Routes et autoroutes....

Publié le par ottolilienthal

Renégociation des contrats d’autoroutes : « On ne peut pas attendre 2036 pour réagir »...

INTERVIEW. Alors que s’ouvre une conférence sur le financement des infrastructures de transport, le sénateur Vincent Delahaye rappelle que Vinci, Eiffage et Abertis « ont dépassé leurs objectifs de rentabilité »...

Comment financer l'entretien et le renouvellement de nos infrastructures vieillissantes d'ici 2040 ? Comment développer les mobilités, décarboner les transports, tout en réparant les routes et les 120 000 ponts de France qui ne cessent de se dégrader ?

Ce lundi 5 mai à Marseille (Bouches-du-Rhône), le gouvernement entend ouvrir la réflexion lors d'une grande conférence « Ambition France Transports ». Inaugurée par le Premier ministre François Bayrou et présidée par l'ancien secrétaire d'État aux Transports Dominique Bussereau, cette concertation nationale doit rendre ses conclusions fin juillet pour « reposer les bases d'un système de financement durable, robuste et pérenne ».

Et dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, le débat sur l'avenir des concessions autoroutières s'annonce houleux. Alors que les collectivités locales peinent à entretenir 98 % du réseau routier français sans ressources dédiées, les sociétés d'autoroutes, privatisées en 2006, affichent des bénéfices records. Pour Vincent Delahaye, sénateur centriste et auteur d'un rapport sénatorial qui avait sonné l'alarme en 2020, il est « urgent d'agir. »

Le Point : Quel est l'objectif de cette conférence nationale ?

Vincent Delahaye : L'objectif est de remettre à plat tout ce qui peut servir au financement des infrastructures, qui sont un facteur d'attractivité et de compétitivité dans tous les pays. Or les besoins sont colossaux, d'une part pour financer les transports collectifs et décarboner les déplacements, d'autre part pour entretenir des infrastructures – routes, rail, ponts, gares, voies fluviales, etc. – vieillissantes, dont la dégradation s'accélère avec le changement climatique.

Nos routes, nos rails, nos ponts sont en mauvais état. L'âge moyen de notre réseau ferroviaire est de 29 ans, contre une quinzaine d'années en Suisse ! On estime qu'il faudra investir une centaine de milliards dans nos infrastructures d'ici 2030 pour les mettre à niveau. Où trouver cet argent, dans un contexte budgétaire et financier assez catastrophique ? Nous avons pris un retard considérable. Cela nuit à notre développement économique et, par répercussion, à la croissance et à l'emploi. Aujourd'hui, tout un écosystème est grippé, car nous n'avons plus les moyens d'investir.

De nombreuses solutions de financement vont être évoquées. L'une est particulièrement polémique : la question des concessions d'autoroutes, qui arrivent à échéance entre 2031 et 2036…

Nous subissons depuis vingt ans les conséquences d'un péché originel. Avant la privatisation, les autoroutes étaient déjà gérées par des sociétés d'économie mixte, dans lesquelles l'État était très présent. Ces contrats avaient donc été conclus entre l'État et ces sociétés – autrement dit, quasiment avec lui-même. On ne discutait pas vraiment le fond, mais essentiellement la forme.

Quand le gouvernement de Dominique de Villepin a souhaité privatiser, en 2006, ces contrats n'ont pas été modifiés. Ils ne prévoyaient ni encadrement de la rentabilité ni discussions régulières sur le sujet, rien ! Ils sont restés en l'état, c'est-à-dire des contrats conçus pour une logique publique, pas pour une logique privée.

Et ensuite ?

Les groupes qui ont repris les concessions – Vinci, Eiffage et Abertis – avaient annoncé viser 8 % de rentabilité sur les capitaux investis, ce qui est déjà élevé. En réalité, les résultats ont été bien meilleurs. Les taux d'intérêt étaient plus faibles que prévu, la fréquentation a été plus forte. Bref, ils ont dépassé leurs objectifs. Si on laisse les choses en l'état, la rentabilité sera de l'ordre de 12 % à la fin des contrats entre 2034 et 2036. C'est 50 % de plus que prévu.

Pour Vinci, les 8 % ont été atteints fin 2023, et pour Eiffage, fin 2024. Cela signifie que, même si les résultats futurs étaient nuls – ce qui n'arrivera pas –, ils auront atteint les 8 % attendus. Tout ce qui sera engrangé d'ici 2036, ce sont des surprofits. On peut les chiffrer à 38 milliards d'euros.

Faut-il renégocier les contrats dès maintenant ?

Oui. Il ne s'agit pas de remettre en cause le modèle des concessions, ni de taper sur les sociétés. Je pense que c'est le meilleur modèle de gestion : l'État a prouvé qu'il est un piètre gestionnaire. Mais il faut discuter de la répartition et de l'usage des résultats. Il faut absolument anticiper. On ne peut pas attendre 2034-2036. Cela fait déjà cinq ans, depuis le rapport sénatorial de 2020, qu'on alerte sur le sujet, et il ne s'est rien passé.

Légalement, les possibilités sont plus que limitées. Quelles sont les marges de manœuvre de l'État ?

L'État ne doit pas avoir peur des sociétés d'autoroutes. Dès qu'on les contrarie, elles vont au contentieux. L'État est tétanisé par ça. Mais dans une concession, le patron, c'est le concédant, donc l'État. Il ne s'est jamais comporté comme tel. En 2015, on a prolongé certains contrats en échange de travaux. C'était une très mauvaise façon de faire. Ces années supplémentaires ont été extrêmement profitables pour les concessionnaires, bien plus que le coût des travaux réalisés.

Comment agir maintenant ?

Le seul moyen d'obtenir des concessions significatives, c'est de menacer de rompre les contrats. Vinci et Eiffage ont déjà atteint la rentabilité visée. On peut leur laisser trois à quatre ans pour amortir ce qu'il reste, mais ensuite, il n'y a aucune perte. Tout est déjà amorti. Si on annonce une dénonciation, ils viendront discuter dès le lendemain. Mieux vaut discuter aujourd'hui que risquer de voir ces concessions leur échapper dans dix ans. Car l'État reste libre, à l'avenir, d'attribuer à d'autres les concessions.

Pointer les surprofits de sociétés qui ont simplement bien géré n'est pas un peu populiste ?

Ce qui est populiste, c'est de prôner la gratuité des autoroutes, comme certains le proposent. Ce serait démagogique et contre-productif. Cela favoriserait la voiture, à rebours de nos objectifs écologiques. Et les Français paieraient pour les touristes et les camions étrangers qui traversent la France. Il faut revoir le système d'évolution des prix des péages, car il est aujourd'hui trop favorable aux sociétés, notamment avec l'inflation. Mais il ne faut pas tomber dans l'erreur de la gratuité.

Les sociétés concessionnaires savent gérer les autoroutes, elles sont compétentes. Il faut s'assurer qu'elles continueront à bien les entretenir jusqu'à la fin des contrats. Mais s'il n'y a pas de possibilité de discuter des surprofits au bénéfice de l'intérêt général, alors il faudra envisager d'autres partenaires.

Et pour financer les nouvelles infrastructures ?

 On ne pourra pas tout faire avec les surprofits, et nous sommes déjà tellement endettés qu'il sera compliqué d'emprunter. Différentes solutions seront discutées, comme le retour de l'écotaxe poids lourds, une mesure qui avait suscité un tollé en 2013, et qu'on avait abandonnée. Je pense que la meilleure solution, c'est de vendre certaines participations de l'État dans des entreprises où il est encore très présent, mais pas forcément stratégiques – comme Engie, Orange, Thales…

On pourrait aussi chercher des partenaires privés pour des participations détenues à 100 %. Si on veut garder 51 %, on peut céder 49 %. Cela pourrait représenter des dizaines de milliards, suffisamment pour financer de nouvelles infrastructures.

Propos recueillis par

https://www.lepoint.fr/societe/renegociation-des-contrats-d-autoroutes-on-ne-peut-pas-attendre-2036-pour-reagir-05-05-2025-2588841_23.php

 

Autoroutes à péages : cette bombe à retardement de plusieurs milliards d’euros...

 

Les autoroutes concédées à des exploitants privés commenceront à être restituées à l’Etat dans 7 ans. Mais, comme le souligne le sénateur Hervé Maurey dans un rapport remis aujourd’hui, c’est d’ici la fin d’année que l’Etat devra préciser aux concessionnaires les travaux à mener d’ici là sur le réseau, pour le rendre comme promis «en bon état». Faute de quoi, les contribuables pourraient avoir à financer plusieurs milliards d’euros de dépenses supplémentaires…

D’ici à une douzaine d’années, toutes les concessions d’autoroutes privatisées arriveront à échéance. La Sanef (groupe Albertis), qui exploite les autoroutes du nord et de l’est de la France, ouvrira le bal en 2031, et son réseau de 1 396 kilomètres redeviendra l’entière propriété de l’Etat. L’ASF, société exploitante des autoroutes du sud (Vinci Autoroutes), fermera le bal en 2036, en lâchant de son côté ses 2 730 kilomètres. Au total, 9 310 kilomètres doivent de la sorte être restitués. Ces échéances successives vous paraissent lointaines ? Peut-être, mais cette période est suffisamment historique pour ne pas la rater. Car elle marquera la fin d'une politique publique de gestion par des sociétés privées, initiée à partir de 1950, et désormais décriée du fait de la jolie rentabilité de ces concessions, financées par les automobilistes, aux péages.

Comme le souligne le sénateur de l’Eure (Union centriste) Hervé Maurey, dans un rapport sur la fin des concessions présenté ce jour à la Commission des Finances, cette délicate transition se joue en réalité dès aujourd’hui : les contrats prévoient en effet que toutes les infrastructures soient rendues «en bon état» par les concessionnaires. Sauf que les attentes de l’Etat en la matière n’ont, elles, jamais été clairement définies… Or, pour que cela se passe au mieux, notamment dans le cas de la Sanef, il faudrait que le cahier des charges de ces restitutions soit défini avant le 31 décembre 2024, soit sept ans avant l’échéance de ces premiers contrats. Et donc que l’Etat énonce précisément, dans les prochains mois, quels travaux devront prendre en charge les exploitants à leurs frais exclusifs, plutôt que de les laisser à la collectivité…

Les ponts autoroutiers inquiètent

Si les chaussées en elles-mêmes ne sont pas vraiment en cause, le sénateur Hervé Maurey s’inquiète plutôt du sort des ouvrages d’arts dits «évolutifs», ce qui désigne notamment les ponts autoroutiers. Certes, ces équipements, qui représentent un quart de tous les ouvrages d’art présents sur le réseau concédé, ne posent pas de problèmes de sécurité immédiats. Mais leur structure pourrait à l’avenir se dégrader. Et de façon d’autant plus accélérée que les exploitants, arrivant en fin de concession, n’auront plus aucun intérêt à les entretenir avec soin… Cette bombe à retardement financière, dont la charge pourrait en définitive revenir à l’Etat, le sénateur l’estime à environ 2 milliards d’euros.

Le rapporteur confie à Capital son inquiétude : «l’Etat est dans une position trop accommodante, et veut avant tout trouver un accord, régler ça à l'amiable pour éviter un contentieux. Alors qu’à mon sens, en tant que garant de l'intérêt général et de ce patrimoine national estimé à 190 milliards d’euros, il doit avoir une position très ferme». En effet, rien ne dit que sociétés d'autoroutes, mécontentes des obligations d’entretien qui leur seraient imposées, n’iront pas contester les demandes de l'Etat devant la justice…

Pour ne rien arranger, l’Etat pourrait aussi être perdant sur un second point : les investissements dits de seconde génération. C'est-à-dire les élargissements des voies d’autoroutes prévus lors de la signature des contrats de concession, que les péages auraient dû financer, mais qui n’ont pas encore été réalisés. Selon le rapport, 38 élargissements, pour environ 1000 kilomètres, ont été identifiés. «Ces élargissements ont souvent été jugés non utiles ou non urgents par les gestionnaires. Mais il faut soit les exécuter, soit faire d’autres travaux, soit rendre l’argent à l’Etat. On ne peut pas les oublier comme ça !», s’emporte le sénateur. Selon ses estimations, ces investissements de seconde génération représentent en effet un total de 1 à 5 milliards d’euros.

Il s’agit désormais de vérifier, opération par opération, celles qui ont été intégrées dans l’équilibre financier des contrats, et qui sont censées être financées par les péages. «Ces deux sujets sur lesquels l’Etat n’est pas assez exigeant et rigoureux, sont pourtant essentiels. C’est donc le rôle du Parlement de relever ces dysfonctionnements, et de demander davantage. Nous sommes vraiment dans une situation grave de mon point de vue, avec cette facilité pour ne pas dire ce laxisme, qui va coûter plusieurs milliards d’euros à l’Etat et donc aux contribuables», alerte le rapporteur.

Justine Pérou

https://www.capital.fr/auto/autoroutes-a-peages-cette-bombe-a-retardement-de-plusieurs-milliards-deuros-1504396

"Le gouvernement reconnaît enfin qu’il y eu une surrentabilité des sociétés d’autoroute"

Après avoir gardé confidentiel un rapport de l'Inspection général des finances sur les profits des sociétés d'autoroute, le gouvernement semble enfin décidé à s'attaquer à la durée des contrats.

Sujet tabou, hautement inflammable et surtout très politique, l’avenir des concessions d’autoroute refait surface. Le gouvernement vient de saisir cette semaine le Conseil d’État pour savoir s’il était possible de raccourcir de plusieurs années la durée des concessions de certaines sociétés qui ont vu leur contrat être beaucoup plus rentable que prévu. Alors que les concessions n’arriveront à échéance que dans une dizaine d’années (entre 2031 et 2036), certaines sociétés pourraient rentrer dans leurs frais dès l’année prochaine et donc enregistrer de juteux bénéfices nets, augmentant même les tarifs du fait de l’inflation. Une situation qui ulcère le sénateur centriste de l’Essonne, Vincent Delahaye, qui presse depuis longtemps l’État à engager un bras de fer avec les Vinci, Eiffage et autres Abertis, les gestionnaires des réseaux autoroutiers. Interview.

Capital : Après avoir longtemps temporisé, le gouvernement semble enfin décidé à agir sur les contrats de concession autoroutière. Est-ce le bon moment ?

Vincent Delahaye : La bonne nouvelle de la semaine, c’est que le gouvernement reconnaît enfin qu’il y eut une surrentabilité des sociétés d’autoroute. Nous l’avions écrit dans un rapport en 2020, mais le document de l’Inspection générale des finances rendu à Bercy indique bien que des sociétés comme Vinci ou Eiffage, et l’espagnol Abertis dans une moindre mesure, auront atteint fin 2023 ou début 2024 leur point de rentabilité qui avait été fixé à 2036 lors de l’écriture des contrats. Si on ne fait rien pour renégocier ces accords, ce seront 30 à 35 milliards d’euros de plus qui iront dans la poche des concessionnaires. Ce n’est pas acceptable pour l'utilisation du domaine public.

Capital : Le rapport de l’IGF propose trois pistes : baisser la durée des concessions, diminuer de 60% les tarifs des péages pour compenser le surplus futur ou instaurer un prélèvement exceptionnel sur l’activité des gestionnaires. Laquelle est la plus réaliste ?

Vincent Delahaye : Je pense que les deux dernières sont surtout là pour montrer l’importance de la surrentabilité. La réduction de la durée des contrats est la piste la plus crédible. Mais la vraie solution, la plus radicale, aurait été de dénoncer ces contrats. Lors de l’écriture des concessions en 2007 (la privatisation avait rapporté 14,8 milliards d'euros à l'Etat, NDLR), l’indicateur retenu pour le taux de rentabilité annuel des actionnaires avait été fixé à 8%. Le rapport de l’IGF indique que la rentabilité pourrait monter à 12% d’ici la fin des contrats. Ce n'est pas acceptable.

Dès le départ, l’État a commis une faute en n’instaurant pas de clause de revoyure et, depuis, il y a eu un manque de volonté politique de s’attaquer à ces contrats. Les concessionnaires mettent la pression en dépensant beaucoup d’argent en conseils juridiques. L’État a peur de ne pas être à la hauteur. Mais l’enjeu vaudrait la chandelle d’entamer ce bras de fer. Réduire la durée des concessions me semble donc être un scénario à étudier de près.

Capital : Les sociétés d’autoroute investissent autour de 2 milliards d’euros par an dans l’entretien du réseau et certaines, comme Vinci, viennent d’indiquer qu’elles allaient faire passer des hausses de tarifs de 4,75% pour compenser l’inflation. Comment avez-vous pris la nouvelle ?

Vincent Delahaye : Les concessionnaires gagnent à tous les coups. Oui, ils investissent dans le réseau, ils travaillent même bien globalement, mais ces entreprises ont bénéficié à plein de la baisse de l’impôt sur les sociétés (passé de 33% à 25%, NDLR), ce qui leur a fait économiser plus de 7 milliards d’euros au global. Je ne suis pas pour la baisse des tarifs de péage car ce serait encourager l’usage des voitures dans une période où l’on essaye de faire des efforts pour la planète. Mais passer cette augmentation de 4,75% n’est pas normal, c’est du cynisme.

D’ailleurs, l’État est complice car il va toucher plus de taxes avec cette hausse, quelque chose comme 80 millions d’euros par an supplémentaire rien que sur la TVA. Pour toutes ces raisons, l’État ne doit pas avoir peur d’aller au contentieux. Ça lui coûtera peut-être un peu d’argent, mais il faut mettre la pression sur ces groupes et changer le rapport de force. D'autant plus que ces sociétés n’ont pas intérêt à se braquer vis-à-vis de l’État. Ils ont des intérêts réciproques.

 

https://www.capital.fr/economie-politique/le-gouvernement-reconnait-enfin-quil-y-eu-une-surrentabilite-des-societes-dautoroute-1463897

Prix des péages : Bruno Le Maire aurait étouffé un rapport décoiffant sur les sociétés d'autoroute, selon “Le Canard enchaîné”

Un rapport resté confidentiel rendu au ministère de l'Économie constatait une "surrentabilité" des deux plus grandes sociétés concessionnaires d'autoroutes et préconisait plusieurs mesures correctives dont des baisses importantes des tarifs.

Une mission d'expertise commandée par Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, recommandait en février 2021 de baisser les tarifs autoroutiers de 60% sur les deux tiers du réseau, rapporte Le Canard enchaîné, ce mercredi 25 janvier. Le rapport confidentiel de 65 pages, écrit par l'Inspection générale des finances et le service d'inspection du ministère de l'Écologie, évaluait "le modèle économique des sociétés concessionnaires d'autoroutes" (SCA). Leur conclusion, qui n'a jamais été publiée, est sans détour : il y aurait "une rentabilité très supérieure à l'attendu" pour le groupe Vinci et Eiffage, à la tête des deux tiers du réseau autoroutier de l'Hexagone, "ce qui va contre le principe de rémunération raisonnable", est-il écrit dans le texte cité par nos confrères. La rentabilité réelle frôlerait les 12%, contre 7,67% prévue en 2006.

En conséquence, les fonctionnaires recommandent de mettre en place un réalignement de la rentabilité de ces deux sociétés, avec trois options envisagées, rapporte le journal satirique. Soit mettre fin à la concession avant le terme du contrat, en 2026, soit baisser drastiquement les tarifs de péages de près de 60% dès 2022, soit prélever 63 % de l'excédent brut d'exploitation de 2021 à la fin des concessions.

Les inspecteurs précisent néanmoins que seule la première option serait légalement envisageable. Les fonctionnaires recommandent également d'impliquer davantage le ministère de l'Économie et des Finances dans toutes les négociations liées aux concessions. Deux ans après que le rapport a été rendu au ministère de l'Économie, aucun conseil ou constat n'aurait été suivi d'effet. Au 1er février prochain, il est prévu que les tarifs des péages autoroutiers augmentent de 4,75 % en moyenne. Selon un rapport de l'Autorité de régulation des transports (ART) publié au début du mois de janvier 2023, les bénéfices des sociétés d'autoroutes ont atteint les 3,9 milliards d'euros en 2021.

 

 

https://www.capital.fr/auto/prix-des-peages-bruno-le-maire-aurait-etouffe-un-rapport-decoiffant-sur-les-societes-dautoroute-selon-le-canard-enchaine-1458431

L'autoroute du cash

 

Présentant les résultats de son groupe pour le premier semestre 2022, le pédégé de Vinci, Xavier Huillard, s'est félicité en ces termes : "une belle machine". Avec un chiffre d'affaires en hausse  de 11,8 %, une marge opérationnelle de 15,8 % et un résultat net multiplié par 2,8, difficile de la jouer modeste.

En revanche, Xavier Huillard s'est bien gardé d'insister sur les bénéfices que la privatisation des autoroutes, bradées pour partie par Dominique Strauss-Kahn puis en totalité par Dominique de Villepin, lui a permis d'engranger, comme le souligne "Investir" (30/7) : un résultat d'exploitation de 1,5 milliard d'euros. Soit la moitié du total du groupe et une progression de 26 %.

Une nouvelle qui ne pourra que réjouir les automobilistes. Du moins ceux qui possèdent des actions Vinci.

 

Le Canard enchaïné, 17/08/2022

T'as le bonjour de Ségolène !

 

C'est bien le moment ! En pleine révolte des gilets jaunes contre la hausse de la fiscalité automobile, les péages autoroutiers vont augmenter, le 1er février. Et pas qu'un peu : à la hausse normale, prévue contractuellement, s'ajoute en effet un reliquat de l'ardoise contractée en 2015 par Ségolène Royal. Soit, au total,

1,9 % de hausse.

Fin 2014, en pleine contestation des concessions autoroutières - on parlait même de renationalisation-, le ministre de l'Ecologie de l'époque avait jugé utile à sa popularité de geler les péages. Une décision tellement illégale que le gouvernement avait ensuite préféré mettre les pouces, promettant de rembourser le manque à gagner (plus un bonus de 500 millions) sous la forme d'une hausse des péages entre 2019 et 2023.

L'heure a sonné et la ministre des Transports, Elisabeth Borne -tiens ! C'était elle la directrice de cabinet de Royal quand a été décidé le fameux gel- essaie d'obtenir des autoroutiers "des gestes commerciaux". Qu'ils sauront rappeler ce printemps, quand sera discutée la possibilité de leur transférer la gestion de certaines portions d'autoroutes d'accès aux grandes villes, moyennant l'allongement de leurs concessions. Ce ne sera qu'un petit plus : du fait de contrats horriblement mal négociés en 2006, sous le gouvernement de Dominique de Villepin, les concessionnaires engrangent de toute façon des profits en béton.

Comme l'a révélé le "Canard" (8/10), les sociétés concessionnaires ont déjà récupéré, à la fin de 2018, le prix versé à l'Etat pour obtenir la concession des autoroutes : 14,8 milliards.

Et l'avenir s'annonce radieux : les concessions vont encore durer, en moyenne, quinze ans !

 

Le Canard enchaîné, 9/01/2019

Les aéroports encore mieux que les autoroutes

 

Au moment où le gouvernement s'apprête à privatiser Aéroports de Paris, ou Groupe ADP, la maison Vinci, leader mondial des concessions et de la construction, qui doit être le premier bénéficiaire de l'opération, vient de publier son rapport annuel. Et sa lecture se révèle instructive.

En 2005 puis en 2006, sous les gouvernements Jospin puis Villepin, Vinci a pu acquérir peu à peu la moitié du réseau autoroutier français. Une privatisation à prix bradé. La preuve ? En échange de chèques d'un montant total de 7,5 milliards d'euros, Vinci a encaissé 10 milliards en douze ans. Un retour sur investissement record, en si peu d'années.

Au titre de l'exercice 2017, les péages ont rapporté à Vinci 1,3 milliard de bénéfices, la moitié de son résultat. Un autre quart provient des aéroports que Vinci exploite déjà en province - à Lyon, Grenoble, Toulon, Poitiers, Rennes, etc..- ou à l'étranger, notamment au Portugal. Et, comme le note sans complexe "Investir" (17/3), "la rentabilité des capitaux investis (dans les concessions aéroportuaires) est plus élevée que celle des autoroutes et, à fortiori, que celle des parkings"

Pour améliorer encore sa rentabilité, Vinci a cédé une bonne partie de ses parkings, notamment parisiens, à Indigo, une société contrôlée par un fond d'investissement et Crédit agricole Assurances. Et celà en échange d'un chèque de près de 2 milliards.

Il y a trois ans, l'action Vinci valait près de 65 euros. Aujourd'hui, elle a dépassé 81 euros, et,selon les calculs d'"Investir", elle devrait valoir 110 euros après avoir bénéficié de la privatisation de Groupe ADP.

C'est dire si Vinci mérite de rafler, encore, le gros lot.

 

Le Canard enchaîné, 28/03/2018

 

Péages en hausse : un accord secret entre Etat et sociétés d'autoroute ?

Un arrangement entre l'Etat et les sociétés gestionnaires prévoirait une hausse de prix des péages jusqu'en 2023, selon France 2.

500 millions de surcoût ?

C'est ce document, dont la publication est suspendue à une procédure devant le Conseil d'Etat, que la chaîne du service public s'est procuré. On y apprend que les sociétés d'autoroutes s'engagent à financer 3,2 milliards de travaux sur dix ans et obtiennent en retour la stabilité fiscale et une clause pour allonger la durée des concessions.

Mais, surtout, pour compenser le gel des tarifs de 2015, les entreprises privées obtiennent "des hausses de tarifs additionnelles chaque année de 2019 à 2023". Selon l'Arafer, autorité indépendante de contrôle, il ne s'agirait pas juste d'un "rattrapage" mais d'un surcoût de 500 millions d'euros pour les automobilistes. Un chiffre que les compagnies réfutent.

Des cachotteries, l'Etat lui-même en fait beaucoup en matière de tarifs, surtout en période de campagne électorale. Ainsi, selon "le Parisien" (11/3), "l'accord entre l'Etat et les autoroutes (est) toujours secret". Dans un rapport publié la semaine dernière, la commission de l'Aménagement du territoire du Sénat explique que le gouvernement refuse de publier toutes les clauses de l'accord signé en 2015 avec les sociétés concessionnaires. Le président de la commission sénatoriale explique que "le gouvernement avance le secret des affaires (pour justifier cette discrétion), mais ce n'est pas très convaincant".

L'essentiel n'est-il pas que les automobilistes passent gentiment aux péages, sans rouspéter ?

 

"Le Canard enchaîné", 15/03/2017

 

Tout roule, sur les autoroutes

 

Quand le bâtiment va, tout va. Et, quand il ne va pas, il vaut mieux avoir acheté à prix d'ami des concessions d'autoroutes. Après Vinci, il y a deux semaines, Eiffage, numéro 3 du BTP français, vient ainsi de publier ses comptes pour  2016. Son chiffre d'affaires dans la construction proprement dite a reculé de 1,2 % et lui a procuré seulement 378 millions d'euros de bénef ("Les Echos", 23/2). En revanche, les réseaux d'autoroutes que gère le groupe (APRR et Area) ont enregistré un résultat opérationnel -1,2 milliard- plus de trois fois supérieur à celui de la construction.

Même satisfaction du côté du groupe espagnol Abertis, qui vient de racheter à la Caisse des dépôts le bout de réseau d'autoutes Sanef qui lui manquait. Pour son patron, Francisco Reynès, qui présente ses comptes ce mercredi ("Le Figaro", 28/2), oublié le conflit de l'hiver 2014-2015, avec les moulinets de Ségolène Royal et ses menaces d'autoroutes gratuites le dimanche, voire de nationalisation. Aujourd'hui, Abertis a obtenu de l'Etat -de même que ses confrères- à la fois une prolongation de sa concession et des centaines de millions de travaux d'amélioration des réseaux pour sa maison mère. "Nous avons su trouver un accord gagnant-gagnant", résume Francisco Reynès.

Et le "gagnant-gagnant" pour les automobilistes, il est pour quand ?

"Le Canard enchaîné", 1/03/2017

 

Après un combat homérique mené au sabre en plastique et suivi d’une retraite en rase campagne, le premier ministre français Manuel Valls s’est félicité de l’accord trouvé avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), le 9 avril dernier. Une décision « gagnante-gagnante », selon le ministre de l’économie Emmanuel Macron.

Gagnants, les usagers et l’Etat le seraient en apparence. Les tarifs n’augmenteront pas en 2015. Les SCA verseront 500 millions d’euros pour améliorer les infrastructures dans les trois prochaines années et investiront 3,2 milliards d’euros dans le cadre d’un « plan de relance autoroutier », probablement urgent à la veille du sommet mondial de Paris sur le climat...

Gagnantes, les sept principales sociétés d’autoroutes le seront assurément. On ne touche pas à l’« équilibre » des contrats. En compensation de leur obole, elles voient leurs concessions prolongées d’au minimum deux ans, reçoivent en cadeau plusieurs tronçons et pourront intégralement répercuter l’augmentation suspendue des tarifs après 2016.

Deux chiffres permettent de comprendre ce que les SCA risquaient de perdre. Lorsque, en 2006, M. Dominique de Villepin décida d’achever la privatisation entamée par M. Laurent Fabius en 2002 (1), les grandes entreprises de travaux publics achetèrent les concessions au prix total de 14,8 milliards d’euros (2). Alors que les concessions doivent durer entre vingt-trois et vingt-sept ans, les dividendes versés par les SCA à leurs actionnaires privés en seulement sept ans (2007-2013) ont représenté 14,9 milliards d’euros (3).

Mais l’emploi, la dette, l’investissement ? Avec l’accélération de l’automatisation des péages, l’effectif total de l’ensemble des sociétés concessionnaires est passé de 16 709 personnes en 2006 à 13 933 en 2013. Dans le même temps, leur chiffre d’affaires progressait de 26 %, en grande partie grâce à l’augmentation des péages, bien supérieure à l’inflation. Alors que les marges nettes des groupes Vinci et Eiffage végétaient entre 2 et 5 % en 2013, les marges nettes de leurs branches autoroutes étaient comprises entre 20 et 24 %. Contrairement aux engagements pris, l’endettement des sociétés continue à grimper, ce qui s’explique par le versement de dividendes exceptionnels... et la déductibilité fiscale de leurs charges financières. En outre, tout investissement supplémentaire demandé par l’Etat dans le cadre des contrats de plan ouvre droit à des compensations tarifaires. Et l’administration sait ne pas se montrer trop tatillonne : un seul agent — à temps partiel — suit l’ensemble des autoroutes à la direction de la concurrence et de la répression des fraudes (4).

Bref, tous les éléments semblaient réunis pour que le gouvernement conteste sérieusement une rente indécente en ces temps de disette budgétaire. Cent cinquante-deux parlementaires réclamaient une résiliation, que l’article 38 des contrats rendait juridiquement possible. Ils ne sont pas les seuls à avoir... perdu.

Philippe Descamps

(1) Lire « De l’autoroute publique aux péages privés », Le Monde diplomatique, juillet 2012.

(2) Cour des comptes, rapport public annuel 2007.

(3) Autorité de la concurrence, avis n° 14-A-13 du 17 septembre 2014.

(4) Cour des comptes, « Les relations entre l’Etat et les sociétés concessionnaires d’autoroutes », juillet 2013.

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