animaux sauvages gazette

Publié le par ottolilienthal

Le lynx boréal, fantôme des sous-bois...

Là où il avait disparu au début du XXe siècle, traqué, effacé, le plus grand félin d’Europe marque à nouveau son territoire dans les massifs forestiers de l’est de la France...

La forêt est devenue l'ultime refuge de nombreuses espèces. Ours, lynx, bison, castor, après en avoir été chassés, sont là, vivants, redessinant un paysage où le sauvage est roi, et bien autre chose qu'un panier de ressources. Disparus, ils réapparaissent, prolifèrent dans l'ombre douce des arbres. En nous révélant ce qu'est une forêt vivante, ils font naître l'émerveillement. Et au cœur de cette renaissance, une promesse, une lueur d'espoir : ce que nous avons perdu peut encore revenir, comme un souffle fragile qui défie le temps.

C'est un seigneur, mais un seigneur humble. Il règne sans bruit, sans éclat. L'inverse d'un fauve tapageur qui fait trembler la savane. Il ne conquiert pas, il hante. Il ne s'impose pas, il suggère. Et c'est là toute sa grandeur, dans cet art subtil de disparaître tout en existant.

Si vous vous promenez dans les forêts où il évolue, il est peut-être là, tapi en train de vous observer sans que vous ne le voyiez. Tout en lui respire l'élégance de la discrétion. Les lynx de Sibérie dépassent en taille leurs cousins des Balkans. Mais qu'importe la taille : tous partagent cette grâce feutrée, ce pas de velours qui fait d'eux des princes solitaires. Les oreilles du lynx coiffées de pinceaux de poils semblent capter des secrets que nous ne saurons jamais.

Des secrets du vent, des murmures de feuilles, ou d'un chevreuil qui s'éloigne. Son pelage dense, brun-roux et tacheté, défie le froid. Ses larges pattes, des raquettes naturelles, le portent sans effort sur la neige poudreuse. Et dans cette élégance discrète, le lynx est un prédateur redoutable. Il surgit d'un taillis comme une flèche, silencieux et précis, capable de tuer des proies bien plus grandes que lui. En Asie, il tient tête à des géants comme le tigre ou la panthère. Son ouïe est excellente. Mais l'œil de lynx qu'on lui prête est une légende : il voit comme nous le jour, mieux la nuit. La nuit, il peut parcourir vingt kilomètres, et est capable de sauter à plus de deux mètres.

Il ruse avec nos routes, nos fusils et nos clôtures

Ce félin aux allures de grand chat semble taillé pour les légendes, mais il lutte aujourd'hui pour sa survie dans nos forêts. Le plus grand prédateur sauvage d'Europe est inscrit sur la liste rouge française de l'Union internationale pour la conservation de la nature comme espèce « en danger ». Jadis maître des sous-bois, ses pas parcouraient les vastes massifs forestiers d'Europe, mais le Moyen Âge a marqué le début de son effacement. Déboisements, braconnage pour sa fourrure, extermination à l'image du loup et de l'ours

À l'aube du XXe siècle, le lynx avait disparu de nos montagnes. Mais la nature a sa façon de résister. Depuis les années 1970, le lynx boréal tente de retrouver sa place dans les massifs vosgiens, jurassien et alpin, porté par des programmes de réintroduction en Europe occidentale, en France, en Suisse et en Allemagne. On dit qu'il revient, qu'il recolonise les montagnes. En vérité, il ne revient pas en conquérant : il survit. Il ruse avec nos routes, nos fusils, nos clôtures et nos constructions. En France, sa population, fragile, oscille entre 150 et 200 individus. Et parmi les jeunes qui naîtront, le taux de mortalité est de 50 %, la première et la deuxième année.

Un rapport du Muséum national d'Histoire naturelle et de l'Office français de la biodiversité daté de décembre 2024 éclaire la situation. Fruit de dix-huit mois de recherche mêlant écologie et sciences humaines, ce texte alerte : si rien ne change, à l'aube de 2130, le lynx pourrait de nouveau disparaître de nos forêts. Trois obstacles s'entrelacent comme des ronces : la fragmentation des habitats, les destructions légales et illégales ainsi que la faible diversité génétique alarmante.

 

L'espoir réside dans diverses mesures. À commencer par des translocations pour injecter un souffle nouveau dans le sang des populations. Il faudra aussi réconcilier les hommes avec ce félin au port noble, en éclairant les sceptiques, mais aussi renforcer les moyens d'action de la police de l'environnement, ainsi que développer la coopération internationale.

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