Orange, le cuivre et les voleurs

Publié le par ottolilienthal

Face aux vols de cuivre qui privent les Français d'Internet, Orange fatigue et dit faire face à "une artillerie lourde"

Orange n'en peut plus des vols de cuivre et le fait savoir. L'opérateur historique, qui voit des utilisateurs être privés de leur connexion internet, est dépassé par le phénomène, comparant les bandits à une véritable « artillerie lourde ».

Cette fois, c'en est trop pour Orange ! L'entreprise, propriétaire du réseau cuivre ADSL en France, d'ailleurs voué à disparaître d'ici 2030, a subi pas moins de 1 600 vols de câbles à travers la France l'an dernier. On parle ici de 1 200 kilomètres sectionnés, de pertes financières majeures et de milliers de clients privés de téléphone et d'ADSL. Parmi les régions les plus touchées par le phénomène, on retrouve l'Occitanie, où Orange estime son préjudice à plusieurs centaines de milliers d'euros. Plus de 200 gendarmes y sont mobilisés pour tenter de l'endiguer.

Plusieurs vols de câbles constatés chaque jour en France

Les chiffres sont, il faut le dire, alarmants. 1 600 vols de câbles pour la seule année 2023, cela correspond à plus de quatre larcins chaque jour sur le territoire. Nicolas Brochot, délégué régional d'Orange Occitanie, confirme que ces vols ne sont pas anodins et que les personnes derrière ces opérations sont particulièrement organisées, en ce qu'elles nécessitent des poids lourds et du matériel pour tronçonner les câbles.

Le réseau cuivre, crucial pour les communications du pays, est la cible principale de ces vols. Endommager les plus gros câbles, qui vont jusqu'à 1 800 paires de cuivre, impacte non seulement les services d'Orange, mais aussi les services vitaux du pays. Les hôpitaux et les forces de l'ordre font partie des victimes les plus critiques.

Et le préjudice ne s'arrête pas aux pertes matérielles, puisqu'il touche aussi bien des entreprises que des particuliers, et ce indépendamment de l'opérateur choisi. Quant aux perturbations, elles ne se limitent pas à une brève coupure de la connexion. Les opérations de réparation peuvent en effet être très longues, avec une durée qui se compte en semaines, parfois en mois.

Alors qu'Orange désespérait, la riposte s'organise

Le plus terrible pour Orange, c'est qu'il est difficile, voire impossible même, d'assurer une surveillance convenable du cuivre. La complexité des réseaux enterrés, souvent associés à des infrastructures routières ou ferroviaires, complique justement cette surveillance. Une aubaine pour l'organisation du trafic de cuivre, qui en a parfaitement conscience

Néanmoins, la riposte s'organise et a récemment conduit à une opération saluée par l'opérateur, grâce à la mobilisation de quelque 200 gendarmes. Au mois de janvier, une dizaine d'interpellations a eu lieu, pour un préjudice estimé entre 200 000 et 400 000 euros. En collaboration avec les ministères de l'Intérieur et de la Justice, une convention de lutte contre la malveillance a même été mise en place, avec pour but de faciliter le partage d'informations.

À un tel niveau de dégradation, on se dit forcément que tous les moyens sont bons pour tenter d'endiguer le vol de l'or rouge. Orange aimerait sans doute avancer le temps jusqu'à l'extinction du réseau cuivre pour entériner de façon définitive la bascule vers la fibre optique. Il faudra, d'ici-là, tenir encore quelques années et assurer une continuité de service pour les Français pour l'instant privés de fibre.

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
12 février 2024

L'opérateur historique a fait l'objet d'une enquête du régulateur des télécoms, dont "l'Obs" s'est procuré le rapport en exclusivité.

 

 

"Merci, France télécom…" Qu'il est loin le temps où l'opérateur national était le symbole des services publics, reliant à la vie moderne les contrées les plus reculées, au nom de l’intérêt général. Adieu le minitel, au revoir les cabines téléphoniques, fini les bipers... L’heure est aux smartphones et aux tablettes.

Lancé dans la concurrence féroce de la téléphonie mobile, l'opérateur historique, ex-France télécom rebaptisé Orange, a quelque peu négligé sa mission de couverture universelle. Dans cette période de transition, l’Etat comptait pourtant sur lui : en octobre 2013, il renouvelait cette mission pour une période de trois ans, afin de garantir aux citoyens un raccordement au réseau et des communications les plus homogènes possibles sur l'ensemble du territoire français.

Lignes non réparées, délais de réponses aux usagers interminables… Après avoir pris connaissance des nombreux manquements, basés notamment sur les témoignages d'élus locaux, l'Arcep, le gendarme des télécoms, a décidé d’ouvrir une enquête administrative à l’encontre d’Orange en mai 2014. Le rapport, publié ce lundi 25 avril et que "l’Obs" a consulté en exclusivité, confirme qu'Orange a pris des libertés avec le cahier des charges strict que l'Etat lui avait fixé.

Selon l'Autorité, en 2013 :

 

 

  • "Seules 78% des défaillances téléphoniques avaient été réparées en moins de 48 heures alors que ce taux aurait dû être supérieur à 85%.
  • Le délai de réparation des défaillances suivant la signalisation était de 67 heures au lieu de 48 heures pour la mesure des 85% des défaillances relevées le plus rapidement.
  • Le délai de réponse aux réclamations des usagers, pour la mesure des 80% des réclamations traitées le plus rapidement, était de 6 jours alors qu’il aurait dû être inférieur à 5 jours.
  • Le délai de réponse aux réclamations des usagers, pour la mesure des 95% des réclamations traitées le plus rapidement, était de 21 jours alors qu’il aurait dû être inférieur à 15 jours."
  •  

Et cela n'aurait fait qu'empirer, explique l'Arcep : "Certains indicateurs s’étaient dégradés au premier trimestre 2014, laissant penser que l’opérateur aurait des difficultés à respecter son objectif annuel en 2014."

Dans un premier temps, Orange a avancé un certain nombre de raisons pour expliquer ces manquements : la hausse de l'activité, des départs anticipés trop nombreux, des réclamations mal aiguillées, et même... la météo peu clémente !

Ces explications n’ont que moyennement convaincu l'Autorité de régulation des télécoms. Comme elle l'écrit - poliment - dans son rapport :

Elle a d'ailleurs immédiatement invité Orange à corriger le tir.

Comme elle l'explique dans son rapport, la pression de l'Arcep s'est révélée payante :

Résultat :

  • Le délai moyen de fourniture pour le raccordement initial est passé de 14 jours en 2014 à 10 jours en 2015.
  • Le délai de réparation en cas de défaillance, de 69 heures en 2014, est tombé à 47 heures.
  • Le délai de réponse aux réclamations des usagers est passé de 15 jours pour 95% des usagers à 11 jours pour 95% des usagers.

Les indicateurs étant de nouveau conformes au cahier des charges en 2015, l'Arcep a décidé de clore son enquête administrative, tout en expliquant qu’elle suivrait de près Orange en 2016.

L'ex-France télécom sera-t-il de nouveau choisi pour assurer ce service universel ? Vaste tâche en soi peu lucrative (assurer l'entretien des lignes dans des coins reculés, etc.), cette mission de service public est compensée par un fonds - alimenté par une taxe payée par tous les opérateurs qui la répercutent sur leurs clients. Elle a aussi donné à Orange un certain nombre d'avantages concurrentiels (par exemple un tarif social pour les bas revenus permettant de recruter des clients).

"Un ou plusieurs opérateurs prestataires du service universel seront ensuite désignés", écrit l'Arcep dans le même rapport. Mais Orange fait figure de favori. Selon une source proche du dossier :

L'Autorité compte toutefois tirer la leçon des manquements d'Orange et veut durcir le cahier des charges. Par exemple, elle veut rendre proportionnel au désagrément le montant des compensations financières versées au client en cas de manquement. Merci qui ?

 

Donald Hebert

Journaliste

 

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