Méluche blues

Publié le par ottolilienthal

« Mélenchon président ? »...

ÉDITO. Avec des sondages donnant près de 15 % des suffrages à Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et dans le climat délétère actuel, l’hypothèse d’une victoire n’est pas exclue...

Jean-Luc Mélenchon peut gagner l'élection présidentielle de 2027. Non, ce n'est pas une blague : la gauche étant minoritaire dans le pays, cette hypothèse n'est certes pas la plus probable, mais le chef de LFI ne manque pas de cartes pour l'emporter, à commencer par le climat délétère de cette fin de règne.

Avant chaque scrutin, Mélenchon est sous-estimé par les innombrables boussoles à l'envers des médias ou des « élites ». Or, cette fois, les sondages lui donnent, avant même l'ouverture de la campagne, pas loin de 15 % des suffrages. « Une bonne base de départ », assuraient naguère Mitterrand ou Chirac, deux rois de la « popol ». Après, il suffit d'agglomérer de nouveaux alliés pour arriver à plus de 20 % au premier tour et, alors, tout peut arriver.

Quand l'Histoire s'arrête, ça ne présage jamais rien de bon. Tout se fige, le temps, les gens, les problèmes, tandis que les nuages de toutes sortes s'amoncellent à l'horizon, jusqu'à ce que, soudain, la foudre tombe et embrase tout. Après la déliquescence vient le chaos qui ouvre le champ de tous les possibles. Dans les années 1930, en Allemagne, on a vu, avec la montée du nazisme, les mauvaises surprises que peuvent provoquer les désordres. C'est le moment, c'est l'instant qu'attend Mélenchon.

Cyniquement, Mélenchon a fait un coup de génie quand il a jeté par-dessus bord ses convictions de vieux franc-maçon laïcard pour lancer une OPA sur l'électorat des bigots de l'islamisme. L'événement s'est produit en 2019 lors de sa participation à une marche contre l'islamophobie à l'appel d'organisations ou de personnalités parfois très proches des Frères musulmans. Un bide : 13 000 manifestants. Mais le virage à 180 degrés du chef de LFI lui assurait désormais une base électorale incompressible.

Mélenchon a pris acte de l'américanisation de la France. Comme Emmanuel Macron et une grande partie de la gauche ou du centre, il s'adonne au communautarisme provoqué par l'immigration massive : notre République une et indivisible est en train de se transformer en agrégat de communautés ethniques. Grisé par ce premier succès, le chef de LFI a ensuite « gazaouisé » ou « hamasisé » son discours, tandis que ses députés se vautraient, pour complaire aux islamistes, dans un antisémitisme abject qui tentait de prendre les atours de l'antisionisme. Lui-même est allé jusqu'à qualifier de « résiduel » l'antisémitisme, alors qu'il explose en France, comme le montrent le nombre grandissant d'actes contre les Juifs répertoriés par le ministère de l'Intérieur ou les scores des éléfistes les plus antisémites aux législatives de 2024.

La France est sans doute devant une cascade de crises, dont la première sera financière après tant d'années d'hyper-laxisme budgétaire et d'endettement délirant. À part les économistes « éléfo-marxistes », tout le monde a plus ou moins compris que notre modèle est en fin de vie. La preuve : comme le relève l'excellent analyste et entrepreneur Rafik Smati, nous sommes aujourd'hui encalminés dans une économie administrée, avec un secteur privé – autrement dit une machine productive – réduit à la portion congrue, qui ne représente que 30 % de la population du pays contre 50 % en Allemagne ! Étonnez-vous ensuite que la France dépense plus que le trop peu qu'elle produit pour financer son système social.

Si la France veut se redresser, il lui faudra en finir avec son « communisme mou ». Mélenchon peut compter sur le soutien de tous ceux qui, dans la fonction publique, craignent que leur emploi ne soit menacé. Gageons qu'en plus des enfants de la bourgeoisie friquée il continuera de labourer l'électorat traditionnel de ce qu'on appelait naguère la « gauche unie ». Gageons enfin qu'à un moment donné, comme il l'a souvent fait dans le passé, il tendra la main aux « patriotes » de la droite. Jusqu'à présent, il n'y avait personne pour la prendre. Cette fois, l'entrée dans l'arène de Dominique de Villepin, qui n'est pas non plus sans talent, peut changer la donne. Outre leur antiaméricanisme, leur « antisionisme » et une certaine poutinophilie, les deux hommes ont pléthore de points communs : leur ami Edwy Plenel, Torquemada de l'ultragauche, ou encore feu leur idole le colonel Hugo Chávez, père fondateur du régime socialo-véreux qui a écrasé et saigné le peuple vénézuélien.

Mélenchon-Villepin : un ticket ou une alliance objective. Ne nous emballons pas, rien n'est fait, mais ça serait en tout cas l'apothéose de la « gazaouisation » de la vie politique française.

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-melenchon-presidente

Affaire Bétharram: ces gifles qui déshonorent La France insoumise...
Fouquier-Tinville d’opérette, le co-rapporteur insoumis Paul Vannier a fait de l’audition de François Bayrou, non pas un moment de vérité, mais un procès politique. Version Staline...
 

Oui, la commission d’enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires est utile. Utile pour le meilleur, parce qu’elle permet, à travers l’affaire Bétharram, une reconnaissance des victimes, une thérapie collective sur des faits de violences physiques et sexuelles aujourd’hui prescrits. Utile pour le pire, parce qu’elle démontre les dérives d’un populisme de gauche prêt à instrumentaliser les contre-pouvoirs dans son entreprise de déstabilisation méthodique de la République.

Fouquier-Tinville d’opérette, le co-rapporteur insoumis Paul Vannier a fait de l’audition de François Bayrou, non pas un moment de vérité, mais un procès politique. Version Staline. Au Premier ministre ainsi de justifier cette gifle donnée en 2002, en pleine campagne présidentielle, à un jeune garçon qui lui faisait les poches. Autre temps, autre contexte, autre sujet... L’accusé plaide « une tape de père de famille », « un geste éducatif ». L’accusateur public tient son aveu : « Il y a donc pour vous des tapes éducatives ». En somme, puisque vous avez giflé, c’est « donc » que vous êtes coupable de cautionner la violence faite aux enfants, « donc » coupable de couvrir les délits du collège-lycée béarnais, « donc » coupable d’avoir menti devant les députés, « donc » condamné à la démission. Du Kafka à la sauce woke.

En militant cynique et dévoué, le ci-devant Vannier avait en 2023 défendu avec ardeur le retour dans l’hémicycle du député insoumis Adrien Quatennens, après sa condamnation pour violence conjugale. Pour mieux réhabiliter son favori, comparé à Jean-Valjean, Jean-Luc Mélenchon avait tranché : « C’est juste une gifle ». Est-ce « donc » que La France insoumise approuve une échelle dans la claque ? 

Une chose reste : en transformant une enquête légitime en tribunal révolutionnaire, l'élu insoumis a trahi et la confiance des citoyens et la dignité des victimes

Remi Godeau

https://www.lopinion.fr/politique/affaire-betharram-ces-gifles-qui-deshonorent-la-france-insoumise?

« Au secours ! Les antisémites sont revenus et ils ont la carte du camp du Bien ! »...

Deux journalistes ont enquêté sur La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon. « La Meute » décrypte l’islamo-gauchisme électoraliste de LFI et ses rapports troubles avec l’antisémitisme.

Jean-Luc Mélenchon n'est pas gentil. Il est colérique, parfois menaçant, et, à la fin, très méchant. C'est apparemment la principale leçon qui a été tirée du livre, excellent à maints égards, de Charlotte Belaïch et Olivier Pérou, La Meute (1). Ça pulse, dépote et flingue à tout-va. On ne le lit pas, on le dévore.

La cible est-elle atteinte ? Pas sûr. Zappant plus souvent qu'à leur tour l'antisémitisme frénétique de LFI, nos chers médias ont fait de ce livre une étude psychologique centrée sur le caractère « impossible » de Mélenchon qui privilégie, comme tant d'autres dirigeants, à tous les niveaux, le management par le stress. Impulsif et cabochard, c'est aussi un grand sentimental, on l'a compris. Le problème n'est cependant pas dans sa psyché mais ailleurs, dans son projet politique.

Le tour de force du mélenchonisme : être devenu le réceptacle de toutes les passions tristes de notre pays – la haine, la jalousie, la convoitise, etc. Ressuscitant le « sans-culottisme » qui incarna la face hideuse de la Révolution française, l'ancien républicain ultralaïque est devenu un militant du communautarisme et de la bigoterie islamo-gauchiste. Pas bégueule, il n'a de surcroît pas hésité, pour trouver de nouveaux électeurs, à complaire aux islamistes antisémites des « quartiers populaires », ce qui fait du monde, avec sa jeune garde d'élus bons à rien, mais prêts à tout.

La France insoumise est-elle un danger pour la France ? Devenue le camion poubelle de tous les ressentiments de la société, elle ne chipote pas, reprenant ce que les politologues appelaient jadis la fonction tribunitienne du Parti communiste. On cogne, on canonne, c'est tout ce qu'on sait faire. La transformation, on verra plus tard, quand le pays sera devenu un champ de ruines. Une stratégie qui n'est pas sans danger. Selon la dernière enquête de l'Ifop pour la présidentielle de 2027, son chef, Jean-Luc Mélenchon, arriverait derrière Raphaël Glucksmann : 13 % contre 15 %.

Si l'on considère que LFI est antisémite, proche des Frères musulmans, le score est cependant énorme. D'autant que ce parti a du potentiel pour le second tour, comme l'a montré l'accord tacite de désistement « républicain » entre Gabriel Attal et Jean-Luc Mélenchon, avec la bénédiction d'Emmanuel Macron, pour faire barrage au RN lors des législatives de 2024. Avec 71 députés, LFI est désormais un acteur important de la politique française avec des relais partout, dans les médias, la justice, les universités, l'intelligentsia, etc. Il n'attend plus que la crise systémique qui lui permettra de ramasser le pouvoir.

C'est pour quand, le grand soir ? Vu l'état de délabrement de nos finances publiques et les délires des dernières années en matière d'endettement, elle peut survenir à tout moment sur les plans financier, social ou civilisationnel. Sans comparer l'incomparable, c'est-à-dire LFI au parti nazi, on observera que les courbes des partis extrémistes sont toujours indexées sur la situation économique. Pour preuve, la formation du Führer n'obtenait que 2,63 % des voix aux législatives de 1928, mais, quatre ans plus tard, l'inflation et le chômage aidant, s'envolait aux deux scrutins suivants en 1932 avec 37 % puis 33 % des suffrages.

« Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde » : toujours actuel est l'épilogue de La Résistible Ascension d'Arturo Ui, farce de Bertolt Brecht, inspirée de l'aventure de Hitler. La Meute décrypte bien les rapports troubles que conserve Mélenchon avec l'antisémitisme qu'il juge, contre l'évidence, « résiduel » en France mais qu'il entretient sans répit, à coups de petites phrases ambiguës. Il est ainsi devenu pour les Juifs le nouveau Le Pen. Sauf qu'il a, lui, la carte du camp du Bien. « À mesure que son socle se solidifie, écrivent les deux auteurs, son plafond de verre s'épaissit. Et plus le plafond de verre s'épaissit, plus il a besoin de solidifier son socle, allant toujours plus loin dans la radicalité. »

Qu'est-ce qui arrêtera cette course à la haine, au racisme et à la bêtise, qui, parfois, fait penser à une nouvelle mauvaise version de l'Allemagne des années 1930 ? Le redressement de la France, pardi, qu'on ne voit, hélas, toujours pas venir… 

1. « La Meute. Enquête sur La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon », de Charlotte Belaïch et Olivier Pérou (Flammarion, 352 p., 22 €).

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-au-secours-les-antisemites-sont-revenus-et-ils-ont-la-carte-du-camp-du-bien-14-05-2025-2589550_32.php?

« Certains Insoumis étaient tétanisés » : les dessous du livre qui accable Mélenchon...

Dans « La Meute », les journalistes Charlotte Belaïch et Olivier Pérou dissèquent le fonctionnement interne de LFI et le « climat de violence » qui y règne. Plongée dans les coulisses de leur enquête...

Charlotte Belaïch et Olivier Pérou ont beau filer la trentaine, ils ne sont pas du genre jeunes naïfs. Rodés au suivi des campagnes électorales comme des batailles partisanes, les deux journalistes, déjà loups de mer dans leur domaine, n'ignorent rien de la violence en politique, des trahisons, des manipulations, du cynisme. Une guerre par d'autres moyens. Mais de leur propre aveu, ce qu'ils ont découvert au sein de l'appareil mélenchoniste se révèle d'une autre nature. « LFI n'est pas un parti politique comme les autres, écrivent-ils dans l'avant-propos de La Meute. Il ne s'agit pas des coups de colère d'un homme autoritaire, mais de domination, de soumission. »

Dans cet ouvrage*, à paraître le 7 mai, fruit de plus de deux ans d'enquête, le duo de plumes, officiant respectivement à Libération et au Monde, dissèque avec précision le fonctionnement de La France insoumise (LFI), une organisation au service d'un chef que rien ne permet de contester, sous peine d'exclusion ou de marginalisation. Grâce à des centaines de pages de documents exclusifs et plus de 200 témoins, dont certains sont toujours membres du mouvement, les deux compères racontent les purges successives, les intimidations, le manque de démocratie interne, les revirements de Jean-Luc Mélenchon, les dérives idéologiques, les attaques numériques. « Notre livre révèle le climat de violence qui règne entre les membres de LFI, estime Olivier Pérou, passé par L'Express et Le Point. Celui qui doute est considéré comme un adversaire. » Un récit fouillé et circonstancié, sans bavardages superflus tant les faits parlent d'eux-mêmes.

« En sous-marin »

Si le contenu du livre est édifiant, les précautions qu'ont dû prendre les deux auteurs, aussi bien pour rassurer leurs sources que se protéger eux-mêmes, frappent tout autant. Attablés dans un café du 10e arrondissement en ce début mai, Charlotte Belaïch et Olivier Pérou racontent au Point comment ils ont mené l'enquête. L'idée germe au moment de l'affaire Quatennens. Le soutien coûte que coûte de Jean-Luc Mélenchon à son fidèle lieutenant – qui sera condamné en 2022 à quatre mois de prison avec sursis pour des violences sur son ex-compagne – suscite de sérieuses réserves à l'intérieur du mouvement. « On a senti qu'à ce moment-là, le vernis de LFI craquelait, confie Olivier Pérou, qui a rejoint Le Monde en mars dernier. Des Insoumis avaient besoin de parler. C'était notre porte d'entrée. »

À partir de là, les deux journalistes, chargés du suivi de la gauche dans leurs médias respectifs, avancent sur deux fronts. « On continuait à couvrir le parti pour avoir le discours officiel et, en sous-marin, on voyait ceux qui doutaient », explique Olivier Pérou. Objectif : travailler le plus longtemps possible dans l'ombre, sans que la direction du parti ne verrouille leurs accès. Ce ne sera qu'en mai 2024, lors d'un meeting à Aubervilliers, que l'une des communicantes de LFI, visiblement informée, glissera à Olivier Pérou : « Il paraît que tu fais un livre sur nous. »

L’idée d’un fonctionnement sectaire revenait souvent dans la bouche de nos interlocuteursCharlotte Belaïch

Entre-temps, il aura fallu un long travail d'orfèvre, une interminable patience parfois, pour mettre en confiance leurs sources, les convaincre de parler, qu'elles aient ou non quitté LFI. Au gré des déclarations du leader Insoumis, des polémiques ou du climat interne, des contacts se nouent, d'autres se rompent. « Certains Insoumis, même en dehors du mouvement, étaient tétanisés, lâche Charlotte Belaïch. Il nous a fallu un an et demi pour convaincre certaines sources de nous parler ! » Dans les cafés où les auteurs les rencontrent, beaucoup demandent à se positionner dos au mur pour surveiller le passage et repérer d'éventuelles oreilles indiscrètes. Ambiance Le Parrain ou film d'espionnage. « À LFI, la question centrale est celle de la loyauté absolue, explique la députée Insoumise Marianne Maximi dans l'ouvrage. La nuance n'est pas autorisée. »

Révélateur d'un mouvement qui ne tolère aucune critique aux agissements du chef ? « Lors de notre enquête, nous avons pris la mesure de la fascination que Mélenchon exerce sur les Insoumis, explique Charlotte Belaïch. L'idée d'un fonctionnement sectaire revenait souvent dans la bouche de nos interlocuteurs, ainsi qu'un lexique religieux. Son ancien chauffeur, Sébastien Delogu, qui est aujourd'hui député, dit lui-même “Mélenchon, c'est Dieu, et je suis le fils de Dieu”. » Amen.

Le « tabou » Chikirou

Les deux journalistes consacrent également plusieurs pages à un sujet électrique au sein de LFI : le rôle de Sophia Chikirou. Leur livre évoque ouvertement la relation intime qui la lie à Jean-Luc Mélenchon, « secret de Polichinelle » dans les salons parisiens. « Il y a un tabou au sein de LFI et il s'appelle Sophia Chikirou, assure Olivier Pérou. Jean-Luc Mélenchon n'accepte pas qu'on parle de sa vie privée. Mais nous avons décidé d'écrire sur ce couple, car Sophia Chikirou se présente elle-même en interne comme “la femme du chef”. C'est ce statut qui la rend intouchable, malgré la violence de certains de ses propos. » En octobre 2023, le magazine Complément d'enquête s'était déjà penché sur celle qui a été mise en examen dans l'enquête visant les comptes de campagne de la présidentielle 2017.

Outre une dissection précise de cette affaire, documents à l'appui, l'ouvrage décrit des « insultes » et des pressions exercées à l'intérieur du mouvement par la députée. Ainsi que les « outrances » dont la parlementaire ne se prive pas en public, comme lorsqu'elle compare sur Facebook le communiste Fabien Roussel au collaborationniste Jacques Doriot : « Il y a du Doriot dans Roussel. » Ou lâche sur X : « Le hollandisme, c'est comme les punaises de lit. »

Mise en demeure de Sophia Chikirou

Au fil des mois, les liens des deux journalistes avec la direction de LFI se sont tendus. Déjà, à l'été 2023, après un article de Charlotte Belaïch dans Libération sur le fossé grandissant entre Jean-Luc Mélenchon et les juifs, le leader Insoumis avait, selon l'ouvrage, qualifié la journaliste d'« agent du Likoud »… Puis, une fois leur projet de livre connu, les deux plumes ont peu à peu cessé d'être conviées aux « off » distillés par Jean-Luc Mélenchon aux journalistes. Ils confient même avoir été retirés de la boucle presse de LFI le 28 janvier dernier. Un procédé vis-à-vis de la presse pas si éloigné de certaines pratiques pour lequel le Rassemblement national (RN) a lui-même été épinglé.

Sans surprises, donc, Jean-Luc Mélenchon a refusé de répondre à leurs questions une fois l'enquête bouclée. C'est Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, qui a été « mandaté » pour leur répondre. Un échange a eu lieu le 29 janvier, donnant au député de Marseille l'occasion de se défendre à propos du fonctionnement vertical du parti. Quant à Sophia Chikirou, qui a aussi refusé de répondre à leurs interrogations, elle a effectué une mise en demeure par le biais de ses avocats pour empêcher la sortie de certains passages du livre. Par bonne foi, pour lui laisser du temps supplémentaire pour leur répondre, les auteurs ont fait le choix de reporter d'une semaine la sortie.

Craintes d'attaques

Craignant « la violence des réactions de LFI », les deux associés ont également décidé de se retirer des réseaux sociaux. Le titre du livre a aussi été tenu secret jusqu'à tardivement. « Nous sommes bien conscients qu'une vague de décrédibilisation va s'abattre sur notre travail d'investigation », écrivent-ils dans leur avant-propos. Saine méfiance ? Excès d'inquiétude ? « Il y a trois façons à LFI de réagir à une enquête : ignorer, tourner en ridicule ou attaquer », analyse Charlotte Belaïch. Encore au tout début de leur promotion médiatique, les deux plumes ne savent pas exactement lequel de ces traitements leur sera réservé.

Reste qu'en avril, lors d'une conférence, avant même la publication de l'ouvrage, Jean-Luc Mélenchon s'en est pris à un article d'Olivier Pérou dans Le Monde consacré à la réaction des Insoumis au procès Le Pen. Le patriarche en a profité pour fustiger, sans le nommer, « un type qui est en train d'écrire un bouquin contre nous » et qui « chaque fois qu'il prend la plume prépare la publication de son livre en nous agonissant d'injures ». « Le journal de la “gôche” Kamala Harris reste un marchepied de tous les Trump du monde », a également tweeté le leader Insoumis le 13 avril à l'encontre du quotidien du soir, en relayant un papier d'Olivier Pérou.

Des indignations qui n'empêchent pas l'entourage du vétéran de tenter depuis quelques jours, selon les deux auteurs, de se procurer le livre… « Il paraît que c'est croustillant », s'amusait de son côté un ténor socialiste, croisé fin avril par Le Point. Dans la grande famille (éloignée) de la gauche, la curiosité est une pratique répandue.

Leur livre, tiré à 15 000 exemplaires, aura-t-il un impact sur le fonctionnement du mouvement ? Provoquera-t-il des transformations vers davantage de démocratie interne ou, à l'inverse, de nouvelles mises à l'écart ? « Il peut y avoir des départs, décrypte Charlotte Belaïch. Mais ça peut aussi provoquer des purges et une forme de repli encore plus fort, une radicalisation dans la confrontation au reste du monde. » Toute meute est toujours un peu imprévisible.

Par et

*Charlotte Belaïch et Olivier Pérou, La Meute. Enquête sur La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, Flammarion, 7 mai 2025, 22 euros.

https://www.lepoint.fr/politique/certains-insoumis-etaient-tetanises-les-dessous-du-livre-qui-accable-melenchon-05-05-2025-2588947_20.php?

 
Jean-Luc Mélenchon ou les dangers d’un jusqu’au-boutisme destructeur...
Puisque le soufre est son oxygène, l’insubordination sa règle, le « cirque de l’inquisition médiatique » son moteur, la charge émotionnelle croissante pour Gaza son carburant, le leader de la gauche robespierriste n’a aucune raison d’interrompre sa fracturation de la République
 
Il faut ne rien comprendre à la stratégie du chaos pour croire que Jean-Luc Mélenchon va modérer son agit-prop à l’Assemblée nationale. Sa présidente en a fait l’amère expérience. Au risque de s’affaiblir. Une semaine après Sébastien Delogu, la députée LFI Rachel Keke a, à son tour, exhibé le drapeau palestinien. Même scandale. Même rappel à l’ordre. Même suspension de séance. Mais Yaël Braun-Pivet a cette fois annoncé une convocation du bureau « ultérieurement ». Comme si elle prenait soudain conscience du danger de sanctions non dissuasives face au coup d'éclat permanent. Qui la semaine prochaine pour transformer les QAG en ZAD ?

Puisque le soufre est son oxygène, l’insubordination sa règle, le « cirque de l’inquisition médiatique » son moteur, la charge émotionnelle croissante pour Gaza son carburant, le chef de la gauche robespierriste n’a aucune raison d’interrompre sa fracturation de la République. Méthodique. Cynique. Sans prévenance pour l'élection européenne. Il se diabolise ? Mais il est persuadé que seule la radicalité paie. La stratégie strictement opposée du camp national-populiste (et sa réussite) décrédibilise sa campagne de bruit et de fureur ? Mais en idéologue, il croit à la victoire par l’insurrection. En frôlant l’antisémitisme, il s’expose à ajouter à l’incohérence programmatique une excommunication morale autrefois réservée à l’extrême droite. Mais hanté par l’effacement, il pense faire fructifier son capital de haine avant 2027.

 

Le drame de Gaza n’est qu’un prétexte. Un outil plus qu’un combat. Petit révolutionnaire appliqué, le guide de LFI suit à la lettre de bréviaire de Chantal Mouffe, la théoricienne du populisme de gauche : c’est quand s’opère une jonction entre les idées et les affects que le pouvoir se prend. Le poids des desseins sombres, le choc des passions tristes, le danger réel de Jean-Luc Mélenchon.

Rémi Godeau

https://www.lopinion.fr/politique/jean-luc-melenchon-ou-les-dangers-dun-jusquau-boutisme-destructeur?

Mélenchon: la purge, c’est lui
Le plus étonnant n’est pas que ces règlements de comptes d’arrière-préaux aient eu lieu : cela fait longtemps que Jean-Luc Mélenchon montre tous les symptômes d’une dérive autoritaire. Mais c’est qu’en dépit de ces signaux d’alerte, il séduise encore, selon les sondages, environ 15 % du corps électoral français
 
Malheureusement pour eux, les Staline, Mao ou Castro sont morts. Ils ne peuvent donc pas savourer les premiers pas, même timides, d’un petit leader occidental dans la longue marche vers le contrôle brutal d’un parti politique. Pour réussir dans cet exercice hautement anti-démocratique, il faut maîtriser l’art de la purge, laquelle ne va pas sans un bon vieux procès politique.

Cet apprenti maître des consciences, c’est bien sûr Jean-Luc Mélenchon qui vient de passer à la vitesse supérieure dans la reprise en main de La France insoumise en faisant condamner une de ses opposantes internes, Raquel Garrido, à quatre mois de prison médiatique. La députée LFI de Seine-Saint-Denis a ainsi été privée de toute expression publique au nom de son parti qu’elle est accusée d’avoir abîmé en diffusant de fausses informations et en dénigrant certains de ses membres. Avec d’autres, Raquel Garrido avait déjà été expulsée des instances dirigeantes de La France insoumise. Nul doute que ses camarades de bannissement encourront bientôt les mêmes peines.

Le plus étonnant n’est pas que ces règlements de comptes d’arrière-préaux aient eu lieu : cela fait longtemps que Jean-Luc Mélenchon montre tous les symptômes d’une dérive autoritaire. Mais c’est qu’en dépit de ces signaux d’alerte, il séduise encore, selon les sondages, environ 15 % du corps électoral français. Quelque quatre millions d’électeurs (une fois décomptée l’abstention), parmi lesquels des centaines de milliers qui ne sont certainement pas raccord à la virgule près avec le Chef, ou avec sa compagne (une constante, dans les régimes autoritaires), et qui risqueraient de ce fait d’être réduits au silence si un accident de l’histoire portait le leader LFI à la tête du pays. On avait mal compris Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il avait hurlé : « La République, c’est moi ». Il disait cela au premier degré.

 
 
https://www.lopinion.fr/politique/melenchon-la-purge-cest-lui?
Hidalgo et Mélenchon, les rois du rire

(extraits)

Second nominé, Jean-Luc Mélenchon. Lui aussi reste grave dans son one-man-show. Il ne sourit pas, un peu comme Raymond Devos qui déclamait sérieusement des absurdités. Mélenchon, ce sont des énormités. Trop drôle ! Lui qui plaide pour une VIe République vertueuse, qui ne serait ni monarchique ni verticale, gouverne son parti comme un autocrate vétilleux, adepte de purges et ne détestant pas le népotisme jusqu'à nommer Sophia Chikirou, une amie intime, dans les instances dirigeantes. Lui, chantre d'une refondation démocratique, nomme à la tête de La France insoumise un de ses fidèles favoris, Manuel Bompard, qui se flatte de ne pas faire du vote l'alpha et l'oméga de la démocratie.

 

Tout ça ne peut être qu'une grosse blague, n'est-ce pas ? Qu'on ne croit surtout pas que le chef, l'inspirateur, la conscience de la Nupes, principal rassemblement de l'opposition parlementaire, parle sérieusement. Il nous amuse, il nous balade. Les trotskistes sont bien connus pour leur sens de l'humour.

Trop drôle encore sa réplique aux Clémentine Autain, François Ruffin, Éric Coquerel ou Raquel Garrido, tous membres de La France insoumise qui contestent ses méthodes et leur exclusion : « Les anciens ont des difficultés d'admettre les nouveaux et l'angoisse de perdre de la lumière médiatique à leur profit. » C'est tout lui, ça, de faire à d'autres le procès qu'il mérite plus que quiconque, incapable qu'il est de décrocher en vieil acteur jaloux. Prière d'y voir un humour énooooorme.

 

"Que Fabien Roussel nous pardonne, mais sa petite phrase est bien gentillette par rapport au lourd que balancent ses deux challengers. Elle garde, certes, un gros mérite : déclencher le rire spontanément quand les autres commencent par faire peur."

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/michel-richard/michel-richard-hidalgo-et-melenchon-les-rois-du-rire-18-12-2022-2502141_54.php?M_BT=6286141392673#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20221219-[Article_13]

Pourquoi, à 70 ans, Mélenchon peut envisager une carrière de dictateur vert

Selon une étude, 37 % des jeunes ne seraient pas opposés à une politique environnementale autoritaire. Une réponse à la procrastination de leurs aînés.

Comment interpréter le relatif silence autour de la question de la dette en France ? Ce sujet crucial pour l'avenir de notre pays n'a malheureusement pas été au cœur de l'élection présidentielle. Et la publication du dernier audit des finances public réalisé par la Cour des comptes n'a provoqué ni manifestations ni grèves.

Dans son livre La Parenthèse boomers, François de Closets met en cause la « logique individualiste » des enfants de l'après-guerre. Durant la « période heureuse », la France a accumulé près de 1 000 milliards de dette.

 

Or, rappelle Closets, « ces dettes sur le dos de nos enfants ne correspondent pas à des investissements, car le taux d'investissement public a diminué depuis que la France est en déficit, mais sont uniquement des dépenses de confort et de consommation ».

Discussions de « vieux »

À force de ne pas voir plus loin que le bout de notre nez, nous sommes en train d'hypothéquer l'avenir de nos cadets. Nous avons tant procrastiné sur un certain nombre de dossiers fondamentaux (retraites, réforme de l'État, environnement) que les thèmes du siècle dernier occupent encore largement le débat de ce siècle-ci. La vie politique est accaparée par des discussions de « vieux ». La France n'a pas de projet pour ses enfants.

Pas étonnant que les jeunes générations se détournent de la vie civique, voire se radicalisent. Même s'ils savent pouvoir compter sur leurs aînés pour les aider à vivre, ils les perçoivent comme des velléitaires inefficaces sur le plan politique.

Réparer les choix des générations précédentes

C'est frappant au sujet de l'environnement. La nouvelle génération croit même de moins en moins en la démocratie représentative pour résoudre le problème climatique. Selon une étude réalisée par le Cercle des économistes et Jam auprès de 15 695 jeunes de 18 à 28 ans, 37 % ne seraient pas opposés à une « politique autoritaire » dans ce domaine. Leur fermeté est à la hauteur de leur déception : ils sont 66 % à partager le sentiment de devoir réparer les choix politiques des générations précédentes.

Ce ne sont pas les dictatures qui font avancer les solutions environnementales dans le monde, bien au contraire. Mais la tentation d'un régime vert fort est bien réelle. Jean-Luc Mélenchon a su capter cette aspiration écologique radicale. Il ne sera pas Premier ministre, mais, à 70 ans, il peut encore envisager une carrière de dictateur en treillis vert perroquet.

Pourquoi Mélenchon jouit-il d’une telle complaisance politico-médiatique ?

Au nom de l’union, la gauche – et certains journalistes – tolère ce qui était intolérable hier. LR et la majorité consentent, par (mauvais) calcul…

Et la salle a ri. À l'occasion de son dernier meeting parisien, Jean-Luc Mélenchon rappelait que, la veille du scrutin de 1981, Michel Poniatowski, qui fut ministre de l'Intérieur de Giscard d'Estaing, avait évoqué, en cas de victoire de l'union de la gauche, l'irruption des chars soviétiques place de la Concorde. « On les attend toujours », fit-il finement remarquer.

Il aurait aussi bien pu rappeler le déchaînement de prédictions effroyables et crépusculaires qui précédèrent le scrutin qui vit la victoire du Front populaire en 1936. Ou les affiches terrifiantes figurant les communistes sous les traits de « l'homme au couteau entre les dents ! ». Or – et c'est surtout cela qui eût mérité d'être relevé – rien de semblable cette fois-ci, mais, tout au contraire, une stupéfiante complaisance politico-médiatique à l'endroit d'une coalition beaucoup plus radicale que celles qui triomphèrent en 1924, en 1936 et en 1981, et dont le leader (contrairement à Édouard Herriot, à Léon Blum ou à François Mitterrand), issu, comme ses principaux lieutenants, de la mouvance trotskiste, campe à la gauche du Parti communiste.

Une chaîne publique de radio a même consacré plus de 60 % de son temps d'antenne préélectoral à la coalition mélenchoniste.

 

Le leader de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau, n'a-t-il pas affirmé qu'en cas d'affrontement au second tour entre un macroniste et un candidat mélenchoniste, LR resterait neutre et n'appellerait pas à faire barrage à ce dernier ? Donc, entre le centre droit et une extrême gauche qui prétend conquérir et exercer le vrai pouvoir, la droite ne choisira pas. Giscard d'Estaing ou Georges Marchais, pour elle, plus de différence !

 
Ce qu'ils fustigeaient a cessé d'être rédhibitoire…

Qui l'eût cru ? Du côté du centre gauche et de la gauche républicaine et réformiste, en particulier médiatique, après les cris d'effroi, combien de profils bas, de démissions, voire de soumissions. Parce qu'on n'aurait plus le choix, dès lors que socialistes et Verts se sont laissé avaler ? Par peur de se faire assassiner sur des réseaux sociaux dominés par une meute d'ultragauche qui organise le lynchage du moindre émetteur d'avis critique ?

N'empêche : il en résulte un cul par-dessus tête absolument inouï. Tout ce que, précédemment, on dénonçait, on fustigeait, on diabolisait même, dans ce camp-là, jusqu'à en faire un critère incontournable de sélection, cesse d'être rédhibitoire, dès lors que la coalition mélenchoniste risque d'être victime de cette exclusion.

Le moindre soupçon de poutinophilie, ou même de russophilie, valait excommunication : on fait exception pour Mélenchon. Avoir de la sympathie pour le régime vénézuélien de Maduro aimantait les anathèmes : exception pour Mélenchon. Ceux qui répugnaient à une augmentation de l'aide militaire à l'Ukraine étaient qualifiés de « Munichois » : exception pour Mélenchon. Il convenait de renforcer la solidarité occidentale et atlantique : pour Mélenchon, qui évoque une sortie de l'Otan, on fait exception. On se déchaînait contre ceux, tels les Polonais ou les Hongrois de Viktor Orban, qui prétendaient s'émanciper des règles de droit édictées par l'Union européenne : on fait exception pour Mélenchon qui n'entend, lui, n'appliquer aucune règle communautaire qui entraverait l'application de son programme.

 

Connivences

Le souverainisme était cloué au pilori… sauf s'il s'agissait du néosouverainisme mélenchonien. Être ne fût-ce que soupçonné de populisme était obsessionnellement et à tout propos traqué : s'agissant de la version la plus pure du populisme, celle de Mélenchon, on fait exception. On se montrait implacable à l'égard de toute suspicion de connivence avec l'extrême droite : l'extrême gauche mélenchoniste et l'extrême droite ont multiplié, de Gilets jaunes en antivax, des manifestations au coude-à-coude, on fait exception.

On démontrait, avec une assassine rigueur, la démagogie des promesses non financées de Le Pen et de Zemmour : pour le programme budgétairement surréaliste de Mélenchon, on fait exception. On faisait la chasse aux complotistes et aux antisémites supposés : des complotistes se présentent sur des listes mélenchonistes, certains candidats poussent très loin l'antisionisme : on fera exception. On déplorait les surenchères, on réprouvait les violences verbales, on regrettait les insultes, on dénonçait les calomnies, on actionnait les détecteurs de mensonges : s'agissant du camp mélenchoniste, on soupire, puis on passe l'éponge.

Au fond, au nom des complaisances d'aujourd'hui, on invalide tous les interdits qu'on avait, parfois à tort, multipliés hier.

 

Et à droite où, hier, face à un programme tel que celui que déroule la coalition mélenchoniste, on serait devenu hystérique, pourquoi une telle modération ? On y prévoit, dans ce programme, une augmentation des recettes fiscales de 280 milliards d'euros, dont on sait que, les très riches n'étant pas assez nombreux pour les acquitter seuls, elles reposeront, en grande partie, sur les classes moyennes – « eh oui, plaisante Mélenchon, on va vider ces caisses-là » – ; en prime, toutes les lois dites « sécuritaires » seront démantelées : Monsieur Retailleau ne s'en émeut pas plus que cela. La droite relativise. Parce qu'elle n'y croit pas ?

Refermer la parenthèse macroniste

En réalité, à cette mollesse de réaction, il y a deux raisons : la première, c'est que, aujourd'hui en ruine, cette droite n'attend un sauvetage que du retour au clivage gauche-droite : ce qui nécessite, prioritairement, de refermer la parenthèse macroniste. Si, donc, une poussée de votes d'extrême gauche peut y contribuer, pourquoi pas ! D'autant que, pense-t-on à droite, l'irruption au Parlement de 150 à 200 députés de la gauche radicale déchaînés devrait provoquer, en réaction, un retour en force des conservateurs. Miam ! Miam ! (En réalité, ce sont les extrêmes droites qui en profiteraient.)

Quant aux macronistes, dont les réactions, quand elles se veulent polémiques, sont d'une insigne médiocrité, ils savent que leur seule chance de garder une majorité absolue, c'est de surfer sur un réflexe – qui existe – « tout sauf Mélenchon ! ». Et pour cela, ils ont besoin de Mélenchon.

Le leader des Insoumis, lors de ses derniers meetings, n'a pas ne fût-ce qu'esquissé la moindre critique de l'extrême droite. De son point de vue, il a eu raison : des sondages par circonscriptions montrent qu'une forte proportion d'électeurs lepénistes se portera, au second tour, sur les candidats mélenchonistes.

Les promos express des chouchous de « Jean-Luc »

Après son gendre Gabriel Amard, candidat à Villeurbanne, sa conseillère et intime Sophia Chikirou, investie à Paris dans une circonscription largement acquise à la gauche, c’est au tour de son chauffeur, Sébastien Delogu, un Marseillais de 34 ans qui conduit le député sur la Canebière depuis son élection en 2017, d’être investi sur la septième circonscription des Bouches-du-Rhône. Dans la cité phocéenne, le jeune candidat est accusé de suivre le modèle « népotique » de son mentor pour avoir attribué la place de suppléante à un membre de sa famille, sa belle-sœur : « Ma suppléante porte certes le même nom que le mari de ma sœur, mais ils ne sont pas tout à fait de la même famille. Ce sont des cousins très éloignés », explique Delogu au Point.

À LFI, la faveur de Jean-Luc Mélenchon favorise les promotions rapides. Delogu était déjà sur la liste aux européennes en vingt-quatrième position. Cette fois, compte tenu des scores de « Méluche » à l’élection présidentielle, il est en position de ravir le siège au député sortant LREM, Saïd Ahamada§ 

Aziz zemouri

https://www.lepoint.fr/politique/les-indiscrets-les-promos-express-des-chouchous-de-jean-luc-26-05-2022-2477134_20.php

La vérité sur M. Mélenchon

Europhobie, nationalisme, autoritarisme, goût pour les dictateurs… Portrait (non autorisé) du nouveau leader de la gauche.

Ce n'est qu'un détail dans la tempête qui secoue la gauche, mais il est révélateur. Lorsque le PS a noué son accord pour les législatives de juin avec les Insoumis ce 4 mai, le texte a été approuvé par le Conseil national du parti , à la composition savamment réfléchie : 292 membres, dont 204 élus par le congrès socialiste, des secrétaires départementaux, des parlementaires, etc. Du côté de La France insoumise, l'accord a été validé par Jean-Luc Mélenchon, et personne d'autre. Le leader de LFI, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions, pas plus que ses proches, avait envoyé en délégation le premier cercle de ses fidèles : les députés Mathilde Panot, Adrien Quatennens et Éric Coquerel, le député européen Manuel Bompard, assistés de Clémence Guetté, coordinatrice du programme présidentiel, ainsi que de Paul Vannier, le « Monsieur élections » chargé des législatives. Ces négociateurs ont rendu compte à leur chef, point. Rien ne les obligeait à consulter les militants, qui n'ont aucun droit à La France insoumise. L'adhésion, possible en quelques clics, est une marque d'engagement à sens unique. Le parti ne promet rien, et surtout pas la démocratie interne. Les instances de débat et les structures locales n'existent pas, les élus locaux ne pèsent rien. Le parti tient une seule ville de taille significative, Faches-Thumesnil, aux environs de Lille, 18 100 habitants.

« La République, c'est moi ». Ce n'est pas un oubli. Lorsqu'il a lancé LFI en 2016, Jean-Luc Mélenchon expliquait au magazine Le 1 qu'il voulait créer un mouvement « ni vertical, ni horizontal », mais « gazeux ». Autrement dit sans fédérations, pour éviter les baronnies, et sans grand-messe, pour prévenir toute tentative de putsch. Il avait eu quelques sueurs froides à Villejuif en 2015, lors du congrès du Parti de gauche (toujours vivant mais en état de mort cérébrale), quand sa base avait failli le renverser. Pour régler le problème, Mélenchon a, en quelque sorte, dissous le peuple.

Ambiance irrespirable. « La République, c'est moi », lançait-il à un policier qui l'empêchait de pénétrer dans ses locaux de la rue de Dunkerque (Paris 18e) lors d'une perquisition, le 16 octobre 2018. La déclaration est à prendre au pied de la lettre. Une seule personne a voix au chapitre dans ce parti qui domine la gauche. Ceux qui ne sont pas contents peuvent partir. Selon les estimations du sociologue Manuel Cervera-Marzal, auteur d'une minutieuse enquête sur les « groupes d'action locaux » qui font vivre LFI sur le terrain, ils sont très nombreux à faire ce choix. Le chercheur estime dans son ouvrage ( Le Populisme de gauche. Sociologie de La France insoumise, La Découverte) que le nombre d'Insoumis actifs a été divisé par dix entre avril 2017 et juin 2019, tombant à moins de 6 000 personnes.

À la naissance de LFI, les plus optimistes imaginaient une structure agile, dont l'organigramme évoluerait en fonction des besoins sur fond de dialogue permanent. Dans la lettre ouverte qu'elle a publiée au moment de son départ en juin 2019, Charlotte Girard, maître de conférences en droit public, dressait le constat d'échec de cette innovation : « La désorganisation, que je ne suis pas seule à déplorer, produit une telle perte d'énergie que c'en est désespérant. » Faute d'instance pour débattre, pointait-elle, LFI ne parle plus de rien. « Tant qu'on est d'accord, tout va bien. Mais il n'y a pas de moyen de ne pas être d'accord. » Résultat : « Le reproche d'inefficacité se confond finalement avec celui du manque de démocratie. » Veuve de François Delapierre, bras droit de Mélenchon décédé prématurément d'une tumeur au cerveau en 2015, Charlotte Girard ne s'exprime plus. Toutefois, selon un de ses proches, elle serait « accablée » par la dérive autocratique du leader des Insoumis.

Grand vide. Le politologue Thomas Guénolé, de son côté, ne s'embarrasse pas de précautions de langage pour dénoncer cette dérive. « C'est un dictateur entouré de courtisans prêts à encaisser des humiliations insensées pour rester en bonne grâce. L'ambiance chez les Insoumis est tout simplement irrespirable. » Des mots durs, mais le sort qui a été réservé à Thomas Guénolé l'est tout autant. En avril 2019, le comité électoral de LFI, qu'il avait rejoint l'été précédent, l'informe qu'il est écarté de la liste des européennes en raison d'un signalement pour harcèlement sexuel. L'intéressé tombe des nues. Du harcèlement aux Insoumis ? Non, à Sciences Po, où il a donné des cours. Des faits précis, une plaignante ? Rien. Thomas Guénolé a vite compris. « Naïvement, j'avais dit à des cadres que je prendrais la parole après les européennes pour appeler à plus de débat au sein de l'appareil. Crime de lèse-majesté ! Il fallait me salir pour me dégager, d'où ce mini-procès stalinien. » Selon le politologue, la décision de l'écarter a été prise par trois personnes : Jean-Luc Mélenchon, sa trésorière de toujours, Marie-Pierre Oprandi, ainsi que Benoît Schneckenburger, garde du corps et homme de confiance du chef. « Autant dire par Mélenchon seul », résume Guénolé. Il a raconté son histoire dans un livre paru en novembre 2019 ( La Chute de la maison Mélenchon, Albin Michel), où il se demandait comment on pouvait « prôner la vraie démocratie pour le pays, tout en organisant son propre mouvement comme une dictature ».

« Les élus Verts, communistes et socialistes n'accepteront pas son autoritarisme, prophétise aujourd'hui Thomas Guénolé. La « Nupes » [Nouvelle union populaire, écologique et sociale, NDLR] explosera en moins de deux ans. Et tant mieux. La gauche se prépare à vivre une triste parenthèse dans une histoire marquée par le débat d'idées et la démocratie interne. »

Ancien secrétaire général du Parti de gauche, François Cocq est du même avis. La légende veut que Jean-Luc Mélenchon lui ait signifié son congé des Insoumis par un simple tweet en janvier 2019. La réalité est plus nuancée. François Cocq avait lui-même prononcé le divorce dès juillet 2018 en manifestant dans un blog des désaccords que le chef n'accepterait pas. Il regarde depuis avec stupéfaction Mélenchon rayer d'un trait de plume des pans entiers du programme des Insoumis sur des questions cruciales, sans consulter sa base, pour les besoins d'une alliance électorale. « Le PCF ne veut pas sortir du nucléaire ? D'accord, on garde le nucléaire. Europe Écologie-Les Verts et le PS bloquent sur la possibilité d'une sortie de l'UE ? Pas de problème, on oublie. Lors du congrès du Parti de gauche de juin 2018, Jean-Luc Mélenchon avait annoncé qu'il fallait prendre le leadership à gauche. Cela signifiait l'abandon de nos propositions, bloc par bloc, pour fédérer la gauche. C'est sur ce point précis que je me suis brouillé avec lui. On y est. Il veut accéder au pouvoir, mais pour en faire quoi ? » 

Hommes forts. L'autoritarisme de l'Insoumis en chef serait-il une manière de dissimuler une absence de convictions ? L'économiste Liêm Hoang-Ngoc, député européen de 2009 à 2014, parti des Insoumis fin 2018, n'est pas loin de le penser. En 2016, Mélenchon se proclamait prêt à engager le bras de fer avec Bruxelles. « L'Union européenne, on la change ou on la quitte », lançait-il. Soit les traités étaient revus pour donner à l'UE une orientation moins libérale (plan A), soit la France quittait la zone euro (plan B), au risque assumé de provoquer l'éclatement de l'UE. Selon Liêm Hoang-Ngoc, cette posture offensive cachait un grand vide. « Il n'avait jamais étudié sérieusement la question. Il m'a dit que le plan B était enterré, en une phrase, lors d'un tête-à-tête lors d'un déjeuner de travail. »

Idem sur la question hautement inflammable de l'école privée. Le programme électoral pour 2022 de LFI prévoyait d'« abolir les privilèges de l'enseignement privé » et d'interdire les « subventions extralégales des collectivités territoriales » aux écoles. Bref, une nouvelle guerre scolaire en vue. Le 23 mars, dans un entretien pour La Croix, Mélenchon tournait casaque, promettant de faire de l'enseignement privé sous contrat (97 % des établissements privés) « un partenaire » à part entière de l'État ! Que ferait-il si d'aventure il devenait Premier ministre ? Contacté, le Secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC) avoue ne pas en avoir la moindre idée : « Nous avons découvert la nouvelle position de Monsieur Mélenchon en lisant La Croix. Nous n'en savons pas davantage. »

À la lecture de melenchon.fr, le blog qu'il tient depuis de nombreuses années, une constante se dégage, mais elle n'est guère rassurante. L'auteur aime les leaders charismatiques et les régimes autoritaires. À l'annonce de la mort d'Hugo Chavez en 2013, il admet avoir eu les larmes aux yeux. Président du Venezuela de 1999 jusqu'à son décès, Chavez a endigué la pauvreté en subventionnant les biens de première nécessité, mais il a aussi réduit au silence tous ceux qui dénonçaient sa politique économique suicidaire. « Nous le portons fièrement », déclarait Jean-Luc Mélenchon, alors que le malheureux Venezuela se préparait à plonger dans le chaos (400 000 % d'inflation en 2018, un habitant sur six exilé depuis).

Modèle chinois. La Chine trouve également grâce à ses yeux. À l'occasion des Jeux olympiques de Pékin en 2008, Mélenchon conspuait le dalaï-lama, « chef religieux obscurantiste », « défenseur de la charia bouddhique », « indépendantiste ethniciste qui veut expulser 100 millions de Chinois du Tibet », etc. En septembre 2016, dans un entretien à Nouvelles d'Europe, revue en français sous contrôle chinois, il allait encore plus loin : « Les choix de la civilisation chinoise valent pour la planète entière […]. Nous attendons énormément de la Chine, de son leadership sur la scène internationale. Je sais bien que les Chinois n'aiment pas dominer, ce n'est pas dans leur culture. » En mai 2018, il se rendait aussi à Moscou pour célébrer la fin de la Seconde Guerre mondiale. Conscient du risque pour son image, il tenait à rencontrer un opposant à Vladimir Poutine, mais pas Alexeï Navalny, trop consensuel à son goût. Son choix s'est porté sur Sergueï Oudaltsov, effectivement persécuté par le régime… mais en tant qu'extrémiste stalinien ! Oudaltsov a récemment applaudi l'invasion de l'Ukraine par la Russie, poussant LFI à rompre avec lui sur le tard. « C'est dans l'exemple de nos héros que nous puisons sans cesse les leçons et l'énergie dont nous avons besoin pour continuer », déclarait Mélenchon le 26 novembre 2016, dans une longue homélie prononcée à la mort de Fidel Castro (alors qu'il avait expédié celle de Nelson Mandela en quatre lignes, trois ans plus tôt). Même tendresse affichée pour Evo Morales : président de la Bolivie de 2006 à 2019, ce dernier a passé outre le résultat d'un référendum constitutionnel pour briguer un quatrième mandat, dont son peuple ne voulait pas entendre parler. Si Jean-Luc Mélenchon s'en est ému, il n'en a rien dit. Son blog est pourtant riche. Il comporte une liste de près de 180 thèmes rangés par mots clés. « Démocratie » n'y figure pas. Sans doute un oubli§

S’il s’était trouvé au côté de Robespierre lors de son arrestation, Mélenchon l’aurait, dit-il, convaincu d’appeler à l’insurrection du peuple. Le peuple, toujours le peuple. Il ne comprenait pas ce renoncement, ce « je n’ai plus rien à dire ». Depuis la campagne de 2012, le leader de LFI, même s’il se garde bien d’assumer l’épisode de la Terreur, a convoqué la vedette révolutionnaire, son volontarisme, cette énergie jacobine déployée pour balayer un monde ancien. Une projection rétroactive à l’heure où l’État, selon lui, baisse les bras, impuissant. Jamais l’écart n’a été aussi grand entre l’image repoussoir auprès du grand public, qui croit encore à la légende du monstre, et la vision plus équilibrée des chercheurs. Son camarade Alexis Corbière a, du reste, intitulé un de ses ouvrages Robespierre, reviens !. Mais, pour Mélenchon, se réclamer de Robespierre, abandonné par les socialistes – qui ont refusé en 2011 qu’une rue soit baptisée de son nom à Paris –, c’est aussi un moyen d’affirmer que ceux-ci ont trahi leurs valeurs et qu’il est le seul héritier de la vraie gauche
Toujours pas vacciné contre Castro

À sa mort, fin 2016, Mélenchon lui a rendu hommage : « C’est dans l’exemple de nos héros que nous puisons les leçons et l’énergie. » Ledit héros a occupé le pouvoir pendant presque cinquante ans après la révolution cubaine, en 1959. Jusqu’en 1976, il a gouverné par décrets, avant de participer à la rédaction d’une Constitution qui lui donnait les trois postes les plus puissants, dont Premier secrétaire du Parti communiste de Cuba. Il a instauré un système répressif sans pitié, qui perdure. Son génie a consisté à générer la sympathie internationale en rendant l’embargo américain responsable de la pauvreté et en mettant en avant un haut niveau d’éducation et de santé (dévastée). Mélenchon a relayé cette propagande en vantant, fin 2018, un vaccin cubain contre le cancer du poumon, qui n’a jamais existé. L’héritage de Fidel est édifiant : selon l’ONG Prisoners Defenders, Cuba comptait 955 prisonniers politiques fin 2021. La torture y est monnaie courante§ michel revol 

Hugo Chavez, « source d’inspiration »

Alors que la gauche déclinait en Europe, Mélenchon avait trouvé une idole : Hugo Chavez, président du Venezuela. En 2012, il suit sa dernière campagne présidentielle et décrit ainsi (puis efface) une manifestation sur son blog : « À mi-chemin je m’aperçus que j’avais le visage en larmes. […] Le saisissement, l’effroi sacré qui nous habitait est un moment qui n’a pas ses mots pour le décrire raisonnablement. » L’effroi est au contraire une réaction appropriée face au bilan de Chavez, emporté en 2013 par un cancer. Après un coup d’État manqué en 1992, le lieutenant-colonel est élu en 1998. Victime d’une tentative de putsch en 2002, il modifie la Constitution et devient éligible à vie en 2009. Le « Christ rédempteur des pauvres » puise dans les ressources de pétrole pour les arroser de services gratuits mais, combinée aux sanctions américaines, la corruption est telle que la production s’effondre faute d’entretien. La répression des opposants est systématique. Le général Raul Baduel, ancien ministre de la Défense arrêté sous Chavez en 2009, est mort en prison fin 2021. Le successeur de Chavez, Nicolas Maduro, n’a fait que perpétuer ce système. Selon l’ONG Foro Penal, le Venezuela comptait 238 prisonniers politiques en février 2022§ C. M. 

Lula, alter ego

L’ancien tourneur-fraiseur devenu président du Brésil a bien sorti 40 millions de personnes de la pauvreté. Avec Mélenchon, c’est une vieille histoire : Lula a appuyé sa candidature à la présidentielle, et ce dernier lui a rendu visite en prison en 2019. Il se disait victime, comme lui, d’une « lawfare », offensive juridique visant à l’empêcher de concourir politiquement. La procédure contre Lula était bien entachée d’irrégularités, au point de faire annuler ses condamnations pour corruption. Mais le Parti des travailleurs payait bien un salaire mensuel à certains politiciens, et des entreprises d’État accordaient des contrats à Odebrecht, une entreprise de BTP, en échange de paiements réguliers. Certains arguent que le procédé est courant au Brésil. Lula l’a élevé à un niveau systémique§ C.M. 

Avec Poutine, une conversion tardive

La volte-face est spectaculaire. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Jean-Luc Mélenchon se découvre anti-Poutine. Le 24 février, date de l’invasion des chars russes, il dénonce une initiative de pure violence manifestant « une volonté de puissance sans mesure ». Des mots durs qui contrastent avec la mansuétude affichée jusqu’ici à l’égard du chef du Kremlin. « Poutine en est la première victime politique », lance-t-il au lendemain de l’assassinat de l’opposant russe Boris Nemtsov en 2015. Les bombardements décidés par Poutine en Syrie ? « Il va régler le problème (...). Il va éliminer Daech. » « Je ne crois pas à une attitude agressive de la Russie », soutient-il encore en novembre 2021 pour dénoncer l’absence d’invitation adressée à Moscou au Forum sur la paix à Paris. Même aveuglement au moment où Poutine masse ses troupes à la frontière ukrainienne. « Nous avons fait entrer 10 pays dans l’Otan à l’Est. Il est normal que les Russes disent : « Nous nous sentons menacés ». » Un tropisme poutinien enfin corrigé. Mélenchon l’admet désormais : « Nous avons un énorme problème avec cet homme. »§ M. N. 

« Je ne crois pas à une attitude agressive de la Russie. » 

Jean-Luc Mélenchon, novembre 2021

22, le v’la !

« Ce n’est pas être antiflic que de contester une organisation défaillante », se défendait Jean-Luc Mélenchon le 29 septembre devant les étudiants de l’ESCP Business School (ex-École supérieure de commerce de Paris), avant de proposer la suppression pure et simple des brigades anticriminalité (les BAC). Motif ? « 60 % de leur activité est de contrôler combien de barrettes de shit vous avez dans votre poche, tout cela est absurde. » Dissolution des BAC, gardiens de la paix désarmés… Les propositions du candidat Mélenchon en matière de police s’inscrivent dans la droite ligne des revendications des comités police-justice des quartiers, notamment du comité Adama, qui a organisé une grande manifestation contre les violences policières devant le tribunal de Paris le 3 juin 2020. Sans reprendre mot pour mot les revendications du mouvement américain Defund the Police (littéralement « réduisez le budget de la police »), l’Insoumis ne cache pas son agacement quant au poids des forces de l’ordre dans le budget de l’État : « Pour qu’ils se tiennent tranquilles, on n’arrête pas de leur céder des trucs. Vous êtes dans un pays où un capitaine de police, qui a donc un bac +3, commence à 2 400 euros. Un instituteur commence à 1 400 euros. Cela vous paraît une hiérarchie conforme à l’idée que vous vous faites de la vie ? Eh bien, pas moi. » Espérant s’attirer les faveurs de l’électorat des quartiers populaires grâce à ce thème, qu’il pense fédérateur, Mélenchon n’a pas hésité à paraphraser un slogan antifa scandé dans une manifestation pour l’augmentation des salaires en janvier : « Beaucoup de monde déteste la police, il est temps de s’en rendre compte, c’est un problème d’ailleurs. » Or les études d’opinion montrent précisément l’inverse : dans le baromètre de janvier 2022 du Centre de recherches politiques de Sciences Po, 72 % des Français déclaraient avoir confiance dans la police, soit 9 points de plus qu’en 2009. Par ailleurs, 80 % des sondés estimaient que la police ne disposait pas de suffisamment de moyens. Manifestement, tout le monde ne déteste pas la police…§ C. P. 

Par Erwan Seznec

Jean-Luc Mélenchon, génie de l’illusionnisme politique

En quelques jours, il s’est imposé comme chef de l’opposition et parvient à faire croire à un grand élan de gauche. Chapeau l’artiste !

Dans le cortège du 1er Mai, le chef des Insoumis était la vedette du jour. Acclamé par les jeunes, courtisé par les autres élus de gauche qui voulaient figurer sur la photo. Un moment de pure félicité, sûrement. Et surtout, une revanche sur l'adversité. Rien ne devait gâcher son triomphe. Pas même les violences consternantes, notamment l'agression d'un pompier. Il ne les a pas condamnées, n'a pas eu un mot pour les victimes, préférant s'en prendre aux autorités qui auraient laissé faire pour lui voler la vedette. Sidérant !

Jean-Luc Mélenchon, il est bon de le rappeler, car on pourrait l'oublier, a été éliminé de la course présidentielle au soir du premier tour, distancé par Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Pour la troisième fois, il a perdu. Mais qui s'en souvient aujourd'hui ? Quelques jours après sa défaite, il réapparaissait tel le phénix, pour proposer à la France de devenir son Premier ministre à l'issue des législatives. Il restait pour lui un moment désagréable à passer, ce dimanche du second tour, mais il a été vite expédié par les deux finalistes.

Depuis, une étoile est née, qui monopolise l'attention de la gauche et des médias. Emmanuel Macron joue l'attentisme et observe la tectonique des plaques avant de faire mouvement. Marine Le Pen semble passée aux oubliettes. Les accords électoraux patinent partout ailleurs. Jean-Luc Mélenchon, lui, déploie ses troupes pour négocier avec les différents partis de gauche en lambeaux. Premier opposant de France : ce tour de magie est un tour de force.

Mirages et faux-semblants

À force de monopoliser l'attention, il réussit à créer un deuxième mirage, celui d'un élan collectif, en France, en faveur de la gauche. Le résultat de la présidentielle dit l'inverse, mais qu'importe ! C'est justement dans sa capacité à déconstruire le réel que l'on reconnaît l'illusionniste de talent. Les six candidats de gauche ont réuni moins d'un tiers des suffrages exprimés au premier tour de la présidentielle. Et toutes les enquêtes indiquent que jamais la France n'a autant penché à droite, comme le révélait notamment une étude réalisée par l'Ifop pour Le Point en juillet 2020. Mais Jean-Luc Mélenchon a su transformer sa troisième place sur le podium, il y a moins d'un mois, en un piédestal inattendu. Ne totalise-t-il pas, à lui seul, près de 70 % des voix de gauche ?

Enfin, le prestidigitateur est aussi un habile contorsionniste. Le vieux politicien blanchi sous le harnais, nommé premier secrétaire de la fédération socialiste de l'Essonne en 1981, il y a plus de 40 ans, élu pour la première fois en 1985, entré au Sénat en 1986, fait rêver une partie de la jeunesse à des lendemains qui chantent.

 

Si les circonstances n'étaient pas aussi graves, et le danger d'une radicalité qui prend ses aises avec la République et l'Europe aussi patent, on serait presque tenté de s'exclamer : chapeau l'artiste !

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Mélenchon, grand défenseur des travailleurs, n’a jamais eu de vrai boulot
 

Le grand défenseur des travailleurs Jean-Luc Mélenchon, qui n’a de cesse de donner des leçons à tout le monde, n’a lui-même travaillé, hors politique, que quatre petites années — et encore, en prenant large.Jean-Luc Mélenchon fait ses premières armes en politique à Lons-le-Saunier, en mai 1968. À cette époque il n’est que lycéen — en première littéraire — mais c’est lui, racontent ses anciens camarades de classe, qui va importer les évènements parisiens dans son Jura d’adoption.

C’est lors de cette première expérience politique qu’il va réaliser son indiscutable talent d’orateur et se familiariser avec la pensée d’extrême gauche et notamment Karl Marx qui devient son livre de chevet en terminale. Il passe son bac en 1969 et s’inscrit à la faculté des lettres de l’université de Besançon pour y étudier la philosophie.

Sitôt inscrit, le jeune Mélenchon se rapproche de l’UNEF et déserte les amphis pour se consacrer au militantisme. Il parviendra quand même à obtenir sa licence en 1972 mais ne poussera pas ses études plus loin : la même année, il entre formellement en politique en rejoignant l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI), une organisation trotskyste de tendance lambertiste qui est alors à son apogée.

La politique à plein temps

Désormais connu sous le pseudonyme de Santerre, et encore officiellement étudiant, Jean-Luc Mélenchon se consacre à plein temps à ses activités politiques.

C’est en 1974, avec la naissance de sa fille alors qu’il n’a que 22 ans, que la réalité va le rattraper. Il a désormais charge de famille et le job de surveillante de son épouse ne suffit plus : il va désormais devoir gagner sa vie. Au premier trimestre, il est correcteur pour l’imprimerie Néo-Typo puis, dans la foulée, travaille quelques mois dans l’usine de l’horloger Maty. C’est-à-dire que, sans qu’on ait de dates plus précises, l’intégralité de l’expérience ouvrière de Jean-Luc Mélenchon tient dans une année. Il revendiquera plus tard avoir également travaillé dans une station-service « à la sortie de la ville » sans qu’on en sache plus à ce propos.

Toujours est-il qu’à partir du premier trimestre 1975, Jean-Luc Mélenchon décroche un poste de pion au lycée technique de Mouchard. Il est embauché en tant que surveillant mais c’est à cette occasion — sans doute grâce à son diplôme de philosophie — qu’il sera amené à donner quelques cours de français à une classe de 23 élèves en qualité de professeur auxiliaire. Voilà pour le passé de professeur de français de M. Mélenchon : ça n’a duré que le temps d’un remplacement d’un an — l’année scolaire 1975-76 — et ça n’a concerné qu’une seule classe.

 

Le passage au Parti socialiste

C’est durant l’été 1976 qu’il déménage pour Montaigu, un petit village à côté de Lons-le-Saunier. Fraîchement radié de l’OCI, Jean-Luc Mélenchon décide de rejoindre les « sociaux-traîtres » et s’encarte au Parti Socialiste où il reprend ses activités de militantisme politique. Las, son contrat de surveillant n’étant pas renouvelé, il doit à nouveau chercher du travail. En octobre 1976, il se fait embaucher comme pigiste aux Dépêches du Jura ou il officiera sous le pseudonyme de Jean-Louis Mula (JLM).

La liste de l’Union des gauches remporte les municipales de Lons-le-Saunier en mars 1977 mais le PCF y est majoritaire. Afin de préparer les législatives de 1978 et de contrer l’influence communiste, Jean-Luc Mélenchon convainc la toute petite fédération PS du Jura de lancer son propre journal — La Tribune du Jura — dont il devient directeur, journaliste (Jean-Louis Mula) et même dessinateur (Moz). Le premier numéro sort en novembre 1977, le sixième et dernier parait en avril 1978 : il a donc dirigé une feuille de chou politique pendant 5 mois.

Dessinateur dans un journal catho

Mais le mois suivant, en mai 1978, on retrouve Moz dans un canard local lequel se trouve être — de façon assez amusante — un hebdomadaire catholique (La Croix jurassienne). Jean-Luc Mélenchon y publiera quelques strips en trois cases, les actualités indiennes, avant de briguer un poste vacant à la rédaction. Las, sa candidature ne sera finalement pas retenue pour des motifs de divergence idéologique et notre futur tribun se retrouve encore une fois sans ressource.

C’est à ce moment, fin 1978, qu’il se fait embaucher par Claude Germon, le maire de Massy, qui en fait son directeur de cabinet et le lance en politique. Se remémorant cette époque, ledit Germon qui aura, il est vrai, quelques raisons de regretter son choix, a une réflexion quelque peu lapidaire :

Très vite je me suis rendu compte que c’est un garçon qui n’a jamais eu de métier.

Quoiqu’il en soit, la carrière politique de Jean-Luc Mélenchon, elle, est désormais bien lancée.

Donneur de leçons impénitent

C’est-à-dire que le grand défenseur des travailleurs qui n’a de cesse de donner des leçons à tout le monde n’a lui-même travaillé, hors politique, que quatre petites années — et encore, en prenant large. Il n’a été ouvrier qu’un an tout au plus, ses galons de professeur de français — voire de professeur de littérature — sont très largement usurpés et son glorieux passé de journaliste se résume à quelques piges ou mauvais dessins dans des publications parfaitement confidentielles. Jean-Luc Mélenchon est un pur politicien qui n’a pour ainsi dire jamais rien fait d’autre ; c’est un beau parleur qui, pour reprendre les termes de Claude Germon, ne sait rien faire d’autre.


Mes principales sources sont [1] une interview de JLM dans Gala (1er septembre 2015), [2] une autre dans Paris Match (23 juillet 2011), [3] l’interview de Claude Germon sur France Culture, à partir de 23:25 (21 janvier 2012), [4] un article de Pierre Pauma sur Rue89 (12 octobre 2014) et Last but not least, [5] Mélenchon le plébéien de Lilian Alemagna et Stéphane Allies.

 

Guillaume Nicoulaud.

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