Tronche niouzes : la société du paraître
Le physique influence-t-il vraiment une carrière ? En entreprise, l’apparence reste un facteur souvent sous-estimé, mais lourd de conséquences. Derrière le CV, le visage...
Très tôt, l'idée s'installe, discrète mais bien ancrée : être beau, c'est avoir plus de chances de réussir. Ce n'est jamais dit frontalement – ce serait trop grossier – mais c'est là, en filigrane, dans les pubs, les magazines, les réseaux sociaux. Sur Instagram, la beauté s'est muée en compétence. Et pour certains, en véritable métier. Les influenceurs posent, vendent, orientent. Leur image fait office de vitrine et de revenu. Tout commence très tôt. Dès l'adolescence, les corps se sculptent, les peaux se lissent, les sourires s'ajustent. Tout est calibré. Monétisé. Kim Kardashian, Kendall Jenner, pour ne citer qu'elles, ont bâti des empires sur ce principe. À elles seules, elles incarnent ce glissement : aujourd'hui, répondre aux normes esthétiques semble parfois peser plus lourd qu'un diplôme ou un CV. Leur message, lui, ne laisse guère de place au doute : pour espérer percer, il faut d'abord plaire.
Quand l'apparence active nos réflexes primitifs
Dans le monde du travail, le beauty privilege ou la prime à la beauté n'a rien d'une lubie contemporaine, mais elle est davantage étudiée. Dès la première poignée de main en entretien, l'apparence pèse dans la balance. Selon l'Apec, 74 % des cadres la jugent déterminante. Et ce biais se traduit concrètement : d'après une étude des économistes Eva Sierminska et Karan Singhal, être perçu comme attirant peut faire grimper un salaire jusqu'à 30 %, dès la première rencontre. À l'inverse, dévier des standards coûte cher – jusqu'à 15 % de moins sur la fiche de paie. Pour Jean-François Amadieu, sociologue et auteur du Poids des apparences, ce privilège ne s'arrête pas au seuil de l'entreprise. Il s'étire sur toute la carrière. Selon lui, un visage jugé agréable peut rapporter en moyenne 8 % de plus chaque mois. Les personnes perçues comme belles inspirent également plus facilement la confiance, ce qui peut faciliter une promotion, un contrat, une négociation. On les imagine plus compétentes, plus intelligentes et elles sont considérées comme de meilleurs leaders. Une série d'attentes positives qui agit comme un accélérateur de carrière.
La beauté n'est plus simplement une question de goût : elle agit comme un levier, un passe-droit, un accélérateur social. Alexandre, lui, travaille dans un label de musique. Il repère, il signe, il parie sur des artistes en devenir. Et il ne tourne pas autour du pot : « Si un artiste a une belle gueule, bien sûr que ça compte. Si la musique suit, on peut décrocher des contrats avec des marques. » Dans ce milieu, le talent ne suffit pas. Il faut une histoire, une attitude et, surtout, une image qui claque. Aristote l'avait déjà dit, sans fioritures : « La beauté est un appui préférable à toutes les lettres de recommandation. » Deux mille ans plus tard, on en est toujours là.
Ce favoritisme ne relève pas seulement de la superficialité : il plonge ses racines dans nos réflexes les plus primitifs. Pour Jean-François Marmion, psychologue et directeur de l'ouvrage Psychologie des beaux et des moches (éd. Sciences humaines), une belle apparence – peau nette, traits symétriques, regard clair – déclenche instantanément des signaux positifs. Depuis la nuit des temps, le cerveau lit ces indices comme des marqueurs de santé, d'équilibre, de fiabilité. « On pense qu'une personne belle est aussi belle à l'intérieur », résume-t-il. Pas besoin de connaître, il suffit de voir : le jugement se fait en une seconde. Ces raccourcis s'invitent partout – y compris dans les entretiens d'embauche.
Une « sale tête » déclenche, en face, un soupçon immédiat : celui de l'incompétence. Malheureusement, l'effet ne s'arrête pas une fois le poste décroché. Plus on grimpe dans la hiérarchie, plus on représente l'entreprise à l'extérieur – et plus l'apparence compte. Il faut incarner, rassurer, séduire. « On est un peu la vitrine, un peu la tête de gondole de l'entreprise », résume le psychologue. Alors forcément, on attend d'un cadre qu'il ait l'allure qui va avec. Ce n'est pas une question de compétence, mais de mise en scène. Reste une interrogation que le psychologue soulève lui-même : est-ce parce qu'on est séduisant qu'on réussit, ou parce que le succès permet d'investir dans son apparence ? Autrement dit : l'avantage physique est-il un capital… ou un privilège qu'on s'offre une fois installé ? Difficile de trancher. L'allure attire les opportunités, la réussite polit les traits. Et entre les deux, la frontière se brouille.
Le piège de la beauté excessive
Après, bien sûr, il y a beauté… et beauté. Si une apparence flatteuse peut aider à grimper les échelons, quand on frôle l'idéal, les choses ont tendance à se compliquer. Sarah en sait quelque chose. Grande, élancée, le teint diaphane rehaussé chaque matin d'une touche de rouge à lèvres, la jeune femme incarne les standards d'aujourd'hui avec une aisance désarmante. Elle n'a pas besoin de se faire remarquer – elle attire, malgré elle. Dans la rue, dans les couloirs du métro, et bien sûr au bureau : on la regarde – et elle dérange. Dans son métier de communicante, un univers où tout se joue en surface, où l'on jauge en un clin d'œil, une élégance trop marquée peut susciter le soupçon.
On la croit superficielle, trop sûre d'elle, trop visible. « Les mentalités ont un peu évolué, oui, mais pendant longtemps, j'ai été la potiche de service », confie-t-elle. Avant même qu'on la connaisse, les jugements tombent. « Les hommes pensent que je suis à mon poste grâce à mon physique. Les femmes, que je suis une menace. Je ne compte plus les fois où on a parlé dans mon dos. Il faut encaisser, garder la tête haute, attendre que les regards changent. » Étonnamment, la question ne semble pas se poser de la même manière pour les hommes. Jordan, 1,85 m, traits ciselés, épaules larges, n'a jamais eu à se défendre de son apparence. Ancien mannequin – un choix assumé pour financer ses études – il est devenu designer sans que son physique soit un sujet. « Je sais que c'est plutôt un atout dans mon secteur : les gens se souviennent plus facilement de moi. Même si je n'en joue pas, pour éviter que ça ne prenne trop de place, je dois reconnaître que c'est un avantage non négligeable », admet-il
Les histoires de Sarah et de Jordan semblent dessiner deux réalités bien distinctes. Et si l'impact de la beauté n'était pas le même selon qu'on soit une femme ou un homme ? Pour Jean-François Marmion, la réponse ne fait aucun doute : « Ce n'est pas comparable. Un homme beau, on n'en parle même pas. Ce qui compte pour lui, c'est sa force, son pouvoir. La beauté n'a pas d'impact réel. » Chez les femmes, en revanche, c'est autre chose : « La compétition est bien plus violente. Encore aujourd'hui, quand une femme très belle accède à des responsabilités, on entend des phrases du type : avec qui elle a couché pour réussir ? »
Cette réflexion trouve un écho troublant dans les résultats d'une étude menée par Leah D. Sheppard, professeure adjointe à l'université de l'État de Washington, et Stefanie K. Johnson, maîtresse de conférences à l'université du Colorado. Pour tester l'idée que l'apparence n'est pas toujours un atout, elles ont conçu de faux articles relatant des licenciements fictifs, illustrés par des photos d'inconnus. Aux participants, il était demandé d'évaluer la sincérité de ces personnes, et de dire qui, selon eux, méritait d'être licencié.
Le résultat est sans appel ; plus les femmes étaient perçues comme belles, moins elles inspiraient confiance, et plus elles étaient jugées légitimes à être écartées. À l'inverse, chez les hommes, la beauté renforçait la perception de sincérité. Autrement dit, ce qui attire chez eux, disqualifie parfois chez elles. Attention toutefois, dans cette même étude, les femmes jugées moins séduisantes ont été perçues comme plus honnêtes, et plus dignes de confiance que les hommes – qu'ils soient beaux ou non. Un léger rééquilibrage, à condition de rester dans l'ombre des standards.
Des biais qui persistent
Mais alors, existe-t-il un moyen d'échapper à son image ? De contourner ce verdict muet, lancé dès les premières secondes, avant même qu'un mot ne soit prononcé ? Dans cette course à l'apparence, on réalise – presque malgré soi – la prophétie d'Andy Warhol : un jour, chacun aura droit à son quart d'heure de célébrité. Sauf qu'aujourd'hui, ce quart d'heure s'étire. Une story, une vidéo, un selfie, et l'on entre brièvement dans le champ. Exister, désormais, c'est se montrer.
Jean-François Marmion le regrette : « Les plus jeunes sont poussés à se mettre en scène très tôt. Leur propre chaîne YouTube, des stories quotidiennes, une image à polir, à défendre. » Une pression à l'exposition qui commence tôt. Trop tôt. Mais il observe aussi des mouvements contraires. Des communautés qui se forment en marge des standards dominants, avec la volonté de faire exister d'autres corps, d'autres visages. Il pense notamment aux personnes en surpoids, longtemps cantonnées à des rôles comiques, ou effacées du cadre. Aujourd'hui, le mot grossophobie est entré dans le débat public. Il y a dix ans, il n'existait même pas.
Ces contre-mouvements peuvent-ils inverser la tendance ? Dans The Conversation, Astrid Hopfensitz, professeure en comportement organisationnel à l'EM Lyon Business School, reste sceptique. « Investir dans la beauté en vaut vraiment la peine, car cela apporte des avantages réels », souligne-t-elle. Pour limiter l'impact de ce biais, elle évoque des solutions simples : anonymiser les CV, supprimer les photos. Mais dans la majorité des interactions, les visages restent là, bien présents. Et c'est souvent là que les belles intentions s'effondrent. Car même celles et ceux qui en connaissent les ressorts s'y laissent prendre. Le biais n'impose rien, il glisse. Dans un regard plus indulgent, une parole qu'on écoute un peu plus longtemps, une confiance accordée sans raison. C'est précisément ce qui le rend si difficile à déjouer : il prend les contours de la normalité.
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Comment vous habillez-vous pour aller travailler ?
Bien sûr, il y a la solution de Steve Jobs, ou de Barack Obama, qui est de s’habiller exactement de la même manière tous les jours. Mais si vous vous demandez parfois comment vous habiller avant un rendez-vous professionnel important, la recherche en gestion peut peut-être vous aider.
L’impact de nos vêtements sur le jugement de l’autre
D’abord, et somme toute assez logiquement, nos vêtements influencent la manière dont nous sommes perçus par autrui. Des chercheurs ont comparé, par exemple, l’impression que font des hommes portant un costume sur mesure et l’impression que font les mêmes hommes vêtus d’un costume prêt-à-porter. Les sujets jugent plus favorablement les hommes portant un costume sur mesure sur la plupart des dimensions (mais pas, chose intéressante, sur leur capacité à inspirer confiance.)
Une autre étude montre qu’on peut jouer de son habillement de manière plus subtile. Là, on teste des scénarios où les codes vestimentaires sont intentionnellement transgressés : par exemple, une cliente entre en jogging dans un magasin de luxe, ou un professeur qui porte des baskets rouges pour une conférence importante. Dans tous ces cas, l’auteur de la transgression est perçu plus favorablement. Le fait qu’il ne se plie pas aux normes est perçu comme un indice de statut et de compétence. Les auteurs de l’étude rattachent cet effet à la théorie des signaux : notre comportement envoie un signal à notre entourage ; et plus ce signal est coûteux, plus il est interprété comme significatif. Ceux qui s’habillent de manière non-conforme prennent un risque : ce risque est perçu comme un indice de leur position. L’auditoire se dit, en quelque sorte : « S’ils enfreignent les conventions, c’est qu’ils peuvent se le permettre ». D’ailleurs, d’autres expériences montrent que cet effet ne fonctionne que quand la norme sociale qui est transgressée est réellement forte. N’allez pas vous imaginer, messieurs, que le simple fait de ne pas mettre de cravate va faire de vous un courageux original.
Nos propres habits nous influencent
Enfin, il y a un autre effet de l’habillement qui est plus étrange encore : ce que vous portez vous influence aussi, vous. Imaginez par exemple qu’on vous fait passer un test d’attention difficile. Si on vous a demandé d’enfiler, avant le test, une blouse blanche de médecin, vous allez être nettement plus attentifs : vous ferez presque deux fois moins d’erreurs. La blouse n’affecte pas seulement la perception que les autres ont de vous : elle affecte aussi votre performance.
Ce n’est pas de la magie : c’est de la simple psychologie. Le simple fait d’être exposé à une idée nous influence ; et quand nous pensons « médecin », nous pensons « rigoureux, concentré ». D’ailleurs, si on nous fait enfiler la même blouse blanche, mais en nous disant que c’est une blouse de peintre, l’effet sur l’attention disparaît totalement. Et la suggestion a intérêt à être compatible avec la tâche à accomplir : le fait de porter une blouse de médecin améliore la concentration, mais a plutôt un effet négatif sur les tâches qui demandent de la créativité...
Ce qui est sûr, c’est que la question du vêtement n’est finalement pas aussi anodine qu’il y paraît. Comme le concluent les auteurs de cette dernière étude, « Les vêtements ont un effet profond et systématique sur la psychologie et le comportement de ceux qui les portent ». Finalement, vous avez peut-être raison d’hésiter longuement devant la glace le matin…
Olivier Sibony Professeur HEC
https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Olivier-Sibony-L-impact-de-votre-habillement-sur-les-autres-et-vos-performances_3746055.html?utm_source=sendinblue&utm_campaign=XC060924&utm_medium=email
Pour se faire embaucher, il faut avoir la tête de l’emploi...L’apparence compte-t-elle lorsqu’on postule en ligne pour un emploi ? Des chercheurs américains ont découvert que certains accessoires ou caractéristiques physiques donnaient aux candidats un avantage pour décrocher le poste convoité.
En matière de visioconférence, certains se filment chez eux sans filtre tandis que d’autres utilisent des fonds pour que leurs interlocuteurs ne soient pas tentés d’analyser leur intérieur. Mais dans ce dernier cas de figure, la prudence est de mise. Des universitaires britanniques ont découvert que l’arrière-plan que vous choisissez peut changer l’image que vos collègues ont de vous.
Des chercheurs de l’université de Durham ont constaté que certaines images d’arrière-plan confèrent davantage une impression de sérieux et de compétence que d’autres. Pour arriver à cette conclusion, ils ont demandé à 167 volontaires de donner leur avis sur une sélection d’images montrant des hommes et des femmes, avec des expressions faciales neutres ou joyeuses, devant plusieurs arrière-plans. Ces derniers étaient humoristiques, ternes (fond de couleur) ou réalistes (photo d’un salon, d’une bibliothèque ou de plantes). Les clichés montrés aux participants de l’étude donnaient l’illusion qu’ils avaient été pris durant une réunion en visioconférence.
Evitez l'excentricité mais souriez !
Ce détail a toute son importance. Les réunions à distance favorisent la comparaison entre collègues étant donné que les visages des intervenants sont affichés côte à côte. On peut être tenté de se focaliser sur certains détails comme l’apparence physique, la tenue vestimentaire ou encore l’environnement au lieu de prêter attention aux points abordés durant ce moment d’échange. C’est un comportement naturel mais assez contre-productif sur le long terme. Surtout si l’on se sert de l’arrière-plan choisi par un collègue pour déterminer sa valeur professionnelle.
Le Docteur Paddy Ross, professeur adjoint de psychologie à l’université de Durham, et ses confrères ont remarqué que beaucoup évaluent le sérieux et le savoir-faire d’autres professionnels en fonction du fond qu’ils utilisent pendant leurs visioconférences. Ainsi, les participants de l’étude ont eu une meilleure première impression des personnes photographiées devant un arrière-plan représentant une bibliothèque ou des plantes que ceux devant un fond plus original.
Ils ont aussi été plus critiques vis-à-vis des modèles devant une image représentant un salon vide, qu’elle soit floue ou non.
Les scientifiques ont également observé des réactions contrastées en fonction du genre des modèles pris en photo devant différents arrière-plans, comme ils l'expliquent dans une étude parue dans la revue PLOS One. Les femmes étaient, dans l’ensemble, jugées comme étant plus dignes de confiance et plus compétentes que les hommes, quel que soit le fond devant lequel elles apparaissaient.
Le sourire est aussi un facteur important à prendre en considération. Les personnes souriantes faisaient une meilleure impression que les autres durant une visioconférence professionnelle. Autant d’éléments à garder en tête pour votre prochaine réunion Zoom.
Le pouvoir et la beauté : le physique et l'apparence en politique...« on voit immédiatement que la majesté, vient de la perruque, des chaussures à talons hauts et du manteau [...] Ainsi coiffeurs et cordonniers fabriquent-ils les dieux que nous adorons »
"Plus attractifs", plus beaux : réduire la vision d'une partie du visage par les masques, attirerait plus l'attention. Après deux ans de Covid-19, de nouvelles études montrent que notre cerveau idéalise la partie du visage qu’on ne voit pas.
Cette semaine, on a commencé à abandonner le masque à l’extérieur. Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon, nous parle aujourd'hui d'un double phénomène, agissant sur le regard des autres à notre égard, quand nous portons un masque.
franceinfo : Des psychologues prouvent que ces masques avaient tendance à nous rendre plus beaux ?
Mathilde Fontez : Pas sûr que ça nous incite à le garder exprès, on en a sans doute trop marre. Mais oui : pour reprendre les mots des psychologues de l’université de Cardiff qui ont mené l’étude, "le masque nous rend plus attractifs". Ce que montrent ces chercheurs, c’est qu’il y a deux effets qui se cumulent : l’effet du visage caché, et l’effet du masque médical en lui-même.
Le premier est assez contre-intuitif : qu’est-ce qui se passe quand on regarde une personne masquée ? On imagine automatiquement, sans même s’en apercevoir, la partie manquante. Or, les chercheurs ont longtemps pensé que ça pouvait être négatif simplement parce que ça nous demande un effort : l’information du visage est plus difficile à traiter – puisqu’elle est en partie manquante. Du coup, c’est moins agréable de regarder ce visage. Et par association, on pensait qu’il serait jugé moins agréable tout court : moins beau.
Sauf que ce n’est pas le cas…
Non. Ce n’est pas ça qui prend le dessus. Ce qui prime, c’est le processus même de reconstruction de la partie cachée du visage par le cerveau. Et ce que les chercheurs voient, c’est que quand on fait ça, on n’invente pas de défauts : on construit spontanément une image aux propriétés optimales.
On idéalise la configuration du visage qu’on ne voit pas. En gros, notre cerveau construit la partie masquée sur une hypothèse, une extrapolation parfaite : un joli nez, une symétrie, un menton aux proportions idéales.
Pourtant le masque chirurgical, ça n’a rien d’anodin, c’est associé à la maladie…
Oui, et c’est le deuxième effet. On pensait que d’afficher comme ça un symbole de la maladie sur son visage, ça pourrait avoir un effet négatif sur la perception, et nous rendre moins attrayant. Cela avait même été testé dans des études précédentes. Sauf que ces études ont été reproduites après deux ans de Covid-19 : et tout s’est inversé.
Dans les expériences, les visages cachés par un masque chirurgical, ou même en tissu, ont été perçus plus beaux que ceux qui étaient cachés par exemple par un livre. Les chercheurs interprètent ça comme un changement de nos normes sociales : le masque chirurgical était associé avant à une peur, à un rejet de la maladie. Et aujourd’hui, il évoque plutôt – sans qu’on en soit vraiment conscients – la lutte contre la maladie : le médecin, l’infirmier, qui sont devenus des icônes avec la pandémie, des icônes positifs.
Bref, avec le masque, on est doublement plus beaux ! Alors c’est sûr, c’est un détail, mais c’est tout de même assez renversant de s’apercevoir tout ce que la pandémie de Covid a changé, jusqu’à notre perception...
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-sciences-du-week-end/le-masque-nous-rend-plus-beaux_4926517.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220208-[lespluspartages/titre1]
À l'occasion de la journée internationale du sport féminin, franceinfo: sport s'est intéressé au phénomène de sexualisation et d'hypersexualisation des athlètes féminines.
"Lorsque j'étais jeune, j'étais assez forte et j'avais un corps 'atypique'. Le plus dur a été d'entendre les critiques venant des compères : 't'es trop grosse', 'regarde tes cuisses'", se souvient tristement Charlotte Lembach, vice-championne olympique en sabre féminin par équipes. "Mes surnoms étaient 'gros jambon' ou 'cuisses de poulet'. Je suis souvent rentrée chez moi en pleurs. Mais ça m'a donné encore plus de force pour travailler et être meilleure que les autres."
Charlotte Lembach n'est pas la seule athlète à avoir subi de tels commentaires sur son physique. Le corps des sportives n'échappe pas au phénomène de sexualisation, voire d'hypersexualisation déjà présent dans l'ensemble de la société.
Par ces termes, on entend "la mise en avant de caractéristiques qui ne sont pas liées au sport à proprement parler, mais à des considérations esthétiques, voire sexuelles. Il s'agit de rendre la sportive conforme aux stéréotypes de genre liés à la femme, c'est à dire tout ce qui va 'l'objectifier' et la rendre disponible pour l'homme", explique Béatrice Barbusse, sociologue et vice-présidente de la fédération française de handball (FFH).
Plaire aux sponsors
Outre des remarques et commentaires qui peuvent être dégradants et difficiles à vivre pour l'athlète, cette sexualisation peut avoir un impact réel sur la carrière sportive. Lorsque qu'elles ne correspondent pas aux normes de beauté et de féminité standards - silhouette longiligne, visage bien maquillé,etc... - définis et imposés par la société actuelle, elles peuvent éprouver de réelles difficultés à trouver des sponsors. Et tout simplement, à être visibles.
Or, ce sont ces mêmes sponsors qui leur permettent de vivre et de disposer des ressources financières nécessaires pour participer aux différentes compétitions. "Il faut d'abord que la sportive gagne et montre qu'elle est performante. Après, il est encore mieux pour elle de correspondre aux canons de beauté", fait remarquer Béatrice Barbusse.
Un constat partagé par Charlotte Lembach. Malgré son titre de vice-championne olympique aux Jeux de Tokyo, l'escrimeuse peine à trouver des sponsors pour Paris 2024. "Quand je vois que je galère alors que d'autres sportives très jolies, qui n'ont pas mon palmarès, ont plus de visibilité et se font carrément démarcher par des marques sur les réseaux sociaux, ça m'amène à me poser des questions...", lâche en toute franchise celle qui a un projet de maternité avant Paris 2024.
"Chez les hommes, je trouve que la performance est davantage mise en avant. Chez les femmes, il faut se battre si l'on ne rentre pas dans les critères de beauté prédéfinis par la société."
Charlotte Lembach, vice-championne olympique en sabre féminin par équipeà franceinfo: sport
Une tendance également éprouvée par Mélina Robert-Michon, vice-championne olympique aux Jeux de Rio, en 2016, et vingt fois championne de France. Son brillant palmarès parle de lui-même. Pourtant, la spécialiste du lancer de disque rencontre elle aussi une difficulté à trouver des sponsors. "La performance est plus importante chez les hommes, alors que le physique a une part plus importante chez les femmes", raconte celle qui a conscience d'être "un peu plus charpentée que la moyenne".
"Les équipementiers préfèrent travailler avec des filles bien foutues, qui passent bien à l'écran, même si elles n'ont rien fait de spécial. Il y a quelques années, ils n'avaient pas peur de nous le dire directement. Aujourd'hui, c'est beaucoup moins politiquement correct, alors ils trouvent d'autres excuses. Il faut arrêter de se cacher, cette vision est encore présente."
Mélina Robert-Michonà franceinfo: sport
Et le phénomène va encore plus loin. Selon plusieurs chercheuses interrogées, certaines athlètes vont aller jusqu'à se "recréer une féminité". L'objectif ? Attirer les sponsors et poursuivre leur carrière dans de meilleures conditions.
"Celles qui n'ont pas des physiques s'apparentant aux stéréotypes féminins vont mettre du vernis, des bijoux ou encore sur-investir les robes pour essayer de donner des gages qui ramènent à une féminité", expose Sandy Montanola, maîtresse de conférences à l’Université Rennes 1 et spécialisée dans les questions de sport, de genre et de médias. "Les athlètes ont anticipé le fait que les sponsors attendent des représentations sociales assez stéréotypées."
Mal dans son corps, mal dans son sport
Des normes de féminité bien ancrées, même chez les partenaires, qui peuvent empêcher certaines jeunes sportives de se sentir bien dans leur corps, notamment au moment de l'adolescence. "Les représentations médiatiques ont une influence sur la façon dont on se perçoit, dont on s’identifie. Chacun, chacune, construit aussi son identité par rapport à ça", insiste Natacha Lapeyroux, sociologue des médias du genre et du sport.
Mélina Robert-Michon se souvient : "J'ai été grande très tôt. L'adolescence est un moment où l'on veut passer inaperçues, et finalement on ne voit que nous. Je savais que j'avais plus d'épaules que les autres, des cuisses plus marquées. Pas besoin d'en rajouter. De telles remarques peuvent faire peur à certaines jeunes filles, au moment où le corps change et où on a un rapport à lui qui est plus difficile."
Les critères de beauté et de morphologie imposés implicitement par certains sports sont aussi facteurs de troubles chez l'athlète. La patineuse Maé-Bérénice Méité a fait l'objet de lourdes réflexions quant à son physique et son poids, sous prétexte qu'elle ne correspondait pas à la figure fine, élancée et longiligne de la patineuse artistique.
"Ta robe, ton maquillage, ta coiffure, ton visage, ton physique, vont être scrutés en détails, car ta ligne va jouer sur la note finale (...). Il faudrait connaître et comprendre tous les types de morphologie, au lieu de vouloir transformer chaque athlète en un prototype prédéfini", revendique avec fermeté la sextuple championne de France. Cet épisode a malheureusement laissé des traces sur sa carrière. "Depuis, je souffre de dysmorphie corporelle. Dans le miroir, je me vois un peu grosse, pas suffisamment tonique et affûtée. Heureusement, j'en ai conscience donc je travaille dessus."
Le diktat des tenues
Les stéréotypes de genre ne se limitent pas qu'au physique. Ils se reflètent également dans les tenues, qui font partie entière du processus de sexualisation. Parfois jugées trop courtes ou trop échancrées, nombreuses sont les sportives à s'en être déjà offusquées. Peu à peu, les langues se délient et les athlètes ne masquent plus leur malaise.
Des joueuses de beach handball ont refusé la sélection tricolore à cause du port obligatoire du bikini. Et encore, ça ressemble plutôt à un string. Elles étaient mal à l’aise, c'est une réalité", déplore Béatrice Barbusse. "Le sport doit être inclusif. Ce n’est pas via ce genre de tenues qu’on va faciliter la démarche."
De nombreuses disciplines ont déjà fait face à une telle problématique. La handballeuse française Allison Pineau évoluait à Nîmes, en 2013, lorsqu'il a été décidé que les joueuses disputeraient les matchs en jupe. "Nous ne nous sommes pas senties super à l’aise avec ce changement, car nous ne connaissions pas très bien les motivations qu'il y avait derrière", confesse sans langue de bois la championne olympique. "Ok, il y a une volonté de féminiser les tenues. Mais pourquoi la jupe ? Avec la jupe, on parle d'un genre, on rentre dans les stéréotypes. C'est aussi plus court... N'y a-t-il pas une autre manière de féminiser ?"
"Psychologiquement, nous ne sommes pas prêtes à ce changement. Nous sommes plus à l'aise dans un short pour bouger. Nous avons toutes des corps différents. Le but est que chacune se sente bien dans ses vêtements, dans son maillot. Et pas, à l'inverse, créer des complexes."
Allison Pineauà franceinfo:sport
Dans un essai publié cet été, l'heptathlète britannique médaillée d'or aux Jeux de Londres en 2012, Jessica Ennis-Hill, avait pris position sur le sujet des tenues. Celle qui avait l'habitude de courir en slip au début de sa carrière a admis avoir été terrifiée à l'idée de subir "un souci gênant avec sa tenue" pendant une compétition.
Dans une logique similaire, les gymnastes allemandes avaient pris part aux Jeux de Tokyo en "académique", un uniforme qui couvre le corps des bras jusqu'à la cheville, au lieu du justaucorps habituel. "Nous voulions montrer que chaque femme doit décider ce qu'elle porte", avait alors insisté Elisabeth Seitz.
Contactée par franceinfo: sport, la directrice des équipes de France de gymnastique artistique féminine, Véronique Legras, se veut rassurante : selon elle, les tenues sont discutées avec les gymnastes elles-mêmes, en adéquation avec leurs souhaits.
Si les académiques sont désormais autorisés par la fédération internationale, la France n'a pas encore franchi le pas. "Nous sommes actuellement en pleine réflexion, car la réglementation de la gymnastique fédérale n'a pas encore validé les académiques en France. C'est un sujet qui va être traité", détaille-t-elle. "Il faut évoluer avec notre temps et nous sommes à l'écoute du bien-être des gymnastes."
"Nous ne devons pas freiner des gymnastes à vouloir pratiquer leur sport, simplement car elles ne sont pas à l'aise dans leur corps et dans leur tenue."
Véronique Legras, directrice des équipes de France de gymnastique artistique féminineà franceinfo:sport
Mais quelles sont les raisons avancées à une telle sexualisation des corps ? "On en revient toujours au même : attirer les sponsors et les partenaires", rétorque Béatrice Barbusse.
"Quand les athlètes ne répondent pas aux stéréotypes féminins ou qu'elles sont trop musclées, comme les boxeuses ou les rugbywomen par exemple, il va y avoir une sanction médiatique. Nous les apercevons très peu en photo ou dans les médias", complète Sandy Montanola.
"Un éveil des consciences de genre"
"Il y a tout un écosystème avec les médias, les sponsors, les fédérations, les athlètes et les agents. Ces acteurs ont besoin de vendre, il y a une recherche de profit. Pour y répondre, ils vont se valoriser par rapport à ce qu’ils pensent être attendu. Les médias vont faire pareil, les sponsors aussi, ce qui fait qu’on a ici tout un système d’entretien."
Mais que faut-il faire pour mettre un point final au phénomène de sexualisation des sportives ? "Un éveil des consciences de genre", propose Béatrice Barbusse. "Il faut que de plus en plus de sportifs et sportives s’éveillent à ce qu'est le féminisme et se rendent compte que l'on est enfermé dans des représentations stéréotypées, qui sont autant de pressions à être comme ci ou comme ça. Les athlètes seraient plus performantes et épanouies en se libérant de ça."
"Il faut évidemment que les femmes soient bien davantage représentées dans les instances dirigeantes et qu'elles fédèrent autour de ces questions", poursuit la sociologue. Mais la parité, ce n'est pas pour tout de suite. Le 18 janvier, le Sénat a rejeté l’instauration de la parité dans les instances dirigeantes du sport à partir de 2024. Pour rappel, seules 18 femmes sont à la tête d’une des 113 fédérations sportives en France.
Publié
https://www.francetvinfo.fr/sante/sport-et-sante/sportives-de-haut-niveau-quand-le-diktat-de-la-beaute-physique-reste-un-critere-de-visibilite-et-donc-de-performance_4922249.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220126-[lespluspartages/titre3]
Miss France 2022 : ces photos retouchées qui font jaser..les Miss sont accusées par certains internautes d'avoir trop retouché leurs photographies à l'aide de filtres, relate « Le Parisien ».
« La forme du corps compte »: quand l’IA démontre l’impact du physique sur les revenus...Femmes obèses discriminées, hommes athlétiques mieux rémunérés. Une nouvelle étude démontre la relation entre la forme du corps et les revenus, grâce à des données objectivées par le deep machine learning.
Comment notre apparence physique influe sur notre carrière..On a beau se répéter que la valeur n'est pas corrélée au nombre de kilos, que la vraie beauté est intérieure, on voit bien que dans notre société du paraître, notre estime de soi reste étroitement tributaire de notre apparence...
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L'apparence physique, cette discrimination négligée
http://www.slate.fr/story/128933/discriminations-apparence-physique
Dans «La société du paraître», Jean-François Amadieu attire l'attention sur le rôle de l'apparence physique (beauté, poids, taille, âge, etc.) dans la réussite sociale..