenaires-russes/
Le Mali va-t-il embaucher des mercenaires russes ?..Des sources anonymes confirment que la junte militaire malienne négocierait l’emploi de mercenaires du Groupe Wagner. Ceux-ci travaillent généralement en collaboration directe avec le Kremlin. Personne ne confirme, mais la France s’inquiète de cet empiètement sur sa zone d’influence traditionnelle.
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Après l'Afghanistan, le Sahel ? Le nouveau scénario qui terrifie l'ONU - Business AM
https://fr.businessam.be/apres-lafghanistan-le-sahel-le-nouveau-scenario-qui-terrifie-lonu/
Les Nations Unies craignent un regain d’activité jihadiste après la victoire des talibans à Kaboul. La principale offensive d’une organisation islamiste pourrait venir du Sahel, et en particulier du Mali, où la France a récemment annoncé son retrait militaire
L’armée française prépare 10 000 soldats à un éventuel grand conflit...en 2023, l’armée française lancera un grand exercice pour préparer des milliers de soldats à un conflit d’ampleur, rapporte « The Economist ».
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6 signes qui montrent que la France se prépare à de nouvelles guerres - Business AM
https://fr.businessam.be/6-signes-qui-montrent-que-la-france-se-prepare-aux-nouvelles-guerres/
6 signes qui montrent que la France se prépare à de nouvelles guerres..Après une décennie marquée par des campagnes de contre-insurrection, un vent différent souffle sur Paris. The Economist, estime même qu’un conflit de haute intensité est en préparation..
Parly envoie députés et sénateurs sur les roses
"..Ces mauvaises manières du Président et de sa ministres des armées n'ont rien de surprenant. Le Parlement est hors jeu. On n'y a jamais débattu des opérations militaires lancées par l'actuel président ou par ses prédécesseurs. Et, après le désastre, en 2011, de la guerre de Lybie, dont sont responsables Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron (approuvés tous deux par François Hollande), aucune commission d'enquête n'a été menée à Paris. A Londres, en revanche (après 5 ans de réflexions), le comité des Affaires étrangères de la Chambre des communes a rendu public, le 14 septembre 2016, un rapport accablant pour les promoteurs de cette intervention militaire irresponsable, à laquelle Obama avait apporté son soutien -"une terrible erreur" avouera-t-il après avoir quitté la Maison-Blanche.
Autre comparaison en défaveur de la Ve République et de sa Constitution quasi monarchique : en Allemagne, le Parlement vote chaque année le renouvellement ou l'annulation d'un engagement militaire. Et, en Grande-Bretagne , aucune guerre ne peut être décidée sans l'approbation de la Chambre des communes.
Claude Angeli
(extrait d'un article du Canard Enchainé, 10/03/2021)
Pour cet expert, la France persiste à appliquer de vieilles recettes et semble ne pas comprendre que celles-ci sont vouées à l’échec. Explication.
Maintenant que ce qui se disait en privé est devenu public, à savoir que la fin de la lutte contre les djihadistes au Sahel est impossible à prédire et que le gouvernement français ne peut assumer une guerre sans fin devant son opinion publique, il convient de réfléchir aux erreurs qui ont conduit à l'impasse actuelle.
Au-delà des erreurs de stratégie politique et militaire, l'engagement militaire français dans cette partie du monde s'explique par l'oubli de deux leçons essentielles. Pourtant, ces deux leçons relèvent du savoir commun.
En France, cette leçon est connue depuis la guerre d'Indochine. De plus, la même erreur a été tragiquement répétée par les États-Unis au Vietnam (alors qu'il y avait le précédent français) et, plus récemment, en Afghanistan (alors qu'il y avait le précédent soviétique).
Bien que l'impossibilité pour des démocraties de gagner des guerres asymétriques soit donc connue depuis longtemps, les gouvernements français depuis Nicolas Sarkozy semblent l'avoir oublié. Si la nécessité de la guerre actuelle contre le terrorisme (c'est-à-dire contre l'islamisme radical) est difficilement contestable, les modalités de cette guerre le sont largement. Or l'une de ces modalités décidées par les autorités françaises a été l'engagement militaire dans des guerres asymétriques, en Afghanistan d'abord, puis au Mali.
En Afghanistan, il s'agissait surtout, pour le gouvernement de Nicolas Sarkozy, de se rapprocher des néoconservateurs américains et de renforcer la relation transatlantique. Au Mali, il s'agissait pour le gouvernement de François Hollande d'éviter la victoire des djihadistes et un effet de contagion régionale. Si l'armée française a gagné la première bataille avec l'opération Serval, elle se sait aujourd'hui incapable de gagner la guerre.
Le conflit originel s'est régionalisé en s'étendant au très fragile Burkina Faso et a métastasé en une pluralité de conflits locaux qui prennent de plus en plus une tournure interethnique. Cette dynamique conflictuelle, que l'« approche 3 D » (Défense, Développement, Diplomatie) n'a pas réussi à contenir, comporte des risques élevés pour la France : coopération de l'armée française avec des armées commettant des crimes de guerre ; rejet par les populations locales de la présence militaire française et exacerbation de la francophobie sur le continent ; risque pour l'armée française de bavures et d'être manipulée et entraînée à son corps défendant dans des règlements de comptes interethniques, etc. Toutes choses qui rappellent que, pour avoir voulu protéger le régime d'Habyarimana au Rwanda, la France s'est retrouvée impliquée dans le dernier génocide du XXe siècle.
Ne pas gagner à moyen terme un conflit asymétrique, c'est s'enliser ; et s'enliser, c'est prendre les risques évoqués et devoir justifier toujours plus de pertes humaines devant l'opinion publique. De même que, en 2008, l'embuscade d'Uzbin avait contraint le gouvernement de Nicolas Sarkozy à arbitrer entre son désir de rapprochement avec Washington et l'impact des pertes sur l'opinion publique, le nombre croissant de militaires tués au Mali contraint le gouvernement d'Emmanuel Macron à repenser l'engagement militaire au Sahel alors que l'échéance de la prochaine élection se rapproche.
Ces deux gouvernements ont présenté à l'opinion publique ces « opérations extérieures » comme une guerre classique, c'est-à-dire une guerre qu'il faut mener pour la sécurité de la nation. Mais, pour beaucoup, ces opérations extérieures relèvent davantage de la politique étrangère que de la politique de sécurité nationale. La sécurité de la France semble moins en jeu en Afghanistan et au Sahel que son influence sur la scène internationale. Ce qu'un haut gradé a résumé en déclarant : « La France sans Barkhane, c'est l'Italie. »
Or cette politique est aujourd'hui doublement perdante : sur le plan intérieur, le coût humain de la politique du rang international est difficilement défendable devant l'opinion publique ; et, sur le plan extérieur, l'interventionnisme militaire des autorités françaises accroît la francophobie en Afrique – où la France a déjà perdu la bataille des cœurs et des esprits – et susciterait de nouvelles vocations terroristes. L'engagement dans des conflits asymétriques est donc une modalité contre-productive de la guerre contre le terrorisme. Dans le sillage du gouvernement américain, qui négocie sa sortie du conflit afghan avec les talibans, le gouvernement français vient de redécouvrir au XXIe siècle une leçon tragique du XXe.
En Afrique subsaharienne en général et au Sahel en particulier, la gouvernance des États est néopatrimoniale. Depuis au moins trente ans, de très nombreux travaux de recherche ont mis en évidence le fonctionnement de l'État néopatrimonial (accaparement privé des biens publics par l'élite dirigeante et pratique politique essentiellement clientéliste) et ses effets délétères.
À long terme, le fonctionnement de l'État néopatrimonial aboutit au délitement insidieux des services publics, à la criminalisation des élites dirigeantes, à l'intensification des luttes de pouvoir et à la neutralisation de l'aide internationale. Celle-ci est assez largement détournée de son but initial et sert surtout à la survie des élites politiques du pays. Elle équivaut à remplir un tonneau que d'autres vident, notamment quand elle prend la forme de l'aide budgétaire, ce qui est de plus en plus fréquent. En 2020, la démonstration du lien entre décaissements d'aide budgétaire et gonflement de comptes offshore a coûté son poste à Penny Goldberg, l'économiste en chef de la Banque mondiale, ce qui en dit long sur l'omerta qui règne dans les milieux de l'aide internationale.
Si les bailleurs ont pris conscience dès les années 1990 que la gouvernance néopatrimoniale des États africains était au cœur de leurs problèmes, leurs efforts visant à réformer ou à changer cette gouvernance ont rarement été couronnés de succès. Selon les évaluations de la gouvernance en Afrique qui font référence (celle de la Fondation Mo Ibrahim et celle de la Banque mondiale), après une amélioration de la gouvernance de 2010 à 2015 cette dernière a stagné. En 2019, selon la Fondation Mo Ibrahim, l'état global de la gouvernance en Afrique a même régressé.
Au Sahel, cette mauvaise gouvernance a été exposée et n'épargne aucun secteur : la prolifération des trafics de drogue, d'armes, d'or et de migrants avec la complicité des gouvernants ; les relations notoires du président du Mali démis par les putschistes en août 2020 avec la mafia corse ; le train de vie extravagant de son fils ; les détournements de fonds au ministère de la Défense du Niger, etc.
Si le diagnostic de la gouvernance néopatrimoniale est bien connu, en revanche l'échec des méthodes de soins ne l'est pas. Appeler à focaliser l'action des bailleurs internationaux (un des « 3D ») sur la gouvernance et la réforme de l'État revient à ignorer les vingt dernières années de réformes de gouvernance promues par les donateurs. Beaucoup de programmes de changements institutionnels ont été mis en œuvre et des milliards de dollars ont été dépensés sans résultats probants. La plupart des évaluations de ces programmes mettent en évidence le caractère cosmétique des changements par décret et l'écart entre les textes adoptés et leur application. Certains régimes africains utilisent l'argument de la souveraineté pour refuser les réformes ou mènent des stratégies d'enlisement de ces dernières. L'aide internationale a démontré son incapacité à changer l'État néopatrimonial. Par conséquent, si l'on estime que l'une des conditions essentielles pour vaincre l'islamisme radical au Sahel est de demander aux gouvernants de mettre en œuvre des changements profonds qui vont à l'encontre de leurs intérêts directs, on comprend pourquoi la victoire est douteuse.
Les dirigeants français ont ignoré/oublié que l'on ne peut pas gagner des guerres asymétriques et que l'aide internationale n'a pas réussi à changer la gouvernance des États africains – c'est-à-dire que deux des 3D (Défense et Développement) étaient voués à l'échec. Pour avoir oublié ces leçons pourtant bien connues, le gouvernement français se retrouve aujourd'hui dans la même impasse que le gouvernement américain.
* Thierry Vircoulon est le coordinateur de l'Observatoire pour l'Afrique centrale et australe de l'Institut français des relations internationales, membre du Groupe de recherche sur l'eugénisme et le racisme, Université de Paris.
Sahel : la moitié des Français opposés à la présence française.....Un sondage Ifop/« Le Point » montre, pour la première fois, que 51 % de la population désapprouve les opérations militaires au Mali....
Qui sont les dix auteurs de SF de la « Red Team » du ministère des Armées ? Les écrivains de science-fiction sont chargés d'anticiper les conflits de demain, sur le modèle d'une équipe créée par le Pentagone dans les années 1980...
Soixante documents rares issus des archives du ministère des Armées sont commentés et mis en perspective par l'historien Fabrice d'Almeida. Passionnant.
Il y a un peu plus de quatre ans, François Hollande décidait d'ouvrir plus largement les archives de la grande muette. Une initiative bienvenue qui a été depuis contrariée par une directive obligeant à déclassifier document par document, ce qui ralentit largement les manœuvres. Mais le livre écrit par Fabrice d'Almeida est né de ce premier mouvement d'ouverture, l'historien ayant bénéficié de l'aide et du soutien des principales institutions, le SHD (Service historique de la défense) à Vincennes, l'ECPAD (établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense) à Ivry-sur-Seine, le dépôt du Blanc pour la justice militaire ou le service de Santé des armées. « Qu'est-ce que vous avez qui puisse changer notre regard sur l'écriture de certains événements ? » : c'est avec cette question que d'Almeida est venu interroger ces différents services ainsi que la direction des Patrimoines, de la Mémoire et des Archives. D'où ce beau livre riche en documents rares, brillamment mis en perspective par un historien qui fait parler et explicite les inédits de la grande muette.
Parmi les surprises, ces croquis d'un anonyme qui participe à la guerre du Mexique dans les années 1860. Et là, étonnamment, il y a des soldats noirs dans l'armée française…
Cette pluralité ethnique se retrouve dans d'autres documents, mais abordée selon des angles différents…
En particulier dans le rapport que rédige après guerre Léopold Sédar Senghor, qui a été prisonnier dans le camp de Poitiers de 1941 à 1942. Il met l'accent sur les préjugés au sein du camp entre Noirs et Arabes qui méprisent les premiers, les divisions au sein même des Arabes, la manière dont les Algériens sont les outils de l'ordre germanique… Venu de l'un des fondateurs de la négritude, ce document est évidemment passionnant.
Autre division, cette fois sociale, notamment dans l'épisode bien connu des mutineries des marins à Odessa quand la France en 1919 vient combattre les bolcheviques.
On a fait d'André Marty le meneur un simple anarchiste qui a voulu inciter des hommes à se révolter parce qu'ils étaient maltraités, mal nourris. C'est du moins la version qu'imposera la police militaire. Or, quand on lit le rapport du chef des services de renseignement de la marine, Carsalade, on s'aperçoit que Marty avait bien été identifié comme un homme manœuvré par les Soviétiques pour affaiblir la marine par des révoltes de marins. Marty est sans doute un agent d'influence du GRU, mais il fallait taire cette version qui mettait en péril l'image d'une marine unanimement patriote.
L'un des fils directeurs de l'ouvrage est la présence précoce des femmes à divers postes dans l'armée…
Notamment ces dessinatrices, spécialisées en lissage et en peinture, qui sont embauchées en 1917 par la marine pour réaliser les plans de camouflage des premiers sous-marins. Elles étaient anonymes, « confidentiel », peut-on lire, mais nous avons retrouvé leurs noms. On voit que la doctrine de ce camouflage s'élabore de manière improvisée, à mesure que cette nouvelle arme est intégrée dans l'arsenal militaire de la France.

Certaines vaches sacrées sont revisitées, ainsi Giono dont vous exhumez les déclarations devant la justice militaire alors qu'il vient d'être arrêté en septembre 1939 pour défaitisme et propagande antimilitaire.
Giono, c'est le romancier du courage, exalté dans Le Hussard sur le Toit, mais là, pour sauver sa peau, l'écrivain va reculer pour expliquer l'origine de textes présents sur des tracts pacifistes et qui lui sont attribués. « On s'est inspirés manifestement des diverses œuvres que j'ai pu écrire entre 1935 et 1938. Je reconnais malheureusement que je me suis trompé. » Il fait marche arrière, se dédit, se livre à son autocritique immédiate, ce qui lui permet de retrouver très vite la liberté et sa maison sur les hauteurs de Manosque.
Plus attendus peut-être, les dessins, les lettres, les images, qui témoignent du culte de la personnalité dont a joui Pétain. Mais c'est le destin de ces collections qui est singulier…
Dès août 1944, en plein milieu de la Libération, on songe à mettre sous séquestre ses biens, qui passent sous la propriété de l'État. Mais qu'en faire ? Les objets les plus banals sont mis en vente en 1949, mais la vente est interrompue, car on se rend compte qu'elle attire tous les nostalgiques. Le reste, mis au ban, est dispersé entre le Mobilier national, les Invalides, Vincennes, mais on en perd la trace avant qu'une exposition ne soit l'occasion d'en faire l'inventaire.
Document exceptionnel que le rapport du préfet régional trois jours après le massacre d'Oradour-sur-Glane, le 13 juin 1944…
Il s'agit du premier texte qui décrit ce qu'il s'est passé. Et il décrit avec une grande précision. Des restes de corps humains sont encore visibles, Marc-Paul Freund-Valade, un Alsacien, a l'occasion de croiser des témoins survivants qui sont revenus dans le village. C'est aussi le texte d'un homme qui a travaillé avec les Allemands, puisqu'il a été chargé aussi de la répression de la résistance dans la région et qui découvre la violence radicale des hommes avec qui il a travaillé.
Lire aussi Oradour-sur-Glane : « Pour les nouvelles générations, la paix est quelque chose de normal »
Avez-vous été satisfait de votre récolte sur la guerre d'Algérie ?
Le livre présente soixante documents, on aurait voulu peut-être en présenter plus sur cette guerre, de même que sur la guerre d'Indochine. On a voulu insister sur la qualité et la précision des rapports sur le FLN, la manière dont ils sont ciblés, dont l'ossature de l'organisation est détaillée, d'où une connaissance remarquable de « l'ennemi intime ». Le SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) a accompli un énorme travail, qui met en lumière aussi chez les Algériens certains allers-retours étonnants entre le camp français et celui des indépendantistes, selon des logiques d'intérêt et des calculs de carrière.
Terminons sur De Gaulle. Vous présentez des documents relatifs à ses procès en 1940…

Fabrice d'Almeida, Archives secrètes des armées, éd. Gallimard/ministère des Armées. 250 p. 35 €
Autocensure militaro-diplomatique au Sahel
Impossible de décrire la réalité de l'intervention française, au risque d'être taxé de paternalisme à l'égard des Africains.
(..) Tout au long de cette guerre qui n'en finit pas, militaires, diplomates, ministres et responsables politiques ont mesuré leurs propos et pratiqué le "politiquement correct". Il n'était jamais question de s'appesantir sur les conditions dans lesquelles se déroulait l'engagement français au Sahel.
Au Quai d'Orsay, plusieurs vieux routiers du continent africain affirmaient, en janvier 2019, que cette guerre n'aurait pas de limites, car les chefs djihadistes ne rencontraient "aucune difficulté pour recruter et effacer leurs pertes". Explication, selon l'un de ces diplomates : "les jeunes, et pas seulement eux, ne connaissent des Etats du Sahel où ils vivent qu'élections truquées, corruption, misère, chômage, situation humanitaire déplorable, violences et haines ethniques"...Alors que la force française "Barkhane" ne peut opposer à ces groupes, liés à Daech ou à Al-Qaida, que sa haute technologie et la pratique d'un antiterrorisme aérien à l'efficacité limitée. La preuve ? Les Mirage et les hélicoptères français n'ont pu empêcher une grande victoire des djihadistes : la "fermeture" d'un millier d'écoles au Mali et d'environ deux mille au Burkina, abandonnées par leurs enseignants, laissés sans protection militaire ou policière.
En petit comité, des généraux évoquent, eux aussi, ce qui ne peut être déclaré publiquement sans que l'on soit aussitôt accusé de paternalisme à l'égard des Africains -ou pire, de néo-colonialisme. Exemples : le manque de volonté politique de leurs dirigeants, l'abscence de compétences de leurs chefs militaires et la faible combativité de leurs soldats, peu aguerris -sauf ceux du Tchad-, mal entraînés, mal équipés, mal payés (quand ils le sont, car les soldes sont parfois détournées par leurs officiers)..
général François Lecointre (chef d'état-major) : "quinze ans de guerre à prévoir" "Je crains que nous ne soyons confronté à d'autres crises en Afrique dans les décennies qui viennent".
général Didier Castres : "Au Mali, tout ce que nous faisons, c'est de maintenir le cancer à un niveau opérable"
D'autres officiers critiquent le "je-m'en-foutisme international" qui a pour effet de "laisser les Français seuls au Sahel"
La force africaine du G5 Sahel et de ses 4 000 hommes(en non pas 5 000, comme prévu en 2017) n'apporte aucun soutien aux militaires français. Sur 430 millions d'euros promis par l'ONU, seuls 84 millions ont été versés..L'Arabie saoudite n'a jamais versé les 100 millions promis..
Ironie de l'histoire, une partie de l'opinion, au Mali et au Burkina, critique la présence de "Barkhane" au Sahel (4 500 hommes) qui aurait pour mission de protéger les mines d'uranium du Niger et d'autres intérêts économiques français...
(extraits d'un article de Claude Angeli, le "Canard enchaîné", 4/12/2019)
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Le coût faramineux du futur porte-avions français
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....“Aujourd’hui, l’ordre de grandeur s’élève à cinq milliards d’euros au bas mot et même davantage si la propulsion nucléaire est retenue”............................................
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La France a-t-elle vraiment besoin de porte-avions?
Le porte-avions reste avant tout un instrument politique de puissance. Il a é...
2 hélicoptères militaires sur 3 ! En 2017, sur les 467 machines, 300 étaient immobilisées au sein des armées ou chez les industriels. Dans le même temps, les dépenses de maintenance ne cessent de croître à près de 6% par an....
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Ces missiles qu'un Rafale et des frégates ne sont pas parvenus à tirer en Syrie - L'Usine Aéro
https://www.usinenouvelle.com/article/les-tirs-de-missiles-lors-des-frappes-en-syrie.N683129
Lors des frappes en Syrie réalisées samedi 14 avril dernier par la France, certains missiles n’auraient pas été tirés à cause de dysfonctionnements techniques encore à déterminer. Le ministère des Armées se refuse à tout commentaire...
10 conseils d'un commandant de sous-marin nucléaire pour manager
A contre-courant de certaines idées reçues sur le système militaire, l'amiral François Dupont nous livre dix conseils pour mieux manager ses équipes. Importance de la mission, scénarios de cr...
http://www.bilan.ch/economie-plus-de-redaction/10-conseils-dun-commandant-de-marin-nucleaire-manager
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Les cinq graves vulnérabilités qui pèsent sur la future loi de programmation militaire (2/2)
Le retour de la poudre de Perlimpinpin? Possible avec la loi de programmation militaire qui se termine au-delà du quinquennat d'Emmanuel Macron en 2025. D'autant que la trajectoire financière se ...
Sur la forteresse du Mont Valérien, qui surplombe Paris, se perpétue une vieille tradition : la colombophilie militaire. Car si l'armée française n'utilise plus de pigeons-voyageurs depuis les années 1960, elle continue d'entretenir un colombier militaire, le dernier d'Europe, au sein du 8e Régiment des Transmissions. Bichonnés par le caporal-chef Sébastien, les 200 volatiles sont toujours prêts à transmettre les messages de l'armée, notamment en cas de destruction des infrastructures de télécommunication
La garde nationale n'existe pas mais elle se porte bien
La garde nationale n'existe pas mais elle se porte bien. C'est tout le paradoxe de cette " institution " lancée à grands coups de clairon par François Hollande en 2016 à la suite des attaques ...
http://www.lopinion.fr/edition/politique/garde-nationale-n-existe-pas-elle-se-porte-bien-135113
Auteur d'un livre d'enquête sur les gabegies dans l'armée, le journaliste Yvan Stefanovitch estime que beaucoup d'argent est gaspillé au ministère de la Défense et que paradoxalement, l'armée n'est pas bien équipée.
L'armée française coûte-t-elle trop cher? La question est éminemment complexe et la réponse est différente selon l'angle d'attaque. La réduction de 850 millions d'euros du budget de la Défense a créé un psychodrame au sommet de la hiérarchie militaire qui a conduit mercredi 19 juillet à la démission de Pierre de Villiers, le chef d'Etat-major des armées. Un émoi tel que le président de la République vient d'assurer que le budget de la Défense augmenterait sensiblement en 2018 pour grimper à 34,2 milliards d'euros. "Aucun budget autre que celui des armées ne sera augmenté", a d'ailleurs précisé Emmanuel Macron.
Car les spécialistes semblent unanimes pour reconnaître que l'armée est entrée dans un processus de paupérisation. "Un char sur deux est capable de rouler, un avion sur deux peut décoller, un bateau sur deux sortir en mer, les effectifs ont tellement diminué que certains militaires peuvent rester 240 jours hors de leur famille", déplore ainsi le général Vincent Desportes, ancien directeur de l'Ecole de guerre dans Le Parisien.
Cette coupe budgétaire est d'autant plus étonnante que la France s'est engagée auprès de ses partenaires à augmenter son budget de la Défense à 2% du PIB d'ici 2025 (contre 1,8% aujourd'hui). Ce qui représente un effort de près de 18 milliards d'euros supplémentaires d'ici 8 ans. Sous cet angle donc, la coupe budgétaire semble totalement incongrue tant l'armée française est "sous-capitalisée".
Pourtant dans "Défense française, le devoir d'inventaire" un livre enquête paru il y a trois ans, le journaliste Yvan Stefanovitch n'hésite pas à pointer à la fois les faiblesses de l'équipement de l'armée mais aussi les gaspillages de l'État et des dépenses somptuaires étonnantes. Comme par exemple la gestion d'un palace à Nice sur la Promenade des Anglais (le Furtado-Heine dit Villa des Officiers) réservé aux militaires et qui pratique des tarifs défiant toute concurrence. Dans son livre, le journaliste pointait aussi le projet pharaonique du "Pentagone à la française", les hôpitaux des armées lourdement déficitaires ou encore les 1200 agents du service communication.
L'armée française continuerait-elle à vivre sur un grand pied tout en étant mal équipée? C'est la question que nous avons posée à Yvan Stefanovitch.
BFM Business: L'armée française est-elle sous-équipée comme le disent tous les experts du secteur?
Yvan Stefanovitch: C'est plus compliqué que ça. Elle dispose de matériels très sophistiqués et coûteux. Les missiles qu'on lance depuis nos avions et nos hélicoptères valent par exemple entre 250.000 et un million d'euros l'unité. L'armée française dispose de sommes astronomiques pour faire la guerre à des gens en sandales. Ces équipements coûtent cher mais du coup on n'a pas l'argent pour les maintenir en l'état: faire voler tous nos hélicoptères Tigre, par exemple, n'est tout bonnement pas possible. Ils ont un système électronique complexe et surtout coûteux à réparer quand il tombe en panne. Idem pour les vieux blindés qui ne sont pas à jour. Or les frais d'entretien représentent un coût phénoménal. Nous avons 200 chars Leclerc mais seulement une trentaine en état de marche.
BFM Business: Donc vous comprenez la crainte des militaires?
Y.S.: Oui bien sûr, il faut les comprendre, ils veulent le meilleur matériel. Et une fois qu'ils l'ont, il faut bien l'entretenir sinon il finit par être inutilisable. En ce sens on peut dire que 2% du PIB c'est un minimum pour l'armée. Mais le problème tient à la philosophie de notre défense: a-t-on besoin de tout cela? La force nucléaire aéroportée, par exemple, coûte extrêmement cher car il faut sans cesse perfectionner les missiles. Nous avons une grande quantité de chasseurs coûteux, comme le Rafale, ou une flotte de sous-marins parmi les meilleurs du monde... Bref, nous avons un système d'arme hyper-performant pour écraser une mouche. Et dans le même temps nous n'avons pas d'avions à hélices et pas assez de drones pourtant très utiles pour les opérations menées par l'armée française. Il y a clairement des crédits qu'on peut réadapter mais pour cela il faut changer notre philosophie héritée de l'époque du Pacte de Varsovie où l'on se préparait à l'arrivée des chars soviétiques.
BFM Business: Et quid des effectifs, sont-ils trop nombreux?
Y.S.: Là encore c'est une question de philosophie. Nous avons par exemple 10.000 soldats en permanence dehors pour faire de la garde statique ou rassurer la population dans les gares et les aéroports. Or cette fonction ne relève pas des compétences de l'armée mais de la police. Mais comme la police est en sous-effectif, on fait appel aux militaires qui avec 70.000 soldats dans la seule armée de terre serait, normalement, en sur-effectif.
BFM Business: Le lobby industriel joue-t-il un rôle dans cette philosophie du "sur-équipement"?
Y.S.: Oui, évidemment on peut penser que les militaires sont esclaves de l'industrie militaire mais mais c'est un secteur important aussi pour la France puisqu'elle emploie 170.000 personnes. Les choses sont bel et bien complexes. On commence certes à exporter des armes comme le Rafale, des sous-marins et des hélicoptères, ce qui est une bonne chose pour cette industrie. Mais ça reste encore trop peu.
Frédéric BIANCHI
Dans son livre récent Le Militaire. Une histoire française (éd. Amsterdam), l’économiste Claude Serfati montre à quel point l’armée et les industries militaires sont « chez elles » dans les institutions et l’économie politique de la Vème République. Une tendance qui n’a fait que s’aggraver ces dernières années, sans que le poids politique et économique exorbitant du militaire en France soit vraiment contesté ni même débattu, y compris à gauche. Entretien...
20 000 euros par mois pour un Leclerc opérationnel
246 249 euros, c'est le coût unitaire par an en 2016 du maintien en condition opérationnelle (MCO) des chars Leclerc - soit environ 20000 euros par mois. Ce chiffre est donné par le ministère d...
http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/20-000-euros-mois-leclerc-operationnel-124202
Avec un budget de près de 43 milliards d’euros consacrés à sa défense nationale au sens large (c’est-à-dire en intégrant les pensions), la France est une puissance militaire moyenne, très loin derrière les Etats-Unis. La force de frappe financière de ces derniers est de 546 milliards d’euros, soit près de 13 fois plus. La Chine, en troisième position, y consacre 131 milliards. Un cran en dessous se trouvent la Russie et l’Arabie Saoudite (plus de 50 milliards), suivies dans l’ordre du Royaume-Uni, de l’Inde et du Japon, pays avec qui la France fait jeu égal ou presque...
Malgré l’arrivée de l’A400M, les forces françaises dépendent largement des gros porteurs Antonov 124, affrétés via des intermédiaires opaques et dont les deux tiers appartiennent à des compagnies russes. Le député François Cornut-Gentille tire la sonnette d’alarme.
Un Scud. Le député François Cornut-Gentille a jeté un sacré pavé dans la marre militaire en présentant devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, mardi 28 mars, un rapport au vitriol consacré au transport stratégique de l'armée française. Le constat est double: un, l'entrée en service de l'A400M ne va pas supprimer le recours des forces françaises aux gros porteurs ukrainiens Antonov An-124, aux capacités d'emport cinq fois supérieure à celle de l'avion européen. Deux, cette situation met la France en situation de dépendance vis-à-vis de l'Ukraine, et surtout de la Russie. La grosse vingtaine d'An-124 disponibles dans le monde est en effet détenue par seulement trois compagnies: une ukrainienne (Antonov DB) et deux russes (une privée, Volga-Dnepr, et une société publique, TTF Air 224).
La conclusion du député fait froid dans le dos. "Dans les faits, ce sont les Russes et les Ukrainiens qui ont la maîtrise de la projection de nos forces sur les théâtres extérieurs, assène le député dans son rapport. C'est une véritable épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de la France." Une arme redoutable dans les mains du Kremlin, dont Vladimir Poutine s'est déjà servi, estime François Cornut-Gentille : l'élu de la Haute-Marne rappelle que la société russe TTF Air 224 a interrompu ses vols au profit de la France en septembre 2015… soit un mois seulement après l'annulation du contrat des porte-hélicoptères Mistral à la Russie, prononcée en août. "La mise à disposition d'Antonov 224 devient un enjeu diplomatique, déplore François Cornut-Gentille. Une nouvelle dégradation des relations avec ces deux Etats [Ukraine et Russie] pourrait paralyser totalement les capacités de projection aérienne de la France. En dépit des grandes phrases, l'autonomie stratégique est en réalité virtuelle."
Un compte-rendu de réunion de l’Agence européenne de défense et de la NSPA, (l’agence de soutien logistique) de l’OTAN, consulté par Challenges, confirme cette dépendance. Ce document, adressé en juin 2015 aux responsables du transport stratégique de l’armée française, évoquait des "risques politiques de rupture de service élevés en raisons de la dépendance à des moyens sous contrôle de la Russie". Car si les Antonov sont des avions ukrainiens, "98% des pièces de rechange viennent de Russie, les 2% restants de l’est de l’Ukraine", soulignait le compte-rendu.
Pourquoi cette dépendance aux Antonov An-124, alors même que la France dispose désormais de 11 A400M ? Pour comprendre, il suffit de comparer les avions. Avec 100 à 120 tonnes de charge utile, le gros porteur ukrainien affiche une capacité d’emport incomparable avec l’A400M (25-30 tonnes, voir schéma ci-dessous). Un Antonov embarque ainsi 11 conteneurs au standard maritime (20 pieds)… contre seulement 2 pour l’avion européen. "Pour remplacer une heure de vol d’An-124, 5 heures de vol d’A400M sont nécessaires", assure ainsi François Cornut-Gentille.
Le gros porteur ukrainien reste donc indispensable pour transporter les charges lourdes (blindés, hélicoptères, canons Caesar) depuis la France vers les théâtres d’opérations. L’opération Serval au Mali en 2013 donne une bonne idée de cette dépendance: en à peine deux mois, l’armée de l’air a affrété 115 vols d’An-124, 47 d’Iliouchine Il 76 (un avion de transport russe, plus petit que l’An-124), et 7 vols d’Antonov 225, le plus gros avion du monde, disponible à un seul exemplaire, chez la compagnie ukrainienne ADB.
L’armée française n’est d’ailleurs pas la seule à dépendre des Antonov: ses homologues européennes, dont les forces allemandes, affichent la même dépendance, de même que beaucoup d’industriels pour le transport de satellites (Thales Alenia Space, Airbus DS), d’hélicoptères (Airbus Helicopters), d’équipements pour l’énergie (EDF, Areva), d’armement destinés à des clients export de la France. Les satellites lancés depuis le Centre spatial guyanais de Kourou arrivent ainsi à Cayenne par Antonov.
A cette dépendance s’ajoute la complexité du recours à ces avions. Les forces françaises achètent des heures de vols d’Antonov par deux canaux distincts. Le premier est un contrat Otan, baptisé SALIS, qui permet à une dizaine de pays de l’alliance d’acheter des heures de vols prépayées (300 heures en 2017, autant en 2018 pour la France). Les Antonov 124 concernés sont pré-positionnés sur la base allemande de Leipzig. Le second canal, spécifique à la France, est un contrat attribué à la société française ICS pour la période 2015-2018: celle-ci se charge d’affréter, en fonction des besoins, des Antonov 124, mais aussi des 747 cargos.
L’armée, en l’occurrence le CSOA (Centre du soutien des opérations et des acheminements), peut ainsi jongler entre deux canaux pour obtenir les précieuses heures de vol. Mais quel que soit le canal choisi, ce sont toujours les mêmes sociétés ukrainienne et russe, propriétaires des Antonov, qui sont les bénéficiaires ultimes du contrat. Le contrat Salis utilise des avions d’Antonov DB et Volga Dnepr. ICS n’affrète que les An-124 de la compagnie ukrainienne Antonov.
Aucun des deux contrats ne trouve vraiment grâce aux yeux du député. Côté SALIS, le fait que les Antonov soit pré-positionnés en Allemagne "surenchérit le coût des missions", souligne le rapporteur spécial. Selon nos informations, ce surcoût est estimé à 50.000 euros par vol par l'armée. Autre problème, et de taill : si SALIS est bien un contrat de l'OTAN, l’essentiel des heures achetées est effectué sur les Antonov de la compagnie russe Volga-Dnepr, ce qui accroît la dépendance de la France vis-à-vis du Kremlin. 225 des 300 heures prépayées par la France en 2017 seront ainsi effectuées par Volga-Dnepr.
Le contrat ICS ne convainc pas non plus le député de la Haute-Marne. Certains vols tactiques sont payés par l’armée, souligne-t-il, à une filiale d’ICS basée à Singapour. Sans contester la légalité du procédé, François Cornut-Gentille se demande "avec quelles intentions ICS a créé une antenne à Singapour" et les "motivations du ministère de la défense à contractualiser avec ICS Singapour". Interrogée par Challenges, la société répond qu’elle est confrontée à une concurrence basée dans les paradis fiscaux, qui l’oblige à avoir recours à une filiale basée dans un pays où l’impôt sur les sociétés est plus bas qu’en France (17%), et craint ne pouvoir payer ses fournisseurs russes depuis la France du fait des sanctions occidentales contre Moscou.
François Cornut-Gentille déplore aussi qu’un ancien chef d’état-major du CSOA, l’organisme militaire en charge du transport stratégique, ait été récemment recruté comme numéro deux d’ICS, mettant en garde contre des "risques de conflits d’intérêt". Interrogée, la société assure que le recrutement de ce "conseiller défense" s’est fait dans les règles : le militaire en question, retraité, est passé avec succès devant la commission compétente. François Cornut-Gentille reconnaît d’ailleurs que le problème est beaucoup plus large que le seul cas d’ICS. "ICS ne peut être le bouc-émissaire facile d’un système défaillant", avertit le député.
De fait, le petit monde des fournisseurs de l’armée sur le transport stratégique relève plus du panier de crabes que de la mécanique huilée. Dans une ambiance de saloon, tout le monde tape sur tout le monde. Daher avait contesté l'attribution du contrat de l'armée à ICS en janvier 2015. La société Strategic Airlift Support (SAS), créée par l’ancien numéro deux d’ICS Grégoire Lanza, accuse le même ICS, lettre d'avocats à l'appui, d’avoir produit des faux documents auprès de la DGAC pour pouvoir faire atterrir en France des Iliouchine IL76 non autorisés. ICS assure être victime d’une campagne de désinformation lancée par la concurrence russe, dont SAS serait l’aiguillon. Tout en attaquant aussi régulièrement ses rivaux: la société s'était plainte en 2015 de l'attribution d'un marché de transport pour les forces spéciales à son concurrent Pegasus Air Drop, créé par Pierre-Louis Lavie de Rande, un ancien du CSOA.
Un dossier anonyme circule d’ailleurs depuis fin 2016 dans le petit monde du transport militaire, un échange de mails, consulté par Challenges, qui témoigne de liens privilégiés entre certaines sociétés d’affrètement et leurs donneurs d’ordre. "L’existence de ce dossier et sa diffusion dénotent un climat délétère", déplore le député François Cornut-Gentille qui, "ne pouvant attester de la véracité de ces documents et face au risque de manipulation", se refuse à en citer des extraits dans son rapport.
Pour nettoyer les écuries d’Augias, l’élu préconise un système d’agrément des sociétés d’affrètement aérien, ainsi qu’un audit systématique de ces acteurs par la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), le service de contre-ingérence du ministère de la défense. Quant à la dépendance aux Antonov, François Cornut-Gentille suggère d’étudier le scénario d’une acquisition de gros porteurs par la France: les fameux An-124, les C-5 Super Galaxy américain, voire une version militarisée de l’A380 ou du Beluga d’Airbus.
Selon nos informations, l’Agence européenne de défense a étudié le scénario d’une acquisition de C-5 Galaxy, des avions aux caractéristiques proches de l’Antonov 124, conçus par l’américain Lockheed Martin. Si cet appareil a été mis en service en 1969, une version modernisée, dite Super Galaxy (ou C-5M), est entrée en service au sein de l’US Air Force en 2014, et pourrait faire l’affaire. Consultés, les Etats-Unis et Lockheed Martin s’étaient déclarés ouverts à la vente d'appareils rénovés, sur la base d’un prix estimé entre 85 et 115 millions de dollars pièce. Les avions seraient cédés à une somme symbolique, l’essentiel du coût étant lié à leur remise à niveau. Les Etats-Unis proposaient même de céder, gratuitement, jusqu'à 23 C-5A, la plus ancienne version du gros porteur.
Problème: cette consultation date du début 2015, bien avant l’élection de Donald Trump. Depuis, la renégociation du contrat Salis de l’Otan fin 2016, qui permet l’achat d’heures de vol prépayées sur Antonov 124, a encore accru la dépendance européenne à la compagnie russe Volga Dnepr, qui fournit les trois quarts des heures de vol pré-commandées. Pas sûr, vu le discours du nouveau président américain Donald Trump, que le train C-5 repasse une seconde fois.
Vincent Lamigeon
Miracle, résurrection des munitions de petit calibre de guerre "Made in France"
Et le miracle s'est accompli... Le ministre de la Défense va un peu par hasard recréer une filière de munitions de petit calibre de guerre (5,56 mm, 7,62 mm et 9 mm) en France. Jean-Yves Le Dria...
"La seule armée européenne, c'est l'armée française"
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2017/02/02/la-seule-armee-europeenne-cest-larmee-francaise/
Je ne crois pas à une armée européenne. Pour envoyer des gens combattre et mourir, il faut un gouvernement légitime. Or aujourd’hui il n’y a pas d’autorité européenne légitime en dehors des États. En Europe, il y a deux armées et demie, la Britannique, la Française et un peu l’Allemande. Mais une vraie armée est une armée qui se bat sur le terrain, ce qui n’est pas le cas de l’armée allemande. Avec le Brexit, il n’y a en réalité plus que la France qui se bat, non pas pour mener des opérations post-coloniales comme on a pu le dire ici ou là, mais pour protéger le continent européen, que ce soit au Mali, en Centrafrique ou en Syrie. Il faut donc que les Européens financent l’effort militaire de la France et que la France accepte dans son armée des citoyens européens : la colonne vertébrale militaire de l’Europe est française, c’est la réalité. ..
Dans son livre Mémoire de paix pour temps de guerre (Grasset), l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin développe l’idée que « vouloir combattre le terrorisme par le seul biais d’interventions militaires ne peut aboutir qu’à sa propagation ». Le cas du Mali, avec l’attentat de Gao, en offre aujourd’hui un exemple aussi probant que tragique. « Toutes les interventions occidentales récentes témoignent que la force est le plus souvent le rouage d’un engrenage de la guerre », ajoute l’ancien chef de la diplomatie française qui s’opposa, en 2003, à la guerre d’Irak...
« On attaque le muscle » avait prévenu le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, auditionné le 7 octobre dernier par les députés de la commission de la Défense. A peine un mois plus tard, la défense est à l’os si l’on en croît les révélations des Echos qui annoncent une nouvelle annulation de crédits de 2,2 milliards d’euros notamment du fait du surcoût des « opérations extérieures » (opex) de la France.
Un dérapage largement dû à un budget « opex » sous-doté : 450 millions d’euros étaient affectés à ces dépenses alors que leur coût total devrait atteindre 1,1 milliard d’euros. Un phénomène récurrent qui relève autant de la tradition que de l’aveuglement. Devant les députés, Jean-Yves Le Drian a justifié ce dépassement par le nombre accru d’engagements extérieurs, « par nature imprévisibles », depuis la fin 2013 insistant sur le cas irakien irakien : « Aux côtés de nos alliés arabes et occidentaux, nos militaires renseignent les troupes irakiennes et kurdes et frappent des cibles ennemies. C’est la responsabilité de la France. » Au Mali, la France a dû maintenir ses effectifs sur place plus longtemps que prévu pour accompagner le processus politique.
Mais l'imprévisibilité des engagements extérieurs cache une autre réalité, celle de la sous-évaluation chronique de ces budgets d'opérations extérieures. Les chefs d’État français aiment, en effet, engager l’armée française dans des conflits armés longs et coûteux, comme une preuve de leur engagement international mais refusent d'en assumer le coût. L’activisme militaire du président François Hollande en est une nouvelle démonstration alors que le candidat socialiste n’avait à l'origine qu’un seul plan de campagne : mener à bien le retour des soldats français d’Afghanistan. Et il est de tradition de définir un budget a minima pour ventiler le surcoût sur tous les ministères -y compris la défense- en fin d'année.
Depuis 2008, les dépenses liées aux interventions armées ont toujours dépassé 800 millions d’euros. Certes, la France a quitté l’Afghanistan et la Libye, mais pour se déployer au Mali, en Centrafrique et en Irak. Trois zones de conflit majeurs. Avant l’intervention en Irak, le chef d’état-major des armées évaluait déjà le coût des opex en Centrafrique et au Mali à 775 millions d’euros.
Par ailleurs, les expériences des conflits passés en Afghanistan et en Libye donnent une estimation du coût du « jour de guerre » évoluant entre 1,2 millions et 1,7 million d’euros en fonction de la distance, du déploiement logistique, des matériels utilisés, etc. Soyons raisonnables : si on vous fait le jour de guerre à un million d’euros, sur trois théâtres d’opération majeurs, faites l’addition : 1,1 milliard d’euros sur un an ! Ça n'est pourtant pas compliqué à calculer . Et à prévoir donc. Mais non, nos dirigeants n'y arrivent pas. Pourtant, ils rognent. Et ce budget taillé au plus court explique largement le peu d’implication de la France en Irak avec seulement neuf Rafale. A plus de 25 000 euros l’heure de vol d’un Rafale, prix des missiles non compris, l’armée de l’air a des autorisations de sortie limitées. Et les « frappes » sont rares. La France fournit environ 1 % de l’effort militaire contre l’Etat islamique. Une contribution jugée d’ailleurs « décevante » par Washington.
Des armées modernes chères contre des combattants « à peine rémunérés »
La France peut-elle faire plus et mieux ? Hollande n’a toujours pas tranché l’envoi ou non du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, qui ferait exploser la facture. Les matériels sont par ailleurs revenus d’Afghanistan en mauvais état et leur remise à niveau demande du temps et de l’argent. Et il n’y a pas que le matériel qui souffre a tenu à faire savoir Pierre de Villiers lors de son audition à l'Assemblée: « Les hommes et les femmes de nos armées, nos jeunes, risquent leurs vies au nom de la France, en notre nom à tous. Nous payons le prix du sang. Nous attendons une légitime solidarité pour les coûts financiers. Ce besoin essentiel de stabilité budgétaire est mon second point de préoccupation. Or je crains l’infiltration rampante, le grignotage progressif de nos ressources financières. J’ai besoin des ressources 2015 en temps et en heure. Cette lisibilité m’est indispensable pour maîtriser les risques et mettre en œuvre une gestion efficiente » clamait le chef d’état-major des armées face aux députés.
De l’aveuglement politique mais aussi un déficit de pensée stratégique. A l’heure où les troubles de sécurité issus du milieu non-étatique se multiplient, le fossé semble se creuser entre les objectifs affichés et les moyens alloués : « Aux puissances du Nord, qui cherchent la frappe chirurgicale et le moins d’implication possible sur le terrain, les conflits récents imposent des confrontations prolongées au sein des populations » écrit Frédéric Charillon, directeur de l'Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire dans l’édition 2015 de l’Etat du monde, intitulé Nouvelles guerres. « Face à ce phénomène, les pensées comme les budgets du Nord doivent être revus. Le coût du stay on power (ou de l’engrenage qui consiste à obliger une armée à rester sur le terrain une fois les opérations terminées pour ne pas en perdre les bénéfices) reste élevé aussi bien économiquement que politiquement et symboliquement. Des armées modernes aux instruments hors de prix sont tenues en échec sur le long terme par des combattants invisibles, fondus dans le paysage géographique et social, et à peine rémunérés ». Des pauvres qui arrivent à mettre en échec des armées riches, espérons que les adeptes de la rigueur n'y voient pas un encouragement à faire de nouvelles coupes budgétaires dans la Défense.