Staline...
Dans les « Dix Faces cachées du communisme », l’historien François Kersaudy revient sur l’incroyable hold-up communiste sur les tonnes d’or des républicains espagnols.
Dans les nombreux forfaits et coups tordus de Staline, l'un d'entre eux reste encore assez méconnu, même s'il s'agit sans doute de l'un des plus gros hold-up entre nations dans l'histoire du XXe siècle : la mainmise du dictateur sur 500 tonnes d'or de la jeune république qui tentait de résister face au franquisme… Les faits se déroulent en pleine guerre civile qui secoue l'Espagne dans les années 1930, rappelle l'historien François Kersaudy dans un livre salutaire, Dix Faces cachées du communisme, qui explore et révèle avec précisions les sombres dédales du communisme mondial.
En 1936, l'insurrection nationaliste contre la république espagnole prend de court Staline, qui se voit obligé de soutenir les républicains, mais ne souhaite en aucun cas déclencher une confrontation directe avec Hitler, engagé derrière Franco : il n'est pas prêt, l'URSS pourrait y laisser sa peau… Mais ses agents envoyés sur place rapportent l'existence d'un colossal trésor – louis d'or, souverains, dollars, joyaux, trésors des églises – entreposé dans les caves de la Banque d'Espagne à Madrid, qui tomberait à point nommé pour consolider l'économie soviétique. Or, les troupes républicaines ont besoin d'armes face à l'offensive franquiste qui, elle, peut compter sur les tanks et les canons allemands, italiens et portugais. Les agents russes promettent beaucoup – de l'aide, des tanks, des spécialistes – si bien que le gouvernement républicain de Largo Caballero décide en octobre 1936 de confier 500 tonnes d'or aux bons soins de l'Union soviétique.
Transfert secret
En trois nuits, dans le plus grand secret, 7 800 caisses sont embarquées dans des navires russes depuis le port de Carthagène par 60 marins triés sur le volet, rapporte François Kersaudy. Aucun papier n'est demandé, les Soviétiques promettent qu'un reçu sera délivré plus tard par la Banque d'État de Moscou… Début novembre, les cargos chargés comme des galions du Siècle d'or parviennent à Odessa, puis sont méticuleusement vidés par des troupes spéciales dépêchées par Staline, avant de voir le chargement d'or partir sous bonne escorte en camion pour Moscou. Staline jubile et confie lors d'un banquet que les Espagnols ne sont pas près de revoir leur or…
Dans le même temps, un premier convoi d'armes, plutôt maigrichon, arrive en Espagne : six avions, une douzaine de tanks légers, cinquante mitrailleuses… D'autres livraisons suivront, mais avec retard et, surtout, il s'agit d'un matériel de piètre qualité, recyclé ou acheté d'occasion : des avions mal équipés, des fusils d'avant la Grande Guerre qui brûlent les mains, des canons de 150 mm qui rendent l'âme dès le premier coup… Pire : Staline en profite pour tester du matériel, des explosifs et des blindages qui repartent illico en bateau pour Moscou s'ils se révèlent solides et efficaces… L'Espagne devient ainsi un vrai terrain d'expérimentation pour l'armement soviétique. Au printemps 1937, le président du conseil Largo Caballero n'a toujours pas touché son reçu pour son or envolé, pendant que les bureaux des sous-secrétaires d'État à l'Armement, noyautés par les agents soviétiques, signent des récépissés pour des livraisons fantômes… « Les serpents de la trahison, de la déloyauté et de l'espionnage enroulés autour de mes jambes m'empêchent de remuer », déclare le chef du gouvernement au début de l'année 1937.
Purges sanglantes
Il veut reprendre la main en tentant d'écarter les communistes de l'armée et du ministère, entame des pourparlers pour arrêter la guerre civile et ose réclamer des comptes sur l'or déposé en Russie, signant ainsi son arrêt de mort politique. Le Parti communiste le lâche et le force à la démission, vite remplacé par Juan Negrin dont le secrétaire personnel est membre du Parti communiste. Débute rapidement une série de purges contre les dissidents ou les contestataires, qu'ils soient anarchosyndicalistes, trotskistes, membres des brigades internationales, sociodémocrates ou activistes du Poum – le Parti ouvrier unifié marxiste-léniniste, qui comprend nombre de partisans de Trotski… Selon l'historien François Kersaudy, 15 000 suspects au moins seront « séquestrés et torturés dans les prisons secrètes de l'OGPU à La Pedrera ou à la caserne Karl-Max de Barcelone, à Atocha ou à Alcala près de Madrid, ou encore à l'ancien couvent Santa Ursula aux environs de Valence, surnommé « le Dachau de l'Espagne républicaine ».
Janvier 1939, Barcelone tombe aux mains de Franco, le front républicain s'effondre, la guerre s'achève au printemps. Entre-temps, une partie des dernières réserves d'or et d'argent de l'Espagne prend la route de Moscou. Tout n'est pas perdu pour tout le monde… Staline, qui a éliminé pas mal de témoins, croyait son hold-up tombé dans l'oubli, surtout après le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale. Mais en 1956, rebondissement : la famille de l'ancien président du conseil Negrin finit par mettre la main sur un protocole officiel de 1937 qui confirme le fameux dépôt d'or, un document inconnu jusqu'alors. Et l'Espagne franquiste entend bien réclamer des comptes… Mais quelques mois plus tard, la Pravda répond que les 500 tonnes d'or ont été dépensées en achat, en fournitures et en transferts de devises, sans donner plus de détails… Et rappelle que Madrid doit encore un emprunt de 50 millions de dollars contracté à l'époque avec l'Union soviétique. De quoi couper court à toute revendication. Mais pour certains, une partie du magot se trouve toujours dans les coffres du Kremlin…
À lire : Dix Faces cachées du communisme, par François Kersaudy (éditions Perrin, 23 euros).
Holodomor : le communisme n'a rien à envier au nazisme
https://www.contrepoints.org/2023/03/31/444784-holodomor-le-communisme-na-rien-a-envier-au-nazisme
Holodomor : le communisme n’a rien à envier au nazisme...Jean-François Revel disait que pour se faire une opinion en politique le plus efficace est de « commencer par compter les cadavres. » Sur ce point, le communisme supplante sans conteste le nazisme. Rien que le maoïsme tue intramuros autant d’humains en temps de paix que le Troisième Reich en temps de guerre mondiale
Si le dictateur soviétique n'était pas mort le 5 mars 1953, des millions de Russes auraient été déportés en Sibérie, simplement parce qu'ils étaient juifs.
Svetlana Alliluyeva, la fille de Staline, raconte qu'au moment de mourir celui qu'une propagande enamourée avait baptisé le petit père des peuples a ouvert une dernière fois les yeux. Son regard « à la fois fou et méchant », dit-elle, a balayé l'un après l'autre tous les dirigeants qui se trouvaient au pied de son lit et il a levé le doigt en un geste de menace qui a glacé d'effroi tous ceux qui étaient venus assister à ses derniers instants. Puis – au grand soulagement de tous – il a rendu l'âme.
C'est l'un des passages surprenants du livre que l'historien américain Joshua Rubenstein vient de publier aux États-Unis, Les Derniers Jours de Joseph Staline. Jusqu'au bout de son dernier souffle, celui qui restera comme l'un des dictateurs les plus sanglants de l'histoire aura fait régner la terreur, non seulement dans son peuple, mais surtout dans son entourage immédiat.
Ce que rappelle ce livre, c'est aussi comment la mort a empêché le numéro un soviétique de rivaliser une fois de plus dans l'horreur avec Hitler. Tout était prêt, en effet, pour déporter en Sibérie et au Kazakhstan deux millions et demi de juifs russes. Des camps, proches du cercle polaire, avaient été construits et d'autres, agrandis. Des gardes-chiourmes avaient été engagés. Des trains prévus pour les convois de déportés. Dans les dernières semaines de sa vie, Staline, qui avait déjà envoyé au goulag deux millions et demi de personnes, dont 35 000 enfants, s'apprêtait à doubler, avec les rafles de juifs, le chiffre de ces hommes et de ces femmes promis à une mort plus ou moins lente.
En fait, comme souvent dans sa conduite impitoyable du peuple immense de l'empire soviétique, Staline avait besoin, pour ranimer l'esprit combatif de ses fidèles, d'un nouvel ennemi de l'intérieur.
Le 15 janvier 1953, la Pravda révèle qu'un complot visant à assassiner plusieurs dirigeants vient d'être découvert. Les assassins, dit le journal du pouvoir, sont les médecins qui les soignaient et, en réalité, les empoisonnaient à petit feu. Des médecins qui tous se trouvent être juifs. Dès lors, les arrestations vont se multiplier, les interrogatoires musclés se succéder et les aveux être abondamment publiés dans la Pravda. C'est ce qu'on a appelé « le complot des blouses blanches ». Même le médecin privé de Staline, le docteur Vinogradov, n'y échappera pas.
Mais les journaux officiels ne se contentent pas de révéler les desseins des comploteurs. La campagne antisémite, latente depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est relancée dans le courant du mois de février 1953. Non seulement en URSS, mais aussi dans tous les « pays frères » contre « les cosmopolites sans racines ». Le maître du Kremlin a lui-même donné le ton en déclarant au Politburo que « tout sioniste est un agent du renseignement américain ». La préparation psychologique de la grande déportation à venir est donc bien lancée lorsque Staline meurt en quelques heures et dans des conditions qui restent encore mystérieuses, le 5 mars 1953.
Les inculpés du complot des blouses blanches seront tous libérés dans les semaines qui viennent. Et les goulags du Grand Nord prévus pour recevoir des millions de juifs resteront en partie vides. Malenkov, le successeur de Staline pour deux ans, fera même preuve d'une générosité, certes limitée, mais qui permettra de ramener dans leurs foyers plus d'un million de déportés du goulag (sur deux millions et demi) et d'abandonner un certain nombre de travaux pharaoniques, comme une nouvelle ligne de chemin de fer dans le nord de la Sibérie qui à elle seule faisait travailler dans des conditions épouvantables plus de 100 000 prisonniers.
La mort de Staline aura sans doute permis d'éviter une Shoah soviétique. Mais il faudra encore patienter quarante ans avant que ne s'écroule le système qui aurait pu mettre en œuvre cette autre solution finale. Celui que Ronald Reagan appelait fort justement « l'empire du mal ».