la chronique des menteurs
Si on a plutôt l’habitude de scruter le langage non verbal de nos interlocuteurs afin de s’assurer de leur sincérité, il ne faut pas négliger le verbal. Des chercheurs sont parvenus à détecter la façon de parler qui est perçue comme la plus fiable. Ce qui s’avère in fine ressembler à un guide du parfait petit menteur.
Des chercheurs français, britanniques et chiliens se sont associés afin d’analyser la perception d’auditeurs aux différentes façons dont étaient prononcées des mêmes phrases.
L’étude, publiée dans la revue Nature, a rassemblé 120 volontaires. Ceux-ci ont écouté des centaines de mots, prononcés selon des tons, débits et hauteurs de voix différents. Ils ont ensuite dû dire s’ils percevaient ce qu’ils avaient entendu comme fiable ou comme non fiable.
Que les auditeurs parlent le français, l’anglais ou l’espagnol, ils ont perçu ces différentes façons de parler de la même manière. Il existe donc des prosodies (façons de parler) qui donnent confiance et d’autres qui, au contraire, suscitent de gros doutes quant à l’honnêteté de leur locuteur.
Pour convaincre, parlez vite
D’après les chercheurs, il existe trois critères qui font qu’on croit davantage aux paroles de quelqu’un :
- Une diction rapide.
- Une forte intensité au milieu du mot.
- Une voix qui redescend sur la fin.
À contrario, d’autres signes instillent le doute chez l’auditeur :
- Un débit plus lent.
- Une intensité moins marquée au début du mot.
- Une intonation croissante.
D’après les chercheurs, ces deux prosodies – l’une convaincante, l’autre beaucoup moins – sont liées au fait que l’on a tendance à croire que quelqu’un qui parle lentement est en train d’inventer une histoire, de mentir.
Les politiciens maîtrisent ces techniques à la perfection
Avant cette étude, de nombreux autres chercheurs s’étaient plutôt attelés à déceler les signes non verbaux propres aux menteurs. Mains moites, regard fuyant, rougeurs sur le visage font (en théorie) partie des atouts pour démasquer les mythomanes.
Mais à mesure que ces trucs et astuces sont devenus de plus en plus populaires, les meilleurs menteurs en ont tiré profit. Ils tentent d’éviter au maximum les signes non verbaux qui pourraient les trahir et adoptent les attitudes qui inspirent confiance.
Pour Louise Goupil, l’une des auteures de l’étude, les hommes politiques sont particulièrement doués pour donner à leur discours tous les atours de la vérité et de l’honnêteté. Leur langage non verbal correspond aux standards de confiance et leur prosodie fonctionne à merveille.
‘Certaines personnes sont vraiment douées pour manipuler leur voix afin de paraître dominantes, affirmatives ou plus confiantes. Les politiciens font cela souvent et après avoir fait ce travail, je le remarque maintenant beaucoup lorsque je les écoute’, a-t-elle confié au Times.
De moins en moins crédules
Les chercheurs ponctuent leur étude sur une note d’optimisme. Même si certains menteurs parviennent encore à passer entre les mailles du filet, les humains réussissent de mieux en mieux à faire la différence entre les locuteurs honnêtes et les malhonnêtes.
‘Nos résultats s’ajoutent à l’ensemble croissant de preuves suggérant que, contrairement à des décennies de recherche affirmant que les humains sont très crédules, des mécanismes spécialisés nous permettent en fait de détecter efficacement le manque de fiabilité de nos partenaires sociaux’, concluent-ils.
Le maire de Béziers, Robert Ménard, a remporté le Grand Prix du meilleur menteur en politique en 2016.
C'est pour ses mensonges successifs sur l'immigration - son thème de prédilection - qu'il a été distingué. En particulier lorsqu’il imagine qu’un festival réserve une zone aux femmes… à cause des migrants (ce qui était faux), ou lorsqu’il prétend que 75% de l’immigration actuelle vient du Maghreb et de Turquie (alors que la plupart des immigrés viennent d'Europe), lorsqu’il soutient que le regroupement familial représente 40% de l’immigration (toujours faux) , ou encore lorsqu’il imagine que les cours de turc et d’arabe remplacent les cours de français à l'école (faux également).
L'ex-Premier ministre Manuel Valls est son premier dauphin, pour son changement d'avis spectaculaire sur le 49-3 et les heures supplémentaires défiscalisées, lorsqu'il est devenu candidat à la primaire de la gauche.
Le prix spécial du jury a été décerné à Nicolas Sarkozy, Grand Prix 2015, pour l'ensemble de sa carrière: en prétendant à moult reprises qu’il n’a pas été mis en examen pour "financement illégal de campagne", en affirmant qu’il a "déjà été sanctionné par le Conseil constitutionnel" dans l’affaire Bygmalion, en évoquant - beaucoup - une réglementation européenne imaginaire sur les escabeaux, etc.
Le reste du palmarès
-Prix "Un Certain Regard", pour des mensonges particulièrement absurdes ou bizarres: Christian Estrosi, qui a prétendu avoir installé des portiques de sécurité gare Saint-Charles à Marseille, alors que c'est la SNCF qui l'a fait. Il avait aussi accumulé les affirmations fausses lors de son passage sur France Info, le 21 octobre.
-Prix "Jacques Dutronc" du plus beau retournement de veste: François Fillon pour sa volte-face sur la réforme de la Sécurité sociale.
-Prix du "Naufrage en politique": Maud Fontenoy, qui avait prétendu que 12 000 chercheurs français sont partis aux États-Unis, faute de pouvoir chercher en France des techniques non polluantes d’extraction du gaz de schiste.
-Prix du "Grand Remplacement": Jean-Pierre Chevènement pour avoir affirmé qu’il y a "135 nationalités à Saint-Denis, dont une (la française) qui a quasiment disparu".
-Prix du meilleur menteur politique à l’étranger: Donald Trump, pour l’ensemble de son œuvre.
-Prix du jeune espoir: Nicolas Bay et Florian Philippot (Front national) à égalité, pour ce prix qui récompense le meilleur menteur de moins de 45 ans.
Le prix du menteur en politique avait été créé en 2015, à l’initiative du politologue Thomas Guénolé. Outre ses vertus humoristiques, il vise à inciter la classe politique à moins mentir. Et les citoyens à vérifier leurs dires.
Le jury était présidé par le politologue Thomas Guénolé et était composé de huit journalistes : Mélissa Bounoua (Slate), Hélène Decommer (L’Express), Alexandre Devecchio (FigaroVox, le Figaro), Hugo Domenach (le Point), Antoine Krempf (Le Vrai du faux, France Info), Delphine Legouté (Marianne), Pauline Moullot (Désintox, Libération) et Estelle Schmitt (France Inter).