racisme et esclavage, un autre regard
Accusées d’inaction face à ce fléau après des crimes abjects, les autorités britanniques semblent paralysées par la crainte d’être soupçonnées de racisme...
Les termes du jugement ne pourraient être plus crus : « Vous, Mohammed Karrar, l'avez préparée à un viol anal collectif en utilisant une pompe pour élargir son anus. Vous l'avez soumise à un viol collectif par cinq ou six hommes. À un moment donné, quatre hommes l'ont pénétrée en même temps. Une balle rouge avait été placée dans sa bouche pour étouffer ses cris. »
Soit les mots prononcés le 27 juin 2013 par le juge Peter Rook, au moment de condamner Karrar à la prison à vie pour le viol d'une fillette de moins de 13 ans. Avant de pouvoir prétendre à une libération conditionnelle, Karrar devra purger une peine minimale de 20 ans.
Les atrocités commises par les « grooming gangs » (littéralement : gangs de rabattage) sont une tache sur la Grande-Bretagne, de celles que la bonne société progressiste a du mal à regarder en face. Même l'euphémisme choisi pour les désigner dissimule l'horreur. Qu'on ne s'y trompe pas. Il s'agit bien de groupes de violeurs majoritairement composés d'hommes d'origine pakistanaise qui, comme cibles principales, s'en sont pris à des jeunes filles blanches vulnérables et d'origine britannique.
Nous voilà donc bien loin de la norme pour qui serait persuadé que la « blanchité » est un privilège, tandis qu'appartenir à une minorité ethnique est automatiquement synonyme d'individus défavorisés. Dans l'histoire qui nous occupe, des hommes adultes ont été les privilégiés et leurs actes les preuves qu'ils se croyaient tout permis sur des jeunes filles défavorisées.
La crainte de mentionner l'origine ethnique des auteurs
Et rien de tout cela n'a été couvert sous le sceau du secret. Des villes comme Rotherham, Rochdale et Telford sont désormais tristement célèbres pour leur criminalité aussi révoltante qu'organisée. En 2023, la BBC rapportait que les agresseurs travaillaient souvent dans l'« économie nocturne ». Qu'ils étaient livreurs ou chauffeurs de taxi. Que cela leur permettait d'avoir accès à des filles qui sortaient tard et à des véhicules pour transporter leurs victimes.
Et il y eut également des enquêtes. Mais en a-t-on seulement retenu quelque chose ? En 2014, l'enquête indépendante sur l'exploitation sexuelle d'enfants à Rotherham n'allait pas être tendre envers certains hauts responsables de la police et de l'aide sociale à l'enfance qui « continuaient à penser que l'ampleur du problème, telle que décrite par les travailleurs sociaux, était exagérée ». Dans le même temps, sur le terrain, « le personnel semblait dépassé par le nombre de personnes impliquées ».
Ce rapport ne faisait pas non plus l'impasse sur la particularité de ces affaires.
« Plusieurs membres du personnel ont fait part de leur nervosité à l'idée de mentionner les origines ethniques des auteurs des faits, par crainte d'être catalogués comme racistes ; d'autres se sont souvenus de directives claires de leur hiérarchie leur enjoignant de ne pas le faire. »
Et peut-être parce qu'ils furent incapables d'admettre que les méfaits s'étalant sous leurs yeux étaient, eux, à l'évidence racistes, « certains conseillers se sont visiblement dit qu'il s'agissait d'un problème isolé, qu'ils espéraient voir disparaître de lui-même ».
Une ministre qui « mérite la prison », selon Musk
Mais le problème n'a rien eu d'isolé. Car si des groupes d'hommes en viennent à croire que leur origine ethnique les met à l'abri d'autorités paralysées par la peur d'être accusées de racisme, alors il est évident que certains agiront en toute impunité et que d'autres les imiteront. Que cela est accablant pour la société britannique. Quel échec retentissant de ce qu'il est désormais courant de promouvoir comme des grands principes d'équité, de diversité et d'inclusion.
Si le sujet des gangs n'a pas été caché – Karrar étant l'un des nombreux hommes à avoir été condamnés –, le fait est qu'il n'a jamais occupé le devant de la scène médiatique. Il est possible que les autorités aient été dépassées, préférant reléguer ces multiples problèmes dans un coin, dans l'espoir qu'ils finissent effectivement par se résoudre d'eux-mêmes.
Jusqu'à la semaine dernière. Elon Musk en a eu vent et, depuis le passage en 2025, il exprime sa colère sur X – la plateforme dont il est propriétaire. Avec plus de 211 millions d'abonnés, sa voix porte, et ces questions restées sans réponse ont soudain éclaté dans la conscience collective.
L'élément déclencheur semble avoir été le refus catégorique du gouvernement britannique de diligenter une enquête officielle sur les violences sexuelles commises sur des enfants à Oldham, une ville au nord de Manchester. Et c'est Jess Phillips, ministre chargée de la protection de l'enfance, qui a dû annoncer cette décision au conseil municipal d'Oldham. La réaction d'Elon Musk ? « Elle mérite la prison. »
Dans le même temps, Elon Musk a réclamé la libération de Tommy Robinson. Robinson, que NBC décrit comme un fraudeur patenté et dont le casier judiciaire comporte plusieurs faits de violence, est actuellement emprisonné pour outrage au tribunal. Certes, il a été parmi les premiers à dénoncer les fameux « grooming gangs », mais en 2018, il allait mettre en péril le procès d'un gang de Huddersfield par des agissements que deux juges ont qualifié d'« incitation à commettre des actes de vigilantisme ».
La nécessité d'une enquête publique et nationale
S'il faut respecter l'État de droit, alors Robinson ne peut être inclus dans l'équation. Pas plus que Musk, qui tape ses petites crises à distance. Certes, qu'il appelle à jeter Jess Phillips en prison est du pain bénit pour les médias, mais pour réellement avancer, il nous faut avant tout du calme et de la lucidité. Oui, certaines personnes en position d'autorité sont coupables d'avoir joué les autruches, mais il y a aussi des tas de Britanniques qui doivent ouvrir les yeux et comprendre qu'il n'est en rien raciste de dénoncer des groupes d'hommes – en grande partie d'origine pakistanaise – quand ils ciblent, manipulent et violent des jeunes filles blanches mineures, et que des mesures doivent être prises pour s'assurer que d'autres ne puissent plus jamais les imiter et jouir d'un tel sentiment d'impunité.
Il faut qu'une enquête publique et nationale soit lancée. Je ne crois pas qu'il faille se bercer d'illusions en pensant qu'elle résoudra quoi que ce soit à elle seule, mais elle est à même de rassembler les cas, les preuves et les témoignages en un même endroit, afin de commencer à en tirer des leçons.
Peut-être que Keir Starmer [le Premier ministre britannique, NDLR] en est encore à espérer lui aussi que l'horreur disparaîtra d'elle-même. Cela n'a pas été le cas dans le passé, et cela semble encore moins probable maintenant qu'Elon Musk est de la fête. Le 20 janvier doit s'ouvrir le procès d'Axel Rudakubana, accusé du meurtre de trois petites filles dans un cours de danse à Southport l'année dernière. À l'époque, Elon Musk n'avait pas non plus mâché ses mots en surnommant Starmer « Keir à deux vitesses », en référence à la sévérité particulière avec laquelle la police aurait traité les émeutiers blancs.
Malgré l'impression qu'on pourrait en avoir sur X, les relations raciales sont vraiment loin d'être mauvaises au Royaume-Uni. Plein de gens d'origines ethniques diverses collaborent, travaillent ensemble et vivent côte à côte. C'est du moins ce que je peux observer dans l'ouest de l'Angleterre. Mais oui, les gangs de violeurs pourrissent toujours notre pays. Nous devons faire preuve d'honnêteté à leur sujet – en les désignant comme il se doit et en comprenant leurs causes.
À commencer par celle-ci : le racisme n'est pas un problème réservé aux Blancs.
*Debbie Hayton enseigne la physique dans le secondaire, où elle est aussi syndicaliste. Journaliste et autrice, son dernier livre, « Transsexual Apostate : My Journey Back to Reality », vient de sortir chez Forum Press. Vous pouvez la suivre sur X.
Une mesure prise par le ministère de l’agriculture fait polémique. Par décret, la distribution d’eau pour l’irrigation des terres agricoles est réservée aux agriculteurs noirs
A partir d’un certain volume pompé dans les rivières et les retenues d’eau, seuls les fermes agricoles détenues au moins en partie par des Noirs pourront bénéficier d’une irrigation supplémentaire; ainsi en a décidé le gouvernement dans ce pays qui fait face à la sècheresse.
Ces restrictions d’eau basées sur la race apparaissent très choquantes, mais elles sont la suite logique d’une réforme agraire de redistribution des terres qui n’en finit pas depuis la fin de l’apartheid il y a près de trente ans. Les trois quarts des surfaces cultivées sont toujours aux mains de la minorité blanche.
Un parti d’opposition, l’Alliance Démocratique, s’insurge contre cette mesure qui rappelle les temps de l’apartheid, mais cette fois dans l’autre sens.
Au parlement, l’opposition alerte aussi sur un risque pour la sécurité alimentaire. Les grandes exploitations modernes détenues par les Blancs fournissent l’essentiel des céréales pour la population et pour l’alimentation du bétail.
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L'agent de sécurité avait un « mauvais pressentiment » après avoir repéré le kamikaze, dont l'action avait fait 22 morts en 2017, relate le « Guardian ».
J'avais peur d'avoir tort. » Le 22 mai 2017, le terroriste Salman Abedi avait fait exploser sa bombe à Manchester, dans le nord de l'Angleterre, à la sortie d'un concert de la chanteuse Ariana Grande. L'attentat avait fait 22 morts et plusieurs centaines de blessés. Comme le rapporte le quotidien britannique Guardian mardi 27 octobre, le kamikaze d'origine libyenne avait été repéré par un vigile avant qu'il ne passe à l'acte. Mais l'agent de sécurité avait préféré ne pas s'approcher de lui, par peur d'être taxé de racisme.
Kyle Lawler, âgé de 18 ans l'année de l'attaque à la Manchester Arena, a indiqué aux enquêteurs avoir eu un « mauvais pressentiment » lorsqu'il avait vu le terroriste, signalé à la sécurité par un membre du public qui le trouvait « louche ». « Je ne savais pas quoi faire. Il est très difficile de définir un terroriste. Je ne voulais pas que les gens pensent que je le stéréotypais à cause de sa race. J'avais peur d'être stigmatisé en tant que raciste. Cela m'a fait hésiter », a-t-il confié.
Kyle Lawler a été alerté de l'attitude suspicieuse de Salman Abedi environ huit minutes avant que ce dernier ne fasse exploser sa bombe. Aux côtés d'un autre agent, le vigile avait alors commencé à l'observer. « Il avait remarqué que nous le regardions. Il était devenu agité avec ses mains, mais sans faire de mouvements brusques. » Dans sa déclaration à la police, Lawler affirme par ailleurs qu'Abedi était « agité et en sueur ». Le vigile déclare avoir tout de même tenté par la suite d'utiliser sa radio pour alerter la salle de contrôle de sécurité, mais sans succès. Abedi s'était dirigé quelques minutes plus tard vers la foule à la sortie du concert. Selon l'enquête, il a souri pendant plusieurs secondes avant de faire exploser sa bombe artisanale.
En août dernier, la justice britannique a condamné à la perpétuité, avec un minimum de 55 ans en prison, le frère de Salman Abedi, qui l'avait aidé à préparer l'attentat. Dans son verdict, le juge avait déclaré que l'accusé, Hashem Abedi, est « autant coupable » que son frère des « crimes atroces » commis. « Ce n'est pas un événement fortuit, mais le produit d'une planification attentive et complète », avait-il expliqué.
Publié le | Le Point.fr
" J'avais peur d'avoir tort. " Le 22 mai 2017, le terroriste Salman Abedi avait fait exploser sa bombe à Manchester, dans le nord de l' Angleterre, à la sortie d'un concert de la chanteuse Ariana...
Non Rokhaya Diallo, les Blancs n'ont pas le monopole du racisme! - Causeur
https://www.causeur.fr/rokhaya-diallo-racisme-blancs-noirs-155730
Dans une tribune censée expliquer « ce qu’est le racisme (pour les nuls) », Rokhaya Diallo tente de montrer que le racisme anti-Blancs n’existe pas. La seule chose qu’elle montre, hélas, c’est qu’elle n’a rien compris à ce qu’est vraiment le racisme...
La LICRA a porté plainte pour racisme anti-Blancs contre le rappeur Nick Conrad. Cette initiative lui vaut d’ores et déjà au moins deux catégories d’attaques. Les premières font entendre les sarcasmes de ceux qui estiment que l’organisation antiraciste, fondée en 1927, découvre bien tardivement le « problème ». À ceux-là, il faut rappeler que l’association n’en est pas à son coup d’essai, s’étant déjà portée partie civile à deux reprises ces dernières années dans des affaires d’agressions, et n’ayant pas hésité à intégrer la problématique dans ses discours et dans ses campagnes de sensibilisation. Ces critiques viennent pour beaucoup de la droite nationale populiste qui, historiquement hostile à la LICRA, considère que son antiracisme a toujours été odieusement sélectif.
Les secondes attaques proviennent de ceux pour qui le simple fait d’envisager la possibilité d’un racisme anti-Blancs relève de l’imposture, de l’idéologie et de l’infamie. En ces temps de violente et stérile cristallisation des débats, efforçons-nous de rappeler ce qui en fait d’abord un impensé.
L’enjeu de la définition
La notion de racisme anti-blanc est très controversée. Rien ne semble pourtant interdire de lui donner une définition inspirée de celles des autres racismes, du type : « Le racisme anti-blancs définit les attitudes, comportements et discours d’hostilité à l’égard des ‘Blancs’. » Le terme « Blancs » est ici à considérer dans toute sa subjectivité et dans l’hétérogénéité des réalités auxquelles il se réfère. Ainsi la définition pourrait-elle être simple et susciter l’adhésion collective. Pourtant, elle soulève habituellement bien des protestations et se voit opposer une contre-définition du type : « On appelle, à tort, ‘racisme anti-blancs’, des formes marginales d’hostilité qui se manifestent à l’égard du groupe majoritaire, abusivement qualifié de ‘blancs’, motivées par la volonté de contester un rapport de force historiquement inégalitaire fondé sur la domination raciale. Inventée et promue par l’extrême droite, cette notion permet aux dominants de qualifier de ‘réaction défensive’ leur propre racisme à l’égard des minorités visibles, c’est-à-dire des racisé.e.s. »
Un paradigme restrictif
Cette contre-définition, inspirée de commentaires réels, n’est pas sans poser problème. Elle repose d’abord sur l’idée que le racisme est une invention des Blancs, un moyen d’asservissement, comme si le monde extra-européen n’avait pas, au fil de l’histoire, engendré ses propres formes de racisme. Comme si l’Occident, du fait de sa contribution fondamentale à la théorisation du racisme, ainsi qu’à sa mise en œuvre à travers l’esclavage, la ségrégation, l’Apartheid, les crimes de masses et les génocides, éclipsait toutes les autres sources d’offenses et de violences raciales. La dimension monstrueuse de ces événements historiques commande-t-elle d’ignorer les délits ou les crimes de moindre intensité où intervient le préjugé racial ? La réponse est évidemment négative.
Lorsque l’on admet du bout des lèvres, dans certains milieux militants ou universitaires, la possibilité du racisme anti-Blancs, on ajoute rapidement qu’il ne fait pas système. Parce que les faits observables ne seraient ni répétitifs, ni discriminatoires, ils seraient d’une portée négligeable et d’une importance toute relative. Il faut pourtant admettre que le racisme peut exister, par des discours ou par des actes, sans qu’un rapport de domination soit nécessairement à l’œuvre. Le fléau des discriminations, pour important qu’il soit, ne rend pas obsolètes les autres modes d’expression du racisme. Prétendre le contraire conduirait à regarder l’antisémitisme actuel comme un phénomène anecdotique, qu’il n’est aucunement. Cela reviendrait à ne pas établir de continuité entre l’action idéologique des nazis avant 1933 d’une part, et leur institution d’une persécution d’État à partir de cette date de l’autre. Il faudrait en somme tenir l’idéologie pour secondaire voire sans effets sociaux.
Un ordre des responsabilités ?
Il pourrait être rétorqué que les mots et les actes hostiles aux Blancs ne sont qu’une réponse à un primo-racisme. L’argument est recevable dans une certaine configuration, lorsqu’il est question de répondre à une situation de domination ou d’humiliation. Lors de la décolonisation, on a pu ainsi parler d’un phénomène de « racisme à rebours », d’un « contre-racisme » ou d’un « racisme inversé ». Mais quelles qu’en soient les raisons et l’ordre des responsabilités, les attaques à raison de l’appartenance raciale réelle ou supposée des individus ont reçu un nom générique auquel il paraît difficile de déroger. Il appartient aux spécialistes des différentes disciplines d’en préciser la teneur et la généalogie. Il serait au contraire curieux que toutes manifestations de racisme ramènent, en toutes circonstances et à toutes époques, au principe d’un crime originellement blanc.
Assignations préjudiciables
Il existe en outre un mécanisme de pensée qui encombre les esprits et assigne aux individus un rôle historique en fonction de leur couleur. Le monde se diviserait entre oppresseurs et opprimés, la couleur de l’oppression étant le blanc, renvoyant les autres au statut de victimes nées et éternelles. Curieusement, une telle pensée, en vogue dans certains milieux universitaires, n’a rien d’émancipateur, puisqu’elle substitue à l’étude objective de la place des individus dans la société, des rôles prédestinés et figés. La pensée antiraciste, y compris celle de la LICA (qui précédait la LICRA) dans les années 1930, a contribué à poser les bases de cette grille de lecture. En travaillant à asseoir la légitimité du concept de « racisé », la pensée « décoloniale » indigéniste a délibérément racialisé les termes du sujet, remettant en cause la valeur de l’antiracisme universaliste, jouant sur l’essentialisation et la justification de formes de séparatisme. Or, sauf à porter des lunettes teintées idéologiquement, la couleur ne saurait déterminer un degré de culpabilité, pas plus que l’histoire ou encore l’attachement à une culture ou à un pays. Ce qui n’interdit pas de réfléchir aux crimes du colonialisme et à ses héritages dans la société.
La diabolisation de la question
La notion de racisme anti-Blancs n’est pas une imposture au motif qu’elle est, incontestablement, un mécanisme utilisé par les racistes à l’encontre des minorités qu’ils honnissent : criminaliser l’objet de sa haine est un classique. L’instrumentalisation des données du problème est ancienne ; le fait qu’elle ait de tout temps fonctionné à plein régime et servi à justifier bien des postures de haine ne clôt pas le sujet pour autant. Ou alors, là aussi, il faudrait renoncer à analyser les faits dans leur singularité et leur nouveauté pour s’en tenir à un modèle de compréhension unique et ahistorique.
Quant au Front national, non, il n’est pas l’inventeur de la notion de racisme anti-Blancs qui émerge dans le débat public au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de décolonisation. On parle de « blancophobie » aux Antilles dès la fin du XIXe siècle, on s’interroge sur la xénophobie de Marcus Garvey dans les années 1920 et la LICA met très officiellement en garde contre « néoracisme antiblanc » à partir de 1960. Les contextes diffèrent, ainsi que les acteurs et leurs motivations, même s’il est vrai que la notion devient rapidement un des chevaux de bataille de l’extrême droite. Diaboliser la notion parce que l’extrême droite puis la droite nationale populiste s’en est emparée, en en brouillant les contours, l’instrumentalisant et la servant à tout bout de champ, n’est pas non plus un argument sérieux.
Sortir de l’idéologie
Que vaut enfin l’argument selon lequel l’impossible quantification du racisme anti-Blancs serait la preuve même de sa non existence ? Ce n’est pas parce que les statistiques font défaut que les faits n’existent pas. Quant à parler ou non d’un « phénomène », c’est une autre histoire puisqu’il s’agit déjà, dans un premier temps, de nommer et de qualifier au plan juridique l’injure raciale ou l’appel au meurtre.
L’honnêteté intellectuelle suggère le fait d’accepter l’idée que le fait de nommer n’ouvre pas la porte à toutes les dérives. Ces dernières obéissent à d’autres logiques : elles existent, quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, et en prendre prétexte pour taire ne relève pas de l’attitude la plus courageuse face aux défis actuels.
Rien ne s’oppose au fait de concevoir une définition objective du racisme anti-Blancs, conforme aux autres définitions du racisme. De même que l’antisémitisme, le racisme anti-Arabes, anti-Noirs ou anti-Asiatiques se caractérisent par des histoires et obéissent à des dynamiques spécifiques, cette définition a sa propre généalogie. Elle doit être étayée par une observation du réel et s’abstraire des polémiques. La démarche serait de nature à renvoyer dos à dos les empoisonneurs de débat : ceux d’un côté qui voient du racisme anti-Blancs partout, jusque dans la moindre critique émise au sujet de la France, pourvu qu’elle soit formulée par un « non Blancs », et ceux, de l’autre, qui font entendre des cris d’orfraie à la moindre de ses évocations.
Remplacer le castrisme par une démocratie imposée de l’extérieur ne ferait pas sens, mais où doit s’arrêter la tolérance de la dictature castriste ?
Par Guy Sorman
Les frères Castro n’ont pu que célébrer avec jubilation la visite du Président Obama à Cuba, le 22 mars, et le rétablissement des relations diplomatiques et économiques avec les États-Unis. L’embargo n’était pas parvenu à terrasser leur régime, mais la reconnaissance en garantit certainement la consolidation.
Les deux compères viennent d’acquérir une assurance sur leur survie et un blanc-seing pour leurs successeurs qu’ils choisiront et, probablement, leur ressembleront. Car Obama, non content de légitimer la dictature des Castro, s’est engagé à ne pas interférer dans les affaires intérieures cubaines, à ne pas tenter d’en changer le régime, à ne pas imposer la démocratie ni le respect des droits de l’homme. Trahissant ainsi toutes les valeurs de l’Occident, Obama est allé jusqu’à admettre qu’il pouvait exister plusieurs types de régimes politiques selon les nations, plongeant dans un relativisme moral absolu. Dans sa défense bien molle des droits de l’homme et du droit à la dissidence, Obama a déclaré à La Havane qu’il s’agissait là de valeurs propres aux États-Unis, mais qu’il n’envisageait pas de les exporter.
Ce réalisme ultime d’un Président, qui, il y a huit ans, fut élu comme idéaliste, rejoint les positions les plus pessimistes de la Realpolitik telles qu’elles furent incarnées par la Présidence de Richard Nixon et de son maître à penser Henry Kissinger.
On admettra avec Obama, que remplacer la dictature castriste par une démocratie imposée de l’extérieur ne ferait pas sens, mais où s’arrête le relativisme ? Tout régime est-il tolérable parce qu’il est différent ? On comprend combien les exilés cubains, les démocrates restés dans l’île sont aujourd’hui démoralisés par la démission morale d’Obama. Quant aux millions de victimes de la révolution castriste, eh bien ils auront eu le tort de se tromper de combat.
En conférant la légitimité aux vainqueurs, Obama accrédite aussi toute la mystification castriste. Ce régime n’a jamais été et ne reste qu’une dictature militaire dans la tradition caudilliste latino-américaine mais en plus totalitaire, se drapant dans l’idéologie communiste. Ce qui a permis aux Castro de faire croire à tous les “idiots utiles”, expression de Lénine pour désigner ses soutiens occidentaux, que leur révolution avait fondé une société nouvelle et apporté au peuple cubain, à défaut de la prospérité, le bonheur incontestable de l’éducation et de la santé pour tous.
Pas de prisonniers politiques à Cuba ?
Un argument que Raul Castro a réitéré lors de la conférence de presse conjointe qu’il a tenue avec Barack Obama ; au cours de cette même représentation, Castro junior a affirmé sans ciller qu’il n’y avait pas de prisonnier “politique” à Cuba. Ce qui est juridiquement exact, puisque les dissidents, comme dans tous les pays totalitaires, sont incarcérés pour d’autres motifs, comme désordre sur la voie publique ou atteinte à la sécurité de l’État. Parce que tous les Cubains bénéficieraient de l’éducation et de la santé pour tous – contrairement aux Américains – dit Raul Castro, il n’aurait pas de leçons à recevoir des États-Unis beaucoup plus mal lotis. Répétez un mensonge et il finira par devenir la vérité, voici une technique éprouvée dans tout régime totalitaire : les Castro le démontrent, puisque ce mensonge-là, éducation et santé pour tous, est souvent accepté comme vrai en Europe, et aux États-Unis. Or il est faux.
Cuba, avant la Révolution castriste, était le pays d’Amérique latine bénéficiant déjà du plus haut degré d’alphabétisation et de la plus longue espérance de vie : la dictature n’a que perpétué ce qui préexistait sans aucunement l’améliorer. Aux statistiques froides, que l’on me permette d’ajouter ma modeste expérience personnelle. Pour avoir visité Cuba à plusieurs reprises dans les années 1980 et 1990, j’ai pris la mesure de manière pragmatique de que l’on appelle éducation, santé et culture à Cuba. La santé de base y est maintenue par un réseau de dispensaires frustes, dignes des années 1960.
Il s’y ajoute quelques rares hôpitaux vraiment modernes, réservés aux dignitaires du régime, aux officiers supérieurs et aux étrangers de passage que l’on souhaite impressionner : c’est le vieux principe du village Potemkine. L’éducation obéit à la même dichotomie : des écoles de base pour le peuple, quelques universités de pointe pour les élites du régime. J’ai constaté que ces élites étaient toujours Blanches dans une nation où les Métis et les Noirs restent relégués dans les bas-fonds de la société. Nul ne dit que règne, à Cuba, la discrimination raciale et que seuls les Blancs parviennent aux sommets de la dictature et ont accès à ses prébendes.
Cuba, terre de culture ? La visite des rares librairies de La Havane est édifiante : on ne trouve en rayons que des ouvrages de propagande marxiste et les œuvres complètes de Fidel Castro. Et bien, cette imposture sur la vraie nature du castrisme est aujourd’hui bénie par Obama. Pour la défense du Président américain, les optimistes avanceront que les échanges commerciaux vont gangrener le régime castriste et conduire à la démocratie, là où l’embargo a échoué. Peut-être, mais ce n’est pas ce qui se produit en Chine ou au Viet Nam, dont les gouvernements s’avèrent plus répressifs que jamais. Plus probablement, les Castro vont disparaître, tandis que le castrisme est loin d’agoniser.