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Afghanistan, Émirat islamique

Publié le par ottolilienthal

les talibans se déchirent sur la question de l’éducation des femmes...

Plusieurs ministres opposés à la ligne dure du chef suprême ont dû quitter le pays. Il s’agit de la plus grave crise interne qu’aient connue les talibans depuis qu’ils ont repris le pouvoir, en août 2021...

“Les talibans sont confrontés à une révolte interne au sujet des droits des femmes”, indique The Telegraph, et cela “pourrait déboucher sur un véritable conflit en Afghanistan”. Le mollah Haibatullah Akhundzada, chef suprême du pays et leader du mouvement fondamentaliste islamiste, est confronté à une rébellion de la part de plusieurs ministres de haut rang. Ces derniers sont en désaccord sur les très strictes restrictions imposées aux femmes, interdites de participer à la vie économique, et aux filles, privées d’éducation.

Parmi les frondeurs figurent Sirajuddin Haqqani, ministre de l’Intérieur, Mohammad Yaqoob, ministre de la Défense, et Sher Mohammad Abbas Stanikzai, vice-ministre des Affaires étrangères. Ces derniers souhaiteraient que les talibans soient plus progressistes.

Cadres talibans en fuite

Après avoir émis des critiques à l’égard du chef suprême, Sher Mohammad Abbas Stanikzai a fait l’objet d’un mandat d’arrêt et a pris la fuite vers Dubaï. Sirajuddin Haqqani aurait également quitté le pays. Des soldats ont été déployés à l’aéroport de Kaboul pour empêcher d’autres hauts dirigeants de partir à l’étranger. Il s’agit de la plus grave crise interne qu’aient connue les talibans depuis qu’ils ont repris le pouvoir en Afghanistan, en août 2021.

Le conflit qui fait rage au sein de la direction des talibans a été révélé par des messages audio ayant fuité, poursuit le quotidien britannique. Sher Mohammad Abbas Stanikzai a ainsi déclaré :

“Les restrictions imposées aux femmes sont la volonté personnelle de certains anciens talibans et sont contraires à l’islam.”

“L’obéissance à un chef est conditionnelle, et si un chef s’écarte du droit chemin ou émet des décrets nuisibles, il ne doit pas être suivi”, a-t-il également affirmé.

Le mois dernier, lors d’une cérémonie de remise des diplômes dans le sud-est de la province de Khost, près de la frontière afghano-pakistanaise, Sher Mohammad Abbas Stanikzai a réitéré ses critiques envers la politique du chef suprême, comme l’avait rapporté le Guardian : “Nous sommes injustes envers 20 millions de personnes. Il n’y a aucune justification à cela, que ce soit aujourd’hui ou à l’avenir. À l’époque du prophète Mahomet, les portes du savoir étaient ouvertes aux hommes comme aux femmes.”

Peu après ce discours, “Akhundhzada a ordonné son arrestation afin de faire taire les dissidents au sein de la direction”, mais “Stanikzai s’est enfui aux Émirats arabes unis avant que les autorités ne puissent l’arrêter”, précise le Telegraph.

La faction dure de Kandahar

Haqqani et Yaqoob sont sur une ligne similaire et s’opposent à la “monopolisation” du pouvoir par la faction dure d’Akhundzada, qui vit reclus à Kandahar. Haqqani, le ministre de l’Intérieur, se trouve entre Dubaï et Riyad depuis le 22 janvier.

“Une scission officielle au sein des talibans pourrait affaiblir leur mainmise [sur l’Afghanistan], en provoquant des luttes intestines, des défections et une perte d’autorité centralisée”, prévient le Telegraph.

“La direction suprême à Kandahar conserve son autorité, et rien n’indique une quelconque mutinerie”, juge néanmoins Michael Kugelman, du groupe de réflexion Wilson Centre, cité par le Telegraph. “Nous constatons d’importantes dissensions de la part de certains dirigeants, mais il ne s’agit pas de quelque chose qui s’est transformé en une forme de rébellion interne plus large”, poursuit-il.

Lutte entre deux factions

L’absence simultanée de plusieurs hauts responsables talibans “est le signe d’une escalade des tensions entre la faction kandaharie et le réseau Haqqani”, juge au contraire Amu TV.

“Ces absences témoignent clairement de l’intensification des conflits entre les dirigeants, notamment en ce qui concerne la consolidation du pouvoir par Akhundzada”, a indiqué l’une des sources citée par Amu TV, un média à destination des Afghans.

“Les talibans ont toujours essayé de se présenter comme un front uni sous l’égide d’un chef suprême. Mais, aujourd’hui, nous voyons des voitures à Kaboul avec des photos de Sirajuddin Haqqani et des banderoles indiquant ‘Réseau Haqqani’. C’est un message clair : ils ne veulent plus obéir à Kandahar”, a déclaré au Telegraph un médecin de Kaboul.

Pakistan et Afghanistan : quand l’allié taliban devient l’ennemi...

Depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021, les relations entre Islamabad et Kaboul n’ont cessé de se dégrader. La “profondeur stratégique” jadis mise au point le Pakistan se retourne désormais contre lui, analyse “Gandhara”, le journal en ligne de la station Radio Free Europe/Radio Liberty...

C’était quelques jours après la prise du pouvoir par les talibans en août 2021. Le lieutenant général Faiz Hameed, puissant chef des célèbres services secrets extérieurs pakistanais, arpente Kaboul en vainqueur. Puis, dans un hôtel cinq étoiles de la capitale, le sourire aux lèvres et une tasse de thé à la main, il rassure un journaliste occidental : “Je vous en prie, pas d’inquiétude… Tout va bien se passer.”

En aidant les talibans à s’emparer du pouvoir, Islamabad pensait avoir remporté une victoire stratégique. Plus de trois ans plus tard, ce sentiment s’est évaporé : le gouvernement taliban a acquis le statut d’ennemi numéro un du Pakistan.

Islamabad accuse les talibans d’abriter le mouvement Tehrik-e Taliban (TTP), responsable de la mort de centaines de ses soldats depuis 2021. Et malgré les nombreuses frappes aériennes pakistanaises sur les positions présumées du TTP en Afghanistan, doublées d’avertissements diplomatiques, les talibans n’ont jamais imposé leur contrôle sur ce groupe armé, comme l’a réclamé à plusieurs reprises le Pakistan.

Du conflit à la guerre

Durant l’été, le principal poste frontalier entre les deux pays, Torkham, est ainsi resté fermé plusieurs jours après des échanges de tirs qui ont blessé des combattants talibans et des soldats pakistanais, et coûté la vie à trois civils afghans pris entre les feux. On recense de tels affrontements presque toutes les semaines le long des 2 500 kilomètres de frontière.


Les fermetures fréquentes des frontières et l’expulsion de près d’un million d’Afghans appauvris du Pakistan n’ont pas non plus réussi à faire pression sur les dirigeants actuels de l’Afghanistan pour qu’ils acceptent les demandes d’Islamabad.

. « La situation a changé de sens », a déclaré Ihsanullah Tipu Mehsud, directeur des nouvelles au Khorasan Diary, un site web qui suit les groupes militants en Afghanistan et au Pakistan. « Il y a maintenant une situation de conflit qui se rapproche d’une guerre. »

Dans un geste de conciliation le 14 août, jour de l’indépendance du Pakistan, le puissant chef de l’armée pakistanaise, le général Asim Munir, a demandé au gouvernement dirigé par les talibans d’être à la hauteur du désir d’Islamabad d’établir des relations cordiales et coopératives.

Il a demandé au gouvernement dirigé par les talibans de ne pas "prioriser" les liens avec le TTP sur les relations avec le Pakistan.

"Tout comme le Pakistan vous a toujours aidé, vous devriez nous rejoindre pour finir ce fléau", a-t-il déclaré à un rassemblement de nouveaux diplômés militaires.

Mais Michael Semple, ancien conseiller de l’UE et des Nations unies en Afghanistan, a déclaré à RFE/RL qu’il serait difficile pour les talibans d’abandonner la campagne du TTP qui dure depuis près de deux décennies.

"Le niveau de soutien que [les militants du TTP] reçoivent des talibans afghans peut-il changer?" a demandé Semple, professeur à l’université de Queen à Belfast.

Après le retour au pouvoir des talibans, le TTP a émergé avec une nouvelle vigueur. Il s’était retiré en Afghanistan en 2014 après qu’une opération militaire pakistanaise et des attaques de drones par les États-Unis aient décimé ses rangs et son leadership.
 
En tant qu’allié idéologique et organisationnel, le TTP a cloné les tactiques d’insurrection des talibans. Il a principalement ciblé les forces de sécurité tout en établissant un gouvernement fantôme pour contester l’autorité d’Islamabad dans certaines régions frontalières.
 

Semple a déclaré qu’il y avait maintenant "des preuves croissantes" que la Direction générale du renseignement, le service d’espionnage taliban, soutient le TTP avec la bénédiction de son chef suprême, le mollah Haibatullah Akhundzada.

« Il y a ce rêve d’atteindre la profondeur stratégique - être en quelque sorte le partenaire principal dans la livraison d’un système basé sur la charia au Pakistan », a-t-il dit.

La "profondeur stratégique" était autrefois une doctrine militaire pakistanaise. Après qu’Islamabad soit devenu un état de première ligne contre l’occupation soviétique de l’Afghanistan en 1979-1989, ses planificateurs militaires ont poussé pour finalement dominer le pays voisin afin qu’il puisse être utilisé comme base arrière en cas de guerre avec l’Inde.

À Islamabad, Mehsud a déclaré qu’un nombre considérable de combattants talibans afghans semblent être intégrés dans le TTP. Il a fait remarquer que certains ecclésiastiques alliés des talibans ont à plusieurs reprises émis des fatwas ou des décrets religieux soutenant la campagne du TTP au Pakistan.

 "Les choses vont continuer à empirer", a-t-il dit, ajoutant que le gouvernement pakistanais affirme qu’au moins 15 kamikazes qui ont mené des attaques au Pakistan étaient des ressortissants afghans.

Mais Sami Yousafzai, un journaliste et commentateur afghan vétéran, a déclaré que le sentiment anti-pakistanais élevé parmi les Afghans qui accusent Islamabad de leur misère a poussé les talibans à adopter des positions publiques dures contre Islamabad.

"Être considéré comme un substitut pakistanais par les Afghans est un inconvénient majeur pour les talibans", a-t-il déclaré.

Le soutien militaire secret d’Islamabad a permis aux talibans de balayer la majeure partie de l’Afghanistan en 1996. Le Pakistan a ensuite rejoint l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour reconnaître officiellement le premier gouvernement dirigé par les talibans après la prise de Kaboul en septembre 1996.

. Cette relation est parfois très tendue, mais ils peuvent toujours parvenir à une entente.

Hameed Hakimi, expert en Afghanistan au Chatham House de Londres, voit les relations entre les talibans et le Pakistan évoluer vers une plus grande interdépendance.

Il a déclaré qu’Islamabad ne rechercherait probablement pas "l’instabilité dans les relations" avec l’Afghanistan à un moment où l’Inde consolide son rôle d’hégémonie régionale en raison de sa puissance mondiale croissante.

Il a déclaré que les relations des talibans avec les factions islamistes pakistanaises sont beaucoup plus profondes que leurs liens avec le système de sécurité d’Islamabad.

"Ces contacts et réseaux entrent immédiatement en jeu lorsqu’il y a un risque d’escalade de la violence entre Kaboul et Islamabad", a-t-il déclaré à RFE/RL

https://www.rferl.org/a/afghanistan-pakistan-taliban-ttp-terrorism/33078685.html

Chute de Kaboul : faillite politique aux conséquences générationnelles

Après 20 ans de conflit en Afghanistan, l’été 2021 a connu l’un des événements les plus lourds de conséquences sur la scène internationale, quand le retrait des troupes américaines a laissé place à une avancée éclair des talibans, avec comme point d’orgue la prise de la capitale. Un échec diplomatique cuisant pour l’Occident, qui doit lui servir de leçon d’humilité, disent des experts.

Les consignes sanitaires québécoises prônant de rester chez soi ont un triste air de déjà-vu pour Shoaib Shamsi, qui a atterri ici au début du mois de décembre. Craignant pour sa vie, le jeune Afghan de 23 ans a passé près de quatre mois enfermé dans sa résidence après la prise de Kaboul par les talibans, le 15 août dernier. « On avait peur qu’ils me trouvent, parce que j’ai travaillé trois ans pour l’ambassade américaine », raconte le jeune homme, rencontré dans un parc de Sherbrooke par un froid glacial.

Shoaib Shamsi se souvient très bien du moment où Kaboul est tombée. Il dormait après un quart de travail de nuit et a été réveillé dans la panique. « Ma famille m’a dit que les talibans venaient de rentrer dans Kaboul. On avait peur des attaques », dit-il, décrivant la cohue qu’il a pu observer lors d’une brève sortie dans les rues. « Tout le monde voulait aller à l’aéroport. Mais il y avait des talibans partout. »

 

Impossibles à oublier, les images d’Afghans s’accrochant aux ailes d’un avion avaient semé l’effroi autour du globe. Elles venaient rappeler que la mission de démocratisation menée pendant 20 ans par l’Occident a été un « échec retentissant », comme le souligne Jonathan Paquin, professeur au Département de sciences politiques de l’Université Laval. « Ça a été une défaite immense qui nous montre à quel point les missions de nation building, l’idée selon laquelle il est possible de renverser un régime hostile et non démocratique et de remplacer ces régimes par des gouvernements plus enclins à nos intérêts, ne fonctionnent pas. C’est une grande leçon d’humilité, en fait. »

« Plus qu’un événement majeur en 2021, la chute de Kaboul aura été l’échec d’une génération », poursuit-il en rappelant qu’au plus fort de la mission de l’OTAN, 140 000 soldats avaient été déployés sur le territoire afghan.

Déclenchée après le 11 septembre 2001 pour démanteler un réseau terroriste en s’attaquant à sa tête dirigeante, Oussama ben Laden, l’intervention se sera prolongée bien au-delà de la mort de ce dernier, survenue en 2011. Elle aura été menée à fort prix, en milliards de dollars et en milliers de pertes de vies humaines. « On est restés pour stabiliser le pays et continuer à s’imposer, mais tout ça était inutile. Il n’y avait pas moyen d’établir une démocratie en plein cœur de l’Asie centrale. C’est une idée folle qui démontre à quel point on est présomptueux en Occident », soutient le politologue.

Les ratés du Canada

Lors de la chute de Kaboul, à 10 000 km de son époux, Alina Mirzai, une réfugiée afghane qui vit à Sherbrooke avec sa famille depuis 2015, se faisait un sang d’encre. D’autant qu’elle n’avait aucune nouvelle de sa demande de réunification familiale, déposée en mars 2020. « J’ai appelé l’immigration, mais on m’a dit qu’il n’y avait rien à faire », raconte celle qui a finalement obtenu une réponse positive au début du mois d’octobre.

Si le gouvernement canadien a été prompt à annoncer l’évacuation des Afghans, et en priorité de ceux qui avaient travaillé pour le gouvernement canadien, force est d’admettre qu’il peine à tenir sa promesse. Plus de quatre mois plus tard, sur les quelque 40 000 réfugiés qu’il souhaitait accueillir, à peine 5000 sont arrivés. « C’est une goutte d’eau », indique le travailleur humanitaire et directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal, François Audet. « À ce rythme-là, ça va prendre des années à faire venir ces réfugiés. »

Il dit se poser de sérieuses questions sur la stratégie de cette évacuation, qui peut paraître arbitraire. « En fonction de quels choix et de quelle vulnérabilité on accueille les gens ? » Il rappelle qu’à l’époque de l’accueil des Syriens, en 2015, le choix des réfugiés pouvait se faire en fonction de leur capacité d’intégration, or les familles les mieux nanties et éduquées avaient la priorité. « Est-ce que le Canada fait cette instrumentalisation politique avec les Afghans ? […] Je ne connais pas les ratios, mais je sais de source sûre qu’une bonne partie d’entre eux ne sont pas parmi les plus vulnérables. »

Selon Jonathan Paquin, le Canada a surtout réagi trop tardivement, même s’il savait que les troupes américaines allaient avoir quitté le pays le 31 août. Les militaires étaient partis, mais un bon nombre de civils reliés au Canada demeuraient toujours au pays. « Quand on accepte d’être un allié pour faire tomber un régime, il faut réfléchir aux possibilités d’un échec. Et quand on rentre dans un magasin de porcelaine et qu’on casse le tiers des objets, on en est responsable », avance le politologue, disant tenir cette analogie de Colin Powell, ex-secrétaire d’État américain.

Selon François Audet, l’Afghanistan aura été un laboratoire d’essai sur le plan du développement humanitaire et stratégique. « Il y aura eu un avant- et un après-Afghanistan. Et en matière de normes et de pratiques humanitaires, ça n’a pas seulement influencé le Canada, mais la planète entière. […] Car si les organisations d’aide humanitaire voulaient de l’argent pour leur projet, il fallait passer par là », dit-il. L’Afghanistan est l’un des pays qui a reçu le plus d’argent en aide humanitaire dans les 20 dernières années. Selon les estimations canadiennes, en 2022, 24 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire, soit 6 millions de plus qu’en 2021.

Shoaib Shamsi espère plus que tout être capable, quel que soit le moyen, de faire venir auprès de lui sa mère, son beau-père et toute sa fratrie. « Ils sont pris là-bas. Ce n’est pas facile pour eux, il n’y a pas d’emploi », déplore le jeune homme, qui semble pétri d’inquiétudes pour ses proches. Des inquiétudes qui, pour l’instant, semblent momentanément engourdies par la froidure de décembre, mais surtout le bonheur d’avoir enfin retrouvé sa bien-aimée.

Les révélations d'un diplomate français sur les talibans

Dans un ouvrage à paraitre, "Déjeuners avec les talibans" le diplomate Jean-Yves Berthault livre un témoignage saisissant sur ceux qui ont défait les Américains. Selon lui, il est indispensable de maintenir le dialogue avec les maitres de Kaboul. 

Un diplomate français, Jean-Yves Berthault, auteur de "Déjeuners avec les talibans" estime qu'il ne faut pas couper les pont avec les nouveaux maitres de l'Afghanistan.

 
 
français de l'Afghanistan. Ce diplomate, qui fut à trois reprises en poste à Kaboul, partage des témoignages saisissants dans "Déjeuners avec les talibans" (éditions Saint-Simon, en librairie le 2 septembre) sur ces fameux "étudiants en théologie" qui ont pris le contrôle du pays en quelques semaines. Secrétaire d'ambassade de 1979 à 1981 (départ des soviétiques), il fut ensuite chargé de mission et conseiller politique pour l'ONU puis chef de poste à l'ambassade de France à la fin des années 1990. 

 

Challenges: Les talibans maitres de Kaboul avec qui vous déjeuniez sont-ils les mêmes que ceux d'aujourd'hui?  

 

Jean-Yves Berthault: Ce ne sont pas les mêmes que ceux que j'ai connus après la prise de Kaboul à la fin des années 1990. Beaucoup sont morts ou ont disparu. Les maitres actuels de l'Afghanistan ont la même idéologie, mais ils ne descendent pas de leur montagne comme leurs prédécesseurs. Ils ont connu le monde. Beaucoup de leurs leaders ont été accueillis magnifiquement à Doha et connaissent les codes d'un Islam plus qu'aisé. Ils ont mené des négociations internationales, sont en contact avec le monde extérieur. Il est certain que l'avidité va jouer un rôle dans l'avenir, comme il en a joué un dans l'histoire récente de ce pays. 

Les Américains vont ils continuer à financer la "transition" suite à leur départ, après une telle humiliation? 

 
 
 
 

Je le crois. Washington n'a pas intérêt à laisser la place à d'autres. Russes et Chinois sont sur les rangs, sans doute aussi la Turquie, sans parler du Pakistan. Mais les subsides américains n'auront rien à voir avec ce qu'ils ont dépensé ces dernières années. 

Où sont passés les 1000 milliards de dollars dépensés par Washington ces deux dernières décennies? 

Plusieurs centaines de millions sont partis dans les poches des commandants moudjahidines à qui les Américains ont voulu faire confiance. C'est l'une de leurs grandes erreurs:  en 2001, il fallait les désarmer plutôt que les imposer à Hamid Karzai dans un gouvernement de réconciliation. 

Vous avez, vous aussi, fait confiance à Hamid Karzai...

Oui, dans la cadre de ma mission pour l'ONU, nous l'avions repéré comme une personnalité pouvant faire consensus dans le pays. Le 22 septembre 2001, lors d'une réunion avec les autorités américaines son nom est sorti assez naturellement. En ce qui me concerne, je préconisai un scénario de rétablissement de la monarchie constitutionnelle, conciliable avec un gouvernement Karzai. Mais pour Washington, il n'était pas question de mettre un roi à Kaboul, il fallait une république et un président. Notez que Karzai est aujourd'hui en Afghanistan alors que son successeur a pris la fuite. Il pourrait bien avoir un rôle à l'avenir. 

La France a-t-elle un rôle spécifique à jouer en Afghanistan? 

La réponse est oui, la relation est historique. Le lycée français de Kaboul est une institution, ainsi que les liens culturels établis de très longue date. Seule l'Allemagne a le même type de lien avec ce pays. 

L'Afghanistan peut-il devenir un foyer du terrorisme international? 

Je ne crois pas. Les talibans que j'ai connus, avaient certes accueillis Ben Laden. Mais le fait qu'ils aient refusé de le livrer, ne signifie pas qu'ils aient collaboré aux attentats du 11 septembre 2001. Le mouvement taliban est nationaliste, pas internationaliste. Ce qui signifie pas que leur régime est défendable.

Faut-il continuer le dialogue avec les talibans?

Le dialogue vaut souvent mieux que la guerre. A la fin des années 1990, seul diplomate occidental en poste à Kaboul, j'ai maintenu le lien et ils ont toujours respecté mon immunité ainsi que l'intégrité de la centaine de Français qui étaient restés. J'ai même obtenu quelques aménagements à la rigueur de leur lecture absurde du Coran, comme l'accès des femmes aux soins hospitaliers. Dans la situation actuelle, les occidentaux, et les européens en particulier, doivent maintenir le lien. Si le maintien d'une ambassade n'est pas évident, le fait qu'il y ait sur place un "chargé d'affaires" peut s'avérer fort utile. 

Propos recueillis par Pierre-Henri de Menthon 

Les États-Unis abandonnent l'Afghanistan

C'est une victoire politique pour Donald Trump qui avait promis le retrait des troupes. Mais les autorités de Kaboul se retrouvent seules face aux talibans.

"Après le 11 septembre 2001, la qualité des liens établis avec les talibans vaut au chef de poste français à Islamabad une offre stupéfiante: la livraison de Ben Laden à la France... Le coup, a priori splendide, peut être très embarrassant. Que faire ensuite du Saoudien? Comment réagira Washington? Et Al-Qaïda? Les bombardements américains, le 7 octobre 2001, évitent à la DGSE d'avoir à répondre à toutes ces questions: l'affaire n'a pas de suite. " (extrait)

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/les-talibans-avaient-offert-la-livraison-de-ben-laden-a-la-dgse_994942.html

"Ce compte-rendu des préparatifs de guerre contre l'Afghanistan nous amène au 11 septembre même. Les attaques terroristes qui ont détruit le World Trade Center et endommagé le Pentagone sont certes des liens importants dans la chaîne des événements qui ont entraîné les États-Unis à attaquer l'Afghanistan. Mais le gouvernement américain a planifié la guerre bien à l'avance. Le choc du 11 septembre n'a que contribué à la rendre politiquement faisable en stupéfiant l'opinion publique au pays et en donnant à Washington un coup de main essentiel pour convaincre ses alliés réticents à l'étranger.

Tant le public américain que les gouvernements étrangers ont été pressés d'appuyer les actions militaires contre l'Afghanistan au nom de la lutte contre le terrorisme. L'administration Bush a frappé Kaboul sans même présenter la moindre preuve que ben Laden ou le régime taliban étaient responsables des atrocités survenues au World Trade Center. Elle a vu dans les événements du 11 septembre l'occasion de mettre de l'avant ses ambitions depuis longtemps nourries de renforcer la présence américaine en Asie centrale.

Il n'y a pas de raison de penser que le 11 septembre ne fut rien de plus qu'une coïncidence fortuite. Tous les détails de la guerre contre l'Afghanistan avaient en effet été préparés avec soins. Il est peu vraisemblable que le gouvernement américain allait laisser passer l'occasion de s'embarrasser de fournir un prétexte viable pour ses actions militaires.

Immédiatement après le 11 septembre, des rapports de presse apparurent -encore une fois surtout en dehors des États-Unis- selon lesquels les agences de renseignement américaines avaient reçues des avertissements spécifiques à propos d'attaques terroristes de grande envergure, comprenant notamment l'utilisation d'avions détournés. Il est bien possible que la décision a été prise aux plus hauts niveaux de l'État américain de laisser survenir une attaque, possiblement sans imaginer clairement l'ampleur des dommages qu'elle causerait, afin de fournir l'étincelle nécessaire pour déclencher la guerre en Afghanistan." (extrait)

http://www.wsws.org/francais/News/2001/decembre01/20nov01_guerreafghan.shtml

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