1870-71, la guerre oubliée
De véritables fusils, un vrai canon, d'authentiques habits: en Lorraine, un camp de la guerre de 1870 a été reconstitué lundi et mardi, au musée dédié à cet évènement "oublié" de l'histoire franco-allemande.
Gravelotte 1870 : l'occasion ratée de gagner la guerre...victoire tactique française… pour une victoire stratégique prussienne. Les Français parviennent alors à remporter des batailles mais l’issue de la guerre ne changera pas.
La guerre de 1870-1871, prélude aux deux guerres mondiales souvent occulté par ces dernières, a donné l'occasion aux Français et aux Allemands d'utiliser et de développer leur arsenal guerrier. Une exposition rend hommage à ces armes de guerre du 13 avril au 30 juillet 2017, au Musée de l'Armée à Paris.
PASSE D'ARMES. Conflit relativement peu connu du grand public, la guerre de 1870-1871 a opposé la France et "les Allemagnes" (à cette époque, le pays est composé de plusieurs états qui ne sont pas encore véritablement unifiés). Il s'agit pourtant un moment fondateur dans les relations de ces deux pays. Occultée par les deux conflits mondiaux, dans l'esprit des Français comme dans celui des Allemands, l'"année terrible" (ainsi que l'appelait Victor Hugo), s'est achevée sur la défaite de la France... ce qui a conduit à une guerre civile bien connue : la Commune de Paris.
Comme toute guerre, celle de 1870-1871 aura été l'occasion de perfectionner les armes et d'en développer de nouvelles. Dès 1870, les français adoptent un armement déjà connu mais jusqu'alors peu utilisé : le fusil qui se charge par la culasse. Le gain de temps est énorme : "Grâce à cette arme, la cadence de tir est bien plus importante : entre 8 et 15 coups à la minute, contre trois coups tout au plus à la minute auparavant", explique Christophe Pommier, assistant de conservation au musée de l'Armée et commissaire de l'exposition "France-Allemagne(s) 1870-1871"*.
FORMATION. Mais les soldats français ne tirent pas complètement profit de ces nouvelles armes. "Ces fusils permettent des tirs couchés et accroupi ce qui évite de rester debout pour recharger son arme. Cependant, ces nouvelles postures de combat ne sont pas forcément adoptées par les hommes", poursuit Christopher Pommier. Pourquoi ? Tout simplement par manque de formation : bien que ces fusils soient disponibles depuis 1866, les hommes n'ont pas eu le temps de les manier et de se les approprier. Ce qui n'est pas le cas des soldats du camp adverse : "Les allemands utilisent les mêmes types de fusils, mais les manipulent depuis plus longtemps et en ont déjà fait usage durant la guerre des duchés (1864-1865) ainsi que la guerre austro-prussienne (1866)". Ils ont donc appris à manier ces armes en conditions réelles, contrairement aux soldats français.
En revanche, les canons utilisés par l'artillerie ne sont pas identiques des deux côtés. Dans les deux cas il s'agit de canons rayés, mais "en France, ils se chargent par la bouche et en Allemagne par la culasse", précise le commissaire de l'exposition. Là encore, ce ne sont pas les Français qui ont l'avantage : "Les canons allemands sortis des usines Krupp sont un peu plus performants que les Français, mais ils sont aussi mieux employés par les artilleurs allemands : les obus éclatent et font plus de dégâts". Bien que cet armement soit encore récents en 1870-1871, les allemands ont déjà pu l'utiliser en conditions réelles pendant les guerres de 1864 et 1866. C'est aussi le cas de la France, dès 1859, mais des modifications techniques qui auraient dû être apportées ne l'ont jamais été. Les allemands ont donc eu l'avantage également dans ce domaine.
Cependant les Français détiennent une arme redoutable capable de faire des ravages dans les lignes adverses : la mitrailleuse aussi appelée "canon à balles". Mais une fois de plus, Christophe Pommier révèle que "cet engin assez terrible" a mal été employé : "Il fut utilisé contre l'artillerie et non contre l'infanterie, avec des effets amoindris".
CANON ANTI-AÉRIEN. Du côté allemand, une arme naît nouvelle pendant la guerre : "Les parisiens assiégés utilisaient des ballons pour correspondre et envoyer des hommes ou du matériel de l'autre côté des lignes ennemies", explique le commissaire de l'exposition. "L'armée allemande a donc demandé à l'usine Krupp de trouver une parade. A l'automne 1870, l'entreprise met au point le premier canon anti-aérien de l'histoire. Six canons sont placés autour de Paris afin de détruire les ballons mais ils n'auront l'occasion de tirer que sur une petite soixantaine d'entre eux". En réponse, les parisiens décolleront de nuit : les meilleurs stratagèmes en temps de guerre sont parfois les plus simples.
Anne-Sophie Tassart
* Ces armes sont à découvrir à l'exposition "France-Allemagne(s), 1870-1871 : La guerre, la Commune, les mémoires", Musée de l'Armée du 13 avril au 30 juillet 2017.