Algérie..
Combien coûte la liberté de penser ? Boualem Sansal et Kamel Daoud paient le prix fort, d’autant que les manœuvres d’Alger trouvent un tragique écho en France....
Six mois que l'écrivain Boualem Sansal est en prison. Le régime d'Alger, sorte de dictature bottée ayant fusionné avec ses anciens ennemis islamistes, a de nombreuses raisons de lui en vouloir : son entêtement malséant à dire et à écrire ce qu'il pense, son talent, qui donne de l'écho à ses propos, et son courage, qui donne le mauvais exemple. Les autocraties, c'est connu, deviennent plus cruelles encore à mesure qu'elles s'affaiblissent. Celle d'Alger ne fait pas exception, personne ne s'en étonnera.
Mais chez nous, que se passe-t-il ? La captivité de Sansal suscite, bien sûr, de l'émotion, mais pas autant qu'il le faudrait. Celle-ci, surtout, n'est pas unanime : il s'est tout de même trouvé 28 députés, à l'Assemblée nationale, pour voter contre une résolution appelant à sa libération ! Tous issus de LFI, bien sûr. Difficile d'être surpris, mais, répétons-le, c'est abject.
Un peu moins de deux ans que Kamel Daoud a quitté Oran pour Paris. S'il ne l'avait pas fait, il se tiendrait d'ailleurs très certainement au côté de Boualem Sansal, derrière les barreaux. Sauf que le régime d'Alger a décidé de ne pas se contenter de la dictature « dans un seul pays » : il a émis la semaine dernière deux mandats d'arrêt internationaux contre lui.
Une opération sponsorisée par l'État algérien
Les crimes de Kamel Daoud ? D'abord, avoir raconté, dans Houris – récompensé par le dernier prix Goncourt –, la décennie noire algérienne, ce qui est puni par la loi. Malheur à ceux qui profèrent des vérités ! Le second « crime » est stupéfiant : il découle de la plainte (déposée en Algérie et en France) d'une rescapée d'un massacre perpétré dans les années 1990 et qui affirme que l'écrivain se serait inspiré de sa vie pour Houris.
L'histoire et l'actualité littéraires sont truffées de ces affaires dans lesquelles quelqu'un se reconnaît – ou pense se reconnaître – parmi les personnages d'un livre. Sauf que, dans le cas de Kamel Daoud, la controverse a tous les traits d'une opération sponsorisée par l'État algérien, qui, depuis le premier instant, a mis son appareil judiciaire et médiatique au service d'une manœuvre de déstabilisation voyante jusqu'au grotesque. Faut-il que l'écrivain (par ailleurs chroniqueur au Point) l'indispose pour que ce fragile pouvoir sombre dans un tel ridicule…
Atmosphère boueuse
Le pire, dans cette histoire – comme dans celle de Sansal –, est peut-être le zèle avec lequel certains, en France, apportent leur concours aux desseins coupables du pouvoir algérien. Après Mediapart, qui a sorti il y a quelques semaines son « enquête » sur Houris, gobant avec appétit les éléments de langage de la dictature, Le Monde y est aussi allé de son coup de pouce, développant longuement, voire avec une certaine volupté, les arguments déjà ressassés par les médias du régime d'Alger. Naïveté ou complaisance ? Ce n'est pas la première fois que le quotidien du soir s'en prend à Daoud, mais qu'importe. Ce qui sidère, c'est cette boueuse atmosphère dans laquelle l'écrivain libre devient le problème.
Rien de très nouveau ici, objectera-t-on : Soljenitsyne – comme bien d'autres – avait dû faire face, en Occident, à la meute de ceux qui ne voulaient pas être dérangés dans leurs croyances. Autrefois, il ne fallait pas contredire la bigoterie communiste ; aujourd'hui, c'est une autre bigoterie, identitaire celle-là, qu'il ne faut pas perturber. Comme le dit Daoud à propos de Sansal (et de lui-même), leur crime est de ne pas se plier aux assignations, de pas être « le bon Arabe ». Combien coûte la liberté de penser ?
Dans Il faut parfois trahir, publié ces jours-ci dans la collection « Tracts » de Gallimard, essai lumineux sur la tragédie algérienne de « l'enfermement identitaire », Kamel Daoud explique sa sécession d'avec les dogmes mortifères imposés par le pouvoir en place : « Si je dois trahir ceux-là mêmes qui trahissent la vie, je le ferai et je le fais à chaque réveil. » Et il en paie le prix : « Alors oui, j'ai peur parce que quand on viole le secret du “nous”, on peut être tué », écrit-il. Il faut lire ce texte brillant, érudit et bouleversant. Un manuel de liberté.
Puisse-t-il inspirer, d'Alger à Paris.
Champion économique, terre d’innovation, jalousé par le monde entier. Voilà comment des dizaines d’influenceurs décrivent le pays, en totale déconnexion, hélas, avec le réel...
La plongée dans le monde déconcertant des influenceurs algériens francophones a commencé le 13 mars 2025, lorsque l'écrivain Boualem Sansal, détenu depuis quatre mois, a été inculpé pour « intelligence avec des parties étrangères ». En clair, espionnage. L'accusation était invraisemblable. Boualem Sansal a été haut fonctionnaire, mais il a quitté le ministère algérien de l'Industrie en 2003. Artisan Malik ne se laisse pas troubler par ce genre de détail. Ce trentenaire, basé en Algérie, qui parle un français sans accent, anime sur YouTube une chaîne francophone suivie par 40 000 abonnés.
Elle est totalement alignée sur les positions du gouvernement algérien. Auteur d'une dizaine de vidéos assez sommaires sur Boualem Sansal (il se contente le plus souvent de parler à son smartphone sans trop se donner la peine d'argumenter), Artisan Malik est très remonté, en ce moment, contre la France.
Le néocolonialisme, explique-t-il, consiste à « fournir des informations sur des projets industriels de l'Algérie, comme Boualem Sansal pouvait le faire », au profit de notre pays. Admettons. Pour dévoiler des secrets industriels, toutefois, l'agent Sansal aurait besoin d'industriels à espionner. Où les trouver, dans une économie massivement tournée vers l'extraction des hydrocarbures ? Artisan Malik ne le précise pas.
Mal renseignés, mais enthousiastes
Le compte X FBKZ a la réponse. Suivi par 2 300 abonnés (ce qui est peu), il semble taillé sur mesure pour les Algériens de France. Son auteur relaie plusieurs messages par jour. Invariablement, il s'agit de prendre la défense de l'Algérie et de contrer ceux qui la critiquent. Son propriétaire a choisi comme devise deux citations qu'il attribue au président Tebboune : « Notre chair est amère… Celui qui nous cherche, qu'il vienne » et « L'Algérie n'a besoin que d'Allah et de ses enfants ».
« Après les hélicoptères, l'Algérie va produire des navires de guerre », affirmait FBKZ le 20 janvier en citant le média observalgerie.com. La construction de navires de guerre ? La presse en a parlé, mais c'est au stade de projet, à Annaba. En ce qui concerne l'hélicoptère made in Algeria, Davyrodriguez, sur TikTok, est très précis et fort enthousiaste. L'enthousiasme envers l'Algérie, d'une manière générale, est la marque de fabrique de ce jeune homme, qui ne semble pas natif du pays.
Ses vidéos sur YouTube dépassent très souvent les 100 000 vues. Il affiche le score impressionnant de 607 000 abonnés. Qu'il s'agisse de géopolitique, de foot ou d'industrie, il défend l'Algérie avec le débit accéléré et l'abattage d'un chauffeur de salle de gala de boxe. Concernant les hélicoptères, donc, le pays va bénéficier d'un « transfert de technologie » pour produire des AgustaWestland AW139, à Sétif, explique Davyrodriguez.
La voiture électrique made in Algeria en 2025
Vérification faite, le groupe italien Leonardo-Finmeccanica a effectivement signé un accord avec le ministère de la Défense pour la création d'une usine d'assemblage d'hélicoptères… en 2016. Dix ans plus tard, la production algérienne de cet hélicoptère bien connu, commercialisé depuis plus de vingt ans, commence à peine. L'usine a enregistré une commande de sept appareils.
Il serait d'ailleurs plus approprié de parler d'assemblage de kits livrés depuis l'Italie. Le schéma n'est pas sans rappeler le démarrage avorté d'une industrie automobile en Algérie dans les années 2010. Renault, Hyundai, Kia et Volkswagen avaient créé des usines en « semi knocked-down », qui ont presque toutes fermé au bout de quelques années, sur fond de scandales de corruptions et de malversations diverses.
La relance de l'industrie automobile (qui produit pour le moment surtout des tracteurs assez simples et des motocyclettes) doit intervenir dans les années à venir. De nombreux projets sont sur les rails. Sans attendre, de nombreux comptes sur les réseaux sociaux annoncent déjà le « premier véhicule électrique made in Algeria » pour 2025. D'ailleurs, ils ne font que reproduire des déclarations à la presse d'un responsable de la direction générale de la recherche du ministère de l'Enseignement supérieur datant d'avril 2024.
Alger plus attractive que Los Angeles
La recherche. Et si c’était la clé ? Boualem « 007 » Sansal aurait-il espionné l’Algérie au niveau de ses laboratoires et de sa R&D ? D’après le compte TikTok Ayadz, qui cite une émission intitulée Hebdo Show Algeria, « l'Algérie a brillé une nouvelle fois sur la scène internationale de la recherche » l'an dernier. Soixante-huit chercheurs et universitaires algériens ont été classés par l'université californienne de Stanford parmi les 2 % des meilleurs scientifiques mondiaux, « soit la crème de la crème ».
« Les institutions algériennes peuvent rivaliser avec les plus grandes universités du monde », assure la vidéo. Ayadz, ou Ayadzlesleconsdelavie, de son nom complet, est un petit compte TikTok, comptant 2 500 followers, qui parle beaucoup plus souvent de foot que de politique ou de science. Trouver sur sa page la vidéo relative aux chercheurs algériens distingués par Stanford suggère que la vidéo en question a vraiment beaucoup circulé sur les réseaux algériens.
Tout comme pour les hélicoptères made in Algeria, il y a un fond de vérité. Soixante-huit chercheurs et universitaires algériens figurent bien dans ce classement, mais il compte trois cent mille noms et on y trouve aussi soixante-douze représentants d'établissements nantais. Autrement dit, ce qu'oublie de dire Ayadz, sur la base de ce classement, c'est que l'Algérie possède à peu près le potentiel scientifique d'une métropole régionale européenne française, et encore. Pour atteindre ce chiffre de 68 ont été mis au crédit de l'Algérie des chercheurs qui ont fait toute leur carrière en France ou aux États-Unis.
Bon public, les internautes applaudissent sans malice, même lorsque l'autopromotion vire à l'invraisemblable. « La capitale algérienne a été élue deuxième meilleure destination touristique au monde en 2024 », devant Nice et Los Angeles, relaie Safimomo8 sur TikTok ! L'affirmation, reprise par des dizaines de comptes sur différents réseaux sociaux, est issue d'un classement Skyscanner qui portait en réalité sur les destinations « les plus prisées des voyageurs français ayant enregistré la plus forte baisse de prix des billets » au cours de l'année… Safimomo8 affiche près de 40 000 followers.
Il ne donne aucun détail sur sa personne et ne se met jamais en scène. Ses vidéos n'ont qu'un but : vanter l'Algérie, grande puissance dotée d'une équipe de foot redoutable et d'un voisin pénible (le Maroc), où reviennent s'installer des émigrés partis aux États-Unis, dont la beauté coupe le souffle des visiteurs français, etc. Par rapport à Artisan Malik, Safimomo8 a une qualité indéniable : il est presque toujours positif.
Une agriculture ultraperformante
Au risque de verser dans l'extravagance… Vue à travers les vidéos relayées par Safimomo8, l'agriculture algérienne, par exemple, est un fleuron, un modèle. Elle enchaînerait les prouesses. Les paysans algériens transformeraient « le désert en terres fertiles », explique le compte Lelien, alors qu'Algeria_media annonce un vaste plan de développement de cultures de tournesols, encouragé par le gouvernement, là encore dans les terres arides du Sud, grâce à des programmes d'irrigation sophistiqués.
Les promesses sont illustrées par des images de champs s'étirant jusqu'à l'horizon où s'activent des rangées de camions et des moissonneuses filmées du ciel. Elles émanent de la Télévision algérienne (ex-ENTV) et auraient été prises dans la région d'Adrar, dans le Sahara, où l'irrigation serait en fort développement. Que montrent réellement ces images ? Difficile de le savoir. L'hebdomadaire spécialisé La France agricole émettait de sérieuses réserves sur les annonces algériennes en août 2024.
Les rapports européens réalisés dans le cadre des programmes Medstat pointent régulièrement le manque de fiabilité des statistiques agricoles algériennes. Un point est établi : le pays est loin de couvrir ses besoins en produits essentiels, céréales, huiles, viandes, etc. L'agriculture algérienne emploie plus de 20 % de la population active, contre 1,3 % en France, mais elle ne nourrit pas le pays.
Le gouvernement annonce des récoltes records de blé cette saison et prétend atteindre l'autosuffisance pour cette denrée de base. Pourtant, l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) a lancé son appel d'offres le plus important de la décennie fin 2024. L'Algérie va acheter un million de tonnes de blé meunier cette année.
Le « record » annoncé pour 2024-2025, à 3 millions de tonnes de blé moissonné, sera loin de couvrir les besoins du pays. Comme d'habitude. Le solde commercial agricole de l'Algérie est invariablement déficitaire, de 5 à 10 milliards d'euros selon les années. En revanche, pour ce qui est des influenceurs enthousiastes, pas de doute : l'Algérie est exportatrice nette.
https://www.lepoint.fr/societe/l-algerie-vue-par-ses-influenceurs-un-pays-imaginaire-19-03-2025-2585104_23.php
Dans l’après-midi du lundi 2 octobre, les médias algériens ont donné écho à un communiqué du ministère des Affaires étrangères annonçant, en grande pompe, qu'Ahmed Attaf avait réussi à convaincre les Nigériens d'une médiation algérienne dans la crise que traverse leur pays depuis le coup d’Etat du 26 juillet. Moins de vingt-quatre heures plus tard, Niamey réagit et fait essuyer à Alger un cinglant camouflet
Alors que Tebboune ne cessait de clamer haut et fort qu’il refusait toute médiation dans le conflit qui l’oppose au Maroc, tout en repoussant le dialogue direct proposé par son voisin de l’Ouest plus d’une fois, le gouvernement algérien multiplie les efforts pour présenter sa médiation tant aux factions palestiniennes, qu’à la Russie et l’Ukraine, et tout récemment aux Nigériens dont le pays est embourbé dans une crise née du coup d’Etat du 26 juillet.
Bien avant Tebboune, les dirigeants qui se sont succédé à la tête de l’Etat algérien depuis 1992 ont refusé toute médiation étrangère dans la crise issue de l’arrêt du processus électoral démocratique, le 12 janvier 1992. Alors que le peuple algérien subissait dans sa chair les affres d’une guerre civile qui a fait plus de 250.000 morts, 20.000 disparus sans compter les séquelles qu’il traîne aujourd’hui, les dirigeants algériens ont rejeté toutes les offres de médiation proposées par des parties tierces estimant qu’il s’agit d’une affaire interne qui se règle entre Algériens. Une affaire jamais réglée jusqu’aujourd’hui.
Le régime en place continue de souffrir de la désaffection populaire et le pays demeure plongé dans une crise larvée marquée par des arrestations quotidiennes, des détentions de plusieurs centaines de personnes et l’interdiction de toute vie associative et militante. Ce régime refuse, également, de jouer le médiateur de bons offices pour clore définitivement le dossier du Sahara devant les instances onusiennes tout comme il refuse de participer aux tables rondes proposées par l’ONU entre le Maroc, l’Algérie et le Polisario comme l’a rappelé tout récemment Omar Hilale, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU à l’adresse de son homologue algérien.
Tout en refusant toute médiation dans des conflits dans lesquels il est directement impliqué et en rejetant toute offre de dialogue, le régime algérien s’entête à vouloir jouer les beaux rôles dans les autres conflits. Ainsi, il s’attaque au dur morceau des dissensions perpétuelles entre les factions palestiniennes sans réussir à aller au-delà d’un couscous à Alger et une poignée de mains entre les principaux chefs palestiniens.
Ne retenant pas les enseignements de l’échec de cette médiation ratée bien que l’Algérie jouit d’une très grande estime aux yeux comme dans le cœur des Palestiniens, Tebboune, contre toute attente et certainement pris par l’euphorie de l’accueil que lui avait réservé Vladimir Poutine à Moscou, lance l’initiative algérienne pour mettre fin à la guerre russo-ukrainienne qui dure depuis le 24 février 2022. Une initiative qu’on qualifie de mort-née puisque son initiateur n’a pas été au-delà d’une simple annonce d’intention.
l est vrai que la guerre entre la Russie et l’Ukraine est d’une toute autre dimension. C’est une pointure trop grande pour un régime qui n'arrive même pas à assurer à son peuple le strict minimum en matière de produits alimentaires de première nécessité. Pas même l’eau dans les robinets des ménages. Sans parler de la rupture totale entre le peuple algérien et ses dirigeants qui lui sont imposés par la fraude électorale et la répression. Le coup d’État du 26 juillet opéré par une faction de l’armée nigérienne pour déposer le président Mohammed Bazoum et la crise qui s’en suit paraît aux yeux du pouvoir d’Alger taillée sur mesure pour qu’il puisse prétendre à une médiation entre les parties en conflit. Après plusieurs contacts et quelques pérégrinations du ministre des Affaires étrangères, Alger annonce le 2 octobre avoir réussi à faire accepter son plan de sortie de crise.
Moins de vingt-quatre heures après cette annonce, Niamey émet un démenti catégorique tout en précisant que la période transitoire proposée par l’Algérie ne peut être déterminée et fixée que par les Nigériens. Avec un peu plus de perspicacité, Alger n’aurait jamais insisté à jouer un rôle qui ne lui sied guère. La CEDEAO le lui avait fait comprendre il n’y a pas longtemps en lui signifiant que la médiation algérienne n’était pas la bienvenue. C’était confirmé par le ministre des Affaires étrangères de Bazoum. Mais, l’entêtement à engranger quelques points pour redorer un blason suffisamment terni a fini par mener à l’humiliation.
Oui, un véritable camouflet dont se serait bien passé l’Algérie qui ne fait que collectionner les échecs et les revers dans tous les domaines sur la scène internationale, dont les plus récents et aussi les plus cinglants furent la fin de non-recevoir opposée à sa candidature par les pays du BRICS, puis son récent forfait de la course à l’organisation des éditions 2025 et 2027 de la Coupe d’Afrique des Nations. Auparavant, Alger n’était même pas parvenu à faire passer son candidat au comité exécutif de la CAF en se faisant battre à plate couture, par la Libye dont le football n’a rien de comparable avec celui de son voisin algérien. Mais, cela n’a pas empêché le candidat libyen de battre son rival algérien par 38 voix à 15, soit le double des voix plus huit comme pourboire. Cela donne une idée sur la place qu’occupe, aujourd’hui, l’Algérie sur la scène africaine sous la conduite du tandem Tebboune-Chengriha
Le think tank Carnegie Center accuse les militaires de contrôler de manière excessive la politique algérienne
Les analystes du Carnegie Middle East Center s'accordent sur la conclusion de leur analyse de la transition du pouvoir algérien en 2019 et de la fin de l'ère Abdelaziz Bouteflika. Bouteflika ne parvient pas à contrôler l'establishment militaire comme l'avait fait son prédécesseur à la fin de la dévastatrice "Décennie noire".
"Depuis que le général Ahmad Gaid Salah a violé la constitution et transféré les services de renseignement aux forces armées, Tebboune ne dispose pas des ressources nécessaires pour faire pression sur les dirigeants militaires", résume l'analyste Belkacem Elguetta pour le Carnegie Middle East Center.
Selon Elguetta, avant l'arrivée au pouvoir de Tebboune, les dossiers de renseignement impliquant des membres importants des forces armées dans les pires épisodes de la guerre civile algérienne ont été utilisés contre les militaires par l'establishment politique. Ces moyens de pression avaient déjà expiré et ne pouvaient plus être utilisés par la présidence algérienne.
En Algérie, l'armée serait toujours le premier pouvoir, devant le pouvoir politique, selon les analystes de Carnegie. L'indépendance de l'Algérie vis-à-vis de la France, obtenue par la force des armes, donnerait encore aujourd'hui une crédibilité et une légitimité aux forces armées.
Selon l'enquête sur l'indice arabe, réalisée par le Centre arabe de recherche et d'études politiques à Doha, les forces armées algériennes bénéficient d'un niveau de confiance positif au sein de la population, qui a augmenté au cours des années de déclin de Bouteflika. Alors qu'en 2011, 61 % des personnes interrogées ont déclaré faire confiance à l'Armée nationale populaire algérienne (ENPA), la même réponse a été soutenue par 87 % dans l'enquête 2019/2020. Il s'agit de l'institution d'État la mieux notée.
Des médias comme Al-arab illustrent le retour au pouvoir des forces armées avec le nouveau jour férié en Algérie, consacré à la reconnaissance des armées. Depuis janvier 2022, le 4 août est devenu la date dédiée à cet effet, par décret de Tebboune, bien que des sources locales désignent la main des militaires comme le véritable instigateur de ce changement.
A l'occasion de la nouvelle fête, le chef d'état-major Said Chengriha a profité de l'occasion pour prononcer un discours vantant l'unité et la cohésion entre l'ENPA et le peuple algérien. Il a utilisé le récit susmentionné de la légitimité révolutionnaire qui relie la lutte pour l'indépendance de l'Algérie aux forces armées, et donc la raison d'être de l'Algérie elle-même à ses armées.
Selon Belkacem Elguetta, les militaires conserveraient désormais une forte influence sur la politique étrangère de l'Algérie, l'une des raisons qui pourraient justifier la course aux armements croissante du pays avec le Maroc, ou les virages peu diplomatiques qu'il a pris avec l'Espagne en avril. Grâce à la tension militaire dans son voisinage, les militaires seraient ainsi en mesure de maintenir un plus grand contrôle sur la politique algérienne. "Les militaires imposeront de plus en plus leurs vues sur l'orientation de la politique étrangère algérienne, comme le maintien de l'hostilité stratégique envers le Maroc, l'implication diplomatique dans les conflits de l'Afrique subsaharienne, le maintien du statu quo dans la relation avec la France, et la poussée vers une plus grande dépendance à l'égard de la Russie en tant qu'allié stratégique sous le prétexte de la normalisation maroco-israélienne", écrit Elguetta dans son analyse.
Le pouvoir exercé par les dirigeants militaires algériens est considéré par les experts en analyse maghrébine comme l'un des principaux obstacles à la transition de l'Algérie vers un modèle démocratique et à sa sortie du tourbillon des crises économiques internes qui s'accompagnent souvent de corruption. Dans un pays aussi vaste, où les frontières sont parfois poreuses, l'État a du mal à atteindre toutes les régions du sud du pays, qui sont aux mains des gouvernements militaires.
Selon Belkacem Elguetta, ces gouverneurs militaires ont réussi à mettre en place un système de financement parallèle dans les zones frontalières où le ministère de l'intérieur et la présidence ont peu de pouvoir, afin de profiter de la contrebande et de la petite délinquance.
Avec ces perspectives, rien ne permet de penser que la restructuration du pouvoir algérien post-Bouteflika s'orientera vers un horizon meilleur que celui que fuit sa société.
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L'armée algérienne s'empare des principaux leviers de contrôle de l'État
https://atalayar.com/fr/blog/larmee-algerienne-sempare-des-principaux-leviers-de-controle-de-letat
L'armée algérienne s'empare des principaux leviers de contrôle de l'État....Ces dernières semaines, l'armée algérienne (Armée nationale populaire) a réalisé un véritable "coup d'État en douceur", sans effusion de sang et sans confrontation violente sur les places publiques, par lequel elle a désormais pris le contrôle des principaux pouvoirs du pays.
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Algérie : le Président Tebboune impuissant face à l'armée algérienne
https://atalayar.com/fr/content/algerie-le-president-tebboune-impuissant-face-larmee-algerienne
le Président Tebboune impuissant face à l'armée algérienne Le think tank Carnegie Center accuse les militaires de contrôler de manière excessive la politique algérienne..."Depuis que le général Ahmad Gaid Salah a violé la constitution et transféré les services de renseignement aux forces armées, Tebboune ne dispose pas des ressources nécessaires pour faire pression sur les dirigeants militaires"
Pommes de terre, huile, lait: l'Algérie hantée par les pénuries...Alors que les denrées alimentaires de base se font de plus en plus rares, le gouvernement algérien multiplie les mesures drastiques pour tenter de stopper l'hémorragie.
Tensions entre l’Algérie et le Maroc....C’est aussi un moyen pour les dirigeants algériens de couvrir les problèmes auxquels fait face le pays, comme la mauvaise gestion de la pandémie, les incendies de forêts et les coupures d’eau en pleine canicule
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L'Algérie, un pays malade de ses dirigeants
https://atalayar.com/fr/content/lalg%C3%A9rie-un-pays-malade-de-ses-dirigeants%C2%A0
L'Algérie, un pays malade de ses dirigeants Les dirigeants algériens n'ont pas répondu aux demandes des citoyens exprimées dans le mouvement Hirak.....État de droit, transition démocratique, souveraineté populaire et justice indépendante
Archivophobie est une maladie purement algérienne ! Quand ils entendent le mot “archives”, ils ont la peur au ventre ! Cela est le sentiment des Algériens qui ont vécu la guerre de libération, ceux qui ont regardé, en spectateurs, passer la révolution algérienne, ceux qui ont pris le train dans sa dernière station, ceux qui ont pris le maquis après la déclaration du cessez-le-feu, ceux qui ont profité de la révolution, ceux… Le passé est une ombre gardienne ! L’Histoire est un paradis pour les uns et elle est une géhenne pour d’autres, bien qu’ils soient, les uns et les autres, dans l’Algérie aujourd’hui, peut-être, ensemble, dans le même sac politique, dans le même train de vie, usant du même discours ! Il n’y a pas d’écriture propre de l’Histoire, une écriture transparente, équitable, dans l’absence des archives. Les archives sont un caillou dans la chaussure pour les pseudo-architectes de l’Histoire ! Une amertume chronique. Nos archives sont enterrées ailleurs, chez les autres. Et avec l’enterrement des archives la discorde, elle aussi, est enterrée! Différée. Et les pseudo-révolutionnaires dorment paisiblement !
À leurs yeux, les archives sont le bois du feu de la discorde. Ainsi, il ne faut jamais déterrer les archives : laissez le puits avec son couvercle (khalli el bir bghtah). Beaucoup de nos responsables décideurs dès qu’il s’agit de la récupération des archives, ils crient fort mais sans faire du bruit : “Maudit celui qui réveille la discorde, laissez la fitna endormie”! Si l’absence des archives fait le malheur de l’historien honnête, elle fait, de l’autre côté, le bonheur des autres. Le bonheur de ceux qui se prétendent les bâtisseurs de l’Histoire. Ceux qui désirent que leur discours mensonger et erroné reste une sorte de prière pour les générations suicidaires. Depuis cinquante ans, les Algériens ne veulent pas de leurs archives. Ils ne le disent pas franchement, mais ils activent énergiquement, sur le terrain, pour jeter une autre épaisse couche de terre sur sa tombe ! Ils détestent se regarder dans leur miroir-archives ! Ce miroir leur reflète une autre image qui les dérange, les tourmente et leur dépoussière la mémoire blessée. Quand ils entendent le mot “archives”, ils ont la peur au ventre ! Il ne craint le feu que celui qui a de la paille au ventre (Elli fi karchou tben khaf nar), dit l’adage ! En 1962, une fois l’indépendance proclamée, acquise, les responsables de la radio de la révolution algérienne installée à Nador sur le territoire marocain, ont chargé toutes les archives sonores de la radio dans des camions, envoyés vers l’Algérie nouvellement indépendante. Mais jusqu’au jour d’aujourd’hui, soixante ans après ou presque, les camions n’ont jamais atteint Alger, n’ont jamais atteint leur bonne destination ! Comment et pourquoi ? Encore, un autre exemple, après l’indépendance, les responsables tunisiens ont demandé aux autorités algériennes de procéder à la récupération de leurs archives radiophoniques très riches entassées à la Maison de la radio tunisienne en échange des bobines d’enregistrement vierges. Les autorités algériennes n’ont pas répondu favorablement aux Tunisiens. Et par manque de moyens, nos frères tunisiens se trouvaient, malgré eux, dans l’obligation d’effacer des enregistrements algériens afin de pouvoir réutiliser les mêmes bobines.
Faire la sourde oreille, fermer l’œil, envers les archives, est un acte politique délibéré et bien réfléchi, tentant d’enterrer vivante toute une période de l’Histoire. Apposer une grosse tache noire sur une écriture claire. Effacer une trace gênante. Masquer un visage qui trouble la mémoire.
Malheur pour les uns bonheur pour les autres !
Que les archives soient encore chez les autres, en France, chez l’ennemi d’hier, est-elle une chose positive ? D’abord ces archives, entre les mains de l’ennemi d’hier, ils sont en bonne santé, scientifiquement parlant. Avec amertume et colère, il faut avoir le courage de dire : nous n’avons même pas su comment sauvegarder le peu d’archives qui est resté entre nos mains, après le départ de l’administration coloniale.
Dans la période postcoloniale, beaucoup de documents ont été détruits volontairement, disparus intentionnellement, par la complicité des mains algériennes, par peur de découvrir la fausse monnaie révolutionnaire glissée entre les véritables visages de la Révolution. Récupérer les archives par les Algériens d’aujourd’hui cela signifie déclencher une deuxième guerre plus féroce que la première, et qui, sans doute, finira par détruire les archives récupérées, ruiner ce qui reste du pays, et tuer le frère ! C’est regrettable de le dire, mais il faut oser le dire : heureusement que nos archives sont toujours entre les mains de notre ennemi d’hier, au moins, de l’autre côté, elles sont bien conservées. En attendant de jours meilleurs où les faux-monnayeurs d’Histoire ne seront plus de ce monde.
le 27-09-2018
A. Z.
aminzaoui@yahoo.fr
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L'Algérie, un pays qui se transforme en fossile | Slate Afrique
http://www.slateafrique.com/704573/algerie-bouteflika-crise-petrole
La santé déclinante du président Bouteflika symbolise l'état précaire dans lequel se trouve le pays...
Le diamantaire Laurent Bloch ne se doutait pas, en ce mois de décembre 2006, que ses retrouvailles avec le frère de son ami d’enfance allaient l’amener, huit ans plus tard, à témoigner devant la justice italienne. Dans les années 1970, l’actuel gérant du diamantaire parisien Raymond Bloch SA fréquentait la même école primaire à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) que Ryad, frère cadet de Farid Bedjaoui. C’était avant que la famille Bedjaoui n’émigre au Canada au début des années 1990, avant que les frères Bedjaoui ne fassent fortune et que l’aîné vienne lui acheter, pour son épouse, deux diamants pour près de 1 million de dollars (environ 900 000 euros).
« Le prix payé par Farid correspondait à la valeur de ces diamants sur le marché », a affirmé Laurent Bloch devant le tribunal de Milan, pour justifier deux virements effectués par Farid Bedjaoui sur le compte à Genève (à l’Union bancaire privée) d’une compagnie offshore, Bexhill International Inc., dont la famille Bloch était bénéficiaire économique.
Le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde est partenaire, publie dès lundi 25 juillet une nouvelle série d’articles à partir des documents « Panama papers » sur l’évaporation des ressources en Afrique.
La présentation (en anglais) de cette série est à trouver ici.
Les 11,5 millions de documents issus du cabinet panaméen Mossack Fonseca mettent en lumière le rôle des sociétés offshore dans le pillage du continent, qu’il s’agisse de l’industrie du diamant en Sierra Leone, des structures de dissimulations du milliardaire nigérian Kolawole Aluko, propriétaire d’un yacht sur lequel Beyonce a passé des vacances et lié à l’ancienne ministre du pétrole nigériane Diezani Alison-Madueke, ou le recours systématique aux paradis fiscaux par l’industrie extractive.
Selon l’ICIJ, des sociétés issues de 52 des 54 pays africains ont recouru à des structures offshore, participant à l’évaporation de 50 milliards de dollars d’Afrique chaque année. ICIJ, pour cette nouvelle série, s’est appuyé sur ses partenaires habituels ainsi que sur des journalistes en Algérie, au Ghana, en Tanzanie, au Niger, au Mozambique, à Maurice, au Burkina Faso et au Togo, coordonnés par le réseau indépendant ANCIR.
En l’occurrence, ce n’est pas la structure offshore des Bloch qui intéressait la justice, mais le train de vie de Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre algérien des affaires étrangères, Mohammed Bedjaoui. Farid, personnage flamboyant aujourd’hui âgé de 47 ans, est poursuivi pour corruption et blanchiment d’argent dans l’affaire Sonatrach-Saipem.
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L’affaire éclate en 2009. L’ancien PDG de la Sonatrach, Mohamed Meziane, ses deux fils, ainsi que de nombreux hauts responsables de la compagnie nationale algérienne de pétrole ont été condamnés en février 2016 au terme du procès algérien dit « Sonatrach 1 ». La filiale algérienne de Saipem, elle-même filiale d’ENI, le grand groupe pétrolier italien, a également été jugée coupable de corruption et de blanchiment d’argent.
« Schéma corruptif »
Une deuxième procédure a été ouverte en Italie, dans le sillage des commissions rogatoires envoyées par l’Algérie. Cette fois, les pistes mènent à Farid Bedjaoui, en fuite et aperçu pour la dernière fois à Dubaï, et à l’entourage du ministre de l’énergie de l’époque, Chakib Khelil. Les magistrats italiens accusent Bedjaoui d’avoir touché de la Saipem l’équivalent de 205 millions de dollars par l’intermédiaire de la compagnie Pearl Partners Ltd, domiciliée à Hongkong. Et le soupçonnent d’avoir arrosé de nombreux responsables algériens afin de faciliter l’obtention, par la Saipem, de huit contrats entre 2006 et 2009, pour 10 milliards de dollars : des centaines de kilomètres de pipelines et plusieurs usines de traitement.
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« Le rôle d’intermédiaire joué par Farid Bedjaoui dans le schéma corruptif (…) aurait été imposé à Saipem par le ministre Khelil. (…) Les magistrats algériens ont identifié des versements qui ont profité à Najat Arafat, épouse de Chakib Khelil », indique le Tribunal pénal fédéral suisse, le 14 janvier 2015, sollicité par une demande algérienne d’entraide judiciaire.
En 2013, « Docteur Chakib », comme aimaient l’appeler ses collaborateurs au ministère de l’énergie et à la Sonatrach, a été brièvement placé par Interpol sur la liste des personnes recherchées avant que le mandat d’arrêt émis à son encontre par le parquet d’Alger ne soit frappé de nullité. Réfugié aux Etats-Unis, il est revenu triomphalement en Algérie en 2016. Joint par téléphone, Chakib Khelil a indiqué qu’il n’avait pas le temps de parler de ce sujet.
La quasi-totalité des montages offshore ayant servi de lessiveuse à ces commissions et rétrocommissions ont été lancés par la fiduciaire suisse Multi Group Finance, à Lausanne, pour le compte de Farid Bedjaoui et exécutés entre 2007 et 2010 par le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Les documents obtenus par le biais du Consortium international des journalistes d’investigation et le journal allemand Süddeutsche Zeitung révèlent les ramifications de ce réseau que les magistrats italiens et algériens tentent d’élucider.
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Farid Bedjaoui, surnommé « M. 3 % », avait ainsi un mandat de gestion sur Girnwood International Engineering Ltd. et Cardell Capital S.A., qui disposent de comptes domiciliés à la banque Edmond de Rothschild à Nassau (Bahamas). Il a fait constituer Sorung Associates Inc. pour gérer des portefeuilles placés à la banque Mirabaud, en Suisse et à Dubaï. Justin Invest Developments SA gère pour lui un portefeuille placé en 2008 à la banque genevoise BLOM Bank. Il a aussi hérité des pouvoirs de Pietro Varone, ancien directeur des opérations de Saipem, également cité dans l’affaire Sonatrach, sur la société Farnworth Consultants Inc., laquelle a servi à l’achat d’un bateau.
Myriade de sociétés offshore
Farid Bedjaoui nie les faits qui lui sont reprochés. Ses avocats affirment qu’il n’a jamais exercé une quelconque influence sur les élites politiques en Algérie pour organiser une entreprise de corruption d’une telle ampleur. Tout comme Saipem, qui dément tout versement de pots-de-vin à des responsables algériens. « L’expertise externe que l’entreprise a commandée pour examiner les livres comptables de l’entreprise n’a trouvé aucune trace prouvant les présumés paiements effectués au profit de responsables algériens à travers des contrats d’intermédiation ou de sous-traitance », a-t-elle fait savoir.
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Si ENI a toujours entretenu de bons rapports avec l’Etat algérien depuis que son fondateur, Enrico Mattei, a fourni dès 1959 au FLN l’assistance technique nécessaire à ses négociations avec la France coloniale, c’est lorsqu’elle a engagé Farid Bedjaoui comme consultant, en 2003, qu’elle a réussi une ascension fulgurante, décrochant quantité de contrats en quelques années. Les magistrats italiens sont convaincus que les prix de ces contrats entre Sonatrach et Saipem ont été majorés d’un commun accord afin de pouvoir dégager des « marges » au profit des responsables des deux compagnies.
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Diplômé de HEC Montréal et jouissant des nationalités algérienne, française et canadienne, Farid Bedjaoui gagnait sa vie dans le négoce alimentaire avant de se lancer dans les affaires au début des années 2000 avec ses beaux-frères libanais du groupe Ouais. En 2002, à Beyrouth, l’homme d’affaires franco-algérien Omar Habour lui présente Chakib Khelil, alors ministre algérien de l’énergie et des mines. Ce dernier n’allait pas tarder à le traiter « comme un fils », a déclaré un témoin au procès de Milan.
Cette même année, Farid Bedjaoui recourt pour la première fois aux services du cabinet Mossack Fonseca. Il s’agissait d’ouvrir un compte suisse pour sa société de courtage Rayan Asset Management. Une tâche qu’il a confiée à son gestionnaire de fortune, Ludovic Guignet, de la fiduciaire suisse Multi Group Finance, basée à Lausanne. C’est ce même homme qui aura à gérer la frénésie d’achats de compagnies offshore préexistantes qui s’empare de Farid Bedjaoui à partir de 2006. Une myriade de sociétés domiciliées au Panama et aux Iles vierges britanniques.
- Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.
- Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.
- Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.
Désormais, Farid Bedjaoui et son mode de vie princier sont devenus emblématiques d’une élite algérienne corrompue, et cela alors que l’Algérie, qui souffre aujourd’hui de la chute des cours du pétrole, aurait perdu chaque année entre 2004 et 2013, selon l’ONG Global Financial Integrity, près d’1,5 milliard de dollars de recettes en raison de l’évasion fiscale, de la corruption et du vol de ressources publiques.
Et pourtant, les vérifications diligentées en interne par le cabinet Mossack Fonseca n’ont rien détecté de suspect. Bedjaoui ayant utilisé son passeport canadien pour ouvrir certains comptes et sa carte d’identité algérienne pour d’autres. Des montages qui permettent une redistribution des actifs à près d’une dizaine de membres de sa famille, d’amis et associés de ce réseau offshore : son épouse libanaise Rania Dalloul, son beau-frère Ziad Dalloul, l’épouse du ministre de l’énergie Chakib Khelil, Najat Arafat, et son fils, Khaldoun, la fille de l’actuel premier ministre algérien Abdelmalek Sellal, Rym, l’homme d’affaires franco-algérien Omar Habour, et le directeur des opérations de Saipem, l’Italien Pietro Varone, ainsi que son épouse.
Des tableaux de Warhol, Miro et Dali saisis
Selon les magistrats italiens, les pistes sont brouillées par des comptes éparpillés dans plusieurs pays, à Dubaï, Singapour, Londres, Hongkong, en Suisse et au Liban. Minkle Consultants SA, par exemple, qualifiée de « carrefour des flux financiers illicites » par les enquêteurs italiens, a servi pour l’acheminement de près de 15 millions de dollars de pots-de-vin. Elle a bénéficié à un éventail de destinataires qui ne sont toujours pas identifiés par l’enquête judiciaire. Le capital social des sociétés créées par Mossack Fonseca est constitué d’actions au porteur (anonymes), ce qui rend difficile la remontée de la chaîne des bénéficiaires finaux.
Les soupçons au sujet de Farid Bedjaoui pour son rôle dans les transactions entre Sonatrach et Saipem ont fait les gros titres de la presse d’Algérie et d’ailleurs dès février 2013. Quelques mois plus tard, la police canadienne a saisi ses actifs à Montréal ; les autorités françaises ont perquisitionné son appartement parisien et saisi de nombreux tableaux signés Andy Warhol, Joan Miro et Salvador Dali. Son yacht de 43 mètres a également été saisi.
Ce n’est pourtant qu’en septembre 2013 que Mossack Fonseca semble prendre conscience qu’il y a un problème avec Farid Bedjaoui. Et cela un peu par hasard : ce mois-là, les autorités des îles Vierges britanniques exigent du cabinet panaméen les documents de la compagnie Abode Finance Services Corporation dont le bénéficiaire économique, Omar Habour, lié à Farid Bedjaoui, est activement recherché par les justices italienne et algérienne dans le cadre de l’affaire Sonatrach-Saipem.
« Embarrassant », dit une employée de Mossack Fonseca
Or, cela fait des années que Mossack Fonseca n’a pas eu de contact avec M. Habour. Dans l’un de ses courriels, la directrice de Mossack Fonseca aux îles Vierges britanniques, Rosemarie Flax, estime que cela est « embarrassant » et expose le cabinet à une amende. Par ailleurs, Mossack Fonseca a continué de s’occuper de Rayan Asset Management, la société de Farid Bedjaoui, jusqu’au moins en novembre 2015.
M. Habour, qui n’a pas répondu à nos appels, tout comme ses avocats du cabinet suisse Chabrier, est accusé, lui aussi, de corruption et de blanchiment d’argent. Il disposait de mandats sur six compagnies offshore créées par Mossack Fonseca à travers Ludovic Guignet, dont certaines ont changé de main entre-temps pour bénéficier notamment à l’épouse de Chakib Khelil, Najat Arafat, à la fille d’Abdelmalek Sellal, Rym. Cette dernière apparaît comme l’ayant droit de la société Teampart Capital Holdings Limited (TCH). Elle en est devenue la bénéficiaire quatre mois après sa constitution, le 26 octobre 2004, par Multi Group Finance et son inscription aux îles Vierges britanniques par Mossack Fonseca en faveur d’Omar Habour.
Najat Arafat, elle, a disposé en 2005 de deux sociétés offshore au Panama dans le cadre de ce montage. Deux sociétés servant de paravent à des comptes bancaires en Suisse : Carnelian Group Inc., créée en mai 2005, et Parkford Consulting Inc., en octobre de la même année. Les pouvoirs de Mme Khelil ont été transmis deux ans plus tard, les 26 et 27 novembre 2007 à Omar Habour.
« Tu veux 10 millions de dollars ? »
Collingdale Consultants Inc. a bénéficié respectivement à Khaldoun, fils cadet de Chakib Khelil, et à Regina Picano, épouse de Pietro Varone. Cette compagnie gérait un « patrimoine » de près de 15 millions de dollars.
Quant aux biens immobiliers acquis durant cette période par Farid Bedjaoui, les autorités américaines ont diligenté une enquête au sujet de trois appartements à New York dont deux à Manhattan, d’une valeur totale de plus de 50 millions de dollars. L’un de ces appartements est un condominium situé au 5, Central Park Avenue, acheté pour 28,5 millions de dollars. Selon les documents fournis aux enquêteurs italiens par le département américain de la Justice, le paiement a surtout été effectué, par le biais d’une compagnie domiciliée au Delaware.
En Italie, le tribunal de Milan a prononcé des peines de prison à l’encontre d’anciens dirigeants d’ENI, à l’image de Tullio Orsi, ancien directeur de la filiale algérienne de Saipem, qui a plaidé coupable en échange d’une remise de peine. Orsi, qui a désormais purgé deux ans et dix mois en prison, a raconté aux enquêteurs ses rencontres avec Farid Bedjaoui à l’Hôtel Bulgari de Milan, où la facture du neveu de l’ancien ministre algérien des affaires étrangères s’est élevée à plus de 100 000 euros en cinq ans. Il a indiqué que Bedjaoui l’avait aussi invité à une soirée organisée sur son yacht amarré au large des côtes espagnoles et qu’il lui a offert 10 millions de dollars. « Il l’a fait avec d’autres qu’il a aidés financièrement et il l’a fait avec plaisir », a témoigné Orsi, ajoutant avoir refusé cette somme.
Cette enquête de Lyas Hallas, Will Fitzgibbon et Leo Sisti a été coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde est partenaire, sur la base des documents « Panama papers » obtenus par la Sueddeutsche Zeitung.