les maths gouvernent le monde..

Publié le par ottolilienthal

Les math. ont inspiré la 1ʳᵉ Constitution d’Athènes...

La découverte de deux hellénistes bouleverse notre regard sur la naissance de la première Constitution athénienne...

Les chercheurs en sciences humaines aussi résolvent des équations. La preuve par le travail de l’historien Paulin Ismard et du philosophe Arnaud Macé. En s’intéressant aux mathématiques en Grèce antique, ils sont en passe de révolutionner nos idées sur la fameuse réforme de Clisthène, qu’on tient pour l’origine de la démocratie athénienne.
La postérité présente le dénommé Clisthène comme l’homme qui a planifié l’organisation de la cité grâce à laquelle tous les habitants sont devenus « égaux devant la loi ». Il a posé, plus d’un demi-siècle avant Périclès, les bases sur lesquelles la démocratie allait s’affermir.

On pourrait dire, en fermant les yeux sur l’anachronisme, que c’est l’homme de la première Constitution d’Athènes. Il s’y prend de manière étrange à nos yeux car il n’invente pas de nouveaux espaces de délibération ou de participation mais se contente de brasser toute la population de l’Attique pour constituer de nouveaux groupes et sous-groupes d’organisation de la vie civique.

Les règles qui président à ce mélange de grande ampleur sont suffisamment complexes pour faire trembler les apprentis hellénistes (qui durant leurs études tentent en vain de les mémoriser) mais restent accessibles.

Elles ont un objectif : empêcher le retour de la tyrannie, saper toute possibilité pour un seul individu de s’arroger le pouvoir, prévenir la guerre civile. En effet, Clisthène casse les anciennes affiliations, brise les systèmes latents d’aristocratie, affaiblit le clientélisme, et cela essentiellement en deux étapes : il organise la ville en tribus puis donne à chaque citoyen non plus le nom de son père – et donc de son sang – mais celui de sa tribu.

De ce grand chambardement découle un nouveau régime politique d’autant plus remarquable que cette Constitution est, comme l’écrivent les auteurs, « soumise à une construction abstraite fondée sur des nombres » : trois régions, dix zones, trente groupes de « dèmes » (villages) répartis en dix tribus (au lieu de quatre), etc.

Le « bel ordonnancement clisthénien » est d’ailleurs resté dans la tradition comme une preuve qu’Athènes était le lieu de la Raison, où l’exercice même du politique ne faisait qu’un avec la rationalité mathématique. On ne finira jamais d’admirer les Athéniens.

Pour bien faire la guerre (de Troie ou d’ailleurs), les Grecs sont convaincus qu’il faut d’abord savoir regrouper les hommes sur les bateaux, les distribuer selon les formations choisies, être capable, aussi, de comparer la taille des groupes en présence pour évaluer le choc de la collision. Sans compter une bonne aptitude à partager équitablement le butin ou le produit de la chasse. Ces calculs, Macé et Ismard les rassemblent en trois opérations assez simples vraisemblablement largement acquises à l’époque.

Les Athéniens ont accepté la réforme de Clisthène parce qu’elle ne venait pas d’en haut comme on l’a cru jusqu’à présent mais parce qu’elle partait au contraire du savoir ordinaire qu’on convoquait pour ranger les hoplites (à la bataille) ou les oignons (dans la réserve). « La réforme a consisté à pluraliser et à échelonner l’expérience du commun. »

Peut-être même cette fondation démocratique a-t-elle eu lieu à la suite d’un soulèvement populaire. Les citoyens auraient donc agi non pas comme des sujets aveugles mais comme des acteurs lucides. En ce sens, ce grand chambardement fut doublement démocratique.


Julie Clarini. Le Nouvel Obs (courts extraits) – N° 3145. 02/01/2025


  • « La Cité et le Nombre. Clisthène d’Athènes, l’arithmétique et l’avènement de la démocratie », de Paulin Ismard et Arnaud Macé, 206 p., 19 euros. Paulin Ismard (à gauche) Arnaud Macé (à droite). LES BELLES LETTRES / COLLECTION PERSONNELLE.
  • Paulin Ismard est historien, professeur d’histoire grecque à l’université d’Aix-Marseille. « Le Miroir d’Œdipe. Penser l’esclavage » est paru au Seuil (2023).
  • Arnaud Macé est philosophe, professeur d’histoire de la philosophie ancienne à l’université de Franche-Comté. Ses recherches portent sur Platon et sur les présocratiques.
  • https://librejugement.org/2025/01/20/les-math-ont-inspire-la-1%ca%b3%e1%b5%89-constitution-dathenes/

De l’utilisation politique des chiffres...

La démocratie, c’est de la politique...
Mais aussi une affaire de maths...

Il faut au moins savoir faire une opération : si x est le nombre d’électeurs, et y le nombre de voix pour Trucmuche, y divisé par x multiplié par 100 donne le pourcentage de partisans de ce dernier. Cela paraît simple.

Mais il n’y a pas de démocratie sans un minimum de maîtrise des maths. C’est ce que montrent l’historien Paulin Ismard et le professeur d’histoire de la philosophie ancienne Arnaud Macé, dans leur livre La Cité et le Nombre. Clisthène d’Athènes, l’arithmétique et l’avènement de la démocratie (éd. Les Belles Lettres).

On sait que la démocratie est née en Grèce, aux environs du VIe siècle avant notre ère. Et en maths, il y a aussi de prestigieuses références grecques : Pythagore, Thalès, cela vous rappelle forcément des souvenirs (même si ce ne sont pas des bons).
Ce n’est pas un hasard si la démocratie a vu le jour dans le pays qui a le plus valorisé les calculs. Paulin Ismard précise que « la démocratie est basée sur l’idée qu’il faut savoir faire un minimum de répartitions, pour donner à chacun des parts égales, ou former des groupes en fonction de telle ou telle tâche ».

Et cela va encore plus loin.

Exemple concret : la réforme de Clisthène d’Athènes. Ce personnage politique grec met en place, vers 507 avant notre ère, une série de réformes basées sur de l’arithmétique. Ainsi, il divise la région d’Athènes en trois zones : le cœur de la cité, la petite couronne, et la banlieue éloignée. Des représentants sont ensuite tirés au sort dans chaque secteur.

Imaginez qu’on forme une assemblée en choisissant — aléatoirement — des représentants dans le XVIᵉ arrondissement de Paris, à Saint-Denis et dans une ville plus éloignée comme Melun. Cela ferait un beau brassage social !


Le concept semblerait saugrenu aujourd’hui, mais cette façon d’entendre le peuple est considérée comme l’« acte de naissance de la démocratie » (même s’il ne faut pas idéaliser la démocratie grecque antique, car elle excluait les femmes et les esclaves…).

En tout cas, pour ce genre de maths, pas besoin de triangle équilatéral ou de carré de l’hypoténuse, il suffit de divisions et de multiplications, comme pour les calculs transmis de génération en génération par les joueurs de dés, qui comptent leurs points, ou par les commerçants, qui recensent leurs gains.

En fait, les maths avaient d’abord des applications militaires, pour gérer la disposition des combattants, la répartition des tâches et des butins après les victoires. Paulin Ismard explique que « l’organisation de la société grecque s’est inspirée du même genre de calculs que ceux utilisés dans les guerres. On appliquait des règles mathématiques à la résolution des crises sociales et la démocratie est née de là ».

Il n’y a peut-être pas de démocratie sans maîtrise des maths, mais la réciproque n’est pas vraie. On peut, au contraire, utiliser les chiffres pour leurrer la population. Il n’y a qu’à voir les dernières législatives, qui ont conduit au gouvernement ceux qui ont récolté le moins de voix.

À chaque soir d’élection, on brandit des chiffres pour donner l’impression que le peuple a démocratiquement choisi et qu’il n’a plus qu’à fermer sa gueule. Il y a toujours un lien entre maths et politique, même s’il est parfois biaisé (pour mieux nous baiser) : de l’Antiquité grecque à aujourd’hui, la démocratie se sert toujours des maths, mais les maths ne sont pas toujours démocratiques.


Antonio Fischetti. Charlie Hebdo. 20/11/2024

https://librejugement.org/2024/11/29/de-lutilisation-politique-des-chiffres/

 

Les Anglais passent aux tables
Pour relever le niveau de maths, le gouvernement Cameron exige que tous les écoliers sachent leurs tables de multiplication en sortant du primaire. Avec un test à la clé.

Ce qu’il y a de formidable avec les Britanniques, c’est qu’ils ne tournent pas autour de la tea cup pour résoudre un problème. Ayant constaté l’effondrement du niveau de leurs collégiens en mathématiques (welcome to the club !), ils viennent de décréter qu’à partir de l’année prochaine, tous les élèves du primaire devront connaître par cœur leurs tables de multiplication. Avec à la clé, un test pour vérifier le niveau de connaissances des élèves à 11 ans.


Le ministère de l’Education de sa Très Gracieuse Majesté a précisé que le test portera sur les multiples de 1 à 12, le temps de chaque réponse sera minuté et les écoles seront tenues pour responsables (oh my God !) des résultats de leurs élèves. Cherry on the cake, cela ne devrait pas coûter très cher puisque le test sera informatisé et corrigé sur le champ par l’ordinateur.
« Les maths sont une part non négociable d’une bonne éducation », a déclaré au Daily Telegraph la ministre de l’Education, Nicky Morgan. Fermez le ban ! Mrs Morgan veut en finir avec les « pédagogies nouvelles » (oh dear ! you too...) qui avaient fleuries sous les Travaillistes.
Et voilà comment on réforme l’école en Grande-Bretagne. Sans commission consultative, sans conférence du consensus, sans états généraux et ... sans grève !


Evidemment, les Travaillistes trouvent cette idée d’apprendre les tables par cœur stupide, et affirment que si le gouvernement Cameron avait mis les moyens pour recruter de bons profs de maths, on n’en serait pas là. Une polémique très classique, mais sans psychodrame.
En France, notre ministre de l’Education nationale avait, elle aussi, essayé de lancer un plan pour sauver les maths à l’automne 2014. Enfin, ce n’était pas dit comme cela. Car nous sommes en France, pays où on l’appelle un ballon un «référentiel bondissant » et une piscine un « milieu aquatique standardisé ». Mme Vallaud-Belkacem voulait donc redonner « le goût des maths aux élèves » grâce à des « approches nouvelles », notamment « l’introduction de l’algorithmique » (what?), davantage de numérique, des cas concrets et des « actions éducatives ». Je n’ai toujours pas compris en quoi tout ça consistait.... Je ne dois pas être la seule car depuis, il ne s’est rien passé ou presque. Ou plutôt si : le niveau a continué à baisser. Quant à l’idée d’introduire un test de connaissance en fin de primaire, elle est tout simplement inenvisageable chez nous, sauf à déclencher un suicide collectif rue de Grenelle.


Sur le fond, tout le monde s’accorde à dire qu’apprendre ses tables par cœur ne suffit pas à fabriquer de bons élèves en maths car cela ne leur apprend pas le raisonnement mathématique. Mais enfin, apprendre ses tables est bon exercice de mémorisation qui est encore très utile dans la vie de tous les jours. Est-ce indispensable pour gérer un pays ? On ne le saura pas.

Depuis cette annonce, les journalistes demandent systématiquement aux ministres britanniques – en particulier à Nicky Morgan et David Cameron - de réciter leurs tables. Mais ceux-ci bottent en touche : « Je les fais réciter à mes enfants tous les matins dans la voiture en les emmenant à l’école », a plaidé le Premier ministre.

Ce qui prouve au moins qu’on peut diriger un pays et ... emmener ses enfants à l’école !

House of kids Par Sophie Roquelle

06 janvier 2016
https://www.lopinion.fr/carnet-de-liaison/les-anglais-passent-aux-tables

 

Etienne Ghys : « La racine de nos problèmes en mathématiques se situe à l'école primaire »

Avant la publication de l'étude Pisa de l'OCDE, mardi, le mathématicien Etienne Ghys, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, explique pourquoi les élèves français ont des difficultés en mathématiques. Il faut s'attaquer à la formation des enseignants et aux manuels scolaires, estime-t-il.

Une étude récente s'inquiétait du fait que 50 % des élèves de 6e ne savent pas dire combien il y a de quarts d'heure dans trois quarts d'heure. Le niveau des élèves français en maths est-il alarmant ?

Demander combien il y a de quarts d'heure dans trois quarts d'heure c'est comme poser la question de la couleur du cheval blanc d'Henri IV… On met des enfants face à une question qui leur semble tellement évidente qu'ils répondent à côté, peut-être par peur de dire une bêtise.

Je ferais le même commentaire pour les enquêtes internationales Pisa et TIMMS . Faut-il expliquer qu'on ne résume pas un enfant à un nombre ? Je ne veux pas remettre en question ces enquêtes - il est clair qu'il y a un problème grave de l'école en France. Mais elles ne peuvent pas se réduire à un classement ni se résumer à un nombre. Le signal de Pisa, ce n'est pas juste un nombre. L'étude devra être analysée dans le détail.

Par ailleurs, on parle de classement : quel est le but de comparer les enfants français avec les enfants finlandais ou anglais qui ont des vies différentes, des cultures différentes, des programmes différents ? On peut les comparer, mais à condition d'évaluer les résultats avec finesse.

C'est la même chose pour le niveau. Parler du niveau en maths d'un enfant, ça ne veut pas dire grand-chose. Se demande-t-on ce qu'est le niveau en histoire ?

Je ne veux pas remettre en question le fonctionnement de ces tests, qui ont leur valeur, mais je suis convaincu qu'un enfant mérite mieux qu'un nombre pour l'évaluer. Cela dit, il est clair que l'école est dans une situation difficile, en maths en particulier, mais pas seulement.

Et pourtant, la France est championne du nombre d'heures de cours…

L'une des explications relève, selon moi, des mathématiques modernes des années 1970. Il reste des échos lointains de ce qui a été une erreur pédagogique. Beaucoup de nos concitoyens et certains professeurs ont encore cette vision des mathématiques comme celle d'une discipline complètement abstraite. Ils ont parfois raison : les maths, c'est souvent ça, mais au niveau de la recherche. Au niveau des enfants, ça ne devrait pas être ça.

L'approche des mathématiques est trop conceptuelle. Si on veut apprendre les fractions, il faut commencer par les tartes !

Et les autres raisons, alors ?

Une autre explication vient des manuels scolaires : ils sont d'une tristesse ! Ce sont souvent de longues suites d'exercices qui se ressemblent toutes, et qui ne sont pas connectées avec les problèmes du quotidien.

Les programmes ne sont pas foncièrement mauvais, mais les manuels sont un problème. Beaucoup ne sont pas drôles et ne donnent pas envie de faire des maths, alors que les maths, c'est drôle, je peux vous le garantir !

Enfin, la troisième explication relève de la formation des enseignants. Au primaire, certains sont perdus face aux maths car ils n'ont pas été suffisamment formés et n'ont, pour la plupart, pas de cursus universitaire scientifique. Dans leur classe, ils sont désemparés, parfois apeurés. Et certains vont faire beaucoup plus de français que de mathématiques et de sciences pour cette raison.

Pourquoi ne pas faire des dictées où on parlerait de maths, de physique ou de sciences naturelles ? C'est tout à fait faisable et pas très difficile.

Depuis 2018, des formations ont pourtant été mises en place pour y remédier…

Le plan mathématiques Villani-Torossian que vous évoquez est une excellente idée, mais comme il n'y a pas assez d'enseignants pour remplacer ceux qui partent en formation, certaines ne sont pas faites.

En matière de formation, il y a une bonne nouvelle : le projet d'instaurer le concours à bac +3. Les étudiants qui deviendraient professeurs des écoles pourraient être payés deux ans au lieu d'une année aujourd'hui. Il faut des étudiants qui deviennent élèves-fonctionnaires le plus tôt possible.

Faut-il réinventer les écoles normales, comme l'a souhaité Emmanuel Macron ?

L'école normale était une bonne chose. L'idéal serait d'avoir, pour les étudiants qui veulent devenir professeur des écoles, trois années de licence pluridisciplinaire, avec un mélange d'histoire, de maths, etc., dans le cadre d'une formation universitaire de qualité - et qui doit rester la mission de l'université.

Aujourd'hui, la formation n'est pas adaptée aux professeurs des écoles. Et la racine de nos problèmes en mathématiques est à l'école primaire. C'est aux universités de relever le défi et de concevoir des formations destinées à de futurs enseignants.

En entrant au CP, les filles sont meilleures en maths que les garçons, mais moins bonnes quelques mois plus tard. Pourquoi ?

Et cela se confirme en milieu de CE1 ! Ce glissement est vraiment perturbant, d'autant que la plupart des professeurs des écoles sont des femmes.

La seule conclusion que je peux en tirer, c'est celle de biais sociaux-culturels implicites que même les maîtresses ne maîtrisent pas. Il y a une tendance à penser que le petit garçon sera meilleur en maths et la petite fille, moins bonne… Les adultes projettent leur vision sur les enfants. On peut espérer que la formation des maîtres puisse les préparer à cela.

Comment enseigner les mathématiques ?

Les maths doivent être enseignées à travers les sciences, à l'école primaire comme au lycée. Dans la réforme du lycée, l'idée de l'enseignement scientifique était excellente. Mais elle a échoué parce qu'on demandait aux professeurs des choses pour lesquelles ils n'avaient pas été formés. On les a mis dans une situation où ils devaient changer de méthode, sans les accompagner dans cette bifurcation dans laquelle professeurs de mathématiques, de physique et de sciences et vie de la Terre devaient travailler ensemble.

Faut-il alors s'inspirer du lycée professionnel et de leurs professeurs de maths-sciences ?

Exactement… mais c'est un chiffon rouge. Et ce n'est pas depuis l'académie des Sciences, d'où je ne vois qu'une petite partie du sujet, que je peux dire cela. Il faut aussi écouter les enseignants qui font du bon boulot en général. C'est important.

La situation actuelle, en tout cas, n'est la faute ni des élèves, ni celle des professeurs.

Marie-Christine Corbier

https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/etienne-ghys-la-racine-de-nos-problemes-en-mathematiques-se-situe-a-lecole-primaire-2038795?utm_source=pocket-newtab-fr-fr

Baccalauréat : "Nos élèves ont un niveau moyen ou même médiocre, il y a lieu de s’inquiéter", selon le mathématicien Martin Andler

Le mathématicien Martin Andler estime sur franceinfo mercredi qu'il y a peu d'élèves en France actuellement capables de suivre des études scientifiques du fait de leur niveau en mathématiques trop faible.

Faut-il s’inquiéter du niveau moyen des bacheliers en France ? Pour Martin Andler, professeur émérite de mathématiques à l’université de Versailles Saint-Quentin, interrogé ce mercredi sur franceinfo, "il y a lieu de s’inquiéter". Il s’appuie sur des études internationales qui montrent que "nos élèves ont un niveau moyen ou même médiocre". L’étude internationale consacrée aux mathématiques et aux sciences (TIMMS) place la France "en queue de tous les pays avancés. C’est une très, très, très mauvaise nouvelle", s’inquiète-t-il. 

franceinfo : Le taux de réussite au bac a beaucoup augmenté, cependant...

Martin Andler : Le bac était avant un diplôme d'accès à l'enseignement supérieur qui qualifiait, maintenant c'est plutôt un diplôme de fin d'études qui certifie que les gens ont atteint un niveau correct à la fin de leurs études secondaires. On est passé quand même de 60%-65% de réussite au baccalauréat à 90% de réussite. Ce n'est pas parce que brusquement le niveau a beaucoup augmenté, c'est que la nature de l'examen a changé. On a quand même des indications par des études internationales. Selon l’étude du Programme International pour le Suivi des Acquis des Élèves (PISA) et l'étude internationale consacrée aux mathématiques et aux sciences (TIMMS), montrent que nos élèves ont un niveau moyen ou même médiocre. L’étude TIMMS nous met tout à fait en queue de tous les pays avancés. C’est une très, très, très mauvaise nouvelle. On considère en général que ces études sont plutôt fiables. Mais quand on voit qu'on est placé en avant-dernière ou dernière position de tous les pays riches dans l'étude TIMMS, il y a lieu de s'inquiéter.

Le niveau s’est-il écroulé ces dernières années ?

Il y a eu une étude TIMMS au niveau de la terminale que la France à faite il y a 20 ans. Et puis, elle l'a fait de nouveau il y a deux ans. En vingt ans, nos élèves avaient perdu 100 points sur à peu près 600. Donc, c'est une très, très grosse diminution du niveau de nos élèves en terminale scientifique.

Le retour des mathématiques dans le tronc commun est donc une bonne nouvelle ?

Remettre une heure trente dans le tronc commun, de mon point de vue, c'est du bricolage, un sparadrap qui ne va pas vraiment changer la situation. Ensuite, quand on parle du niveau moyen, il faut s'entendre sur ce qu'on dit. Est-ce qu’on a besoin de former des scientifiques de haut niveau ? On a besoin de cadres scientifiques, d'ingénieurs. On a besoin de professeurs de mathématiques. Puis on a besoin de gens qui vont faire des études dans lesquelles les mathématiques jouent un rôle, mais pas un rôle central, comme en médecine ou en économie. Et puis, on a besoin que tout le monde ait un niveau de mathématique qui leur permette d'être des citoyens efficaces. Ce n’est pas les mêmes questions. En ce moment, à tous les niveaux, il y a une inquiétude. Par exemple, l'étude TIMMS montre que nous avons très, très peu de bons étudiants, de bons élèves qui sont capables de suivre des études scientifiques.

Pourtant, le Français Hugo Duminil-Copin est lauréat 2022 de la médaille Fields. Comment expliquer ce paradoxe ?

La France produit efficacement des mathématiciens et chercheurs de premier plan. On produit plusieurs dizaines, peut-être une petite centaine de très, très bons mathématiciens chaque année, qui font des doctorats. Là, c'est une question qui concerne 800 000 élèves d'une classe d'âge. Ce n'est pas la même question.

 
Radio France
 
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https://www.francetvinfo.fr/societe/education/baccalaureat-nos-eleves-ont-un-niveau-moyen-ou-meme-mediocre-il-y-a-lieu-de-sinquieter-selon-le-mathematicien-martin-andler_5240773.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220708-[lespluspartages/titre2]

les maths pour mieux comprendre le Covid-19

Comment les modèles mathématiques peuvent-ils aider à la prise de décision en ces temps de crise sanitaire? Et comment parviennent-ils à intégrer les informations et incertitudes en cours? Le mathématicien Pascal Crépey et son équipe travaillent d’arrache-pied sur ces prévisions… Interview.

La modélisation mathématique d'une épidémie a pour objectif d'évaluer les hypothèses en cours afin d'indiquer une tendance. Le mathématicien Pascal Crépey de l'Ecole des hautes Etudes en Santé Publique de Rennes a répondu aux questions de Sciences et Avenir.

Comment modéliser une épidémie ?

 

Les épidémies -comme de nombreuses lois naturelles- commencent toutes selon une dynamique qui obéit à une fonction exponentielle. Il s'agit d'une fonction mathématique qui " tend vers l'infini ". Ce qui signifie que le nombre d'infectés augmente de plus en plus vite au cours du temps. Bien sûr il s'agit là d'un modèle grossier du départ de l'épidémie, qui ne tient compte ni des données de la transmission, ni des mesures sanitaires.  Puis, il nous faut comprendre comment se transmet la maladie. Pour cela il faut comprendre le déroulé de la maladie, son " histoire naturelle ", c'est-à-dire sa période d'incubation, sa contagiosité, etc... Cela permet d'élaborer un premier modèle spécifique. Le plus simple est le modèle SIR, où toute la population peut être partagée en trois états : sains, infectés, rétablis. La dynamique de la maladie dépend des échanges entre ces trois boîtes, aussi appelés " compartiments ". Mais il y a aussi des maladies qui ne nécessitent que deux boites seulement : pour le VIH, il n'y a que des personnes saines ou infectées, même si les effets de cette infection peuvent être aujourd'hui contrôlés.

Ce modèle SIR à trois compartiments représente-t-il le Covid-19 ? 

 

Non, les spécificités de ce virus nécessitent des modèles plus complexes. Par exemple il faut s’interroger sur la durée de l’incubation, ou sur la présence de personnes ne présentant pas de symptômes après leur infection, mais qui pourtant participent à la propagation et envisager des compartiments pour ces différents états. Nous avons, dans notre premier travail qui date de mi-mars, utilisé un modèle à 4 boîtes, appelé SEIR en y ajoutant une boite supplémentaire, E qui désigne les personnes ayant été exposées mais qui ne présentent pas encore de symptômes. Nous travaillons aujourd’hui -pour une toute prochaine publication- sur un modèle à 8 compartiments qui sera capable de tenir compte des personnes qui restent asymptomatiques après avoir été infectées, de celles qui commencent à être contagieuses quelques jours avant l’apparition des symptômes, des personnes hospitalisées et enfin des personnes contaminées qui demeurent confinées au sein de leur famille.

Comment s’effectuent les échanges entre ces boîtes ?

 

C’est là toute la difficulté ! Il faut considérer ces échanges comme des flux qui passent d’un compartiment à l’autre. Cette variation dans le temps nous permet de les représenter grâce à des équations différentielles, comme de nombreux phénomène physique. Mais pour capturer le phénomène de propagation correctement, il y a de nombreux paramètres à considérer et intégrer au modèle. Il faut tenir compte des contacts inter-individus qui varient en fonction des tranches d’âge, des profils démographiques des populations, et des risques de développer des formes sévères de la maladie, qui dépendent fortement de l’âge des patients. Nous savons, par exemple, que les contacts entre personnes ne sont pas totalement aléatoires : nous avons tendance à avoir beaucoup plus de contacts avec des personnes de notre âge, les enfants ont beaucoup de contacts entre eux mais aussi avec leurs parents et leurs grands-parents, et les résidents des foyers médicalisés ont des contacts uniquement avec le personnel soignant et leur famille, quand elle était encore autorisée à leur rendre visite. En bref, la structure de la population est importante dans les phénomènes de propagation, et elle va avoir un effet sur un autre paramètre primordial dans nos modélisations, le R0.

Que représente exactement ce paramètre R0 ?

On peut définir le paramètre R0 par le nombre moyen de personnes qui seront infectées au contact d’une personne contagieuse, lorsque toute la population est encore saine et qu’il n’y a pas de mesures de contrôle. Ce paramètre peut aussi être vu comme le produit de trois paramètres : la probabilité d’infecter une personne saine lors d’un contact, la durée de la période infectieuse, et le nombre de contact moyen entre individus. Tout l’enjeu de la gestion de cette crise est de diminuer sa valeur…  Or, les deux premiers paramètres – qui représentent le taux et la durée de la contagion- sont spécifiques à chaque virus. L’usage des masques chez les personnes infectées permet de diminuer leur probabilité de transmission et l’isolement de ces personnes dès qu’ils présentent des symptômes permet de raccourcir la période pendant laquelle ils vont contaminer leurs contacts. Mais dès que l’on est plus en mesure de repérer toutes les personnes infectées, il ne reste plus qu’à diminuer le nombre de contact moyen entre individus. Et c’est là toute la finalité du confinement.

Quelle est la valeur actuelle de ce paramètre et comment évolue-t-il ?

Difficile de répondre précisément à cette question. Précisons que la valeur de R0 pour des maladies comme la coqueluche ou la rougeole, très contagieuses, se situe autour de 15 ! Chaque personne infectée transmet donc à 15 individus en moyenne. Comparativement pour le virus de la grippe, le R0 est de l’ordre de 1.5. Pour le Covid-19, il a été estimé qu’avant les mesures de confinement, sa valeur était autour de 3… Ce qui signifie que chaque personne infectée allait à son tour infecter en moyenne jusqu’à 3 personnes. Pendant l’épidémie, et avec des mesures de contrôle de celle-ci, on ne parle plus de R0 mais plus simplement de nombre de reproduction (R). Aujourd’hui nous ne sommes pas en mesure d’estimer précisément sa valeur, essentiellement parce que nous ne pouvons pas voir toutes les infections, donc nous nous basons sur les hospitalisations pour faire nos calculs et qu’il y a forcément un délai de latence entre le moment de l’infection et le début d’une éventuelle forme sévère. Si la valeur de R devient égale à 1, cela signifie que le nombre d’infectés reste constant. L’objectif du confinement et des autres mesures est que la valeur de R devienne inférieure à 1. Dans ce cas, comme en démographie les « générations » de personnes infectées ne se renouvelleront plus, et l’épidémie touchera progressivement à sa fin. D’un point de vue théorique, si le confinement des individus était total, il n’y aurait plus de contacts entre individus, donc plus de transmissions. R serait égal à 0 et deux semaines suffiraient à éteindre l’épidémie. Mais c’est une hypothèse théorique totalement impossible à réaliser.

Comment parvenez-vous à tester vos modèles ?

Précisons avant tout qu’un modèle est par définition une abstraction de la réalité, une simplification majeure de celle-ci. Son rôle n’est pas de reproduire la réalité mais d’essayer de mieux la comprendre, d’évaluer des hypothèses pour indiquer une tendance. Un signe encourageant est que les conclusions de notre précédent travail se trouvent plutôt confirmées : nous cherchions à prévoir comment le système de santé pouvait absorber l’épidémie sur un mois. Le but était d’essayer de faire des projections à partir de la synthèse  des connaissances actuelles de la maladie (connaissances qui ont déjà évolué depuis). Nous avons considéré trois scénarios avec trois valeurs de R0 : un cas optimiste où R0 vaut 1,5 (chaque personne infectée parvient à infecter en moyenne 1,5 personnes), un médian où R0 égale 2,25 et un plus pessimiste où R est de 3 …  Nos estimations montrent qu’en l’absence de confinement, entre le 10 mars et le 14 avril la France aurait connu plus de 11000 morts et 40 000 cas graves. Avec un R0 =3, le modèle montre que toutes les capacités de réanimation en France allaient être dépassées avant le 15 avril. Dans un scénario médian, la Corse, le Grand Est et la Franche Comté allaient être dépassées. Pour la Corse et le Grand Est notre estimation est tombée juste : nous avions prévu que la saturation des services allait survenir le 21 mars, cela a eu lieu -avec les premiers transferts de patients dès le 20 mars.

Mais notre modèle n’avait pas prédit qu’en Ile de France les capacités de réanimation allaient être dépassées dès fin mars. Dans le pire des scénarios, on avait prévu le 1er avril. Ce qui nous laisse penser, a posteriori, que fin mars, la dynamique de l’épidémie suivait notre tendance pessimiste, c’est-à-dire R0=3. Aujourd’hui les effets du confinement commencent à se faire sentir mais nous ne connaissons pas encore l’allure de cette décroissance.

Quelles sont les limites de vos modèles ?

Comme tout modèle, nous simplifions la réalité, c’est là la principale limite, ensuite nous nous basons sur les observations du terrain, qui elles aussi peuvent déformer la réalité. Concernant les données chinoises et italiennes que nous avons utilisées, nous ignorons dans quelles conditions et selon quels critères elles ont été recueillies. Il faut bien comprendre que ces statistiques « de crise » n’ont pas été recueillies dans le but de constituer des données scientifiques fiables dont on peut disposer en temps normal. Certains cas n’ont sûrement pas pu être comptabilisés, tels que les personnes âgées qui meurent avant même d’avoir pu être diagnostiquées, et cela indépendamment de l’enjeu politique à révéler ou pas un nombre de cas importants. Mais dans l’urgence nous sommes contraints de nous en satisfaire…

Azar Khalatbari le 04.04.2020 à 20h00

Mesurer la Terre avec un bâton et un chameau

 

Eratosthène est né en l'an 276 avant J-C à Cyrène, une ville située aujourd'hui en Libye. Il passe sa jeunesse à Athènes ; il est déjà reconnu pour ses nombreuses compétences, car Eratosthène est un touche-à-tout, à la fois géographe, philosophe, astronome, poète, mathématicien.

 

Vers l'an 245 av. J-C, il est appelé en Egypte pour assurer l'éducation de Ptolémée IV, le fils du pharaon et à partir de -221 il devient directeur de la bibliothèque d'Alexandrie. Cette dernière est l'oeuvre de Ptolémée 1er, qui en a fait le plus grand centre culturel de l'Antiquité, avec plus de 400 000 ouvrages disponibles (on y trouve en particulier les écrits de Sophocle, Euripide, Homère, Hippocrate et Aristote).


 

Ayant ainsi accès à toutes les connaissances de l'époque, Eratosthène se lance dans différents travaux qui le rendront célèbre :

 

  • en observant la position du Soleil à Syène puis à Alexandrie au moment du solstice d'été, il parvient à déduire avec une bonne précision la circonférence de la Terre.
  • Inventeur du mot géographie, il étudie les différentes zones climatiques, les altitudes des montagnes, la répartition des continents et des océans.
  • Passionné d'astronomie, il réalise un catalogue de plus de 600 étoiles et 44 constellations. Il parvient aussi à calculer l’obliquité de l’écliptique (l'inclinaison de l’axe de la Terre par rapport à son axe de rotation autour du Soleil) avec une bonne précision.
  • En mathématiques il invente un procédé (le crible d'Eratosthène) permettant de trouver les nombres premiers.
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Devenu aveugle, Eratosthène se laisse mourir de faim en l'an 194 av. J-C.

 

en cliquant sur le lien, vous aurez la vidéo de démonstration de l'expérience qu'il a réalisé pour calculer la circonférence de la Terre...

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