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Publié le par ottolilienthal

Le «cabinet noir», les services secrets du Roi-Soleil

Trois siècles avant la NSA et les renseignements généraux, Louis XIV épluchait déjà la vie privée de ses courtisans.

Dès son plus jeune âge, Louis XIV maîtrise l'art subtil du mensonge, de la comédie et de la dissimulation. Après la mort de son père, l'enfant est élevé par son parrain, le cardinal Mazarin. Ce dernier s'est illustré au service de la papauté, menant des campagnes placées sous le sceau du silence le plus absolu –un trait qui va déteindre sur le futur souverain. Abreuvé de machiavélisme, Louis est un marmot discret et taciturne, «assez prudent pour ne rien dire, de peur de ne pas bien dire», observe Madame de Motteville.

Couronné en 1654 –lorsque son règne commence en 1643, il n'a que 5 ans–, le jeune roi procède à des coupes claires au sein des assemblées politiques, s'entourant de seulement quelques conseillers. Il se méfie du nombre: son règne exceptionnellement long –soixante-douze ans– marque l'âge d'or des absolutismes, et les affaires qui l'incriminent sont étouffées. Celui qui s'est autoproclamé «plus grand roi du monde» resserre son emprise sur le continent, non seulement par son mécénat des arts et les nombreuses campagnes militaires qu'il dirige, mais aussi par un service de renseignement étonnamment moderne.

Cryptage et agents de l'ombre

Il a de qui tenir: le cardinal Richelieu, qui servait feu son père, avait constitué un réseau secret d'agents au service de la Couronne. Louis XIV le remobilise à son compte, dépêchant ses «aventuriers» qui le renseignent quotidiennement sur la santé des monarques étrangers, les mouvements de troupes, l'issue de tractations diplomatiques, les mariages, les funérailles… Dans le plus grand secret, les nouvelles de Vienne, Londres, Venise, Bruxelles ou Lisbonne remontent inlassablement jusqu'à la salle du trône.

Ces agents de l'ombre n'ont rien à envier aux espions modernes. Faux moines, voyageurs anonymes, séductrices, aristocrates, ambassadeurs rivalisent d'ingéniosité pour transmettre leurs rapports au Grand Louis. «Il s'en trouve dans les conseils des princes, dans les bureaux des ministres, parmi les officiers des armées, dans les cabinets des généraux, dans les villes ennemies, dans le plat pays, et même dans les monastères», s'étonne le marquis de Feuquières. Chaque matin, des centaines de dépêches lourdes de «l'intime de chacun» affluent à Versailles.

Comble de la modernité: les messages sont cryptés, quelques fois avec de l'encre sympathique, le plus souvent par l'intermédiaire du Grand Chiffre, un code secret développé par Antoine et Bonaventure Rossignol à la fin du XVIIe siècle. Réputé incassable, ce code contribuera grandement à la diplomatie nébuleuse de Louis XIV et ne sera pas déchiffré avant la fin du XIXe siècle. Alors que son règne mûrit, le Roi-Soleil est parvenu à centraliser l'information autour de sa personne. Il en a le monopole exclusif. Sous son commandement autoritaire, l'État est devenu un organe de surveillance ultra secret.

 

Versailles, nid d'espions

Au centre de la toile d'informateurs que Louis XIV tisse jusqu'aux empires voisins, il y a Versailles, point de convergence des missives secrètes. Si le quotidien du roi est réglé comme une horloge, cette prédictibilité n'est qu'une façade. Car derrière les sourires suspendus aux visages de la cour, il y a des murmures, des confidences que lui rapportent ses «rabatteurs»: valets, gardes suisses, maîtresses loyales et espions hantent également les corridors de Versailles. Les murs ont des oreilles.

Contrôlant avec fermeté le service des postes, Louis XIV fait éplucher les lettres de son entourage. Le fameux «cabinet noir» est chargé de leur interception, de leur décodage, de leur éventuelle traduction –certaines proviennent de l'étranger–, et de leur recopiage. Personne n'est épargné: la correspondance personnelle de la princesse Palatine –la belle-sœur du roi– ou celle de Madame de Maintenon –sa future épouse– sont également lues avec attention. La première, autrice de quelque 90.000 lettres, s'amuse de l'indiscrétion des espions: elle conclut ainsi une missive bourrée de détails scatologiques par «une belle histoire, assurément, digne de retenir l'attention du secrétaire d'État, et je pense bien que M. de Torcy en fera son rapport au roi».

En pilotant un organe de renseignement qui viole, en toute impunité, le secret des vies privées, le Roi-Soleil ébauche un Big Brother d'avant-garde, pernicieux et totalitaire. Un mal nécessaire, selon lui, indissociable de l'art de gouverner. «C'est en un mot, mon fils, avoir les yeux ouverts sur toute la Terre; apprendre à toute heure les nouvelles de toutes les provinces et de toutes les nations, le secret de toutes les cours, l'humeur et le faible de tous les princes et de tous les ministres étrangers; être informé d'un nombre infini de choses qu'on croit que nous ignorons; pénétrer parmi nos sujets ce qu'ils nous cachent avec le plus de soin», écrira-t-il dans ses Mémoires.

Malgré la colère que ce genre d'incivilités suscite, les gouvernements qui lui succéderont s'engouffreront dans la brèche ouverte par le Roi-Soleil. D'abord Louis XV, friand de potins, puis Louis XVI. Le vent de la Révolution promet d'abolir ce règne de surveillance: «La nation s'élève avec indignation contre la violation du secret de la poste, l'une des plus infâmes inventions du despotisme» proteste le comte de Clermont-Tonnerre en 1789. Des mots sages, en vérité, mais dénués de la moindre sincérité: les correspondances continueront d'être épiées jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Nicolas Méra — Édité par Natacha Zimmermann

Cinquante ans après, l’un des messages codés du mystérieux « Tueur du Zodiac » enfin décrypté

 Trois geeks ont réussi à craquer l’un des quatre codes utilisés par le mystérieux tueur en série qui a terrorisé les Etats-Unis dans les années 1960

C’est l’un des cold case qui passionne les Américains depuis des décennies... Une équipe d'amateurs passionnés  en cryptographie a annoncé avoir réussi à déchiffrer un des messages codés envoyés voici plus de cinquante ans par le mystérieux « Tueur du Zodiac », qui avait terrorisé le nord de la Californie à la fin des années 1960, et qui reste non identifié à ce jour.

Ce message avait été envoyé en novembre 1969 au quotidien San Francisco Chronicle par le tueur en série présumé. Son code, constitué d’une série de lettres et de symboles énigmatiques sous forme de tableau, tenait en échec les autorités et les enquêteurs amateurs depuis lors.

Quelques phrases pour « se vanter » et « défier les autorités »

Les passionnés du « Tueur au Zodiac » espéraient que ce message codé contenait l’identité du criminel, qui a commis au moins cinq meurtres authentifiés entre 1968 et 1969 mais en a revendiqué 37 au total et a inspiré d'autres tueurs en série.

Selon le trio de passionnés qui a « cassé » le code, il ne s’agit que de quelques phrases dans lesquelles le tueur se vante, défie les autorités et semble délirer sans réellement éclairer ses motivations ni dévoiler qui il est. « J’espère que vous vous amusez bien à essayer de m’attraper (…) Je n’ai pas peur de la chambre à gaz car elle va m’envoyer au paradis très bientôt parce que j’ai maintenant assez d’esclaves pour travailler pour moi », dit ainsi le message.

Un système de codage qui figure dans un manuel de l’armée américaine

Il aura fallu plusieurs programmes informatiques et des années de travail pour que David Oranchak, un concepteur de sites web américain âgé de 46 ans, puisse décrypter ce code complexe sur lequel il a commencé à travailler en 2006. Il a été aidé par Sam Blake, un mathématicien australien, et Jarl Van Eykcke, logisticien belge, a-t-il expliqué au San Francisco Chronicle, qui a confirmé la découverte auprès du FBI, la police fédérale chargée de l’enquête.

« Dans la communauté de décodeurs du Zodiac, nous pensions tous qu’il y avait une étape supplémentaire après avoir trouvé quelle lettre correspondait à quel symbole, et c’était bien le cas », a expliqué David Oranchak. Le message 340 [baptisé ainsi parce qu’il contient 340 caractères, soit 17 colonnes de 20 signes], se lit en diagonale, en partant du coin supérieur gauche et en décalant à chaque fois d’une case vers le bas et de deux cases vers la droite. Il faut revenir au coin opposé en arrivant en bas de cette diagonale, explique l’expert dans une vidéo mise en ligne sur sa chaîne YouTube. Selon lui, ce système de codage figure notamment dans un manuel de cryptographie de l’armée américaine datant des années 1950.

Un premier message envoyé à des journaux californiens avait déjà été décodé par un instituteur et son épouse en 1969 : « J’aime tuer parce que c’est amusant », disait notamment le criminel, faisant là encore référence à des « esclaves » qu’il prétendait réunir pour le servir dans l’au-delà. Mais le code utilisé dans ce premier message était beaucoup plus simple que celui du « message 340 ».

H. B. avec AFP

12/12/20

 Le Manuscrit Voynich enfin « craqué » ?.... Pas si sûr 

Un universitaire britannique a annoncé être parvenu à "percer" le langage utilisé dans le Voynich, un célèbre manuscrit vieux de 600 ans, considéré comme l’un des plus mystérieux textes au monde.

 

Voynich

Gros plan sur une page du Manuscrit Voynich.

Crédits: Bristol University
 
 
 
 

Le " Manuscrit Voynich ", texte calligraphié de 234 pages daté entre 1404 et 1438, illustré de petites femmes dénudées, de constellations colorées, de diagrammes astrologiques, ou encore de végétaux et d'animaux…, défie les chercheurs et cryptographes depuis plus d'un siècle. C'est en effet en 1912 que l'étrange document a été découvert à Villamandragone, près de Rome (Italie) par le collectionneur et libraire polonais Wilfrid M. Voynich (1865-1930). Or, un universitaire de Bristol (Royaume-Uni) a annoncé être parvenu à "craquer" l'impénétrable manuscrit conservé à la bibliothèque Beinecke de l'université de Yale (États-Unis) sous la côte " MS408 ". 

 

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Anombreuses scènes de femmes aux bains illustrant le manuscrit Voynich. ©Université de Yale

"En deux semaines en mai 2017", Gerard Cheshire, chercheur associé, aurait ainsi identifié le système d’écriture du document, comme l'a rapporté un article du 29 avril 2019 publié dans le journal Romance Studies. Selon le Britannique, le manuscrit proviendrait de Castello Aragonese, à Ischia, une île au large de Naples (Italie). Il aurait été rédigé par des religieuses dominicaines à destination de Marie de Castille (1401-1458), reine d’Aragon -de Majorque, de Valence, de Sicile, et de Naples-, … dans une langue « calligraphique  proto-romane ». Soit un ancêtre de l’espagnol, du français, de l’italien, du catalan, du galicien, ou encore du portugais dont ce manuscrit serait le seul exemplaire connu. "Une langue omniprésente en Méditerranée à l’époque médiévale, rarement utilisée dans les documents officiels en raison de l’usage du latin, ce qui aurait eu pour effet de la faire disparaître", a précisé Gerard Cheshire dans Phys.Org

 

Chartes astronomiques? Détail du manuscrit Voynich. ©Université de Yale

Employant une langue éteinte, l’alphabet utilisé dans le « Voynich » serait une combinaison de symboles inconnus aux côtés d’autres plus familiers et ne comprendrait aucun signe de ponctuation. Toutes les lettres seraient en minuscule, sans utilisation de doubles consonnes, et incluraient également quelques mots et abréviations en latin. Ces « clés » de compréhension fournies, Gerard Cheshire propose que la prochaine étape soit la traduction complète du manuscrit, le langage et le système d’écriture étant désormais « décryptés » par lui.  

 

Illustrations de végétaux issus du Voynich. ©Université de Yale

L’affaire est-elle close pour autant? Il semblerait que non. D’abord, parce que Gerard Cheshire fait partie d’une longue liste de "prétendants" au décryptage du Voynich qui proclament régulièrement avoir percé le sens du mystérieux texte… sans jamais en proposer la traduction complète. Ensuite parce que les critiques de spécialistes sceptiques n’ont pas manqué de se succéder à la suite de la publication de Gerard Cheshire. A commencer par celle de la médiéviste américaine de l’université de Yale (États-Unis), Lisa Fagin Davies : « Comme la plupart des interprétations potentielles du Voynich, la logique de cette proposition est circulaire : elle commence par une théorie sur ce que pourrait signifier une série particulière de glyphes [caractères], généralement en raison de la proximité du mot avec une image qu’il [l’auteur NDLR] pense pouvoir interpréter. Il examine ensuite un grand nombre de dictionnaires de la langue romane médiévale jusqu’à ce qu’il trouve un mot qui semble correspondre à sa théorie. Puis, il soutient que, ayant trouvé un mot en langue romane qui correspond à son hypothèse, cette dernière est correcte».

Un avis partagé par Dominique Stutzmann, chargé de recherche au CNRS, responsable de la section paléographie latine à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), à Paris, joint par Sciences et Avenir : « Si le système avait été déchiffré, on aurait des phrases, pas des mots isolés se rapportant à des images dont on ignore le sens et sur lesquelles on peut projeter n’importe quelle idée. D’autre part, Gerard Cheshire ne tient pas compte du fait qu’il y a au moins deux langues ou dialectes ou systèmes de transcriptions utilisés ». Pour l'heure, les chercheurs étant donc loin de faire consensus autour de ce mystérieux manuscrit, la formidable traque continue.

 

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S
Super intéressant… Je viens de lire un livre qui parle de ce manuscrit ( et en plus qui était top, à la Dan Brown, je ne l’ai pas lâché) L’auteur y livre sa théorie, apparemment inédite et j’avoue qu’elle est plausible. Pour ceux qui seraient intéressés, le livre s’appelle Voynich Code ( écrit par J. King)
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