Dennis Meadows..
Aussi méconnu qu’essentiel, le rapport Meadows de 1972, intitulé ‘Les limites à la croissance’ est un des livres fondateurs de l’écologie politique. En voici un résumé destiné, en priorité, aux lycéens et à leurs enseignants… mais aussi à tous les écolo-curieux !...Contexte historique Entre les années 1940 et 1970, les sociétés occidentales sont entrées dans la « civilisation thermo-industrielle » et ont en été profondément transformées.
En 1972, la parution des "Limites à la croissance" allait changer le monde. Souvent considéré comme le point de départ de la prise de conscience écologique mondiale, ce rapport commandé par le Club de Rome modélisait pour la première fois, grâce à l’informatique, l’incompatibilité entre la dynamique exponentielle de la croissance économique et démographique des sociétés industrielles et la finitude des ressources terrestres.
Dennis Meadows, le directeur de ce groupe de travail du Massachusetts Institute of Technology (MIT), était alors âgé de 30 ans. Depuis, il n’a cessé d’interpeller au sujet d’un effondrement écologique à venir. À l’occasion du 50e anniversaire du « rapport Meadows », le professeur émérite à l’université du New Hampshire, aujourd’hui âgé de 79 ans, nous livre sa vision lucide de l’état du monde, actuel et à venir.
Nous n’entrons pas dans une nouvelle ère, nous entrons dans une nouvelle phase d’une ère commencée il y a un siècle. Les limites à la croissance mentionnait le concept de croissance exponentielle, c’est-à-dire la multiplication par deux d’un facteur sur une période donnée, – il passe de deux à quatre, puis à huit à seize, etc. La caractéristique la plus surprenante de tout ce qui croît de manière exponentielle est que rien ne semble changer durant un long moment, car les quantités physiques sont trop faibles, avant de soudain donner l’impression d’une explosion.
Nous vivons donc seulement une nouvelle phase de cette croissance exponentielle, qui peut déclencher d’autres processus dans le système – et je pense que c’est ce qui se passe avec le changement climatique. La croissance exponentielle et l’énergie thermique ont lentement apporté de plus en plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Et maintenant, il y en a assez pour déclencher certains points de bascule globaux, donnant l’impression que quelque chose de nouveau se produit. Mais ce n’est qu’une conséquence naturelle de ce qui se passe depuis des décennies.
Dans le rapport, nous avancions 12 possibles scénarios futurs, dont certains n’allaient pas vers un effondrement. Celui-ci n’advenait qu’en cas d’absence de grands changements, et ce que nous évoquions comme une possibilité – et non comme une prédiction – s’est en fait avéré assez juste.
Notons qu’il y a eu un changement significatif dans la production industrielle : la croissance actuelle de l’économie ne provient plus d’une production accrue de biens. Elle est plutôt liée à la spéculation sur les transactions financières, et l’on s’attend donc à voir, en phase terminale de la croissance, un écart grandissant entre les riches et les pauvres. La valeur économique de la production alimentaire continue probablement d’augmenter, mais il y a sans doute eu un transfert vers ce qu’on appelle les produits de luxe – d’ailleurs le niveau global de nutrition diminue.
Quant aux courbes des indicateurs physiques, comme l’érosion des sols, elles augmentent toutes très rapidement. Ces indicateurs montrent tous que nous sommes très proches de cette fin. Les gens pensent généralement que la grande crise et le chaos interviennent dans la période où les courbes chutent, mais c’est faux : cela arrive lorsque les indicateurs sont au plus haut et que les pressions pour continuer à croître sont les plus puissantes, car elles sont beaucoup plus fortes que lorsque les courbes chutent. Nous sommes actuellement dans cette zone haute, et nous pouvons donc nous attendre à une explosion de crises.
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Lorsque ma femme et moi avons terminé notre doctorat, en 1969, nous avons fait l’aller-retour en voiture de Londres au Sri Lanka. C’était un voyage de plus de 100 000 kilomètres à travers la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan…. Je me souviens avoir été dans un désert en Iran et y avoir vu une grande pierre sculptée avec des images d’animaux vivant dans une jungle. Je me suis dit : « Cet endroit est à présent un désert, cela montre quels changements environnementaux massifs peuvent se produire. »
Nous sommes retournés à Cambridge, aux États-Unis, où des postes scientifiques nous attendaient – j’étais à la faculté du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et Donella avait une bourse prestigieuse pour mener des recherches biophysiques à Harvard. Lorsque nous avons eu la possibilité de participer au projet du Club de Rome, nous avons décidé d’abandonner chacun notre travail et de nous concentrer sur les problèmes environnementaux mondiaux.
Il y a 50 ans, nous pensions qu’il était évident que la croissance ne pouvait pas continuer éternellement sur une planète finie. Cela ne semblait pas relever d’idées révolutionnaires pour les scientifiques que nous étions.
Nous pensions que les faits sous-jacents seraient partagés. Il est une chose de dire que le monde est fini, une autre que la croissance est exponentielle. Nous avons mis ces deux faits ensemble et conclu que la croissance allait devoir s’arrêter dans quelques décennies. Cette conclusion n’a pas été partagée, et cela nous a surpris.
J’ai présenté pour la première fois les résultats à la Smithsonian Institution de Washington. J’étais sur le point de prendre le micro et de prononcer le discours d’ouverture devant 250 personnes, et je me suis demandé ce que je devais dire : tout ce que nous avions fait était évident, tout le monde le savait déjà, pourquoi perdre du temps à en parler ? Comme je n’ai pas eu le temps de trouver quelque chose de nouveau à dire, j’ai répété ce qui me semblait être des faits absolument simples.
Il y a alors eu d’énormes désaccords et critiques, auxquelles nous avons essayé de répondre. Mais, après une semaine ou deux, c’était devenu impossible : il y avait des milliers d’articles.
La plupart de ceux qui ont critiqué notre rapport ne l’avaient jamais lu. Ils trouvaient juste ses implications inacceptables, comme réduire les combustibles fossiles ou promouvoir la stabilité démographique. En fait, la plupart de ceux qui ont fait l’éloge du rapport ne l’ont pas lu non plus !
Sur le fond, il y avait trois grandes critiques.
La première était méthodologique : certains considéraient la modélisation informatique comme une pseudo–science.
La deuxième portait sur la remise en cause des données – mais le fait est que des changements de données n’ont jamais affecté significativement nos résultats.
Le troisième type de critique mettait en cause les conséquences de notre rapport, en évoquant par exemple le fait que cela conduirait à ne plus envoyer d’aide au développement à des pays du tiers-monde, alors qu’ils mériteraient d’avoir notre niveau de vie.
Nous avons également dû affronter un autre problème : nous analysions une dynamique dans le temps ; or beaucoup se focalisaient sur un indicateur statique en nous demandant par exemple quand l’effondrement commencerait. Mais c’est une question idiote ! Comme pour les séismes, on peut dire avec certitude qu’ils vont se produire, mais jamais quand précisément. Cependant, nos prévisions sont restées assez fidèles à l’évolution des 50 dernières années, bien qu’il se soit passé des choses inattendues. Jusqu’à ce jour, rien de ce que j’ai observé ne m’incite à penser que les conclusions de base de notre étude sont incorrectes.
J’ai dit à mes collaborateurs : « Oubliez ça, continuez à avancer et à travailler pour comprendre le système de base. » J’ai moi-même créé rapidement un nouveau programme de formation universitaire de troisième cycle, qui a existé ensuite pendant 20 ans, afin de former des personnes compétentes pour intégrer l’industrie et le gouvernement, dans l’espoir qu’elles aideraient les gens à comprendre ce qui se passait.
Depuis 50 ans, je n’ai donc cessé de répéter ces idées et de parler de leurs implications. Mais, déjà avant l’an 2000, il était clair qu’il n’y avait aucune possibilité d’arrêter la croissance mondiale avant le dépassement. J’ai écrit un article en 1999 dans le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung dont le titre était « Il est trop tard pour le développement durable ». Il y a 22 ans, il était déjà clair pour moi que cette voie n’était plus une solution : je ne perds donc pas mon temps avec les soi-disant « objectifs de développement durable ».
Mon intérêt académique s’est porté vers le concept de résilience, pour tenter de comprendre comment rendre les systèmes naturels plus flexibles et moins susceptibles de s’effondrer en changeant certaines caractéristiques de base de leur fonctionnement.
Être malheureux signifie que vous n’obtenez pas ce que vous voulez. Si vous êtes malheureux et que vous voulez devenir heureux, il y a deux façons d’y arriver : obtenir plus ou vouloir moins. Pour ma part, mon rapport à l’avenir a été de vouloir moins.
Être optimiste ou pessimiste dépend donc du point de vue : si vous regardez votre propre situation personnelle et le futur proche, il y a des possibilités d’améliorer les choses ; si vous regardez la planète et les deux prochaines décennies, il n’y a pas d’opportunité d’améliorer les choses. Et si vous regardez la planète dans les 10 000 ou 20 000 prochaines années, il y a beaucoup d’opportunités pour agir.
J’ai beaucoup lu sur l’histoire longue, en essayant de comprendre la montée et la chute des empires, en Europe (avec Rome et Athènes par exemple), en Chine, en Amérique latine… Des dizaines et des dizaines d’empires ont été édifiés puis sont tombés. Il serait vraiment stupide d’imaginer que notre situation spécifique développée en Occident au cours du dernier siècle est l’état final du développement humain. Bien sûr que ce n’est pas le cas. C’est une phase, et elle connaîtra le cycle qui a toujours existé dans le passé.
Si vous prenez du recul et reconnaissez que ce que nous voyons est juste une évolution naturelle, alors cela n’a aucun sens d’être optimiste ou pessimiste.
Malgré toutes les COP, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. Nos systèmes de gouvernement ressemblent au pilotage d’un grand paquebot : vous devez avoir un radar permettant de regarder à 80 kilomètres car il en faut 30 ou 40 pour arrêter le bateau. Il y a une très forte inertie. Or, le changement climatique est l’exemple parfait du cas où, pour que les choses s’améliorent à long terme, vous devez payer plus cher à court terme. Aucun politicien ne peut donc se présenter à des élections et dire : « Votez pour moi, je vais vous faire payer cher, mais vos petits-enfants s’en porteront mieux. »
Un jour, j’ai rencontré un grand dirigeant européen qui m’a dit : « Eh bien, maintenant nous comprenons ce qu’il faut faire. Mais nous ne comprenons pas comment être réélus si nous le faisons. » Si quelqu’un conduit dans le brouillard et qu’à chaque problème il appuie sur l’accélérateur pour aller plus vite, vous pouvez difficilement espérer qu’il arrivera sain et sauf.
C’est exactement la situation actuelle : on répond à la pandémie de Covid-19 par une croissance accélérée. Et toutes ces dépenses pour relancer l’économie sont évaluées à l’aune des statistiques hebdomadaires pour l’emploi, alors que les conséquences se déploieront sur les prochaines décennies.
Non, je ne crois pas que cet exemple soit pertinent pour notre situation, car il y avait des caractéristiques très particulières pour le problème de l’ozone qui diffèrent du réchauffement climatique. Il était possible d’imaginer l’abandon des chlorofluorocarbones (CFC), destructeurs d’ozone, utilisés pour les réfrigérateurs et les climatiseurs, sans abandonner la réfrigération.
Pour le changement climatique, on ne peut pas imaginer abandonner le pétrole sans abandonner les transports. La décision d’agir du président américain a été un facteur-clé dans la discussion de l’époque sur les CFC. Et l’une de ses raisons était qu’une grande entreprise américaine pensait qu’elle serait en mesure de faire beaucoup de bénéfices en produisant des substituts.
Avec le changement climatique, les multinationales pensent qu’elles feront des profits en reconduisant le système actuel. Elles s’opposent donc à toute action. Les deux situations sont très différentes. De plus, je vous ferai remarquer que le problème de la couche d’ozone n’est pas entièrement réglé à ce jour.
Ce que nous nommons démocratie varie énormément : la Hongrie de Viktor Orbán et la Suède sont des démocraties et n’ont pourtant rien à voir. La démocratie n’est donc pas un système unique. Aujourd’hui, il est clair que les démocraties ne s’occupent pas des questions écologiques – mais cela ne signifie pas qu’une dictature, une monarchie, un système tribal ou tout autre mécanisme de gouvernance les résoudrait mieux.
Je ne pense donc pas que le problème principal soit le style de gouvernement, mais plutôt l’horizon temporel des personnes impliquées dans le gouvernement – c’est-à-dire la période sur laquelle vous faites une comparaison entre les coûts et les bénéfices de vos actions. S’il y avait des candidats avec des plans sur le long terme dans une démocratie, je voterais pour eux afin d’améliorer la situation de mes petits-enfants. Une démocratie de ce genre serait susceptible de relever ces grands défis.
La difficulté est culturelle. Lorsque vous avez des dirigeants politiques qui ne se concentrent que sur le court terme, ils éduquent le public à considérer que seul le court terme est important. Nous savons comment réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous n’avons pas besoin de nouvelles technologies pour le faire. Mais notre culture et nos valeurs nous empêchent d’utiliser ce que nous savons. La question climatique relève moins d’un enjeu technologique que d’un enjeu culturel.
Oui, car nous nous rapprochons de plus en plus des limites globales et cela va produire du chaos dans les systèmes. L’une des choses que nous savons sur notre espèce, c’est que si vous devez choisir entre l’ordre et la liberté, vous préférerez l’ordre. Alors, quand une société commence à devenir imprévisible, des dirigeants surgissent en promettant de tout arranger.
Si notre société voulait vraiment stabiliser le climat, certaines technologies nous faciliteraient la tâche. Mais croire qu’une technologie, comme par exemple les outils de capture de carbone dans l’atmosphère, permettrait de rester dans la croissance actuelle en évitant les conséquences du réchauffement relève du fantasme.
Cela ne fonctionne que du côté des entreprises qui tentent d’obtenir des subventions de l’Union européenne pour développer de nouveaux produits. Mais en tant que moyen pratique pour faire face au changement climatique, c’est juste phénoménalement idiot.
« Capitalisme vert » est un oxymore, comme « guerre pacifique ». Cela n’a aucun sens de mettre ces choses ensemble, car le capitalisme est myope par nature. L’écologie, elle, est intrinsèquement liée au long terme. En général, les gens qui prônent le capitalisme vert sont enthousiastes à propos de « capitalisme » mais pas de « vert ». C’est un moyen qui, espèrent-ils, leur permettra de continuer à faire ce qu’ils faisaient jusqu’à présent malgré une prise de conscience politique inédite.
Il est tout à fait évident qu’il n’y aura pas d’action globale constructive. La nature de nos systèmes sociaux veut que, pour changer radicalement les comportements, il faut partager un ensemble de valeurs assez homogène. Un groupe de personnes doit avoir la même opinion sur les coûts et avantages à tirer d’un changement important. Si ce n’est pas le cas, alors tout changement sera un coût pour certains et un avantage pour d’autres, et le système s’y opposera.
Par conséquent, les changements drastiques qu’impose la situation actuelle ne peuvent venir que de petits groupes qui ont des ensembles de valeurs homogènes. Seul un tout petit nombre de pays, comme le Japon par exemple, sont parvenus à conserver des valeurs homogènes à l’échelle d’une nation. Mais, en général, tout grand groupe a connu assez de migrations et d’évolutions pour que les gens ne partagent plus les mêmes valeurs. Pour cette raison, ils ne peuvent pas s’accorder sur des évolutions importantes. Si nous voulons voir de grands changements, cela se fera au niveau local.
Les idées derrière le mouvement de décroissance sont, je pense, fondamentalement bonnes. Elles sont autant de pas dans la bonne direction. Je ne critique donc pas l’idée, mais le terme, qui a une signification complètement négative en anglais : la croissance est une bonne chose et si vous êtes contre, c’est forcément mauvais. Une amie japonaise m’a un jour expliqué qu’elle voulait lancer un mouvement pour la décroissance au Japon. J’ai répondu : « C’est une merveilleuse idée, mais ne l’appelez surtout pas décroissance. » Alors, elle a créé une « société pour le bonheur humain », avec exactement la même philosophie. Elle a contacté le Premier ministre pour lui en parler et a réussi à obtenir un rendez-vous. Si elle avait voulu lui parler d’une « société pour la décroissance », il ne l’aurait jamais reçue. Voilà donc la nature de ma critique à l’encontre de la décroissance : elle est politiquement inefficace.
Vous ne pouvez pas les empêcher : de l’extrême gauche à l’extrême droite, les gens vont se saisir de toutes les idées soutenant leurs propositions. Moi, je suis un scientifique et mon travail consiste à identifier les faits qui me semblent utiles, puis à les analyser et à en tirer une conclusion qui me paraît justifiée.
Les politiciens font l’inverse ; ils ont des propositions, puis cherchent des faits qui les justifieront. Le changement climatique est un bon exemple : pour l’extrême droite, il n’existe pas. Les scientifiques démontrent que les glaciers fondent et que les ours polaires sont en détresse, mais ces gens n’en ont rien à faire. Pour eux, cela n’a pas de réalité, et la preuve c’est qu’il a neigé à Washington hier. C’est donc une discussion qui ne s’arrête jamais. Vous ne pouvez pas argumenter contre ceux qui décident d’utiliser vos idées à mauvais escient. La seule défense contre cela tient dans l’éducation du public aux enjeux du débat.
Les combustibles fossiles – gaz naturel, pétrole, charbon – sont en train de s’épuiser. L’essentiel en la matière tient à ce qu’on appelle l’énergie nette : ça ne sert à rien de sortir un baril de pétrole du sol si vous devez en brûler deux pour l’extraire. Les sociétés industrielles occidentales ont été construites quand ce ratio de retour sur investissement était de 30, 50, voire presque 100 dans certains cas. Vous mettez un baril de pétrole et vous en récupérez 100, ce qui laisse 99 barils à utiliser comme vous le souhaitez.
Maintenant, nous sommes dans une période où le retour sur investissement est entre 5 et 10. Cela signifie que le potentiel de croissance de ce système diminue, mais ce n’est pas un effondrement. L’énergie en elle-même ne produit pas d’effondrement, elle vous fait juste ralentir. Un effondrement nécessite l’intervention d’autres acteurs, comme les politiciens ou les économistes. C’est comme quand vous conduisez une voiture et que vous tombez en panne d’essence : vous pouvez rester assis et la laisser ralentir, ou faire demi-tour et foncer dans un arbre. D’une manière ou d’une autre, vous allez vous arrêter – et il est clair que l’économie va s’arrêter. Mais beaucoup d’autres choses interviennent et interagissent : la crise énergétique est accrue par la crise climatique, et la situation alimentaire est rendue plus grave par l’énergie et le climat.
Mon objectif a toujours été de trouver les bonnes personnes et de leur donner le pouvoir d’être efficaces dans leur propre communauté. Je l’ai fait à travers des programmes d’enseignement et un certain nombre d’autres actions, comme la publication de livres. Le dernier, The Climate Change Playbook (2016), contient 22 petits jeux pédagogiques que les enseignants peuvent utiliser pour aider leurs élèves à comprendre les enjeux climatiques.
Plus récemment, à mesure que le dysfonctionnement global du climat est devenu de plus en plus clair, je me suis davantage concentré sur les questions locales. Je suis retraité depuis 2004 et je consacre maintenant une grande partie de mon énergie aux questions environnementales dans ma région, le New Hampshire. Ces deux dernières années, j’ai par exemple poussé ma commune à acheter un terrain de 15 hectares qui ouvre sur de nombreux sentiers de randonnée et à construire un pont pour y accéder.
J’éprouve de la gratitude à être impliqué dans ces sujets, et sans ce projet je n’aurais jamais eu ces opportunités. Je ne suis donc pas ennuyé, mais plutôt cynique. Les politiciens se focalisent sur les promesses de court terme, tout comme les médias. Aucune publication ne peut réussir à long terme si elle se contente juste de nouvelles données sur le problème et les catastrophes à venir.
Chaque journaliste doit donc s’imaginer que son interview va sensibiliser les gens et les rendre meilleurs. Et puis, je ne fais jamais deux fois le même discours et je suis intellectuellement actif dans de nombreux domaines : certains de mes livres n’ont rien à voir avec ces sujets. Bien sûr, la plupart des demandes d’entretien sont liées aux Limites à la croissance. Mais j’ai beaucoup d’autres façons d’occuper mon temps.
Je dirais que, peu importe à quel point la situation semble difficile, à chaque instant vous avez le choix entre différentes options. Certaines empireront la situation, d’autres l’amélioreront. Il n’y aucun moyen de « résoudre » le problème du climat mondial, même avec les meilleures décisions. Mais on peut, de bien des façons, rendre l’impact du réchauffement climatique beaucoup moins négatif pour soi et sa famille. Donc, si j’avais un conseil à donner, je dirais : ne vous occupez pas de choses que vous ne pouvez pas réparer, concentrez-vous sur celles pour lesquelles vous pouvez faire la différence.
Les deux dernières semaines ont vu une accélération des catastrophes non naturelles dans le monde et les nouvelles ne sont pas du tout encourageantes. Les effets des DANA en Méditerranée sont de plus en plus fréquents et catastrophiques. D'autres inondations sont à prévoir, annonce le physicien espagnol Antonio Turiel.
Les gouvernements nationaux et régionaux ne sont pas sur la bonne voie : ils visent tous à poursuivre les plans en faveur de la croissance, y compris au Chili, bien sûr. En Allemagne, l'« acier vert » annoncé ne verra pas le jour : l'industrie sidérurgique européenne retarde des projets - qui sentaient déjà l'utopie - en raison d'une faible rentabilité [1].
Le président chilien parcourt le monde pour vendre les ressources de son pays à des prix défiant toute concurrence. Et il continue d'entretenir les illusions des utopies de la transition énergétique pour parvenir à la décarbonisation du Chili d'ici 2050 ; les politiciens et les techno-optimistes du monde entier y croient aussi - du moins d'après ce qu'ils disent. L'industrie automobile commence à prendre l'eau dans tous les pays, malgré la fausse manne de la voiture électrique, qui ne se révèle pas être la panacée annoncée.
C'est la voiture qui pose problème, pas la forme d'énergie qui la fait rouler. Les villes sont saturées de voitures, nous le constatons tous les jours. En Espagne, la moitié des voitures dorment dans les rues, selon l'ingénieur Pedro Prieto [2][2'] et au Japon, il n'est pas possible d'acheter des voitures électriques si le candidat à la propriété n'est pas en mesure de certifier où il la garderait.
. Le ministre italien de l'industrie et du « Made in Italy », Adolfo Urso, a déclaré que l'industrie automobile européenne « est en train de s'effondrer » et a souligné la nécessité d'une intervention « immédiate »[3]. [3]
Le consortium gazier russe Gazprom a informé la société autrichienne OMV de la suspension de ses livraisons de gaz naturel au pays alpin à partir du samedi 16 novembre. Quel problème pour les Autrichiens. Aux États-Unis, les stocks d' essence atteignent des niveaux très bas.
Une situation catastrophique se développe au Honduras avec la tempête tropicale Sara qui apporte des pluies incessantes. Le Centre national des ouragans met en garde contre les crues soudaines et les glissements de terrain.
L'Amérique du Sud s'assèche. En août et septembre, de vastes zones ont été envahies par une épaisse fumée provenant des incendies de forêt qui ont ravagé l'Amazonie et d'autres régions du Brésil et de la Bolivie, tandis que le #Réchauffement Mondial aggrave les problèmes de sécheresse et d'inondation.
La sonnette d'alarme est tirée. On pense déjà qu'une augmentation de 2°C de la température moyenne mondiale - qui était de 1,5°C aux niveaux préindustriels - est très susceptible de provoquer l'effondrement de la civilisation thermo-industrielle à l'échelle mondiale. Cet événement pourrait se produire au cours de la prochaine décennie. Entre-temps, le pic de disponibilité des terres agricoles a été dépassé, et les courbes de la figure 35, BAU et recalibrées à partir du rapport Limits to Growth, MIT, 1972, sont toujours respectées avec une précision extraordinaire, et personne ne réagit...... !
Referencias:
[1] https://www.eleconomista.es/
[2] https://youtu.be/0gJJnlgVUh8
[2’] https://youtu.be/FQwQlS84CXg
[3] https://amp.elmundo.es/motor/2024/11/14/67363997e9cf4a0e6a8b458c.html
https://laventanaciudadana.cl/el-mundo-al-instante/
"La croissance va s’arrêter, pour une raison ou pour une autre"
Inflation galopante à deux chiffres. Guerre. Problèmes énergétiques de plus en plus graves. Vagues de chaleur plus puissantes et plus précoces. Arrestations de scientifiques. Massacres aux frontières. Régression des droits des femmes . Est-ce que tout cela a un rapport ?
En fait, je sais.
Cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de l’un des travaux les plus importants du XXe siècle, Les limites de la croissance. Ce rapport commandé au MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui avertissait déjà en 1972 que la planète avait des limites et peu de temps pour faire face à la collision avec eux.
Ainsi, Dennis Meadows (États-Unis, 1942), l’un des deux principaux auteurs de l’étude, a accordé des interviews pour des médias tels que Le Monde ou Suddeutsche Zeitung. C’était un honneur de vous interviewer pour CTXT.
Au cinquantième anniversaire de la publication du rapport, l’un des scénarios, le standard, de son modèle reste très similaire et conforme à la réalité; ils y prédisaient que la croissance s’arrêterait par la force vers 2020. Est-ce déjà le cas ? Était-ce une prévision ou une prédiction ?
On n’a pas fait de prédictions. Nous avons déjà dit qu’il était impossible de "prédire" avec précision ce que le comportement humain est un facteur, ce que nous avons fait c’est modéliser 12 scénarios conformes aux règles physiques et sociales. 12 futurs possibles. L’un d’eux, le standard, comme vous le savez, montrait que la croissance allait s’arrêter vers 2020. Toutes les variables (production industrielle, alimentaire, etc.) touchaient alors le plafond et en 15 ans environ commençaient à décliner inexorablement.
Est-ce que cela ressemble à ce que nous vivons ? Je dirais que oui. Le monde montre de plus en plus les conséquences d’un choc contre les limites.
Ce que nous avons fait, en revanche, c’est faire très attention, dès 1972, en précisant qu’après le pic de n’importe quelle variable, tout devient encore plus imprévisible, car entrent en jeu des facteurs qui ne pouvaient pas être représentés dans notre modèle. Une fois arrivés à ce point, il est évident que nous serons dirigés plus par des facteurs psychologiques, sociaux et politiques que par des limitations physiques
Je vous ai entendu qualifier le changement climatique de "symptôme", de quoi exactement?
Il est essentiel de reconnaître que le changement climatique, l’inflation, les pénuries alimentaires sont parfois considérés comme des problèmes, mais qu’ils sont en fait les symptômes d’un problème plus vaste.
Tout comme un mal de tête persistant peut parfois être un symptôme de cancer, de nombreuses difficultés actuelles sont des symptômes de niveaux de consommation de matériaux qui ont grandi au-delà des limites de la planète. Bien sûr, les symptômes sont importants. Un mal de tête mérite une réponse. Cependant, une aspirine peut temporairement soulager le patient, mais elle ne résout pas le problème de fond. Pour cela, il faut traiter la croissance incontrôlée des cellules cancéreuses dans le corps.
On ne peut pas soutenir la croissance, disons, face à des problèmes un par un. Même si nous parvenions à résoudre le problème du changement climatique, nous nous heurterions au problème suivant : la poursuite de la croissance, qu’il s’agisse de la pénurie d’eau, de nourriture ou d’autres ressources cruciales. La croissance va s’arrêter, pour une raison ou pour une autre
Le mythe du progrès, selon lequel la technologie viendra à la rescousse, est l’une des idées les plus paralysantes pour faire face au problème réel : la décroissance est inévitable, car ce n’est pas un problème technique. Peut-être avons-nous besoin d’un changement culturel, moral et éthique ?
À ce stade, en raison du retard dans l’action nécessaire, nous ne pouvons plus éviter un changement climatique grave. Faisons ce que nous pouvons. Bien qu’il y ait toujours des degrés
Oui, c’était l’un des points cruciaux de notre œuvre il y a un demi-siècle. Dans des conditions idéales, la technologie peut vous donner plus de temps, mais ne résoudra pas le problème. Vous pouvez élargir la marge, la possibilité de faire les changements politiques et sociaux qui sont nécessaires. Mais tant que vous aurez un système basé sur la croissance pour résoudre tous les problèmes, la technologie ne pourra pas vous empêcher de dépasser de nombreuses limites cruciales, comme nous le voyons déjà
Malgré l’utilité et l’importance de votre travail, vous et vos collègues avez été très critiqués. Cela arrive encore à tous ceux qui sortent du discours dominant : la "happycracie". Existe-t-il une impossibilité sociale de parler de tels sujets parce qu’ils font de vous le catastrophiste, le pessimiste amer?
J’étais très naïf dans les années 70 quand on a lancé le livre. J’ai été formé en tant que scientifique, et j’avais l’impression qu’en utilisant la méthode scientifique, nous produisions des données incontestables, et si nous les montrions aux gens, alors cela suffirait pour produire un changement dans le regard et les actions des gens. C’était de la naïveté.
Il y a deux façons de faire face à ces situations : dans une collecte de données et vous décidez ensuite quelles conclusions sont cohérentes avec les données, la manière scientifique. Dans l’autre, très habituel, vous décidez quelles conclusions sont importantes, et vous cherchez des données qui correspondent et étayent vos "conclusions". C’est le cas des négationnistes climatiques, par exemple
Je n’ai pas essayé de gagner ces débats entre pessimistes et optimistes, avec ce genre de personnes. Quand quelqu’un s’énerve pour m’accuser de n’importe quoi, je dis simplement "j’espère que tu as raison", et je continue.
Il y a une tendance dans les systèmes, les entreprises, les personnes vers l’auto-réservation, se fondant souvent sur des regards à court terme qui ne nous laissent pas avancer à long terme, comment lutter contre ces inerties et ces habitudes ?
Oui, la seule façon de gérer cela est d’élargir l’horizon temporel et spatial. Et de voir en perspective les coûts et avantages potentiels. Un exemple : la pandémie et la gestion dans mon pays [É.-U. ] ont été regrettables, très bornés. Si vous n’étendez pas les vaccins à tout l’espace, au reste du monde, ils ne sont pas si utiles.
Comment étendre ce calendrier? Avec les générations suivantes. La plupart des gens ont des préoccupations légitimes, véritables, sur l’avenir de leurs enfants, neveux, petits-enfants.
Selon le modèle HANDY, un autre modèle de dynamique des systèmes, un paramètre fondamental pour provoquer des effondrements est l’inégalité, qui croît parallèlement au manque de confiance entre pairs, une autre des principales raisons des effondrements. La conception de notre système économique fait que les deux augmentent chaque année. Et il rend impossible de se conformer aux limites, parce que l’élite, qui est souvent éloignée de la réalité et donc ne détecte pas les alarmes, est le modèle. Comment démêler un tel désordre ?
La vérité ne se trouve pas dans quelques équations, évidemment. Elle se trouve dans l’histoire. Et notre histoire pendant des milliers d’années montre que les puissants cherchent plus de pouvoir, et qu’ils ont plus de facilité à le trouver, c’est une boucle de rétroaction positive. Dans la dynamique des systèmes, c’est ce qu’on appelle "le succès pour ceux qui ont déjà réussi". On s’écarte rarement de ce phénomène.
Si on nous avait décrit notre situation actuelle dans, disons, l’an 2000, nous aurions pensé que c’était déjà une crise catastrophique
Personne ne peut démêler cet enchevêtrement. Je ne crois pas qu’il y ait une action ou une loi qui puisse faire ça. Dans quelques cultures, cependant, des mécanismes de redistribution ont évolué. Dans le Nord-Ouest des États-Unis, il y a certaines tribus qui ont une coutume appelée "Potlatch", c’est une cérémonie au cours de laquelle les chefs de la tribu, les plus riches, donnaient une partie de leurs biens, je simplifie, bien sûr. Dans le bouddhisme, il y a aussi une tradition de détachement matériel chez beaucoup de ses pratiquants. Mais ce sont des exceptions rares. Dans notre monde, la tendance est d’accumuler du pouvoir et, comme vous le dites, cela aide à être détaché de la réalité. C’est à ce moment-là qu’un effondrement du pouvoir lui-même prend fin et que tout recommence. C’est un processus qui se produit en réponse aux limites. Et les inégalités augmentent dans tous les pays.
Dans quelle mesure les élites anticipent-elles le besoin mathématique de réduire les inégalités ? Ou ne s’inquiètent-elles que de leur survie ?
On ne peut pas parler "élites". Certaines élites sont préoccupées et font tout ce qu’elles peuvent pour réduire les inégalités, d’autres n’y pensent même pas, probablement la majorité, et d’autres, sans aucun doute, travaillent pour les rendre toujours plus grandes. Il n’y a certainement pas de tendance à la réduction des inégalités. Et on dit parfois que la croissance aide à apporter de la richesse dans le monde entier, ce qui, vu les taux de croissance et d’inégalité qui ont augmenté simultanément, est manifestement faux.
Voyez-vous aujourd’hui plus d’inquiétude quant à l’effondrement de la civilisation dans les cercles de pouvoir, économiques et politiques? Ou les profits à court terme, comme toujours ?
Je ne suis pas dans des cercles de pouvoir, donc je ne peux pas répondre à ça. Je suis un professeur retraité de 80 ans. C’est le 50e anniversaire de The Limits of Growth et à l’exception des interviews qui sont faites sur un livre qui suscite encore l’intérêt, je n'intéresse pas grand monde.
Nous sommes comme sur un tapis roulant qui accélère rapidement. Vous savez, ces bandes sur lesquelles vous courez mais vous n’allez nulle part. C’est ce que nous faisons. Au fur et à mesure que nous prenons de mauvaises décisions, cela nous amène à des crises qui, par obligation, raccourcissent notre horizon temporel, tout devient réactif alors que nous accélérons. Cela nous aide à prendre de plus mauvaises décisions, car nous rétrécissons notre horizon temporel. C’est un cercle vicieux.
Je pense que nous allons voir plus de changements au cours des 20 prochaines années que nous n’en avons connu au cours des 100 dernières années. Je ne veux pas que cela se produise, mais je pense que c’est le plus probable : il y aura des catastrophes majeures dues au chaos climatique et à l’épuisement des combustibles fossiles, ce qui ramènera l’humanité à des états plus décentralisés et déconnectés. Lentement, des cultures qui sont mieux préparées à la situation évolueront. C’est seulement ainsi, je pense, qu’une "nouvelle cosmologie" appropriée pourra apparaître.
Pensez-vous qu’une coalition d’élites douées pourrait changer le cours des choses ?
Élites douées ? Ça me semble un oxymore.
« Le déclin de notre civilisation est inévitable »..Le « Rapport Meadows » a 50 ans. Sa réédition, publiée le 3 mars, reste critique : notre monde basé sur la croissance court à sa perte. L’effondrement est une réalité, précise dans cet entretien le chercheur émérite Dennis Meadows, coauteur du texte. Pour lui, « vivre avec moins » est primordial.
..un rendez-vous manqué avec l’histoire… ce cri d’alarme restera un cri dans le désert. Cinquante ans plus tard, rien n’est venu démentir la probabilité d’un effondrement… déjà en cours dans certaines parties du globe...
#77 - La fin de la croissance ? - DENNIS MEADOWS
https://www.sismique.fr/post/77-la-fin-de-la-croissance-dennis-meadows
Dennis Meadows a 79 ans, il s’exprime aujourd’hui très peu dans les média, et c’est donc un honneur pour moi de l’avoir reçu dans Sismique pour faire le point sur sa vision des enjeux actuels....
Un rapport de 1972 prédit l’effondrement de notre économie vers 2040, et jusqu’ici il ne s’est pas trompé...Alors que la confiance dans le progrès s’estompait au début des années 70, un rapport prévoyait 12 scénarios possibles de l’avenir de l’humanité. Nous nous dirigeons vers deux des plus sombres. Mais il reste l’espoir pour une troisième voie, selon une chercheuse américaine.
DÉMENTI OFFICIEL DU PR. DENNIS MEADOWS SUITE AUX ALLÉGATIONS MENSONGÈRES DE L’ANCIEN MINISTRE LUC FERRY
Le 29 octobre, M. Luc Ferry a publié dans Le Figaro une tribune intitulée "Pour une croissance infinie dans un monde fini".
Dans celle-ci (voir photo jointe), il affirme qu’une croissance infinie dans un monde fini est possible et s’appuie pour cela sur la renommée internationale du Pr. Dennis Meadows, auteur principal du fameux "rapport Meadows", à qui il attribue un point de vue contraire à la vérité.
Dennis Meadows en personne, ayant eu vent du texte de Luc Ferry, vient de publier un démenti officiel
Nous publions ci-dessous le droit de réponse de M Dennis Meadows suite à la publication de cette chronique dont il estime que certains propos à son égard son inexacts:
La chronique «Pour une croissance infinie dans un monde fini» publiée le 29 octobre dans Le Figaro déforme l’analyse de notre livre «Les limites à la croissance» pour soutenir une vision de l’avenir que nous considérons comme un fantasme impossible. Pour ce faire, trois stratégies ont été utilisées.
Premièrement, la chronique a sorti notre travail de son contexte. Notre livre contenait 240 pages d’analyse. La chronique a cité un paragraphe et ignoré tout le reste. Notre livre présentait dix futurs possibles. La chronique a évoqué le scénario le plus favorable à son point de vue en ignorant tous les autres.
Deuxièmement, la chronique nous a attribué fallacieusement des opinions que nous n’avons pas et qui sont directement contredites par tout ce que nous avons écrit à ce jour. D’après le texte, nous acceptons la possibilité d’une croissance infinie. Il n’y a pas une seule phrase dans tout notre livre qui suggère la possibilité réaliste d’une croissance infinie. Même le scénario évoqué dans la chronique montre clairement une croissance démographique et économique qui s’arrête avant 2050.
Troisièmement, la chronique a ignoré nos principales hypothèses initiales. Nous avons montré que mettre en œuvre des mesures extrêmes sur le plan technologique l’année de notre analyse, 2002, pourrait aider à préserver la population mondiale si des mesures étaient préalablement prises pour limiter la croissance démographique et économique. Sans ces changements sociaux, la technologie ne fait que retarder l’effondrement de quelques années. La chronique a ignoré toutes nos conditions nécessaires et a affirmé que la croissance était possible sans changements sociaux et économiques.
Il n’est pas nécessaire de consulter notre modèle pour se faire une opinion sur la possibilité d’une croissance perpétuelle. Il suffit de regarder aux quatre coins du monde aujourd’hui et d’observer l’aggravation rapide de la dévastation écologique causée par la croissance de la consommation matérielle. Alors que ces problèmes existent après un siècle de formidable croissance technologique, personne ne devrait imaginer que quelques décennies supplémentaires de croissance technologique vont soudainement inverser la tendance.
Dennis Meadows
https://www.lefigaro.fr/…/luc-ferry-pour-une-croissance-inf…
Remerciements à Arthur Keller, dont la vigilance et l’implication ont permis la réaction de Dennis Meadows et la publication de ce démenti salutaire.
(posté par J-Pierre Dieterlen)
https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/10159850238372281
Comprendre les limites simulées dans World3 par Christophe Mangeant
Commentaire de Jean-Marc Jancovici : "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le modèle de "The Limits to Growth" sans oser le demander : Christophe Mangeant a décortiqué pour vous le fonctionnement de ce modèle et a rédigé une note de 15 pages qui explique tout. Très clair !"
(publié par Joëlle Leconte)
https://www.linkedin.com/posts/christophe-mangeant-0bb97b105_comprendre-les-limites-simul%C3%A9es-dans-world3-activity-6724367831846141952-aIhe
Perspectives pour un monde au PIB déclinant
Notre espèce humaine vit sur cette terre depuis environ 15 000 générations. Jusqu'en 1750, il n'y a eu pratiquement aucune croissance du PIB par personne. Pendant 300 000 ans, la population moyenne n'a connu aucune amélioration globale de son bien-être au cours de sa vie. Ce n'est qu'au cours des 15 dernières générations, soit à peine 0,1 % de l'existence de l'humanité sur terre, qu'il a été accepté et attendu que la vie pour tous s'améliore continuellement et rapidement.
Amory Lovins a constaté : "Tout ce qui est arrivé est possible".
Il est donc certainement possible, socialement et psychologiquement, pour les humains de vivre sans croissance. Mais il est certainement impossible politiquement et économiquement pour les humains de choisir cette option de manière proactive maintenant.
Les politiciens ont besoin de la promesse de plus pour plus tard pour maintenir l'engagement pour des accords qui donnent moins maintenant. Et les financiers ont besoin de la promesse de plus pour plus tard pour maintenir la tolérance à l'égard des politiques qui produisent d'énormes inégalités pour la plupart des gens maintenant.
La mascarade du progrès indéfini n'est soutenue aujourd'hui qu'en redéfinissant continuellement la croissance - en donnant de plus en plus de poids aux transactions financières qui ne produisent pas de richesse réelle, en donnant de moins en moins de poids aux aliments, aux services et aux productions de biens qui augmentent la richesse réelle ; plus de poids au coût de la réparation des dommages, moins de poids aux dommages environnementaux qui nuisent à la vie humaine. En fait, le véritable bien-être de la personne moyenne sur cette planète est en déclin depuis quelques années. Ce fait a été occulté par la création d'une dette massive, il n'est donc pas encore généralement reconnu. Mais au cours de ce siècle, il sera à nouveau largement admis que la société se trouve dans une période de croissance zéro ou négative.
Dire que quelque chose est possible et inévitable ne veut pas dire que c'est facile et rapide.
Il est possible et facile pour une personne soit de se déplacer rapidement à bicyclette, soit de se tenir à côté d'elle à l'arrêt. Mais pour ralentir une bicyclette et en descendre sans se blesser, il faut beaucoup de réflexion et d'habileté. Un grave obstacle prive la société mondiale des pensées et des compétences nécessaires pour descendre de son économie en pleine croissance. Les élites dirigeantes actuelles de la planète bénéficient à court terme de la préoccupation générale d'augmenter le PIB et de l'attention limitée portée aux mesures financières pour atteindre cet objectif. Comme ces élites sont pour la plupart myopes, elles utiliseront toutes leurs ressources pour bloquer les efforts visant à inverser la croissance, à diversifier les mesures de bien-être social et à réduire leur propre richesse et leur influence. Parce qu'elles ont encore une influence énorme, je m'attends à ce qu'elles réussissent pendant encore quelques décennies.
Cela ne signifie pas que la croissance se poursuivra indéfiniment. Cela signifie plutôt que la fin de la croissance sera imposée à la société par des facteurs échappant au contrôle des élites, tels que :
• la diminution de la disponibilité de l'énergie,
• la baisse de la qualité des ressources,
• l'augmentation des perturbations dues au changement climatique,
• la baisse des rendements agricoles due à la perte de terres arables,
• l'augmentation des coûts des services environnementaux - eau potable, air respirable, températures permettant de survivre -
• et, peut-être, par les troubles civils provoqués par le déclin de la cohésion sociale produit par des inégalités massives.
Alors, que nous réserve l'avenir ? Au cours des deux prochains siècles, la population du globe, son énergie et sa consommation de ressources vont diminuer - de 50 % ou plus. Le degré de chaos et d'inégalité pendant cette transition dépendra davantage des qualités et des objectifs des dirigeants qui émergeront que des formes spécifiques de gouvernance qui évolueront.
Ces formes vont changer. Il y aura une consolidation au niveau communautaire, car les groupes locaux se réorganisent pour maintenir leurs vies et leurs moyens de subsistance dans les affres de leurs conditions changeantes, en choisissant des politiques qui favorisent la résilience plutôt que celles qui favorisent la croissance.
Les modes d'organisation tribaux ont servi notre espèce bien, bien plus longtemps que les alternatives - monarchie, autocratie, l'oligarchie, la démocratie. Je m'attends à ce qu'ils l'emportent à nouveau.
Dennis Meadows
(publié par J-Pierre Dieterlen)
https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/10159497802002281
Les limites de la croissance et l'épidémie de COVID-19 - par Dennis Meadows, co-auteur de "Les limites à la croissance"
Traduction de l'article :
"Il y a quarante-huit ans, j'ai dirigé une étude de 18 mois au MIT sur les causes et les conséquences de la croissance de la population et de la production matérielle sur la planète Terre jusqu'en 2100. "Si les tendances de croissance actuelles … restent inchangées", nous avons conclu que "les limites de la croissance sur cette planète seront atteintes dans les cent prochaines années".
Pour illustrer cette conclusion, nous avons publié un ensemble de 13 scénarios générés par World3, le modèle informatique construit par mon équipe. Dans ces scénarios, les principaux indices mondiaux, tels que la production industrielle par habitant, ont généralement cessé de croître et ont commencé à diminuer entre 2015 et 2050.
L'épidémie actuelle ne prouve pas que nous avions raison.
Lorsqu'on demande aux climatologues si une tempête particulière prouve leur théorie du changement climatique, ils soulignent qu'un modèle de changement continu à long terme ne peut pas prévoir, ni être corroboré par un événement discret à court terme. Il y a toujours eu des tempêtes catastrophiques. Mais, soulignent les climatologues, les tempêtes de plus en plus fréquentes et violentes sont conformes à la thèse du changement climatique.
World3 est un modèle d'interactions continues entre la population, les ressources et le capital sur le long terme. Dans le contexte de 200 ans, la pandémie COVID-19 est un événement discret et de courte durée. Il y a toujours eu des fléaux, mais les épidémies de plus en plus fréquentes et violentes sont conformes à la thèse des limites de la croissance.
Il existe deux principaux liens de causalité.
Premièrement, la croissance explosive de la population et de l'économie de l'humanité a mis à rude épreuve les écosystèmes naturels, réduisant leur capacité d'autorégulation et rendant plus probables les pannes telles que les épidémies. Dans un passé récent, la société mondiale a été confrontée à la MERS, à l'Ebola, au Zika, au SRAS et au H1N1, ainsi qu'à des épidémies majeures de rougeole et de choléra. Et maintenant, nous avons le COVID-19.
Deuxièmement, la croissance de la consommation nous a obligés à utiliser les ressources de manière plus efficace. L'efficacité est le rapport entre la production que nous voulons et les intrants nécessaires pour la produire. Les mesures courantes de l'efficacité sont, par exemple, les miles par gallon, les années de vie prévues par dollar de soins de santé, ou les boisseaux de blé par gallon d'eau. Augmenter l'efficacité d'un système permet d'utiliser moins d'intrants par unité de production. En soi, une efficacité accrue est généralement une bonne chose. Cependant, l'augmentation de l'efficacité réduit inévitablement la résilience.
La résilience est la capacité à subir une interruption de l'approvisionnement d'un intrant nécessaire sans subir une baisse grave et permanente du rendement souhaité.
L'humanité vit sur une planète finie qui a commencé avec une quantité fixe de chaque ressource. Pour soutenir la croissance démographique et économique, la consommation des ressources finies de la planète a augmenté. En conséquence, les ressources ont été continuellement épuisées et détériorées. La fertilité des terres agricoles, la concentration de minerais, la qualité des eaux de surface et les populations de poissons marins font partie des milliers d'indicateurs qui montrent que la qualité moyenne à long terme des ressources est en déclin.
La production toujours plus importante à partir d'intrants toujours plus réduits a obligé la production à devenir de plus en plus efficace. Cependant, même les énormes progrès technologiques n'ont pas modifié le fait que la consommation détériore les ressources. Il a simplement réduit le taux de détérioration en diminuant la vitesse à laquelle nous utilisons les ressources pour produire chaque unité de ce que nous voulons.
Chaque secteur de la société est confronté au compromis entre efficacité et résilience.
Les constructeurs automobiles sont passés à la fabrication en flux tendu. Cela réduit le coût par voiture du maintien des stocks mais oblige des usines automobiles entières à fermer lorsque l'unique usine hautement efficace produisant une pièce dont elles ont continuellement besoin est interrompue. La production agricole s'est déplacée vers de grandes plantations monocultures pour la nourriture, le bois et les fibres. Cela réduit le coût du travail et du capital par tonne de production, mais augmente la vulnérabilité des cultures à un seul parasite ou à une perturbation des conditions météorologiques normales.
L'incitation à accroître l'efficacité a été stimulée par le fait que ceux qui peuvent produire et vendre la même production avec moins d'intrants font généralement plus de profits.
En conséquence, au cours du siècle dernier, on a assisté à un abandon massif des systèmes résistants au profit de systèmes efficaces - plus grande échelle, moins de diversité, moins de redondance.
La recherche du profit a été une force majeure qui a façonné le système de santé américain. Des efforts incessants ont été déployés pour réduire les niveaux de personnel, éliminer les stocks "inutiles" de fournitures et transférer la production de médicaments à l'étranger - tout cela pour réduire les coûts, c'est-à-dire rendre le système plus efficace.
Beaucoup ont profité de l'optimisation du système de santé pour être extrêmement efficace dans son utilisation des intrants. Aujourd'hui, nous payons tous le prix de la perte de résilience qui en résulte. COVID-19 a montré comment l'interruption rapide de certains intrants, tels que les masques, peut entraîner des baisses drastiques de résultats essentiels, tels que la qualité des soins de santé.
Le ralentissement de la croissance démographique et de la consommation de matériaux et d'énergie ne permettra pas d'éliminer le problème. Mais il réduirait la pression pour augmenter l'efficacité et laisserait plus de possibilités pour augmenter la résilience."
(publié par Joëlle Leconte)
https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/10159329603452281
...une croissance physique sans fin sur une planète finie est tout simplement impossible. Passé un certain point, la croissance s’arrête. Soit c’est nous qui l’arrêtons… en changeant notre comportement, ou bien c’est la planète qui l’arrêtera. 40 ans plus tard, nous sommes désolés d’avoir à le dire, mais nous n’avons pratiquement rien fait..