Maghreb...

Publié le par ottolilienthal

Maghreb : la maison brûle...

 Canicule et pénurie d’eau sévissent. Le Maroc et l’Algérie investissent dans les usines de dessalement quand le président tunisien évoque des « ingérences étrangères »...

 

 

Il fait chaud. Cette banalité effarante en 2024 n'a pas la même signification qu'on soit à Oslo, New York, Manille ou au Maghreb. Et quand l'eau vient à manquer alors que les thermomètres jouent au zénith – 36 degrés sur la côte méditerranéenne, entre 40 et 48 degrés au Sud –, c'est toute une région qui pense à la phrase prononcée par Jacques Chirac à la tribune de l'ONU : « La maison brûle ». D'ici 2050, les précipitations baisseront de 20 % au Maghreb. Depuis longtemps, scientifiques et climatologues alertent des profonds changements climatiques en cours dans la région. Les conséquences sont sanitaires et économiques (impact sur l'agriculture, secteur économique clé).

Ce que les rapports du Giec expliquaient pour l'Afrique et la région méditerranéenne est en cours. Dans des régions où on tutoyait la chaleur, on est désormais contraint de la vouvoyer. D'une contrainte qu'on domptait via la climatisation, des horaires adaptés et des camions d'eau potable, on est passé à une situation non négociable que les États doivent affronter. Une question de survie. Et face à un phénomène structurel, le même pour toute l'Afrique du Nord, les réponses divergent. À Tunis on joue la carte du populisme, quant à Rabat et Alger on avance de grands chantiers.

Tunisie : le président et « les voleurs d'eau »

Au Kef, à trois heures de Tunis, on reçoit désormais de l'eau potable un jour sur deux. La SONEDE, la Société nationale d'exploitation et de distribution d'eau, a mis en place cette rotation afin que tous les quartiers puissent en recevoir. Face à la pénurie, c'est chacun son tour. Dans de nombreuses villes, les coupures sont plus aléatoires voire sauvages. En Algérie, on brûle des pneus pour bloquer les routes afin de protester contre la privation d'eau.

Au Maroc, depuis le mois de février, des restrictions sont en cours. Les hammams ne fonctionnent qu'à moitié, idem pour les compagnies qui lavent les voitures, les piscines… Cette adaptation aux pénuries n'est pas nouvelle, mais elle s'accélère.

L'électricité a tant sauté en Tunisie que la STEG, la Société tunisienne de l'électricité et du gaz, a enregistré des consommations records. Depuis plus de dix ans, les barrages sont soumis à une forte tension. Il n'est pas rare de marcher sur de la terre séchée à la place de l'eau stockée. Le président Saïed, démocratiquement élu en 2019, avant de s'emparer de tous les pouvoirs lors du coup d'État du 25 juillet 2021, a pris le dossier avec sa manière de voir. Il s'est déplacé, a révoqué çà et là des ronds-de-cuir de la SONEDE, puis son PDG le 2 juillet, un grand classique du pays. Il s'est interrogé à haute voix face au ministre de l'Intérieur, Khaled Nouiri, et le secrétaire d'État, Sofiane Bel Haj, sur le pourquoi des coupures d'eau et d'électricité. La garde nationale a ouvert une instruction judiciaire sur les coupures d'eau, enquête visant à identifier « les personnes impliquées ». Le réseau compte 52 000 kilomètres de tuyaux, un appui financier régulier de la Banque mondiale permet de rénover une petite partie chaque année.

Kaïs Saïed ne croit pas en la vulnérabilité de la tuyauterie et considère comme étrange que certaines régions – les plus démunies – soient plus impactées que d'autres. Il désigne des « puissances étrangères », on devine qu'à ses yeux « l'ennemi sioniste » ne serait pas étranger à la chaleur et à la baisse des pluies.

20 % de pluviométrie en moins d'ici 2050

Le discours du trône, le 25e du roi Mohammed VI, aura été consacré à l'eau. Le 29 juillet, le monarque a consacré l'essentiel de sa parole officielle à cette situation. Il faut « garantir l'eau potable à tous les citoyens et couvrir 80 % au moins des besoins en irrigation sur tout le territoire national ». Parmi les grands chantiers : dix-huit stations de dessalement d'ici 2030 (onze en fonction), transfert d'eau entre les bassins hydrauliques afin de pouvoir « exploiter un milliard de mètres cubes qui jusque-là se perdait dans la mer ». Le dessalement de l'eau de mer devrait assurer « à l'horizon 2030 » la moitié des besoins du pays. Ces « stations doivent être alimentées avec de l'énergie propre », une énergie renouvelable venant des « provinces du Sud ». Le pays a beaucoup investi dans l'énergie solaire.

En Algérie, on a misé sur les usines de dessalement. Elles seront dix-neuf en état de marche à la fin de l'année, contre quatorze actuellement. À terme, l'objectif est de produire 3,6 millions de mètres cubes par jour, 1,3 milliard par an. Un pipeline long de 750 kilomètres amènera l'or bleu depuis la côte jusqu'aux cœurs des régions du Sud.

La désunion du Maghreb

Si « la maison brûle », Chirac avait ajouté, accusatoire, « et nous regardons ailleurs ». Au Maghreb, ce n'est plus le cas. Sauf à Tunis où le populisme de Kaïs Saïed explique chaque problème par un complot fomenté par l'étranger.

 

Quant à la désunion politique de la région – le Maroc et l'Algérie sont fâchés, la Tunisie et le Maroc également, la Libye n'est pas au mieux avec Rabat… –, cela n'aide pas à bâtir des solutions collectives.

 

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