le salon des dictatures

Publié le par ottolilienthal

 

« De toutes les tyrannies, celle qui est sincèrement exercée pour le bien de ses victimes peut être la plus oppressive. Il vaudrait mieux vivre sous des barons voleurs que sous des corps moraux omnipotents. La cruauté du baron voleur peut parfois s'endormir, sa cupidité peut à un moment donné être rassasiée ; mais ceux qui nous tourmentent pour notre bien nous tourmenteront sans fin, car ils le font avec l'approbation de leur propre conscience.

Ils sont peut-être plus susceptibles d'aller au paradis, mais en même temps plus susceptibles de faire de la terre un enfer ».

(C.S. Lewis)

Il n'est peut-être pas étonnant que tant de gens (comme cela s'est produit dans des circonstances similaires dans les années 1930) choisissent les barons voleurs (fascistes) de préférence aux bienfaiteurs puritains dont la mission semble être de rendre la vie misérable à tous les autres.

Tim Watkins 22 10 24

Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

Le gendarme américain s’éclipse, les despotes dansent

L’affaiblissement de la dissuasion américaine et des garanties de sécurité jusqu’alors assurées par Washington rend les rapports géopolitiques plus confus et le monde plus dangereux.

Après la fin de la guerre froide et surtout depuis l’ère Trump, les Etats-Unis en ont fini de faire la police partout sur la planète. Résultat, des puissances moyennes se sont engouffrées dans la brèche. La Turquie a occupé une partie de la Syrie, dépêché des troupes en Libye, aidé l’Azerbaïdjan à vaincre l’Arménie et revendiqué des droits contestables en Méditerranée orientale. L’Iran appuie des milices qui renforcent le dictateur syrien Bachar al-Assad et étranglent le Liban. Le Pakistan a aidé des djihadistes à prendre le pouvoir à Kaboul. L’Arabie saoudite bombarde le Yémen. Quant à la Biélorussie, après avoir détourné un avion pour s’emparer d’un opposant, elle a entassé des migrants à la frontière polonaise et leur a fourni des pinces coupantes, les poussant à cisailler les barbelés qui les séparent de l’Union européenne.

Très chers coûts de l'aventurisme

Les puissances moyennes prennent leurs aises sur la scène internationale, rendant les rapports géopolitiques plus confus et le monde, plus dangereux. Leurs dirigeants sont moins qu’avant téléguidés par les grandes puissances, ils privilégient leurs intérêts nationaux ou, le plus souvent, personnels. Certains, comme Recep Tayyip Erdogan, entendent renforcer la sécurité de leur territoire. D’autres lancent des opérations extérieures pour détourner l’attention de leur bilan intérieur désastreux. C’est le cas du président turc, mais aussi des gouvernants d’Arabie saoudite, d’Iran, d’Egypte et du Pakistan. Il y a aussi des enjeux économiques. Quel­ques-uns offrent des armes et des prêts à des pays en guerre civile, espérant que leurs entreprises rafleront les contrats de reconstruction une fois la paix rétablie. Et les autocrates s’engagent à l’étranger aussi parce qu’ils aiment venir au secours d’autres despotes, du Venezuela à l’Ethiopie. L’affaiblissement de la dissuasion américaine et des garanties de sécurité jusqu’ici assurées par Washington a eu des conséquences catastrophiques. Partout, cela conduit les puissances moyennes à se réarmer, ce qui fait peser une menace sur la sécurité mondiale.

Cependant, nombre de ces dirigeants vont s’apercevoir que les coûts de l’aventurisme excèdent de loin ses avantages. Assumer un rôle de puissance est onéreux et compliqué, parfois contre-productif. La Turquie a gagné en stature et en territoire, mais s’est aliénée pratiquement tous ses alliés. L’Arabie saoudite est embourbée au Yémen. Les talibans sont amis du Pakistan et ennemis de l’Inde. Mais l’Afghanistan, en effondrement économique et dirigé par des leaders brutaux qui n’ont aucune idée de comment gouverner, fait plutôt courir le risque au Pakistan de voir une nouvelle guerre se déclencher à sa porte. Les dirigeants de ces pays ne voient sans doute pas ça comme ça: les autocrates adorent se créer des ennemis extérieurs et en viennent parfois à croire en leur propre propagande. Aussi vont-ils poursuivre leurs interventions militaires. Mais ils multiplieront inévitablement les fautes. Comme le font même les grandes puissances. Ce qui, au final, pourrait entraîner leur chute.•

en France comme au Maroc, des journalistes ciblés par Rabat

Le logiciel espion Pegasus a été utilisé par le Maroc pour surveiller des journalistes et des patrons de presse au Maroc mais aussi en France, selon l'enquête menée par le Forbidden Stories et ses partenaires, dont Radio France.

Quel est le point commun entre Edwy Plenel, fondateur du site d’investigation Mediapart, et Eric Zemmour, le polémiste de CNews et du Figaro ? Rien, à première vue. Sauf que tous les deux ont été à la même période sélectionnés comme cibles par les services de renseignement marocains, en vue d’une possible infection de leur téléphone par le puissant logiciel espion Pegasus.

En fait, les numéros de très nombreux journalistes français, du Monde, de France Télévisions, de France 24, etc, sont apparus sur une liste de cibles potentielles, alors même que certains de nos confrères n’avaient jamais traités de sujets liés au Maroc. Dans une apparente frénésie, les autorités marocaines ont même sélectionné des numéros de téléphone fixe de journalistes de Radio France, alors que la technologie Pegasus ne fonctionne que sur les smartphones.

Des infections confirmées par Amnesty International

Le Security Lab d’Amnesty International, partenaire technique du consortium formé par Forbidden Stories, permet de confirmer de manière incontestable qu’après leur sélection, des téléphones ont été infectés et des Français espionnés.

Les analyses des Iphones des cinq journalistes ou patrons de médias français qui ont accepté un examen par Amnesty ont été concluantes. L’ancienne chroniqueuse judiciaire du Canard enchaîné Dominique Simonnot, devenue depuis contrôleuse générale des lieux de privation de libertés ; le directeur de la radio TSF Jazz, Bruno Delport, qui mène depuis trois ans des actions humanitaires au Maroc en faveur notamment des prostituées ; la journaliste de Mediapart Lenaïg Bredoux, en pointe sur les questions de violences sexuelles et qui a aussi, il y a quelques années, enquêté sur le patron des services secrets de Rabat ; une journaliste du Monde qui ne souhaite pas être citée ; et le fondateur du journal Mediapart : tous ont été mis sous surveillance.

Derrière Edwy Plenel, l’indépendance du journalisme au Maroc

L’analyse minutieuse du téléphone d'Edwy Plenel démontre qu’il a été infecté par le logiciel Pegasus pendant au moins trois mois, à partir de juillet 2019. Il vient alors de rentrer du Maroc où il a participé à un festival culturel à Essaouira et où il a exprimé publiquement son soutien au Hirak marocain et aux prisonniers du Rif. Edwy Plenel a aussi évoqué, lors de ce rendez-vous, l’épineuse question de la liberté de la presse dans le pays. Le journaliste français avait été invité à ce festival par le journal indépendant Le Desk dont Mediapart était partenaire. C’est au Desk que travaillait le journaliste Omar Radi, aujourd’hui en détention provisoire pour une affaire de violence sexuelles que beaucoup d’observateurs estiment montée de toutes pièces. Le Security Lab d’Amnesty avait déjà démontré qu’Omar Radi était espionné par Rabat, grâce au logiciel Pegasus.

Pour Edwy Plenel, Rabat a certainement cherché à travers lui à toucher l’un des derniers lieux du journalisme indépendant du royaume. "On ne peut pas accepter qu'un pays considéré comme ami espionne des journalistes, des directeurs de journaux, et utilise cet espionnage pour réprimer ses propres journalistes et dans des conditions effroyables", juge le directeur de Mediapart, qui entend donner des suites judiciaires à cette affaire.

Le numéro de Rosa Moussaoui, grand reporter à L’Humanité, qui a enquêté sur le cas d’Omar Radi, a lui aussi été sélectionné pour une éventuelle infection par Pegasus. La journaliste est sous le choc.

"C'est une forme d’intrusion dans le travail d’un journaliste d’une violence inouïe. C’est comme si j’avais été cambriolée, c’est une violation de l’intime."

Rosa Moussaoui

à franceinfo

À chacun de mes reportages au Maroc, poursuit-elle, je subis une surveillance étroite, physique, visible mais ce n’est pas la même chose quand on les voit. Là, cette invisibilité m’effraie." 

Les affaires de mœurs, nouvelle arme de Rabat contre les journalistes

Depuis une dizaine d’années, Rabat semble vouloir museler la presse, en multipliant les procès et les amendes, ce qui a souvent eu pour conséquence d’assécher financièrement des médias déjà très fragiles. Des dizaines de journalistes ont été arrêtés, mais pas tous pour des faits liés à leur travail.  "Depuis quelques années, avec les réseaux sociaux notamment, le régime s’est aperçu qu’il ne pouvait plus 'tenir' les journalistes de la même manière en mettant des amendes ou en attaquant en diffamation, explique Omar Brouksy, journaliste marocain, ancien correspondant de l’Agence France Presse à Rabat. Alors il y a eu des affaires liées à la vie privée. Plusieurs journalistes ont été arrêtés sur cette base. Et la monarchie a profité de l’absence d’indépendance de la justice pour leur 'coller' des procès."

Outre le cas d’Omar Radi, il y a celui de Soulaimane Raissouni, journaliste marocain de 49 ans considéré comme l’une des plumes du pays. Malgré l’absence de preuves, il a été condamné le 10 juillet 2021 à cinq ans de prison pour agression sexuelle. Des faits qu’il a toujours contestés. Il n’est pas certain que Raissouni, en grève de la faim depuis plusieurs mois, survive dans les geôles marocaines. 

"L’indépendance se paye au prix fort"

Selon nos informations, les numéros de dizaines de journalistes et de militants des droits de l’Homme marocains ont été sélectionnés pour un éventuel ciblage par le logiciel Pegasus. Nous apprenons à Omar Brouksy, l’ancien correspondant de l’AFP, que le sien figure dans la liste. Il n’est pas surpris. "Je ne dirais même pas que je suis choqué, car dans un régime autoritaire, de telles pratiques ne sont pas étonnantes, réagit celui qui a écrit plusieurs livres sur la monarchie qui ont été interdits au Maroc. En revanche, ça m’attriste pour le journalisme. Dans un pays comme le Maroc, la liberté, l’indépendance se payent au prix fort. Quand on veut bien faire ce métier, on est conscient qu’on doit payer ce prix de manière quasi quotidienne." 

L’enquête de Forbidden Stories et de ses partenaires montre qu'un peu partout dans le monde, des technologies de pointe comme Pegasus, censées servir à lutter contre le crime et le terrorisme, sont en fait utilisées contre ceux qui défendent la liberté d’expression. "Nous sommes au coeur d'une question centrale qui est l'irresponsabilité des Etats par rapport à la diffusion de ces technologies d'espionnage permises par la révolution numérique, estime Edwy Plenel. Nous, ici (en France, NDLR), nous sommes vivants et encore dans une société ouverte. Mais dans d'autres pays, nous le savons grâce aux révélations de votre consortium Forbidden Stories, des journalistes ont été assassinés après cet espionnage, des activistes ont été persécutés. Il y a là quelque chose qui devrait appeler un sursaut à l'échelle mondiale pour dire stop !"  conclut le fondateur de Mediapart.

Via son ambassade à Paris, les autorités marocaines ont rappelé le 17 juillet 2021 à Forbidden Stories et à ses partenaires qu’elles avaient déjà démenti il y a un an les accusations d’espionnage du journaliste Omar Radi. Selon elles, Amnesty International "a été incapable de prouver un quelconque relation entre le Maroc et la compagnie israélienne" NSO, qui commercialise Pegasus. Le Maroc devra certainement s’expliquer plus clairement sur une sélection de numéros qui ne concerne pas qu’un journaliste, mais bien 10 000 numéros, essentiellement marocains, algériens et français.    

 

 

https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maroc/enquete-projet-pegasus-en-france-comme-au-maroc-des-journalistes-cibles-par-rabat_4707333.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20210719-[lestitres-colgauche/titre1]

Haïti : « Le président de facto est victime d’un climat qu’il a lui-même instauré »

L’écrivain Lyonel Trouillot nous écrit de Port-au-Prince, sans concession, lui qui avait dès 2019 cosigné un appel à la démission de Jovenel Moïse.

Le président Jovenel Moïse a été assassiné. Nuance, le président de facto Jovenel Moïse a été assassiné. La nuance est importante. Jovenel Moïse n’avait aucune légitimité depuis le 7 février 2021. « Après Dieu, c’est moi… Je suis une arête dans votre gorge. » Ainsi parlait-il au peuple qui réclamait sa démission et l’appelait par moquerie « Après Dieu ».

Son décès provoque de l’inquiétude, certes, mais sur le plan émotionnel, rien de mieux que l’indifférence.

C’est un coup contre la démocratie. Non, plusieurs coups ont été portés contre la démocratie depuis l’arrivée au pouvoir du PHTK avec Michel Martelly, et la dérive autoritaire s’est confirmée sous les ordres de Jovenel Moïse : violations des droits humains, élimination du Parlement, inféodation du pouvoir judiciaire, assassinats politiques, existence de prisonniers politiques, élimination du pouvoir des organismes de contrôle…

C’est quand même un coup porté contre la démocratie. Seulement dans la mesure où ce crime odieux vient interrompre le processus qui aurait abouti au triomphe de la démocratie véritable : l’union nationale autour d’un processus électoral crédible et la mise en place d’un gouvernement de transition tenant compte des revendications de la majorité des citoyens. Jovenel Moïse ne pouvait pas gagner. Il s’enfonçait dans un jusqu’au-boutisme qui ne pouvait conduire qu’à sa perte. Il faut chercher les auteurs et les causes de son assassinat dans le réseau d’alliances mafieuses, dans des conflits privés, ou dans la crainte chez certains de ses alliés de tout perdre avec lui. Les moyens de lutte choisis par le peuple et l’opposition sont connus : grèves, manifestations, sit-in, pétitions…

Perpétuité ou perpétuation de la violence et du chaos. Non. L’opposition organisée, les organismes et organisations de la société civile et la population dans sa majorité réclament la mise en place d’un gouvernement de transition capable d’organiser dans un délai raisonnable des élections crédibles et de sanctionner les auteurs des crimes de sang et des crimes financiers. Certaines ambassades et institutions internationales ont apporté leur soutien à la dérive dictatoriale. Le pouvoir de facto a profité de cet appui pour utiliser le banditisme comme arme politique, affirmant avoir fédéré les gangs qui sévissent dans les quartiers populaires. De nombreux massacres ont été perpétrés, leurs auteurs n’ont jamais été inquiétés. C’est justement la fin de ce cycle de violence que la population réclame.

Comment en est-on arrivé là ? Les appels des intellectuels, écrivains, chercheurs ont été nombreux, demandant à la communauté internationale de ne pas encourager la dérive autoritaire de Jovenel Moïse. Ces appels ont été ignorés. Depuis au moins deux ans, c’est au quotidien que l’on tue impunément : il y a quelques jours, deux jeunes, dont Marie-Antoinette Duclaire, une militante politique et journaliste d’une énergie et d’un courage exemplaires. La mise à mort de toute vie institutionnelle, le recours au banditisme par le pouvoir ont conduit à cette situation de terreur. Le président de facto est une victime d’un climat qu’il a lui-même instauré.

Avenir, perspectives ? Écouter les Haïtiens, comme le réclament les nombreux appels lancés par des intellectuels et des écrivains. La sortie de ce cycle infernal passe par la mise en place d’un gouvernement de transition travaillant au remembrement des institutions et pouvant créer le climat nécessaire à la tenue de véritables élections. La tenue d’élections bidons sans participation effective et non reconnues par l’ensemble des Haïtiens ne fera qu’enfoncer encore plus le pays dans la violence et la crise institutionnelle.

Jovenel Moïse ? Il m’est interdit d’applaudir à la mort d’un homme. On l’avait placé au pouvoir comme fantoche et il s’est pris pour un marionnettiste. Il faut chercher ses meurtriers dans ce « on ». Je souhaite qu’ils soient retrouvés et condamnés. Comme doivent être condamnés les auteurs des massacres et des assassinats politiques exécutés sous sa présidence.

Lyonel Trouillot

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