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les aventures de la dette publique

Publié le par ottolilienthal

La préférence française pour la banqueroute...

L’accablante réalité, c’est qu’aucune force politique n’a l’intention de porter un message raisonnable pour redresser nos finances publiques...

Fascinant gouffre que celui des finances publiques : il a le pouvoir d'engloutir non seulement des milliards mais aussi les volontés, et même les discernements. Pourquoi des années d'alerte sur la dette ont-elles eu si peu d'effets ?...

Michel Barnier est arrivé à Matignon en avertissant solennellement sur la gravité de la situation, et, fait exceptionnel, tout le monde ou presque était d'accord avec lui sur ce point. Y compris sur les bancs de LFI et du RN, dont les programmes témoignent pourtant d'un mépris intersidéral pour l'équilibre des comptes.

Sauf que, deux mois après, les mêmes sables mouvants ont étouffé ce bel élan. Le débat à l'Assemblée nationale, ces derniers temps, s'est réduit à un affrontement entre tenants du matraquage fiscal et apôtres du super-matraquage fiscal. En revanche, les réformes de structure, les vraies baisses de dépenses, sont, elles, portées disparues. Il s'agit pour l'essentiel d'incantations, de blancs à remplir. Michel Barnier n'est pas dépourvu de mérite : il fait ce qu'il peut, face à une représentation nationale élue dans un contexte de surenchère démagogique inédite.

Ce n'est plus de l'insouciance, mais un choix

L'accablante réalité est qu'il ne s'y trouve aucune force politique pour porter ne serait-ce qu'un message raisonnable. La perspective de l'accident financier, pour la quasi-intégralité de la classe politique française, demeure préférable aux conséquences politiques des actions nécessaires pour l'éviter. L'inaction, à ce stade, ne relève plus de l'insouciance mais bien d'un choix.

Le phénomène n'est pas totalement nouveau. Dans une note pour la Fondation Saint-Simon publiée en 1994 par la revue Le Débat, Denis Olivennes détaillait ce qu'il appelait la « préférence française pour le chômage ». Sa thèse, qui fit alors scandale, était que le chômage, plus élevé en France que chez ses voisins, ne résultait pas de la fatalité mais d'un choix. En clair, la protection farouche de ceux qui sont bien en place dans le travail – les insiders – et de leur rémunération maintenait hors de l'emploi les outsiders, notamment les moins qualifiés, le tout étant amorti par un niveau de protection sociale très élevé. Ce « contrat social » fondé sur « le partage des revenus à travers les transferts sociaux plutôt qu'à travers le travail » faisait l'objet « d'une préférence collective, d'un consensus inavoué » entre patronat, syndicats et État.

Le même mécanisme est manifestement à l'œuvre à propos des finances publiques. Aucune force politique française ne plaide réellement pour des réformes telles que les ont menées Gerhard Schröder (social-démocrate) en Allemagne, Mario Monti (centriste) en Italie, Mariano Rajoy (de droite) en Espagne, José Socrates (socialiste) au Portugal ou Alexis Tsipras (gauche radicale) en Grèce. Aucun parti français n'a, par exemple, la sagesse budgétaire des socialistes espagnols, qui n'ont pas touché à la retraite à 67 ans en arrivant au pouvoir.

La peur de l'impopularité

Rien que le fait d'évoquer les mesures prises par ces dirigeants européens de tous bords provoque inévitablement chez nos politiques nationaux un mouvement de recul, comme si l'on avait invoqué Satan en personne. Tous ou presque choisissent, en somme, de risquer la catastrophe financière plutôt que d'affronter la réprobation, les manifestations ou simplement l'impopularité.

Le cardinal de Retz, dans ses Mémoires, décrit bien ce processus : « Le dernier point de l'illusion, en matière d'État, est une espèce de léthargie, qui n'arrive jamais qu'après de grands symptômes. […] Le mal […] n'est jamais à son période [point culminant] que quand ceux qui commandent ont perdu la honte, parce que c'est justement le moment dans lequel ceux qui obéissent perdent le respect ; et c'est dans ce même moment où l'on revient de la léthargie, mais par des convulsions. »

L'horizon des « convulsions » se rapproche : la dégradation de l'économie française ne va pas aider à sortir de la spirale des déficits. Et tout pourrait s'accélérer si d'aventure le gouvernement Barnier était censuré juste avant Noël, précisément sur le budget. Si cela se produit – et c'est encore évitable ! –, ceux qui « ont perdu la honte », selon la formule du cardinal de Retz, connaîtront la véritable impopularité.

Etienne Gernelle

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/la-preference-francaise-pour-la-banqueroute-

 

 

Dégradation du déficit : les anciens gouvernants entre « déni » et « irresponsabilité »...

Selon la mission d’information du Sénat, les gouvernements Attal et Borne ont accumulé les erreurs, conduisant au dérapage des finances publiques de la France...

Petites lunettes, moustache blanche et une bonhomie qui cache son lot d'ironie pour le good cop, regard bleu perçant et attitude offensive pour le bad cop : le duo de tireurs d'élite composé des sénateurs Claude Raynal (PS) et Jean-François Husson (ex-LR) est, depuis quelques mois, devenu le pire cauchemar des anciens gouvernements d'Élisabeth Borne et de Gabriel Attal.

Respectivement président et rapporteur général de la commission des Finances, les deux élus ont déroulé, ce mardi 19 novembre, le résultat de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques entre octobre 2023 et 2024. L'an dernier, le déficit s'est en effet établi à 5,6 %, contre une prévision à 4,9 %, tandis que celui de cette année devrait atteindre les 6,1 %, au lieu des 4,4 % attendus initialement.

Leurs conclusions sont plus qu'accablantes pour l'ancien exécutif. « De toutes nos auditions ressort très nettement le sentiment général d'un déni collectif sur la situation des finances publiques » et « un sentiment d'irresponsabilité de ceux qui étaient alors au gouvernement », accuse Jean-François Husson.

Alertes sur les recettes publiques fin 2023

Une tragédie en trois actes selon l'investigation des sénateurs de la commission des Finances, qui ont auditionné, au printemps et à l'automne, les directeurs d'administration mais aussi les responsables politiques, qu'il s'agisse des anciens Premiers ministres Élisabeth Borne et Gabriel Attal, ou de l'ex-ministre de l'Économie Bruno Le Maire et de son collègue des Comptes publics Thomas Cazenave.

Le premier acte s'est déroulé en fin d'année 2023. « Le gouvernement connaissait en réalité l'état critique dans lequel s'enfonçaient les finances publiques dès le mois de décembre 2023. Il aurait pu, selon nous, réagir vigoureusement. Mais il ne l'a pas fait », dénonce Claude Raynal.

Une série d'alertes sur les recettes avait en effet été déposée sur le bureau des ministres à Bercy, notamment la fameuse note du 7 décembre, estimant le déficit 2023 à 5,2 %, mais recommandant de ne pas communiquer, cette estimation étant soumise à des aléas. Pourtant, souligne le rapport des sénateurs, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave ont alerté Élisabeth Borne dans un courrier du 13 décembre, enjoignant à cette dernière de partager le caractère critique de la situation budgétaire et de prendre des mesures pour limiter la casse en 2024.

Le calcul politique de Matignon et de l'Élysée

Deuxième acte : « Au premier semestre 2024, le gouvernement et le président de la République ont refusé de présenter un projet de loi de finances rectificative, pourtant seul à même de redresser la situation, d'après le ministre des Finances », écrivent les sénateurs dans le rapport de la mission d'information.

À la place, l'exécutif a choisi d'annuler 10 milliards de crédits par décret, une « mesure d'affichage et de communication » qui aurait eu pour but de rassurer rapidement les agences de notation, au lieu de passer devant le Parlement. Selon Gabriel Attal, ce choix s'expliquerait par l'encombrement du calendrier. Les sénateurs l'interprètent plutôt comme un calcul politique afin d'éviter de prendre des mesures difficiles à l'approche des européennes ou d'être confronté à une motion de censure.

Enfin, le dernier acte a commencé avec la dissolution… et a comme personnage principal Emmanuel Macron. « La dissolution de l'Assemblée nationale, après le refus d'un collectif budgétaire, montre que le président de la République a choisi de repousser à plus tard les difficultés budgétaires auxquelles l'État était confronté, alors que la situation catastrophique des finances publiques imposait une action rapide », souligne le rapport.

Un « réquisitoire », selon Bruno Le Maire

L'ancien exécutif a immédiatement contre-attaqué au cours d'une conférence de presse réunissant Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave. « Ce n'est pas un rapport, c'est un réquisitoire d'opposants politiques truffé de mensonges, d'approximations et d'affirmations spécieuses », s'est insurgé l'ex-ministre de l'Économie.

 « On sent dans ce rapport […] une forme de double déception. D'abord une déception de ne pas avoir trouvé un seul élément tangible attestant que la situation des finances publiques n'aurait pas été prise au sérieux. Pour une raison simple : il n'y en a pas. La deuxième déception […], c'est de ne pas avoir réussi à nous diviser ou à nous dresser les uns contre les autres, ce qui était évidemment leur objectif », affirme quant à lui Gabriel Attal.

Les débats entre l'ancien gouvernement et les parlementaires se poursuivront à l'Assemblée. Une commission d'enquête présidée par Éric Coquerel (LFI), et dont les rapporteurs sont Éric Ciotti (UDR) et Mathieu Lefèvre (EPR), a été mise en place. Les auditions commenceront au mois de décembre.

https://www.lepoint.fr/economie/degradation-du-deficit-les-anciens-gouvernants-entre-deni-et-irresponsabilite-19-11-2024-2575784_28.php

Budget : l’entourloupe et les solutions délirantes...

Alors que le gouvernement propose seulement 30 % de coupes budgétaires, les partis d’opposition se retrouvent en pleine crise de démence fiscale...

Vendredi 21 octobre 2011. Accompagné d'une vingtaine de militants du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon se rend dans les locaux parisiens de l'agence Moody's qui, quatre jours plus tôt, a osé placer sous surveillance la note (AAA) de la France. « Ah ! Ah ! Ah ! Nous ne sommes pas des andouillettes », scandent les manifestants, qui brandissent des pancartes : « Noter tue », « Moody's, agence de récession ».

Avant de quitter les lieux, le candidat à l'élection présidentielle prend un micro et lance sous les applaudissements : « L'agence Moody's prétend qu'elle va surveiller le peuple français ; le peuple français l'informe qu'il surveille Moody's. Peuple français, il ne faut pas avoir peur d'eux. Dès le mois de mai prochain, c'est Moody's qui s'en ira et non pas les Français. »

Treize ans plus tard, Moody's est toujours là et vient d'abaisser de « stable » à « négative » sa perspective sur la note de la France, qu'elle a dégradée à deux reprises entre-temps. Pas d'opération « andouillettes » toutefois pour LFI, ravie au contraire de voir l'agence sanctionner le bilan financier d'Emmanuel Macron. Difficile aussi pour les amis de Jean-Luc Mélenchon de se poser aujourd'hui en parangons de vertu budgétaire après avoir longtemps répété que la dette n'avait pas à être remboursée et ne constituait donc pas un problème.

Fourberie budgétaire des gouvernants français

« La situation politique de la France est sans précédent, et cela laisse planer une menace sur la capacité des institutions à atteindre une réduction du déficit », a souligné dans son communiqué Moody's, qui, comme le monde entier, assiste au spectacle affligeant de l'incroyable chienlit des débats à l'Assemblée nationale sur la loi de finances. Lesquels avaient, il est vrai, bien mal commencé avec l'entourloupe initiale du gouvernement, prétendant que la réduction des dépenses représenterait les deux tiers des 60 milliards d'euros d'économies quand le Haut Conseil des finances publiques a évalué cette part à seulement 30 %.

De quoi renforcer à l'étranger la réputation de fourberie budgétaire des gouvernants français. Elle n'est pas usurpée quand on voit aujourd'hui le camp macroniste attribuer le dérapage des comptes au dysfonctionnement supposé des modèles de prévision de recettes fiscales depuis la crise du Covid. Argument irrecevable, aucun de nos voisins européens n'ayant connu un tel bug et enregistré un écart aussi important entre le déficit anticipé (4,4 %) et le déficit constaté (6,1 %).

Au manque de crédibilité de l'ajustement budgétaire proposé par le gouvernement de Michel Barnier s'ajoutent les solutions alternatives délirantes avancées par les partis d'opposition pour réduire les déficits. Faire la chasse aux immigrés, aux fausses cartes Vitale et aux éoliennes est l'essentiel de ce qu'il faut retenir du contre-budget présenté par le RN, à l'évidence toujours aussi fâché avec les chiffres et l'économie. Et, alors même que Moody's a averti qu'un « retour en arrière sur la réforme des retraites » motiverait une dégradation de la note, le RN continue de façon fort peu patriotique à vouloir l'abroger.

Le pire est plus que jamais à craindre

C'est aussi la volonté du Nouveau Front populaire, qui, en pleine crise de démence fiscale, préconise par ailleurs d'augmenter de 50 milliards d'euros les impôts tandis que Fabien Roussel, secrétaire général du Parti communiste français, souhaite carrément embaucher 500 000 fonctionnaires d'ici à 2030. En comparaison, le programme commun de la gauche de 1981 apparaîtrait presque raisonnable.

Le plus grave et le plus décourageant est toutefois que les Français, qui estiment à 82 % « urgent de réduire la dette », s'opposent dans des proportions encore plus élevées à toute mesure d'économie dès lors qu'elle les touche personnellement. Au fond, persuadés qu'il suffirait que l'Élysée réduise son budget petits fours et champagne, que les yachts et les jets des milliardaires soient saisis et que les sénateurs soient moins grassement payés pour que le problème des finances publiques soit entièrement résolu.

Avec un gouvernement aussi précaire, une opposition parlementaire aussi irresponsable et des citoyens aussi inconséquents, le pire est plus que jamais à craindre pour nos finances publiques, le niveau de nos taux d'intérêt et la charge de notre dette. Nous l'aurons bien mérité...

https://www.lepoint.fr/economie/stop-a-la-chienlit-budgetaire

 
Retraites des fonctionnaires financées par la dette : le Sénat brise le tabou...

Un tiers du déficit, et la moitié de la dette : c’est ce que représente le déficit chronique des retraites des fonctionnaires, calcule le Sénat, qui va bientôt entamer l’examen du Projet de loi de financement de la sécurité sociale. Explosif...

C'est une bombe à retardement que seulement une poignée d'initiés connaissent, et qu'ils ont tenue soigneusement enterrée pendant des années. Alors que le déficit devrait dépasser cette année 166 milliards d'euros, plombant davantage encore une dette pharaonique de 3 300 milliards d'euros, le gouvernement cherche désespérément des sources d'économies… Quand la plus évidente s'étale sous ses yeux, sans que personne n'en parle. « C'est incompréhensible, scandaleux », fulmine le sénateur (UDI) Vincent Delahaye, déterminé, cette fois, à mettre les pieds dans le plat.

« Il faut dire la vérité aux Français »

Rapporteur pour avis du budget de la sécurité sociale au Sénat, il a voulu comprendre pourquoi le déficit s'est inexorablement creusé ces vingt dernières années, en dépit de tous les efforts, et alors que le système de retraite a longtemps été présenté au public comme « globalement équilibré ». En réalité, c'est un gouffre qui engloutit chaque année plus de 50 milliards d'euros de déficit ! « Si l'État cotisait comme tout employeur au taux maximum de 28 %, il ne pourrait pas payer les retraites de ses fonctionnaires », explique le sénateur. « Pour le faire, il surcotise à 98 %, en dissimulant la dépense dans sa masse salariale ! » Pour la première fois, le Sénat a donc entrepris de calculer ce que coûte réellement à l'État, et donc à la collectivité, les « surcotisations » versées par l'État employeur, pudiquement appelées « contributions d'équilibre », pour compenser le déséquilibre chronique entre actifs et retraités dans la fonction publique.

Les chiffres, une fois retraités, donnent le vertige. Depuis 2002, des centaines de milliards d'euros de déficits ont été masquées. Pour la seule année 2023, alors que le Conseil d'orientation des retraites (COR), instance paritaire censée « éclairer » le débat public, affichait fièrement un excédent de 3,8 milliards d'euros, le déficit réel des retraites du secteur public atteignait 56,5 milliards. Un gouffre qui représente un tiers du déficit public total.

Dissimulation

Comment un tel dérapage a-t-il pu rester masqué durant si longtemps ? Créé en 2000, le Conseil d'orientation des retraites, institution « d'expertise et de concertation » composée de 42 membres (dont de nombreux syndicalistes), s'est attaché à obscurcir le débat, se noyant dans des hypothèses complexes de productivité ou de taux de chômage, et dans des « conventions comptables » contestables, consistant à considérer toutes les sommes versées par l'État pour équilibrer le régime de retraite des fonctionnaires, des régimes spéciaux, des collectivités locales, etc., comme si elles étaient des cotisations ou des impôts affectés. En clair : le fait incontestable que les retraites des fonctionnaires sont financées par la dette a été masqué.

Une opacité aux conséquences politiques majeures : les Français n'ont pas compris, en 2023, l'urgence d'une réforme adoptée dans la douleur, et qui n'a en réalité « réglé que 10 % du problème », selon Vincent Delahaye.

Dans le détail, documente le Sénat, cette surcotisation, ajoutée à diverses subventions que verse l'État (bonifications pour enfants, pensions de réversion…), entraîne un coût total de 72,5 milliards par an, dont 56,5 milliards pour les retraites publiques (4 millions de pensionnés) et 16 milliards pour les retraites privées (13 millions de pensionnés). « En 2023, un retraité du secteur public aura donc coûté en moyenne 14 125 euros aux finances publiques, contre 1 230 euros pour un retraité du privé. Un rapport de 1 à 12 ! C'est profondément injuste, car nous payons tous les mêmes impôts ! » s'indigne Vincent Delahaye.

Son rapport pour avis sera la première confirmation officielle validant les alertes lancées depuis des mois par une poignée d'acteurs, comme l'Institut Molinari (un think tank libéral), l'ancien directeur des impôts Jean-Pascal Beaufret, ou François Bayrou. Au sein même du COR, les syndicats résistent farouchement contre toute remise en cause de leur méthodologie. « Sans modifier la loi, il serait possible d'assurer au moins la transparence sur le coût des régimes de retraite », estime le sénateur. « Il suffirait de scinder la contribution d'équilibre de l'État entre cotisations au taux légal [28 %] et surcotisations [écart entre 28 % et 98 %, taux réel supporté par l'État]. »

Car cette dissimulation compromet aujourd'hui tout redressement sérieux des finances publiques, gronde le sénateur. Présentée comme l'ultime réforme, la suppression de cinq régimes spéciaux seulement (RATP, Banque de France, Industries électriques et gazières… mais il en reste 16, auxquels personne n'a touché) n'a en rien résolu le problème.

« La France peut-elle continuer à avoir le système de retraites le plus généreux du monde – départ le plus précoce, minimum vieillesse le plus élevé, niveau de vie des retraités supérieur aux actifs – en étant seulement le 25e pays mondial pour la richesse par habitant ? Nous y sommes parvenus jusqu'à présent au prix d'un endettement colossal… Veut-on, et peut-on continuer comme cela ? » Le débat, à tout le moins, mérite d'être posé...

https://www.lepoint.fr/politique/retraites-des-fonctionnaires-financees-par-la-dette-le-senat-brise-le-tabou-07-11-2024-2574647_20.php

Finances publiques: l’heure de vérité approche et elle sera terrible...
Ne vous laissez pas aveugler. Les débats sur la taxation des riches, l’arrivée de l’austérité, le choc fiscal ou l'échec de la politique de l’offre ne sont que de la poudre aux yeux. L’objectif est de cacher l’essentiel : la mort cérébrale d’un modèle social dopé au déficit et sans autre issue qu’une grave crise de la dette...
 
Avec le budget 2025 présenté jeudi en conseil des ministres, les Français ont-ils compris qu’un monde agonisait ? Pris conscience de la mort cérébrale du modèle stato-consumériste, décrit par Jérôme Fourquet, directeur à l’Ifop, comme « l’extension permanente de la dépense et de la sphère publiques (financée par un niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE) et le primat accordé à la consommation comme principal moteur économique, au détriment de la production » ? A défaut de clarification politique, la dissolution aura précipité la décomposition financière du pays. Avant que ne s’ouvre un débat où la posture va le disputer à l’imposture, cinq dénis méritent d'être levés.
 
La situation est-elle réellement « grave » ?

 

Pour éviter tout procès en faillite frauduleuse, les partisans de l’Etat-guichet minimisent. Michel Barnier a intérêt à dramatiser, arguent-ils, dans le ton d’une Cour des comptes qui ne cesse de crier au loup sans que jamais le péril se révèle. Après tout, la dernière vraie alerte remonte à 2005, avec le rapport Pébereau qui implorait déjà de « rompre avec la facilité de la dette publique » ; or ces vingt dernières années, alors même que l’endettement passait de 66 % à 111 % du PIB, la politique du chèque sans provision a pu prospérer sans danger apparent... Ce relativisme inspiré de l’arnaque à la Ponzi est dangereux. Pour au moins trois raisons.

 
Infog dette 22/09/2024 Vignaud

Un : jamais le sentiment d’une perte de contrôle des comptes de la nation n’a été aussi fort. Prévu fin 2023 à 4,4 % du PIB, le déficit public a été révisé à 5,6 %, puis à 6,2 % qui, sans coup de frein, auraient plutôt frôlé « en tendanciel » les 7 % – une dérive de 50 milliards d’euros en neuf mois... Hors temps de crise, c’est sans précédent. Sans précédent aussi l’incapacité des services de Bercy à « reprendre le contrôle ». Le déficit de l’Etat va dépasser l’an prochain 166 milliards, dans l'étiage de la crise Covid (c'était 76 milliards en 2019). Comme le disait si bien Pierre Mendès France : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent ». Nous y sommes.

Deux : cette dérive mène à la paralysie. Gardons-nous d’un budget où « les décisions seront de plus en plus restreintes », prévient le ministre du Budget. Trop tard. L’an dernier encore, de petits alchimistes de la finance facile vendaient un monde merveilleux de dette ad libitum et de « déficits sans pleurs » où il était possible, comme l’aurait dit Jacques Rueff, « de donner sans perdre, de prêter sans emprunter et d’acquitter sans payer ». Au prétexte de « protéger les Français », ces pousse-au-crime les exposent aujourd’hui à l’appauvrissement – le PIB par habitant du pays se situe désormais sous le niveau moyen de la zone euro et 15 % en dessous de l’Allemagne.

 

A lire aussi: Impôt minimal pour les plus riches : pourquoi 24 300 ménages seront touchés et non 62 500 comme annoncé par Laurent Saint-Martin

 

Charges. La dette ne se rembourse peut-être pas (« elle roule »), mais elle se paie. Les taux nuls ont joué comme un anesthésiant ; leur remontée, brutale mais par chance en voie de correction, va suffire à rendre le coût de nos inconséquences insoutenable. A 55 milliards d’euros, la charge de la dette dépassera en 2025 le budget de la Défense, puis dès 2027 celui de l’Education nationale. Elle culminerait à 125 milliards en 2031 et commencerait alors à refluer ! Comprenez : chaque année, le ministre du Budget va devoir trouver a minima 10 milliards d’euros supplémentaires pour régler la facture de nos errements passés. Le scandale : cette ardoise sert davantage à payer nos fins de mois qu'à « préparer l’avenir » comme le serinent nos ministres du Budget successifs, toute honte bue.

 
Vignaud solde budgétaire de l'Etat

Trois : on connaît l’adage « la confiance se construit goutte à goutte et se détruit par litre ». A l’ombre de l’euro, la France too big to fail s’est offert à crédit toutes les démagogies. Mais elle commence à perdre du crédit. Ses alliés européens tiquent, les marchés toussent. Pour prêter, les investisseurs demandent désormais une rémunération supérieure – une prime pour laxisme – à celle de l’Espagne, du Portugal et même de la Grèce. En 2025, France Trésor placera bien sûr son programme de 300 milliards d’euros d’emprunts – un niveau historique – mais à quel prix ?

 
L’agence de notation Fitch dit tout haut ce que tout le monde murmure : « Nous ne nous attendons pas à ce que le gouvernement respecte ses prévisions révisées de déficit à moyen terme visant à ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB d’ici 2029 (deux ans plus tard que prévu) ». Le Club Med n’a plus qu’un membre gold : la France !

En dix ans, dans le classement européen de la dette publique rapportée au PIB, la France est passée de la huitième à la troisième place. Derrière la Grèce et l’Italie, deux pays qui, contrairement à nous, ont commencé à réduire leur endettement grâce à un solde budgétaire primaire – c’est-à-dire avant paiement des charges de la dette – positif.

 

A lire aussi: Budget 2025: ces dépenses que Michel Barnier veut couper pour économiser 40 milliards d'euros

 

Capitale de l’arrogance, Paris sera seul dans la zone euro à déclarer un déficit supérieur à 3 % en 2026. Et encore, l’agence de notation Fitch dit tout haut ce que tout le monde murmure : « Nous ne nous attendons pas à ce que le gouvernement respecte ses prévisions révisées de déficit à moyen terme visant à ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB d’ici 2029 (deux ans plus tard que prévu) ». Le Club Med n’a plus qu’un membre gold : la France !

 
La faute à la politique de l’offre ?

Les Diafoirus du « toujours plus », défenseurs clientélistes des rentiers de l’Etat-providence, ont déjà trouvé leurs coupables : la politique de l’offre et les privilèges fiscaux accordés aux plus riches. Il faut tordre le cou à ces deux canards.

 

La politique de l’offre n’est pas un échec. Elle a permis de ramener le taux de chômage à 7 %, le niveau le plus bas depuis quinze ans. Permis aux entreprises de gagner en compétitivité, même si l'écart fiscal avec nos principaux concurrents reste conséquent. Permis de stopper une désindustrialisation que tout le monde déplorait sans jamais se donner les moyens d’y remédier.

 
Le Président se justifiait drôlement, en avril 2023 : « Le plus gros bloc de dépenses, ce sont les transferts sociaux ! Une fois que vous les avez créés, bon courage pour revenir en arrière... »

Inversion accusatoire. Y renoncer, voire arrêter de la poursuivre, reviendrait à saigner un peu plus la sphère productive pour alimenter le moloch stato-consumériste. Pratiquons l’inversion accusatoire : la France ne paie pas l'échec d’une politique visant à favoriser la production, mais le fiasco d’une politique keynésienne permanente, dévoyée par des dirigeants qui y voient, à droite comme à gauche, un permis de dépenser sans compter. Au Premier ministre de Sa Majesté qui demandait à Keynes, dans les années 1930, comment sortir du trou, le célèbre économiste répondait : « Il faut d’abord arrêter de le creuser ». Déni total : personne ne l’envisage aujourd’hui dans l’Hexagone.

 

A lire aussi: Budget: les impôts pèseront 70% de l’effort total

 

Sans contexte, Emmanuel Macron a contribué à creuser le trou. Par désintérêt pour les finances publiques. Parce qu’il pariait sur un retour de la croissance et de l’emploi pour réduire la part des dépenses dans la richesse produite. Dans un entretien à l’Opinion, le Président se justifiait drôlement, en avril 2023 : « Le plus gros bloc de dépenses, ce sont les transferts sociaux ! Une fois que vous les avez créés, bon courage pour revenir en arrière... » Fort de ce raisonnement, il n’a jamais cherché à financer ses baisses d’impôts : 60 % des 62 milliards d’euros d’allègement ont grossi le déficit.

 
Vignaud Masse salariale de l'Etat

Au profit de qui ? Sans ciller Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, reprend le discours de la gauche radicale, sur X par exemple : « Il faut que le balancier passe de l’autre côté, aux grandes entreprises et aux plus riches de passer à la caisse. » C’est oublier qu’Emmanuel Macron a réduit l’impôt sur le revenu (5,4 milliards), supprimé la taxe d’habitation (18,5 milliards) et la redevance audiovisuelle (3,2 milliards), défiscalisé les heures supplémentaires (3,6 milliards), etc. Quant à la baisse de l’impôt sur les sociétés (11,5 milliards) et les impôts de production (8,9 milliards), elle a profité aux petits comme aux grands...

 

Utiliser de telles intox est capital pour les défenseurs sauf à reconnaître la banqueroute du modèle stato-consumériste. Dans son livre, récemment réédité, Une sorte de diable – les vies de Keynes, Alain Minc raconte comment la relance est devenue le vade-mecum keynésien de l’homme politique. « Dans la version gauchiste, écrit-il, c’est la hausse des salaires, et en particulier des bas salaires, qui en constitue le moteur. Dans la version nationaliste, la priorité va à l’investissement, donc aux dépenses publiques d’infrastructures et de recherche, assorties de baisses massives des taux d’intérêt. Dans la version libérale – il en existe une –, la baisse des impôts constitue le nec plus ultra. » Il existe ainsi une concurrence entre écoles du « toujours plus ». L’essayiste complète : « Toutes partagent une même indifférence au niveau des déficits publics et des parités de change. »

 

A lire aussi: Dépenses des collectivités: Barnier dit stop

 

En France, la baisse d’impôt est assimilée à un « cadeau » fait aux contribuables. Mais l’argent public n’existe pas, cinglait à raison Margaret Thatcher, il n’y a que l’argent prélevé sur le travail du contribuable. Voilà comment le taux de prélèvements est passé en France de 30 % du PIB en 1960 à 45 % aujourd’hui. Preuve que les hausses ont été plus nombreuses que les baisses ! Les allègements Macron, équivalant à 2 % du PIB, n’ont pas compensé l’alourdissement Sarkozy-Hollande – 3 % du PIB.

 

Changement de société. A son arrivée au pouvoir, Valéry Giscard d’Estaing assurait qu’au-delà de 40 %, la France connaîtrait « un vrai changement de société » (ce sera chose faite l’année de son départ). Et dans le rapport du VIIIe Plan, on lisait : « Si la dérive des prélèvements obligatoires continuait, elle aboutirait rapidement à une incompatibilité avec la société d’initiative et de responsabilité choisie par les Français. » Sommes-nous si loin de cette société à irresponsabilité illimitée prête à sanctionner le succès au nom d’une recherche sans limite de l'égalité ?

 
Taxer les riches, réponse à tout ?

Bienvenue dans le village gaulois Egalitarium ! La question des riches a saturé le débat. Avec un ressort démagogique. Il consiste à désigner un bouc émissaire – en l’occurrence « les riches », d’autres préfèrent les étrangers ou les sionistes... –, puis de leurrer les électeurs en démontrant que cibler cet unique responsable permet de résoudre tous les problèmes. Les retraites ? Il suffit de taxer les riches. Le réchauffement climatique ? Les riches ! Les services publics à vau-l’eau ? Les riches ! Le déficit ? Les riches... S’en tenir au slogan « que les riches payent » est une supercherie populiste.

Que les plus fortunés contribuent au redressement national, rien de plus légitime. Mais il faut récuser l’idée qu’il suffit de les surtaxer pour tout régler. En parlant de « justice fiscale », euphémisme mortifère dans le pays le plus redistributif de revenus au monde, le Premier ministre a versé dans un travers français dangereux, à trois titres.

 

D’abord, parce que cette expression est tout sauf un langage de vérité. Elle discrédite la politique et pousse les électeurs vers les extrêmes. Avant même la présentation du budget Barnier, 82 % des Français redoutaient un alourdissement de la fiscalité pour eux-mêmes. Sur l'électricité, les véhicules, les retraites ou les consultations médicales, ils ne peuvent que constater qu’ils avaient raison de s’inquiéter. Et le ministre du Budget, Laurent-Saint-Martin, a dû concéder : le redressement des comptes publics, « c’est bien l’affaire de tous... »

 

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Rappelez-vous, en 2013, le choc fiscal concocté par François Hollande devait épargner neuf Français sur dix, au lieu de quoi il fit rentrer dans l’impôt plus d’un million de ménages modestes, percuta un million de foyers des classes moyennes et supérieures via l’abaissement du plafond du quotient familial, etc. Depuis, le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, sensibilisé au ras-le-bol fiscal évoquait « un possible point de rupture pour le consentement à l’impôt ». Avec les Gilets jaunes, le gouvernement avait diagnostiqué une « exaspération fiscale »...

 
Le libéral Frédéric Bastiat avait vu juste : « Avec des formes fort douces, fort subtiles, fort ingénieuses, revêtues des beaux noms de solidarité et de fraternité, la spoliation va prendre des développements dont l’imagination ose à peine mesurer l'étendue... »

Ensuite, cibler la seule communauté des ultra-riches n’est tout simplement pas à la hauteur de la situation. Friedrich Hayek a découvert le pot aux roses : la progressivité est une illusion, elle fait croire que les riches portent l’essentiel du poids de l’Etat-providence pour mieux taxer le plus grand nombre des contribuables... Le think tank social-démocrate Terra Nova estime que dans le cadre constitutionnel actuel, un rendement annuel « légitime » serait de 10 à 15 milliards d’euros. On peut discuter ce chiffre qui aboutit tout de même à faire payer à 75 personnes 9 milliards d’euros supplémentaires ! Il n’empêche, il démontre par l’absurde que cette contribution n’est pas à la hauteur de la centaine de milliards d’euros nécessaire. Sauf à sombrer dans les délires fiscaux du Nouveau Front populaire...

 
Infog déficit 06/10/2024 Vignaud

Taxation confiscatoire. C’est le troisième point, essentiel car il touche à la liberté. La logique stato-consumériste implique d’imposer toujours plus afin de financer une redistribution sans limite. Or, la France affiche déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe. Soyons plus concrets. Nous détenons le record pour le taux marginal de l’impôt sur les hauts revenus, pour l’impôt sur les revenus du capital, pour la taxation des salaires complets, pour le taux d’imposition effectif des entreprises moyennes, etc. Comment dès lors trouver une justification idéologique à une pression fiscale plus lourde encore ?

 

Le Conseil constitutionnel a mis le holà. Sa jurisprudence place le seuil au-delà duquel le taux d’imposition est confiscatoire à environ 66 %. Mais les économistes qui soutiennent La France insoumise rejettent cette limite : des taux de 80 %, voire 90 % sont légitimes non pas pour obtenir plus de recettes fiscales, mais pour faire disparaître la richesse et, avec elle, les riches. Thomas Piketty, dans Le Capital du XXe siècle : « Il s’agit de mettre fin à ce type de revenu, jugé socialement excessif et économiquement stérile ou tout au moins de le rendre excessivement coûteux. »

 

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Ce jusqu’au-boutisme revient à remettre en cause la propriété, ce « bien inviolable et sacré, [dont] nul ne peut être privé », selon l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le libéral Frédéric Bastiat avait vu juste : « Avec des formes fort douces, fort subtiles, fort ingénieuses, revêtues des beaux noms de solidarité et de fraternité, la spoliation va prendre des développements dont l’imagination ose à peine mesurer l'étendue... » Et il ne s’agit pas que de théorie. Le seuil constitutionnel explique pourquoi le gouvernement Barnier a préféré instaurer, pour les hauts revenus, un impôt minimal plutôt qu’une surtaxe... qui se serait ajoutée à la contribution exceptionnelle de François Fillon, censée être temporaire et dont l'échéance est ainsi prévue dans la loi (on se pince), « jusqu'à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul ». La Saint-Glinglin ne sonnait sans doute pas assez juridique.

 

Logique liberticide. Ceux que cette logique liberticide laisse de marbre – Jacques Rueff encore : « C’est par le déficit que les hommes perdent leur liberté » – peuvent au moins admettre l’impact de l’excès fiscal. « Trop d’impôt, pas d’impôt. On asphyxie l'économie, on limite la production, on limite les énergies », déclarait François Mitterrand au lendemain du tournant de la rigueur, en 1983.

Revenant sur le matraquage des années Hollande, la Fondation Concorde constate que « la hausse des taux d’imposition des entreprises a amené une petite croissance des recettes en 2013 qui s’est rapidement retournée à la baisse. En 2014 et 2015, les recettes ont même été inférieures au point de départ de 2012. » Même constat pour l’imposition du capital des ménages. Ces recettes représentaient 1,7 % du PIB en 2012 et 1,4 % en 2017. Elles repasseront à 1,8 % en 2022 malgré les baisses décidées par Emmanuel Macron. CQFD. Un bilan pour le moins alarmant au vu du choc fiscal à venir...

 
Mais alors, choc fiscal ou pas ?

Sans surprise, le ministre du Budget récuse cette expression anxiogène. De fait, la guerre des mots est un élément clé pour préserver l’hégémonie taxo-administrative – car, on le voit aujourd’hui, de moindres rentrées fiscales et le système cale.

 

Ainsi, à Bercy, une moindre hausse est-elle considérée comme une baisse. Le recul revendiqué des dépenses par Michel Barnier (- 40 milliards d’euros) n’empêchera pas lesdites dépenses de progresser l’an prochain de 41 milliards, à 1 699 milliards (et ce sera déjà un exploit). Ainsi, la suppression d’une niche fiscale est-elle comptabilisée comme une moindre dépense et non comme un alourdissement de l’impôt. Portant toutes sur des tarifs réduits d’accises sur l'énergie, les six niches réduites en 2025 représentent 288 millions d’euros...

 
Faut-il parler de « sabordage de l'école publique » comme le fait le FSU-SNUipp, parce que le premier degré public va perdre 3 155 postes quand avec la chute des naissances, la France a perdu presque un demi-million d'écoliers en maternelle et primaire depuis 2010 ?

Ainsi, l’arrêt d’allègement de charges n’est-il pas vu comme un renchérissement du coût du travail mais comme une aide publique, donc une dépense en moins. Avec une autre approche, le Haut Conseil des finances publiques considère du coup que la pression fiscale s’accroîtra de 30 et non pas 20 milliards d’euros. Et qu’elle représentera 70 % et non pas 33 % de l’effort total.

 

Dès lors, le choc fiscal aura bien lieu. Sera-t-il d’une ampleur inégalée ? Selon un bilan élaboré fin 2016 par l’OFCE, les prélèvements obligatoires pesant sur les ménages avaient augmenté de 47,3 milliards d’euros entre 2012 et fin 2017. « Un choc fiscal inédit », affirmait à l'époque le président de l’Observatoire, dont l’effet récessif avait été estimé à 0,8 point de PIB en moyenne par an. François Hollande n’était pas l’unique responsable. Nicolas Sarkozy avait lui aussi activé le levier fiscal en 2011 : 15,5 milliards d’euros de hausses d’impôts, supportées à 80 % par les ménages. Manuel Valls ne voulait pas « que la gauche soit identifiée à l’impôt ». La droite lui dispute le risque.

 

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Faut-il parler d’austérité, de rigueur ?

Avec 30 milliards « d’efforts » (la dépense publique a augmenté de 300 milliards depuis 2019), le choc est caractérisé pour le gouvernement Barnier. L’avenir nous dira s’il est comparable au tournant de la rigueur négocié en 1983 par François Mitterrand. Ou au « Plan Juppé » accepté en 1995 par Jacques Chirac. Ou au big bang fiscal de François Hollande en 2012.

 
Vignaud infog charges d'intérêts

Du premier, a-t-on retenu les leçons du péril d’une relance isolée et de mesures attentatoires à la productivité d’un système productif sursollicité (retraite à 60 ans, puis 35 heures) en économie ouverte ? Du deuxième, a-t-on compris que l’adoption de l’euro interdisait le laxisme permanent ? Du troisième, a-t-on mesuré les conséquences d’une crise de la dette souveraine ? Non, non et non. Morgue et aveuglement se sont ligués pour nous porter au bord du précipice.

 

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Sabordage ! C’est parce que la France refuse la rigueur qu’elle aura l’austérité. Faut-il parler de « sabordage de l'école publique » comme le fait le FSU-SNUipp, parce que le premier degré public va perdre 3 155 postes quand avec la chute des naissances, la France a perdu presque un demi-million d'écoliers en maternelle et primaire depuis 2010 ? Avec 1,2 million d’agents et un budget de 62 milliards d’euros (en hausse de 14 milliards depuis l'élection d’Emmanuel Macron), l’Education nationale dispose en proportion de plus de moyens que la plupart de ses voisins européens sans pour autant briller dans le classement Pisa. Tant que la quantité de la dépense l’emportera sur la qualité, rien ne changera sur l’autoroute de la banqueroute. François Hollande l’a dit avec des mots simples : les Français estiment ne pas en avoir pour leur argent... Il faut pourtant continuer à prendre.

 
Notre pays n’est pas davantage au bord de la faillite. Mais il faut dénoncer la faillite de gestionnaires coupables de cette étrange défaite. Marc Bloch : « La cause profonde du désastre fut l’incapacité du commandement »

Les cris d’orfraies sur la possible non-revalorisation pour six mois des pensions de retraite relève, de même, d’une logique électoraliste (les seniors votent) qui interdit tout redressement véritable. Pourquoi ? La France affiche le taux de prestations sociales le plus élevé au monde (33 % du PIB), dont la moitié relève des retraites. Quand on veut dégager des économies, impossible de faire l’impasse sur une masse de 380 milliards d’euros – soit trente fois le montant estimé de la fraude sociale, présentée par les tops chefs de la tambouille budgétaire comme la manne à même de financer leurs folies programmatiques, dont l’abrogation de la réforme des retraites...

 
Infog Collectivité 05/09/2024 Vignaud

La vérité est autre : 80 % des retraites sont financées par des cotisations et des impôts, donc 20 % restent à la charge de l’Etat et des administrations publiques – soit 75 milliards d’euros de déficit en 2023. Comme l'écrit fort à propos l'économiste Maxime Sbaihi : « Demander aux actifs de cotiser et de travailler toujours plus sans exiger aussi une part d’effort aux retraités actuels, c’est ajouter l’insulte à l’injustice. »

 

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Pour rassurer les âmes sensibles, la France n’est pas aux portes de l’austérité grecque (les salaires des fonctionnaires avaient baissé de 40 % et les pensions de retraite avaient été divisées par deux). Notre pays n’est pas davantage au bord de la faillite. Mais il faut dénoncer la faillite de gestionnaires coupables de cette étrange défaite. Marc Bloch : « La cause profonde du désastre fut l’incapacité du commandement ». Dénoncer la faillite de ce modèle stato-consumériste usé à force de lâcheté et de renoncement. Jérôme Fourquet : « Tout se passe comme si le modèle économique qui s'était progressivement mis en place dans le pays depuis une quarantaine d’années arrivait aujourd’hui en bout de course et avait conduit à une impasse. »

 

Mirabeau avait vu juste : « La dette fut le germe de la liberté ; elle a détruit le roi et l’absolutisme. Prenons garde qu’en continuant à vivre, elle ne détruise la nation et ne reprenne la liberté qu’elle nous a donnée. »

Rémy Godeau

https://www.lopinion.fr/politique/finances-publiques-lheure-de-verite-approche-et-elle-sera-terrible?

 
Déficit : « La situation est calamiteuse. On est au bord du précipice » alerte le Sénat...

La situation budgétaire de la France devient de plus en plus préoccupante. Lors d’une conférence de presse prévue le 4 septembre dans l’après-midi, le rapporteur général de la Commission des finances du Sénat Jean-François Husson reviendra sur les derniers chiffres budgétaires communiqués par le gouvernement.

Le gouvernement vient de dévoiler les dernières données budgétaires, et le constat est alarmant. En 2024, le déficit public pourrait atteindre 5,6 % du PIB, dépassant les 5,1 % prévus en fin d’année. La situation pourrait empirer en 2025, avec un déficit projeté à 6,2 % du PIB, bien loin des 4,1 % espérés. Cette dérive budgétaire, due à une hausse incontrôlée des dépenses et à des recettes fiscales inférieures aux prévisions, inquiète le Sénat. Jean-François Husson décrit la situation comme "calamiteuse" et "au bord du précipice". Une gestion budgétaire plus rigoureuse semble plus qu'impérative, sous peine de voir la situation se dégrader davantage.

Outre les finances de l'État, les dépenses des collectivités territoriales sont également pointées du doigt. Le ministère de l'Économie et des Finances a averti que ces dépenses pourraient dégrader les comptes publics de 16 milliards d'euros en 2024. Claude Raynal, président de la Commission des finances, estime que l'État ne doit pas rejeter la faute sur les collectivités, rappelant que leurs dépenses représentent seulement 20 % de la dépense publique et 10 % de l’endettement public.

30 milliards d'euros à trouver

Pour 2025, le respect des nouvelles règles européennes nécessitera des économies d’envergure, estimées à 30 milliards d’euros, selon la direction générale du Trésor. Ces économies devront être intégrées au projet de loi de finances (PLF) et au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Cependant, trouver ces 30 milliards s’annonce difficile, surtout sans un gouvernement de plein exercice. « Nous devons agir sur tous les leviers, trouver des économies et de nouvelles recettes », anticipe Claude Raynal. Mais pour certains parlementaires, toucher aux prélèvements obligatoires est hors de question.

La crise politique actuelle ne fait qu'exacerber les difficultés économiques. En l'absence d’un nouveau Premier ministre, la situation budgétaire reste en suspens. L'exécutif se retrouve pour l'instant bloqué et les parlementaires peinent à obtenir des réponses claires. Jean-François Husson critique ouvertement l’attentisme du président Macron, accusant l'exécutif d’avoir perdu trois mois précieux dans la gestion de la crise. Ce retard risque d’alourdir encore la facture pour les finances publiques. Face à l'urgence de la situation, de nombreux sénateurs appellent à des décisions rapides et à la mise en place d'un gouvernement capable de répondre aux enjeux économiques colossaux qui attendent le pays.

 Grégoire Hernandez 04 09 24

https://www.economiematin.fr/deficit-budget-france-senat

 

 

04 09 24

« Depuis quarante ans, notre but minable a été de réduire le déficit », a osé déclarer Ruffin. Au fou ou au fumiste ! Ne sait-il pas qu'en quarante ans la dette de notre pays est passée de 205 milliards en 1984 à quelque 3 200 milliards en 2024 ? Que la charge des intérêts de cette dette s'élève désormais à 50 milliards, pas loin du premier budget de l'État, l'Éducation nationale (63,6 milliards) ? Voilà l'héritage que nous allons laisser à notre descendance.

L'absence de toute culture économique aveugle les « élites » françaises, abreuvées aux faux prophètes à la Piketty.

(extrait)

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/en-finir-avec-la-politique-de-la-vache-qui-regarde-passer-les-trains-04-09-2024-2569365_32.php?

La cour des comptes tire la sonnette d'alarme sur la dette du pays (€ 3'160 milliards) et un déficit de 5,1% du PIB. Bruno Lemaire prévoyait de descendre à 3% d'ici à 2027 mais avec des objectifs de croissance trop élevés. Pour augmenter la croissance, il est nécessaire d'augmenter la consommation de pétrole, de gaz et d'énergie.

Je dis ça, je ne dis rien. La commission Européenne tire également la sonnette d’alarme.

Macron va surement gérer cela comme un chef.

Sur un an, l'inflation est descendue à 1,9% en août notamment suite à la baisse des prix du pétrole. La croissance est à 0,2%.

Avec la désolation politique et sociale dans le pays, mieux vaut économiser. Les mois à venir ont le potentiel de devenir compliqué.

https://2000watts.org/index.php/energies-fossiles/peak-oil/1385-energies-economie-petrole-peak-oil-la-revue-mondiale-juillet-aout-2024.html

Pourquoi les Français risquent de payer leur inculture économique...

Déficits, croissance atone, productivité en baisse… Pour éviter le crash, le futur Premier ministre devra redresser de toute urgence les finances du pays...

En cette fin août, le soleil brille sur l'hippodrome de Paris-Longchamp, et les organisateurs de la Rencontre des entrepreneurs de France, grand-messe à laquelle le Medef convie, à chaque rentrée, patrons, élus et conférenciers à débattre autour des principaux thèmes du moment, en ont tiré parti.

Sur l'immense gazon, ils ont posé des tables en bois et planté des parasols. Certes, il n'y a ni yourte ni toilettes sèches à l'horizon, et un système de connexion wi-fi a bien été installé, mais, pour un peu, on se croirait à l'université d'été des écologistes.

On montre les photos des vacances en famille autour d'un pad thaï au poulet. On commente l'indéniable succès des JO. Robes légères pour les femmes, costumes en lin pour les hommes, chapeaux pour tous… Il règne comme une ambiance d'été indien.

« Une profonde immaturité »

Méfions-nous cependant des apparences. Car derrière les sourires de façade se cache une sérieuse inquiétude. « Il n'a fallu que quelques jours pour qu'on retombe dans la mouise », lance, amer, l'ex-directeur général d'un fleuron du CAC 40. Le matin même, Patrick Martin, le président du Medef, a donné le ton dans un entretien au Figaro.

« La France a battu, en juillet, le record historique de faillites, avec 5 800 cessations de paiements, a-t-il rappelé. Cela n'était jamais arrivé dans l'histoire. Dans certains secteurs, comme le bâtiment, c'est un massacre ! Autre signe préoccupant : l'intérim, qui est un indicateur avancé, vient d'enchaîner son sixième trimestre de baisse d'activité. Nos décideurs politiques ne peuvent pas faire abstraction de cette réalité. »

Les patrons, petits et grands, ne sont pas rassurés. « L'instabilité politique et l'incertitude ne sont jamais bonnes pour le business, analyse l'ex-président du cabinet de conseil EY à Paris Jean-Pierre Letartre. Quand on voit revenir les débats préhistoriques sur l'ISF et la remise en cause de la politique de l'offre, il y a de quoi s'inquiéter. C'est le signe d'une profonde immaturité. »

La cigale Emmanuel Macron

Depuis la dissolution, 60 % des entreprises de taille intermédiaire (les fameuses ETI, qui emploient entre 250 et 5 000 salariés et dégagent un chiffre d'affaires n'excédant pas 1,5 milliard d'euros) ont choisi de suspendre tout ou partie de leurs investissements en attendant d'y voir plus clair, selon une récente étude du Meti. Compte tenu du poids considérable de l'État dans la vie des affaires hexagonales, on les comprend.

Après avoir chanté tout l'été devant les exploits de Léon Marchand, Teddy Riner, Cassandre Beaugrand et des autres médaillés tricolores, la cigale Emmanuel Macron doit bien se rendre à l'évidence. La bise est là. Croissance atone (0,7 % attendu par le FMI, contre 2,7 % aux États-Unis), productivité en baisse, réindustrialisation introuvable, déficit de la balance commerciale abyssal (– 99,6 milliards d'euros l'an dernier)…

 

 

 

Les tracas d'hier ne se sont pas effacés d'un coup de baguette magique. Au contraire, ils se sont, pour nombre d'entre eux, aggravés ! « Il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout », philosophait l'ancien ministre radical-socialiste Henri Queuille (1884-1970).

En matière de finances publiques, hélas, rien n'est plus faux. La dette de la France, détenue à 54 % par des investisseurs étrangers, augmente en moyenne de 650 millions d'euros par jour. Elle ne sert pas à financer la croissance, comme la précédente majorité nous l'a régulièrement rabâché, mais à éponger un train de vie devenu hors de contrôle.

Trouver 20 milliards par an sur 7 ans

Quels que soient le nom et le parti du prochain locataire de Matignon, celui-ci trouvera, au sommet de la pile des dossiers urgents, le rétablissement des comptes de la nation. Bon courage à lui ! Le président lui laisse une sacrée ardoise : 1 000 milliards de dette supplémentaire depuis son arrivée à l'Élysée et zéro piste sérieuse de réduction des dépenses publiques.

Déjà placé en procédure de déficit excessif par Bruxelles, l'Hexagone doit présenter, le 20 septembre, le programme de désendettement qui lui permettra de revenir promptement sous les 3 % de déficit (contre 5,5 % en 2023). Les gentils camarades de la zone euro nous ont dans le collimateur. Au lendemain des législatives, le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a mis en garde contre une « tragédie » sur le plan budgétaire si d'aventure le futur Premier ministre français entendait mener une politique trop laxiste.

Ensuite, le premier mardi d'octobre, le gouvernement devra déposer le projet de loi de finances pour l'année à venir sur le bureau de l'Assemblée nationale. C'est la loi. Admettons que la nouvelle équipe, aidée par les hauts fonctionnaires de Bercy, réussisse ce sprint, encore faudra-t-il que son plan passe la barre. Or c'est loin d'être gagné tant la situation budgétaire s'est très fortement envenimée depuis la fin de la pandémie.

« Les pays européens qui sont allés moins loin que nous dans le “quoi qu'il en coûte”, qui était pourtant censé sauver l'économie, s'en sortent aujourd'hui nettement mieux, observe Christopher Dembik, économiste et conseiller en investissement chez Pictet AM. Le prochain gouvernement va devoir remettre les finances publiques sur une trajectoire de déficit soutenable. Dans un monde idéal, il faudrait trouver 20 milliards par an sur sept ans. Sinon, l'ajustement sera plus brutal. »

Fâchés avec l'arithmétique

L'ex-économiste en chef du FMI Olivier Blanchard, classé à gauche, ne dit pas autre chose. Selon lui, notre pays ne peut pas procrastiner davantage. Comme l'ont fait dernièrement le Portugal, la Pologne ou l'Italie, il doit se mettre au régime minceur, c'est-à-dire, dégager entre 10 et 20 milliards d'euros par an. « Les nouvelles règles budgétaires européennes permettent en principe un ajustement sur sept ans s'il est accompagné de réformes importantes », précise-t-il.

Pourquoi un tel effort est-il nécessaire ? Parce que, sans cela, l'État n'aura plus beaucoup de marge de manœuvre. La charge des intérêts de la dette, attendue à 46,3 milliards d'euros cette année, devrait s'élever à 72,3 milliards en 2027, soit 9 milliards de plus que le budget de l'Éducation.

 

 

 

La dette, c'est un peu comme les termites. À court terme, elle est presque invisible. Mais, à long terme, elle ronge une partie de l'économie d'un pays et de sa puissance publique. Nos élus ont-ils pris conscience du problème ? Tout porte à croire que non. La plupart d'entre eux sont même sérieusement fâchés avec l'arithmétique, comme le prouve le débat sur les retraites.

Orage sur les marchés financiers

Alors qu'en 1970 on comptait quatre cotisants pour un retraité et que l'âge de départ minimal était fixé à 65 ans, le rapport est désormais de 1,5 actif pour un retraité avec un âge de départ minimal à… 64 ans. Intenable. Or les deux tiers des députés, ceux du Nouveau Front populaire et ceux du Rassemblement national, militent pour un guillotinage express de la réforme Borne, qui, pourtant, était loin d'équilibrer le régime.

Marine Le Pen a d'ailleurs annoncé la couleur. Elle prévoit d'utiliser sa « niche parlementaire » du 31 octobre pour obtenir sa suppression. « On verra alors qui est du côté de la justice sociale… ou pas ! » s'est-elle enflammée sur le réseau social X. Pour l'heure, nul ne sait si le NFP acceptera de voter la proposition du RN.

Mais une chose est sûre : si elle venait à être adoptée, ce serait l’orage sur les marchés financiers. « Octobre, ce sera pile le moment où l’agence de notation Standards & Poors, qui a déjà dégradé la France d'un cran cette année, examinera notre économie pour rendre une note en novembre. Or ses analystes sont très réceptifs au sujet des retraites, alerte Christopher Dembik. En cas d'abrogation, le risque d'une nouvelle dégradation est réel. »

Un « moment Liz Truss »

En outre, les agences sont très attentives au contexte social. « Or, si on a un gouvernement dirigé par une personnalité issue de la droite, la CGT a promis de tout bloquer », s'inquiète Marc Touati, économiste et président du cabinet Acdefi.

À l'entendre, un gadin supplémentaire serait une catastrophe : « L'écart des taux entre la France et l'Allemagne est actuellement de 70 points de base. Ce n'est pas alarmant, mais c'est au plus haut depuis 2012. Si les agences nous dégradent à nouveau, tout pourrait dégringoler très vite. Or, une fois qu'on a touché le fond de la piscine, il est très dur de remonter. Pour rappel, le PIB de la Grèce est aujourd'hui de 20 % inférieur à son niveau de 2008. Les Français risquent de payer au prix fort leur inculture économique. »

 

 

 

En se refusant à nommer un Premier ministre NFP, Emmanuel Macron a écarté un danger majeur. « En cas de désignation de Lucie Castets, il aurait pu y avoir un “moment Liz Truss”, tant son programme repose sur l'argent magique », estime Christopher Dembik. Pour avoir proposé des mesures non financées, l'ex-Première ministre britannique avait été obligée de rendre son tablier au bout de quelques jours, après avoir provoqué un séisme sur les marchés, à l'automne 2022.

 

« Le souci, c'est que la plupart des élus ont un niveau d'expertise économique extrêmement bas, y compris au sein de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. » Nos députés savent-ils, par exemple, que la France, cet « enfer néolibéral », est la contrée dans laquelle la pression fiscale, à 46,2 % du PIB selon Eurostat, est la plus élevée d'Europe ? Ou que, faute d'être assez compétitif, notre Hexagone a chuté, en seulement dix ans, de la 5e à la 7eplace au palmarès des économies mondiales ? Puisque la rentrée est décalée, on pourrait leur prévoir quelques cours de rattrapage.

 

Par (avec Olivier Ubertalli)

https://www.lepoint.fr/economie/la-france-face-au-mur-de-la-dette-urgence-absolue-30-08-2024-2568938_28.php

L’insoutenable légèreté française...

Les consultations mises en scène par Emmanuel Macron à l’Élysée en vue de nommer un Premier ministre ne doivent pas nous faire oublier la situation financière alarmante de notre pays...

S'il faut reconnaître un talent à Emmanuel Macron, c'est bien celui de la mise en scène. L'arrivée des chefs de parti politique par le jardin de l'Élysée pour son opération de « décantation » a donné aux photos un air de garden-party. Tout cela serait délicieux si la situation du pays n'était pas si alarmante.

Bien évidemment, tout gouvernement est, par nature, provisoire. Sauf que le prochain le sera un peu plus que les autres, devant franchir sans élan un mur budgétaire plutôt raide. Mais cette réalité ne semble pas affecter outre mesure le débat français, où l'on paraît penser que la fin de toute chose est d'avoir enfin une liste de ministres.

Tout se passe donc comme si la France ne devait pas présenter le 20 septembre à Bruxelles un plan pour redresser la barre de ses finances publiques, comme si nous n'étions pas parmi les cancres de la zone euro sur ce critère, et comme si nous n'étions pas sous surveillance renforcée des agences de notation et des marchés. Quant au trouble des entreprises, qui, pour beaucoup, ont suspendu leurs investissements depuis la dissolution, il n'empêche visiblement pas tout le monde de dormir.

Oscar Wilde

L'insouciance en la matière ne date certes pas d'hier en France, où l'on a depuis longtemps adopté la position d'Oscar Wilde : « Je vis tellement au-dessus de mes moyens que nous menons, eux et moi, une existence complètement séparée. » On peut néanmoins toujours faire pire, la preuve : déjà, la trajectoire prédissolution nous menait dans le mur de manière assez certaine ; le programme défendu par Gabriel Attal pour les législatives aggravait un peu la perspective ; quant aux délires du RN et plus encore du NFP, là, c'est la banqueroute en chantant.

La controverse se situe donc, pour l'essentiel, entre le très mauvais et le franchement catastrophique. Misère du débat public français, médias compris évidemment… Nous sommes le seul pays d'Europe à vivre aussi loin des réalités. Pourquoi ?

En apesanteur

Nos divagations ne portent d'ailleurs pas que sur l'économie. Les questions aussi simples que l'arithmétique parlementaire donnent lieu à des théories pas beaucoup moins farfelues que celles des apôtres de la terre plate. Il est fascinant d'observer le délire mythomane d'une bonne partie du NFP, qui affirme disposer d'une « majorité » et revendique le pouvoir pour lui, et sa candidate. Ce serait, à les entendre, scandaleux que la prééminence de leurs 193 députés ne soit pas spontanément reconnue par les 384 autres…

(extrait)

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/l-insoutenable-legerete-francaise-29-08-2024-2568864_32.php?

“Maintenant que les Jeux olympiques sont terminés, la France va devoir commencer à payer ses factures. Sa dette publique a augmenté de 650 millions d’euros par jour depuis le début de l’année, auxquels se sont ajoutés plus de 10 milliards durant ces quinze jours de fête mondiale du sport”, prévient le journal madrilène ABC.

https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-l-etranger-les-jo-termines-le-retour-a-la-realite-pourrait-etre-brutal-en-france_221127

Attention, un déficit peut en cacher un autre...

 Seul pays européen à enregistrer un déficit de sa balance courante, la France affiche aussi une position extérieure de plus en plus négative...

« La France est une cigale, nous achetons plus que nous ne produisons, et cela pèse sur notre croissance comme sur notre position extérieure nette. » C'est avec La Fontaine que le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a choisi de résumer le rapport annuel sur la balance des paiements. De lecture indigeste mais édifiante, celui-ci illustre, à grand renfort de statistiques et de tableaux, les profonds déséquilibres économiques du pays, son manque de compétitivité, la dérive de ses comptes publics et son extrême vulnérabilité financière.

Après 31,1 milliards d'euros en 2022, la France a enregistré l'année dernière un déficit de 28,1 milliards d'euros de ses transactions courantes, lesquelles regroupent les échanges de biens, de services et les transferts de revenus de notre pays avec le reste du monde. La France est le seul grand pays de la zone euro à présenter un déficit de sa balance courante, le gouverneur parlant pudiquement d'« une faiblesse singulière ». L'Allemagne a, il est vrai, dégagé l'année dernière un excédent courant de 243 milliards d'euros, les Pays-Bas de 103 milliards, l'Espagne de 37 milliards et l'Italie, avec laquelle la France aime pourtant généralement bien se comparer pour se consoler, de 11 milliards.

Folies dépensières

Dans le détail, il y a eu du mieux ou plutôt du moins mauvais du côté des échanges de biens, avec un déficit ramené l'année dernière à 76,1 milliards d'euros après 132,8 milliards en 2022 grâce à la baisse des prix de l'énergie. L'excédent des échanges de services, un point fort traditionnel de l'économie française, a en revanche fortement diminué (35,5 milliards après 65 milliards), ayant été affecté notamment par le poste transports et la normalisation des tarifs du fret maritime. Enfin, pénalisé par la hausse des taux d'intérêt, l'excédent des revenus d'investissement a quant à lui fondu de près de moitié, passant de 56,2 milliards en 2022 à 31 milliards.

Les capitaux « immigrés » ont heureusement permis de financer le déficit courant avec des entrées nettes de 35,7 milliards d'euros, comprenant des achats de 133 milliards d'euros d'obligations assimilables du Trésor par les investisseurs étrangers, nos sauveurs anonymes. Ils en détenaient fin 2023 un stock total de 1112,7 milliards d'euros, disposant ainsi d'une arme de destruction massive qu'ils risquent d'utiliser dès la rentrée si le budget manque de sérieux et de rigueur. À en juger par les folies dépensières qu'ils continuent de proposer, nos élus n'ont dans leur immense majorité toujours pas pris conscience de cette menace existentielle.

La tour Eiffel aux enchères…

L'enseignement le plus inquiétant du rapport annuel sur la balance des paiements reste toutefois que « la position extérieure nette de la France » à l'égard du reste du monde, c'est-à-dire la différence entre la valeur de ce que nous détenons à l'étranger et celle de ce que les étrangers détiennent chez nous, devient de plus en plus négative. La dette publique nourrissant la dette extérieure, cette position, reflet de la richesse réelle d'un pays, s'est dégradée de 133,5 milliards d'euros en 2023 pour s'établir à – 792,9 milliards, soit 28,1 % du PIB. Il n'y a même pas dix ans, fin 2005, elle était de seulement -35 milliards, soit moins de 2 % du PIB.

À titre de comparaison, le Japon affichait en 2023, selon le FMI, une position extérieure positive de 3 321 milliards de dollars, l'Allemagne de 3 205 milliards, la Norvège de 1 503 milliards et la Suisse de 896 milliards. Non seulement la France ne fait pas partie de ces bienheureuses nations créancières, mais elle figure désormais parmi les plus débitrices au monde avec les États-Unis (-19 770 milliards de dollars), le Royaume-Uni (-1 050 milliards) ou encore le Brésil (-975 milliards). Face au risque croissant de crise de balance des paiements, le futur gouvernement va devoir sérieusement envisager, le cœur lourd, de vendre aux enchères la tour Eiffel, la Joconde et le château de Versailles.

https://www.lepoint.fr/economie/attention-un-deficit-peut-en-cacher-un-autre-25-07-2024-2566404_28.php

La France, future Argentine de l’Europe ?...

Le prochain gouvernement devra impérativement redresser les comptes publics s’il ne veut pas plonger le pays dans la paupérisation....

La dissolution débouche sur le risque de paralysie des institutions en raison d'une Assemblée ingouvernable, déstabilisant la VRépublique, que l'on pensait d'une solidité et d'une plasticité à toute épreuve. Mais la crise politique, par l'instabilité et les incertitudes qu'elle engendre, donne aussi le coup de grâce à une économie exsangue.

Avant la dissolution, l'économie française était malade, cumulant une croissance atone de 0,7 %, la chute de la productivité, la remontée du chômage, un déficit commercial de 100 milliards d'euros témoignant d'une compétitivité profondément dégradée, une perte de contrôle des finances publiques avec un dérapage des dépenses de 6 milliards d'euros et une insuffisance des recettes de 1,4 milliard pour les cinq premiers mois de 2024. Elle est désormais moribonde.

Déversement des aides publiques

L'activité est en panne, du fait de la suspension de toute décision dans l'État depuis mai et de l'arrêt des projets d'investissement et d'embauche des entreprises. L'immobilier, l'agriculture, le secteur financier, directement impacté par la hausse des taux et la déstabilisation de la dette publique, sont sinistrés.

Les faillites affichent une hausse de 20 %. La remontée du chômage vers 8 % de la population active accélère. L'exil des capitaux, des entrepreneurs et des talents a repris. En bref, l'économie française se dirige droit vers la récession. Et les résultats précaires obtenus en termes d'arrêt de la désindustrialisation ou d'attractivité sont annihilés.

Le chaos politique constitue aussi un accélérateur de la crise sociale par les frustrations et le ressentiment qu'il exacerbe. Le blocage de la croissance ne peut que renforcer la paupérisation de la population comme la désertification d'une importante partie du territoire, et ce d'autant que la mise sous surveillance de la dette souveraine interdit la poursuite du déversement des aides publiques. Alors que la France compétitive est encalminée, la France protégée ou exclue attend la réalisation des promesses qui lui ont été faites et que les comptes publics rendent irréalisables.

Rupture majeure

Le changement le plus spectaculaire concerne les finances publiques. La France, alors qu'elle a aligné cinquante années de déficits et vu sa dette s'envoler de 20 à 110 % du PIB depuis 1980, a bénéficié d'une longue impunité de la part des marchés et de ses partenaires européens. Et ce pour trois raisons : sa stabilité politique ; sa dimension systémique pour la zone euro ; la capacité de l'État à prélever plus de 52 % du PIB chaque année.

L'année 2024 marque une rupture majeure. Les élections législatives laissent le pays ingouvernable. La dette est devenue insoutenable dès lors que la croissance nominale est inférieure aux taux d'intérêt. Les recettes ne rentrent plus alors que les dépenses explosent. Les taux de la dette française se tendent, et l'écart se creuse entre l'OAT et le Bund allemand. Or une hausse d'un point des taux sur la dette française coûte 2,5 milliards sur l'année en cours, mais 15 milliards à cinq ans et 30 milliards à dix ans.

Le regard porté sur la France par le monde extérieur s'est ainsi radicalement transformé avec la dissolution. L'impunité a fait place au soupçon. Notre pays est perçu comme un risque pour lui-même comme pour la zone euro. La dette française, à l'instar de celle du Royaume-Uni depuis la tourmente déclenchée par Liz Truss en 2022, est placée sous surveillance.

Les marchés finissent toujours par l'emporter

Les agences de notation ont indiqué qu'elles dégraderaient la signature française, ce qui implique une hausse des taux, si le redressement des comptes n'est pas engagé dès cette année. Les marchés appliquent une prime de risque avec l'Allemagne inédite depuis le début des années 2010.

La Commission européenne a notifié le 8 juillet l'engagement d'une procédure pour déficit excessif et mis en demeure notre pays de présenter pour le 20 septembre un plan crédible pour ramener le déficit à 3 % du PIB. Enfin, l'Allemagne, par la voix de son ministre des Finances, a indiqué qu'elle s'opposerait à ce que la France puisse bénéficier du mécanisme de stabilité de la BCE en cas de choc financier. La France se voit ainsi rattrapée par l'implosion de son modèle de décroissance à crédit. Elle court droit à une tourmente financière majeure. Sa dette souveraine est en effet d'autant plus vulnérable qu'elle est détenue à 55 % par des investisseurs étrangers. Par ailleurs, les entreprises sont également surendettées à hauteur de 155 % du PIB.

Et le CAC 40 dépend de l'étranger à hauteur de 40 % de sa capitalisation. Or la Grèce d'Alexis Tsipras, l'Italie de Silvio Berlusconi puis le Portugal d'Antonio Costa ont montré à la fois que l'euro n'était pas une protection absolue et qu'à la fin les marchés l'emportaient toujours. La France se trouve donc à un moment critique de son histoire. En cherchant à maintenir son modèle d'économie administrée et en faisant le choix de la dette contre la production, elle a décroché en s'excluant du cycle de la mondialisation. Elle s'est mise dans l'incapacité de répondre aux défis du XXIsiècle, qu'il s'agisse du vieillissement, de la révolution de l'intelligence artificielle, de la transition climatique ou du réarmement.

Explosion du chômage et de la pauvreté

Si elle devait refuser de s'adapter à la nouvelle ère inaugurée par l'invasion de l'Ukraine et placée sous le signe du retour en force de la souveraineté, elle ne s'exposerait pas seulement à une violente crise financière, mais prendrait le risque de sortir rapidement des dix premières puissances économiques du monde. Elle deviendrait l'Argentine de l'Europe ; l'Argentine qui a payé au prix fort son basculement dans le populisme en se voyant ravalée depuis 1950 de la 9e à la 26place des économies mondiales tandis que la richesse par habitant chutait du 12e au 70e rang.

Voilà pourquoi il nous faut saisir la chance paradoxale du retour d'une forte contrainte extérieure pour réformer enfin notre pays. Le principe de réalité ne s'incarne plus comme en 1983 par une crise des changes, mais par une brutale hausse des taux d'intérêt qui dévasterait les comptes de l'État comme ceux des entreprises.

Cette nécessité s'imposera au gouvernement quel qu'il soit. Il devra planifier la disparition du déficit primaire, qui atteint 3,5 % du PIB, ou bien subir la sanction des marchés et de nos partenaires européens, avec à la clé, comme en Grèce, une forte amputation du PIB ainsi qu'une explosion du chômage et de la pauvreté.

 

La France n'a pas seulement besoin d'un gouvernement pour conjurer la menace du chaos. Il lui faut un gouvernement suffisamment légitime et compétent pour reprendre le contrôle des comptes publics et éviter la crise financière qui vient, mais surtout pour faire enfin le choix de la modernisation contre celui du déclin.

Nicolas Baverez

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/la-france-future-argentine-de-l-europe-22-07-2024-2566135_32.php

La France ne peut plus laisser filer son déficit public...


Le chapitre finances publiques révèle une situation alarmante. Les données de Bercy montrent un nouveau dérapage du déficit public sur les 4 premiers mois de l’année à près de 92 milliards d’euros. Aussi, selon le FMI, la France et l’Italie sont les deux seules économies dont le taux d’endettement public soit à la fois supérieur à 110% du PIB et voué spontanément à s’alourdir au cours des 5 prochaines années. Ce n’est pas de bon augure, d’autant que la dette publique française est majoritairement détenue par des investisseurs étrangers qu’il faut rassurer sous peine de voir grimper les taux. Relèvement des prélèvements obligatoires et/ou réduction des dépenses publiques sont les deux seules options. Celle de laisser filer le déficit n’en est plus une, la France est sous procédure pour déficit excessif avec Bruxelles comme arbitre.

https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Quel-est-l-etat-de-l-economie-francaise-_3752963.html?utm_source=sendinblue&utm_campaign=XC050724&utm_medium=email

Finances publiques: en finir avec l’obscurantisme...
Le débat d’orientation et de programmation des finances publiques qui s’est déroulé lundi à l’Assemblée nationale a démontré par l’absurde le triste mépris avec lequel notre pays traite ses finances publiques
 
Des discussions stériles dans un hémicycle désert : le débat d’orientation et de programmation des finances publiques qui s’est déroulé lundi à l’Assemblée nationale a démontré par l’absurde le triste mépris avec lequel notre pays traite ses finances publiques.

Le manque de culture économique autorise toutes les outrances. A gauche, socialistes et insoumis dénoncent main dans la main une « cure d’austérité » alors que la dépense publique a augmenté de 300 milliards d’euros depuis 2017. Ils affirment doctement qu’avec plus de 3 000 milliards d’euros de dette « il n’a pas de péril en la demeure » et que la solution pour régler le problème est simple : « Tax the rich ! ». La droite est absente, inaudible. Le RN attaque, mais se ridiculise avec comme seule stratégie de redressement, illusoire, la lutte contre l’immigration.

Entre les deux, les paroles du gouvernement sont les bonnes : « réduction des déficits », « refus des hausses d’impôt », « maîtrise de la dépense », « réformes structurelles pour plus de travail, plus de croissance, plus de recettes »... Mais les actes ? La brutale réalité, c’est que sous Emmanuel Macron, les déficits ont doublé passant de 75 à 150 milliards d’euros par an, et que la dette a bondi de 1 000 milliards d’euros. Plus que jamais, la France est le mauvais élève de l’Europe.

L’état des finances publiques reflète l’état d’une société. Les nôtres sont catastrophiques. Rien ne changera tant que la population, dès le plus jeune âge, ne sera pas éduquée aux savoirs de bases en matière de finances publiques. Or pour l’heure, seuls 10% des 18-30 ans se disent correctement informés sur fonctionnement d’un système qui constitue pourtant le ciment de la nation. Cette éducation est indispensable pour sortir de l’ignorance sur laquelle surfe une partie de la classe politique. C’est déterminant pour l’avenir du pays.

Raphael Legendre

https://www.lopinion.fr/economie/finances-publiques-en-finir-avec-lobscurantisme?utm_campaign=Edition_de_7h30&utm_medium=email&utm_source=newsletter&actId=ebwp0YMB8s3YRjsOmRSMoKFWgZQt9biALyr5FYI13OrzvX4JyQgixkaJzpCEBODB&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=509464

Déficit: l’incroyable fuite en avant...
En dépit des évidences, Emmanuel Macron persiste : la croissance lui permettra de laisser une France avec des comptes en ordre. De plus en plus, le doute s’installe

Le « programme de stabilité » qu’il s’apprête à envoyer Bruxelles ne dit pas autre chose. Peu importe la stupéfiante sortie de route du déficit en 2023, il promet un retour sous les 3 % du PIB en 2027.

Mais « faire tapis » avec une paire de sept dans la manche est toujours un pari risqué. Car quelle est la situation en ce début d’année ? La croissance est atone, le chômage repart à la hausse et les recettes ne rentrent plus dans les caisses de l’Etat.

Et si l’on ne peut que souhaiter un retour à meilleure fortune, un rapide coup d’œil dans le rétroviseur incite tout de même à une prudence appuyée. Car si le rétablissement de nos comptes repose désormais sur une croissance moyenne de 1,25% d’ici 2027, elle n’a pas dépassé 1% en moyenne depuis l’élection d’Emmanuel Macron. C’est un cinquième de moins.

D’autant que les menaces sur la croissance sont loin de s’apaiser, entre probable durcissement de la guerre en Ukraine, l’élection de Donald Trump, le possible embrasement du conflit au Moyen-Orient ou encore la montée des tensions en Indopacifique.

Ce qui a augmenté en revanche, ce sont les dépenses publiques. Après avoir bondi de 315 milliards d’euros en six ans, le Président promet désormais de limiter la progression à 30 milliards d’euros d’ici 2027. Dix fois moins. Comment le croire ? Fin 2024, Emmanuel Macron aura cumulé à lui seul 1 000 milliards de dette.

C’est le dernier Programme de stabilité que la France envoie à Bruxelles. En 2025, il sera remplacé par un « Programme d’investissements et de réformes » (PIR), comme demandé par la Commission européenne. Gageons que son scénario macroéconomique reposera toujours sur une croissance optimiste.

Certains en rigolent déjà : le PIR est à venir.

Raphael Legendre

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Finances publiques : le piège du mensonge sur les retraites...
Trucages et manipulations ont permis de masquer la réalité quasi-mathématique du déséquilibre structurel de la branche vieillesse. Ils rendent aujourd’hui tout redressement illusoire.
 

Soyons lucides : la France ne réussira pas à redresser ses finances publiques d’ici à 2027. L’imprévoyance coupable du gouvernement, le déni du PS, l’incompétence de LFI et du RN, les reniements de LR auront tous contribué à précipiter le krach budgétaire. Mais la perte de contrôle sur les déficits, nourrie par cet aveuglement commun, remonte en fait à... la réforme des retraites. Censé éclairer le débat, le Conseil d’orientation des retraites aura contribué à l’obscurcir pour mieux le fausser. C’est terminé !

Dans une note préparatoire au prochain rapport, le nouveau président du COR tente une opération vérité qu’il faut saluer. Elle consiste à ne retenir qu’un seul scénario (et pas trois !), basé sur une hypothèse réaliste de productivité – un indicateur clé pour prévoir les recettes. C’est donc la fin d’une confusion savamment orchestrée, visant à afficher un équilibre aussi artificiel que trompeur ! Le COR devrait aller plus loin encore, et dénoncer cette convention comptable absurde qui éclipse 48 milliards de sur-cotisations versées par l’Etat et les collectivités aux agents retraités.

Bercy l’a dit : pas de recul des dépenses sans réduction de leur volet social (le plus élevé au monde). Mais le rendez-vous manqué de 2023 l’empêche d’enchaîner : pas de baisse significative des dépenses sociales sans diminution de la charge des retraites – la moitié du total. Et pas non plus de résorption structurelle du déficit public, causé pour les deux tiers par le déséquilibre réel de la branche vieillesse. Trucages et mensonges ont permis de masquer cette réalité quasi-mathématique. Ils rendent aujourd’hui tout redressement illusoire.

Gouverner, c’est contraindre, assurait Pompidou : « C’est conduire les hommes collectivement vers des objectifs qui ne leur sont ni naturels, ni clairement perceptibles. » Vers une nouvelle réforme des retraites ?

Rémy Godeau

https://www.lopinion.fr/politique/finances-publiques-le-piege-du-mensonge-sur-les-retraites?utm_campaign=Edition_de_7h30&utm_medium=email&utm_source=newsletter&actId=ebwp0YMB8s3YRjsOmRSMoKFWgZQt9biALyr5FYI13OrzvX4JyQgixkaJzpCEBODB&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=509121

« Faire voter un budget et supprimer ensuite 10 milliards, ça ne s’est jamais vu », dénonce un sénateur LR...

 

Le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, dénonce une « rétention d’information » de la part du gouvernement et annonce « une période qui va être difficile »

Le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, a effectué jeudi 21 mars un « contrôle sur pièces et sur place » au ministère de l’Economie et des Finances, après avoir appris dans la presse que le déficit pourrait s’envoler au-delà de 5 % du PIB, et suite à une soirée de réunions de crise à l’Elysée. 20 Minutes lui a demandé de partager ses découvertes.

Pourquoi avez-vous décidé d’un contrôle et comment cela s’est passé ?

C’est simple, on a procédé à l’évaluation et au contrôle des dépenses au titre des pouvoirs dont dispose le Parlement. Pour quelle raison ? La presse a fait état d’une réunion de crise du pouvoir parce qu’un déficit de 5,6 % était annoncé au lieu de 4,9 %. Comme cela ne vient pas du jour au lendemain, j’ai souhaité savoir s’il y avait une antériorité des données et des éléments qui n’avaient pas été portés à notre connaissance. On a été bien reçus à Bercy [ministère des Finances], on a rencontré les services qu’on souhaitait, les directions de services, qui nous ont présenté les éléments. On leur a demandé depuis quand ils avaient les indicateurs, et lesquels.

Qu’avez-vous découvert ?

On a découvert qu’il y avait des indicateurs dès le début de l’automne qui laissaient entrevoir un affaissement des rentrées fiscales de TVA notamment dès octobre, et des notes dès début décembre qui mentionnaient que le déficit risquait de dépasser les prévisions portées dans le projet de loi de finances, donc le budget pour 2024. Je considère qu’il y a eu une rétention d’information, le gouvernement aurait pu faire état de correctifs. Je ne porte pas de jugement, mais ce qui est avéré c’est que le gouvernement aurait pu nous informer, je le constate. Quand la situation se dégrade, on n’explique pas que la croissance va être à 1,4 %. Et d’ailleurs le ministre a prévu une annulation de crédit de 10 milliards d’euros 50 jours après le vote du budget. Or en 50 jours, le monde ne s’est pas subitement écroulé. On a un problème de fonctionnement de notre démocratie. On fait l’examen du budget et on nous laisse travailler avec des hypothèses qui sont fausses. Faire voter un budget et supprimer ensuite 10 milliards d’euros 50 jours après, ça ne s’est jamais vu sous la Ve République.

Vous parlez aussi d’un « déficit jamais connu sous la Ve République à ce niveau hors période de crise ». Mais est-ce que ce déficit n’est pas le résultat de la crise Covid ?

Non, l’impact de la crise Covid n’explique pas du tout le déficit actuel, d’autres pays ont eu la crise Covid et se sont remis sur pied plus vite. Le déficit budgétaire était en moyenne avant 2020 de 90 milliards d’euros, aujourd’hui il est depuis 2020 de 150 milliards d’euros. Si vous ne réduisez aucune dépense et que vous faites pleuvoir des milliards, sans faire d’économies sur rien, c’est une machine infernale. Le gouvernement aura augmenté la dette entre 2017 et 2024 de 900 milliards d’euros, c’est presque un tiers de la dette. La France est le pays développé qui a les dépenses publiques les plus élevées. Et on a un niveau de prélèvements obligatoires plus élevé qu’à la fin du quinquennat de [François] Hollande.

Les prévisions sont de 5,7 % de déficit en 2024, 5,9 % en 2025… Pourquoi c’est grave et quelles peuvent être les conséquences ?

Quand la dette augmente, vous avez des conditions de refinancement de cette dette moins favorables. Quand vous avez de bons résultats, vous avez de meilleurs taux. Derrière c’est la réussite d’un pays, sa vitalité, sa capacité à créer de la richesse [qui est en jeu]… La dette sera le premier budget de l’Etat devant l’Education nationale, la justice, la défense… Nous sommes sur un tapis de bombes.

Que faut-il faire ? Yaël Braun-Pivet propose ce matin une contribution « exceptionnelle » des grandes entreprises en cas de « superprofits » ou de « superdividendes » et LFI veut rétablir l’ISF. Vous êtes d’accord avec l’une ou l’autre de ces propositions ?

On a proposé 7 milliards d’économies dans le dernier budget. Le gouvernement les a repoussées. Mais la situation aujourd’hui est encore plus grave, ça ne va pas suffire. On a besoin d’un peu de temps, et d’abord d’un bon diagnostic. Je ne suis pas Merlin l’enchanteur. La question c’est qu’est-ce que le gouvernement va proposer ? S’il nous donne deux claques, la colère va revenir. La volte-face de celui qui a creusé le trou, c’est un peu léger. On rentre dans une période qui va être difficile. On va essayer d’être utile au service de la France. Ce n’est pas du chacun pour soi qu’il faut, c’est du chacun pour tous. Si on veut ramener de la confiance aux Français, cela ne se fait pas en claquant dans les doigts, il faut recréer un climat. Vous avez un gouvernement qui décide à l’emporte-pièce, sans l’aval des élus locaux, du parlement… Il faut d’abord réinstaurer cette confiance

Propos recueillis par Aude Lorriaux

https://www.20minutes.fr/economie/4082765-20240322-finances-faire-voter-budget-supprimer-ensuite-10-milliards-ca-jamais-vu-denonce-senateur-lr

 

Dette: la Cour des comptes, lanceur d’alerte impuissant....
Faut-il réduire les 800 magistrats de la rue Cambon à des pleureuses aussi sonores qu’inoffensives ?

« La France est un pays riche qui vit à crédit, sacrifie l’avenir à la conservation des avantages acquis et clochardise son Etat. Réformer ou abdiquer ? A nous de choisir. » Signé Roger Fauroux et Bernard Spitz, ce constat n’a pas pris une ride. Il date pourtant de... 2004. Dans le même livre, Etat d’urgence, Jacques Mistral diagnostiquait la faillite de l’Etat providence et Nicolas Baverez taclait : « La déliquescence de la décision publique se manifeste par la situation de banqueroute des finances publiques. » Vingt ans plus tard, le choix apparaît plus limpide que jamais : le pays a capitulé, préférant le mensonge à la vérité, la facilité à l’effort.

En lanceur d’alerte impuissant, la Cour des comptes va encore sonner le tocsin. A l’occasion de son rapport annuel, ce mardi, son premier président, Pierre Moscovici, va rivaliser de punchlines provocatrices pour tenter de réveiller le pays (2023 : « Si on ne fait rien, l’explosion de la dette va paralyser l’action publique »). Comme Didier Migaud avant lui (2011 : « La dette est un poison lent »). Comme Philippe Séguin avant eux (2009 : « Gare à l’explosion de la dette »). Des hallalis tout sauf performatives : en deux décennies, la dette publique a quasi triplé, ajoutant 2 100 milliards d’euros à la facture de nos inconséquences.

Faut-il dès lors réduire les 800 magistrats de la rue Cambon à des pleureuses aussi sonores qu’inoffensives ? En démocratie, la transparence paie toujours. Et puis la Cour peut sanctionner les comptables publics. Sans oublier qu’elle certifie les comptes de la nation. Mais étalées sur des millions de pages, ses « recommandations » restent trop souvent lettres mortes, les ministres incriminés évasifs et insincères dans leurs réponses, nos dirigeants hypocrites dans leurs promesses de redressement. Rien qui ne prépare l’indispensable remise à plat la plus profonde depuis l’après-guerre.

Rémi Godeau

https://www.lopinion.fr/economie/dette-la-cour-des-comptes-lanceur-dalerte-impuissant?utm_campaign=Edition_de_7h30&utm_medium=email&utm_source=newsletter&actId=ebwp0YMB8s3YRjsOmRSMoKFWgZQt9biALyr5FYI13OrzvX4JyQgixkaJzpCEBODB&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=508960

Finances publiques: ces mensonges à dénoncer pour éviter la faillite...
La promesse de réduire les dépenses ? Une hypocrisie – les technos de Bercy font passer de moindres hausses pour des baisses...

Nous y sommes. Après un demi-siècle de désordre financier, la France se trouve au pied du mur de la dette. Des recettes fiscales anémiées par une croissance molle ont suffi à rendre l'équation budgétaire intenable. Et voilà le ministre des Finances contraint dans Le Monde de sonner le tocsin (« Ce n’est pas un coup de rabot, mais un frein d’urgence »), de hausser le ton (« L’Etat devient une pompe à fric »), de briser un tabou – il faudra s’attaquer aux dépenses sociales – et de promettre des dizaines de milliards d'économies, à un niveau jamais vu. Des mots chocs, mais après ?

 

Alors, que faire ? Nommer les choses : dire que la tactique de surévaluation de la croissance n’est pas du volontarisme, mais un mensonge d’Etat, dans un but de manipulation comptable digne de Ponzi. Expliquer que le pari de tout miser sur la croissance pour maintenir à flot un modèle social obsolète n’est qu’une facilité fatale, car elle justifie des dépenses sans limites et un report perpétuel des réformes structurelles. Admettre que la promesse de réduire les dépenses relève de l’hypocrisie – les technos de Bercy font passer de moindres hausses pour des baisses... et qu’en 2025, il faudra trouver 20 milliards d’euros d'économies sauf à – encore – trahir nos engagements européens. Autant le dire : l’administration ne saura pas faire.

Emmanuel Macron s’est trompé : la création de richesse et d’emplois n’a pas permis le redressement. Pire, taxes et dépenses excessives étouffent la croissance. Il faut désormais tailler à contre-cycle. Et l’argent public que l’on distribue à tout vent n’est qu’une fiction. Nos dirigeants devraient avoir honte de gaspiller sans discernement l’argent prélevé sur le labeur des contribuables. Quant au génie français, cette arrogance ne trompe plus personne. La perte de contrôle progressive des finances publiques prépare le décrochage. Nous y sommes.

Remy Godeau

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Toujours plus de fonctionnaires, la collectivisation pour les nuls...
Tout se passe comme si l’Etat n’avait plus la main sur ses ressources humaines et qu’il s’en désintéressait, oubliant au passage qu’à chaque emploi créé, c’est soixante années de salaires et de retraites qu’il engage devant les Français

Les Anglais appellent cela le « benign neglect », expression difficilement traduisible qui caractérise le fait de refuser de voir une difficulté qu’on est pourtant tenu de régler. Une sorte de négligence coupable, comme celle des gouvernements qui continuent, année après année, à augmenter l’emploi public dans un pays déjà sur-administré. Comme si le déficit de nos comptes n'était qu’un concept, comme si la dette n’était qu’une statistique.

 

L’an dernier, l’emploi public a bondi de 60 000 postes, ce qui porte à plus de 100 000 le nombre d’emplois créés dans le pays depuis la Covid. Plus grave, les chiffres de l’Insee montrent que, dans les derniers mois de 2023, le nombre de salariés du secteur privé a diminué, alors qu’il bondissait dans le public. Si l’on prolongeait cette courbe, cela donnerait un exemple pur et parfait de collectivisation rampante de notre société.


Le plus stupéfiant est que cela survient alors que la triade Elysée-Matignon-Bercy jure à qui veut l’entendre que, cette fois ça y est, le « quoi qu’il en coûte » est terminé, que la gestion des finances publiques est désormais serrée, et que les coupes budgétaires ne font que commencer. Tout se passe comme si l’Etat n’avait plus la main sur ses ressources humaines et qu’il s’en désintéressait, oubliant au passage qu’à chaque emploi créé, c’est soixante années de salaires et de retraites qu’il engage devant les Français.

 

Dans quelques semaines, les rabat-joie des agences internationales de notation regarderont, interloqués, ces chiffres de l’emploi public. Ils viendront grossir la colonne des « moins » dans l’attribution d’une note à la dette de la France. Au risque d’aboutir à une humiliante dégradation de notre notation, synonyme d’un peu de perte de souveraineté. Une autre forme de « benign neglect ».

Nicolas Beytout

https://www.lopinion.fr/politique/toujours-plus-de-fonctionnaires-la-collectivisation-pour-les-nuls?

Jean Peyrelevade : « Les fictions de Bruno Le Maire sur les finances publiques ne nous tireront pas d’affaire »
Une crise des finances publiques en France paraît inéluctable, estime Jean Peyrelevade, qui déplore le déni général dans ce domaine 
 
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Les faits - 

Conseil d’entreprises et investisseur, Jean Peyrelevade a été directeur adjoint du cabinet du Premier Ministre Pierre Mauroy entre 1981 et 1983. Il a ensuite présidé de grandes institutions financières (Suez, l’UAP, le Crédit Lyonnais). Il commente les 10 milliards d’euros de mesures d'économies budgétaires détaillées par Bercy en début de semaine.

 
Que pensez-vous des annonces récentes de Bruno Le Maire sur les économies à faire ?

Les dirigeants politiques, tous confondus, sont dans un déni complet des réalités sur le sujet des finances publiques. C’est particulièrement grave pour Bruno Le Maire, car il est en responsabilité. Ces dernières mesures sont, de mon point de vue, monstrueusement irresponsables. Il faut prendre la peine de décomposer les dépenses publiques, ce que personne ne fait à part quelques rares économistes. Elles représentent 58 % du PIB, dont 32 % en dépenses sociales. Par définition, celles-ci devraient être à tout moment équilibrées, puisque c’est du transfert, vous prenez aux uns pour donner aux autres. Dans les 5 % de déficit budgétaire, ces dépenses sociales représentent 3,5 %, elles sont donc le cœur du sujet.

 

Hors ces transferts, il reste 25 % pour l’Etat et les collectivités locales, dont 15 % pour les seules fonctions régaliennes de l’Etat, soit 400 milliards d’euros par an. Or, le ministre de l’Economie ne touche pas à la Sécurité sociale, il annonce vouloir réduire les dépenses de l’Etat. Il avait déjà prévu 12 milliards d’euros, cela fait donc 22 milliards avec les dernières annonces. C’est-à-dire 5 % de baisse en deux ans, alors qu’il faut augmenter les professeurs, les infirmières, les policiers… Cela n’a pas une once de crédibilité.

 
Ces mesures peuvent-elles être qualifiées de « tournant de la rigueur » ?

La bataille qu’on a dû mener en 1983 contre François Mitterrand, avec Pierre Mauroy et Jacques Delors, les critiques de ceux qui nous accusaient de trahir les idéaux de la gauche, tout cela, c’était une plaisanterie par rapport à la situation d’aujourd’hui. La seule vraie question à laquelle on a eu à répondre à l’époque, c’était de casser un taux d’inflation à 14 %. Nous avions des déséquilibres économiques puisqu’en six mois, le plan de François Mitterrand avait fabriqué une relance de l’ordre de 1 à 1,5 point du PIB. Le tournant de la rigueur consistait à récupérer un peu ce surplus de croissance. En 1984, tous les équilibres avaient été rétablis. Les enjeux étaient minuscules par rapport à aujourd’hui.

 
Que faut-il faire sans risquer de provoquer de vastes mouvements sociaux ?

Comment voulez-vous que les gens comprennent quelque chose qu’on leur cache ? Prenez la réforme des retraites. Elle s’est appuyée sur un rapport du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) qui racontait n’importe quoi, notamment que dans le futur, le poids des retraites allait baisser. C’est faux. Le problème des retraites, c’est la fonction publique. L’essentiel du déficit public venant des dépenses sociales, il faut explorer ça de près. Il manque 60 à 70 milliards d’euros pour équilibrer le système des retraites, cela correspond grosso modo au coût du régime de la fonction publique, pris en charge par le budget de l’Etat. Il faut tenir un discours de vérité aux Français. Tant que le problème n’est pas mis sur la table, nous allons vers une dégradation de la note, et une hausse des taux d’intérêt, la méfiance des prêteurs, et une réaction de Bruxelles. D’ici à 2027, le coût de la dette va augmenter de 50 milliards euros, soit deux fois les économies prônées par Bruno Le Maire. C’est insupportable.

Emmanuel Macron est-il en train de faire deux quinquennats pour rien ?

Pour rien, non mais pas loin. A l’époque des discussions entre Pierre Mauroy et Jacques Delors, il était toujours question d’une vision globale sur l’économie française. Avec une seule faute que j’assume, l’abaissement de l’âge de la retraite. Emmanuel Macron n’a pas de vision globale du pays et surtout de son économie. Il n’a que des visions partielles. Il a compris qu’il fallait essayer d’augmenter le taux d’emploi, il fait des choses utiles, l’apprentissage ça fonctionne bien. Mais il ne s’est rien passé depuis sept ans sur l’emploi des seniors, on commence juste à en discuter. La réforme de l’assurance-chômage est une bonne chose, mais c’est un tout petit sujet face à l’ampleur de la détérioration des finances publiques. En matière de fiscalité sur l’appareil productif, il y a eu des améliorations, mais nettement moins que sous le quinquennat de François Hollande. Et il en a fait autant pour les ménages, ce qui est une bêtise puisqu’on le retrouve dans le déficit. Alors que Bruno Le Maire court derrière 25 milliards de baisse des dépenses de l’Etat, la suppression de la taxe d’habitation – que personne ne demandait – plus les Gilets jaunes, ça a coûté 45 milliards. A part ça, la réindustrialisation reste du verbe pour l’instant. Pour être plus efficace, il aurait fallu concentrer les efforts fiscaux sur l’appareil productif.

Que suggérez-vous ?

L’une des réformes fondamentales que je préconise, c’est d’enlever le financement social de l’appareil productif et de le compenser par une augmentation de la CSG. Dans le projet de « desmicardisation » de la France, on se rend compte à quel point les prélèvements sont élevés dès qu’on franchit le seuil d’exonération. Je ne vois pas un seul dirigeant politique conscient du problème. Le rapport Pébereau a tiré l’alarme en 2005, mais à l’époque, on regardait le déséquilibre global des finances publiques, pas sa décomposition.

Vous êtes particulièrement inquiet sur l’état des finances publiques...

Je pense en effet que tout ceci va se terminer par une crise des finances publiques. Tous les autres problèmes sont de long terme. La réindustrialisation ? Si on ne fait pas assez, le déclin peut continuer pendant des décennies. Améliorer l’éducation ? Nous chuterons un peu plus bas dans les classements Pisa si nous continuons à ne pas prendre les bonnes mesures. Le pays peut rester en déclin long sur à peu près tous les sujets, sauf les finances publiques. Le jour où ça craque, ça craque...

La France n’est-elle pas « too big to fail » ?

Dans le passé, la Grande-Bretagne a vu arriver le FMI à son secours. Si vous êtes « too big to fail », vous avez des appuis, mais ils ne sont jamais gratuits. Il faudra obéir à ce que nous demandera l’Europe. Ce ne sont pas les fictions de Bruno Le Maire qui nous tireront d’affaire. Un ministre des Finances qui raconte des histoires, c’est la pire des choses. Il crée des illusions alors que son sort est de se faire taper dessus, en disant des choses désagréables à entendre.

Irene Inchauspé

Muriel Motte

21/02/2024

 

Dette publique: le grand basculement
Dans une volte-face rare, l’ancien chef économiste du FMI alerte désormais sur l’entrée possible dans une nouvelle ère ou les taux d’intérêt deviendraient durablement supérieurs à la croissance. Ce qui obligerait les Etats occidentaux à devoir gérer leurs finances beaucoup plus prudemment, sauf à risquer l’envolée de leur taux d’endettement. Incapable de redresser la barre quand l'économie va bien, la France est en première ligne
 
Les faits -

Avec un déficit de plus de 3 % avant même le paiement des intérêts de sa dette et un fardeau de plus de 110 % du PIB, la France va devoir réduire fermement ses déficits. Une cure de sevrage d’autant plus difficile à faire accepter qu’elle intervient après le « quoi qu’il en coûte ».

L’avertissement est signé Olivier Blanchard, l’ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI). Voilà des années que cet expert, très respecté dans la profession, défend l’idée que les États peuvent assumer des déficits sans trop se faire de soucis grâce à des taux d’intérêt faibles pour très longtemps. Plus exactement, grâce à des taux d’intérêt durablement inférieurs au taux de croissance de l’économie.

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Dépenses publiques: l’abdication budgétaire
Dans une autocritique affligeante, Jean-Pierre Jouyet, quintessence de la haute administration, décrit «cette défiance envers l’Etat gestionnaire, déconsidéré pour avoir laissé la dette se creuser tandis que les services publics tombaient en déshérence»
 
Déclinisme et colère. L’humeur dépressive des Français mesurée par Ipsos-Sopra Steria trouvera matière à éruption avec le budget pour 2024, en commission depuis mardi. Le sentiment de déclassement ? Impossible d’y échapper alors que l’Etat va afficher son 49e déficit consécutif, la dette dépasser 3 000 milliards et la France s’afficher en cancre de la zone euro. La rage ? Difficile à réfréner tant le Parlement, censé incarner depuis 1789 la souveraineté nationale par le contrôle de la dépense, ajoute la désinvolture à l’inconséquence. Les uns raillent une fausse austérité, les autres surjouent un sacrifice tout théorique. Et le désordre financier prépare la paralysie...

Dans une autocritique aussi gênante qu’affligeante, Jean-Pierre Jouyet, quintessence de la haute administration, décrit dans un livre « cette défiance envers l’Etat gestionnaire, déconsidéré pour avoir laissé la dette se creuser tandis que les services publics tombaient en déshérence ». Il démontre comment conformisme et arrogance, enrobés d’un discours faussement volontariste, mènent à la faillite opérationnelle. Nous y sommes encore et toujours. Aveu d’impuissance ou volonté de responsabilisation, la demande inédite du ministre des Finances aux députés de trouver un milliard d’euros d'économies supplémentaires n’y changera pas grand-chose.

Si les réformes de la retraite et de l’assurance-chômage contribueront au redressement des finances, elles ne compenseront pas le fardeau administratif, entrave à la croissance. Faute d’un mandat clair et d’une impulsion élyséenne. Faute d’une majorité solide (et convaincue). Faute enfin d’une stratégie dans la durée, l’Etat stratège, supposé défenseur du long terme, vacillant à chaque fronde sociale. Le millésime 2024 ne dérogera pas à la règle : des paroles, peu d’actes. La France désole et s’isole.

 
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Budget 2024 : “le gouvernement a perdu les pédales, c’est la fête aux neuneus”
 
 
 

Le Budget 2024 se traduira par un déficit public d’ampleur, dénonce notre chroniqueur Georges Nurdin, qui appelle la France - seule grande puissance européenne en dehors des clous - à enfin consentir à mettre en œuvre des économies structurelles.

Ca y est : tout chaud sorti du moule et c’est déjà “un four” ! Le Budget 2024 dont vient d’accoucher le gouvernement illustre la médiocrité de nos politiques en matière économique : un déficit public abyssal dont on ne voit pas la fin, avec une projection à hauteur de -4,4% du PIB en 2024, soit la seule grande économie européenne à rester encore en dehors des clous. La dette extérieure reste à un niveau stratosphérique à plus de 3000 milliards d’euros soit 109,7% du PIB, engendrant un “service de la dette” à hauteur 80 milliards d’euros, donc plus que le budget de l’armée et de l’Éducation.

En plus, ce Budget est fondamentalement insincère puisqu’il table sur une croissance de 1,4% du PIB en 2024 (alors que l’INSEE et la Banque de France projettent moitié moins, et encore) et sur une inflation redescendue à 2,6%, en moyenne, alors que les mêmes causes produisant les mêmes effets, elle restera aux alentours de 5%, sauf à agir sur les deux inducteurs fondamentaux qui l’alimentent, à savoir bloquer les prix et les marges et à sortir du système aberrant européen de fixation des prix de l’énergie. Ce à quoi le gouvernement se refuse pour des questions idéologiques (l’Espagne l’a fait et son inflation est d’ores et déjà redescendue à 2,6%).

Le Budget 2024 “insulte l’intelligence des Français”

Mais ce qui choque le plus n’est pas la médiocrité intrinsèque de ce budget, c’est l’insulte qui est faite à l’intelligence des Français, à qui le même Ministre avait promis que les déficits abyssaux du “quoiqu’il en coûte” seraient indolores, puisque naturellement absorbés par la forte “croissance” à venir, et de leur dire aujourd’hui que la priorité c’est de se, pardon, leur, serrer la ceinture pour se désendetter : la “fin de l’abondance”. Il y a non seulement une indigence intellectuelle, mais une certaine forme d’indignité.

“La France doit faire des économies structurelles”

Il n’en reste pas moins vrai qu’après avoir conduit, en même temps, le pays au-delà du maximum au niveau du déficit, de la dette et de l’impôt (là, nous sommes même depuis plusieurs années les champions du monde, incontestés !), du déficit du commerce extérieur, sans pour autant amener ni croissance, ni emploi - nous sommes le 3ème pays des 26 européens à avoir le plus fort taux de chômage -, ni infrastructures, il va bien falloir quitter la foire aux neuneux et retrouver les pédales. En clair, faire des économies structurelles.

Et là, on est surpris de ce que ce gouvernement ne voit pas l’éléphant dans la pièce. Nous avons en France une fonction publique qui est deux fois plus lourde que celle de nos voisins européens comparables. En 30 ans, le nombre de fonctionnaires est passé de 3,8 millions à 6 millions, soit une augmentation nette de 58%, pour une population française à “administrer” à peu près constante.

Si l’on compare avec l’Allemagne, le nombre de fonctionnaires n’y est que de… 4,7 millions, un nombre représentant 11 % de la population, contre 22% chez nous (source Banque de France)… Rien qu’à titre d’exemple, la France compte à elle seule 40% du nombre de communes de toute l’Europe. Autrement dit, la France a à elle seule, avec 35 000 communes, presque autant de communes que les 26 autres pays cumulés ! (source CCRE : Conseil des Communes et régions de l’Europe ). Et c’est sans compter les autres strates supérieures du “millefeuilles” : communautés de communes, métropoles, départements, Régions, Super Régions, etc

A cette inflation du poids de la fonction publique, il convient d'ajouter les “pseudo fonctionnaires” qui œuvrent, de manière opaque, pour les associations et autres ONG, et qui sont le faux nez de l’administration, remplissant des “missions” dont certaines dites de “service public”. En effet, il y a 1,3 million d’associations en France dont 200, soit 0,01% d’entre elles, empochent à elles seules près des deux tiers de cette manne publique ! C’est dire la concentration d’argent public pompé directement des poches du contribuable vers les coffres de certaines associations, qui brillent à la fois par le faible nombre de leurs adhérents et a contrario par les sommes colossales qu’elles reçoivent chaque année du contribuable. Le coût de ces associations est de 50 milliards par an (soit équivalent au niveau du Budget des Armées) à la charge du contribuable.

C’est une situation insoutenable ! La fin de l’abondance commence ici.

D’autant plus insoutenable que cette obésité administrative ne se traduit pas par une sur-efficacité des services publics. Au contraire, l’INSEE a, en 2023, recensé qu’au vu de l’inefficacité et de la complexité des services publics, un Français sur trois renonçait purement et simplement à faire des démarches administratives pourtant essentielles. Et le e-gouvernement n’apporte aucune amélioration, puisqu’à ce niveau, toujours selon l’INSEE, ce sont même les “digitalement” les plus aptes (les 18-40 ans) qui renoncent le plus ! Un comble d’inefficience du service public (on se souvient des fiascos des cartes d'identités, passeports, permis de conduire, cartes grises, Sécurité sociale, caisses de retraite, et pour le plus récent, Pôle emploi, qui se fait pirater les informations de millions de comptes).

Même le Conseil d’ Etat s’est fendu, cette année, d’une note dénonçant l’inefficacité critique du service public, et identifie 12 pistes de progrès. Humour et clin d’œil de sa part : On ne peut manquer de penser aux 12 travaux d’Hercule, dont le plus difficile fut de “nettoyer les écuries d Augias”… Et pourtant, il faudra bien y passer sous peine de sombrer, car notre Nation est en train de succomber d’obésité administrative morbide. Bien entendu, il est évident qu’il ne faut pas toucher aux fonctionnaires au contact, tels que personnel hospitalier, instituteurs, policiers, militaires (...), qui sont déjà “sur le fil”, mais tailler dans les ubuesques superpositions territoriales et nationales (cf supra) et dans les administrations centrales, dont on s’est aperçu, avec l’usage immodéré qui a été fait des cabinets de conseil, qu’elles avaient abdiqué leur mission depuis fort longtemps.

Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain (Les multinationales émergentes, International Corporate Governance, Le temps des turbulences, Wanamatcha !, La prophétie des pétroglyphes, Ava, Nouméa fatale).

https://www.capital.fr/economie-politique/budget-2024-le-gouvernement-a-perdu-les-pedales-cest-la-fete-aux-neuneus-1480428

Dette publique, dette privée: gare à l’été meurtrier
Si les entreprises surendettées sont aujourd’hui les premières victimes du brutal mais nécessaire tour de vis des banques centrales ; demain, ce seront les Etats impécunieux qui risquent de souffrir

Il y a un an, la Banque centrale européenne tournait la page d’une décennie historique de taux bas. Face à l’explosion de l’inflation, la réaction de Francfort a été tout aussi brutale (+425 points de base en douze mois) qu’inédite. Les volutes de l’opium monétaire se sont dissipées et les accrocs à la dette ont commencé à trembler. « C’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui se baignent nus », disait Warren Buffett.

Le réveil est brutal. Côté entreprises, les premières victimes s’appellent Jean-Charles Naouri (Casino) et, dans une moindre mesure, Patrick Drahi (Altice). Surendetté, le premier a été contraint de céder son empire au tandem Daniel Kretinsky-Marc Ladreit de Lacharrière, alors que l’agence de notation Standard and Poor’s indique « s’attendre à un défaut de paiement imminent et quasi-certain ».

Les marchés ne surveillent pas que les entreprises. Les Etats aussi sont dans leurs radars. Alors gare à la France et ses 3 000 milliards de dettes

Le second, qui doit lui-même prendre la parole ce mercredi pour s’expliquer sur la situation de son groupe en France, est très attendu face l’explosion du coût de financement des 60 milliards de dettes, sur lesquels est bâti son groupe.

Mais les marchés ne surveillent pas que les entreprises. Les Etats aussi sont dans leurs radars. L’ancienne Première ministre britannique, Liz Truss, en sait quelque chose, elle qui a dû démissionner brutalement après ses déclarations à l’emporte-pièce sur le budget. La pression des marchés a été la plus forte.

Alors gare à la France et ses 3 000 milliards de dettes. En juillet 2021, les taux français étaient à 0 %. Un an plus tard, 1,5 %. Aujourd’hui, ils dépassent les 3 %. Or, un point équivaut à un peu de plus de 30 milliards d’euros de charges financières supplémentaires au bout de dix ans. On est proche d’une addition à 100 milliards. D’où l’importance d’un sérieux tour de vis dans le budget 2024, présenté à la rentrée. En économie, il faut toujours se méfier des étés. Certains sont meurtriers

 
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Dette publique: un soulagement coupable

 

A l’ombre de l’euro, nous pratiquons un laxisme budgétaire lâche et paresseux, financé par nos partenaires

 

Ouf ! En décidant de maintenir sa note sur la dette publique, l’agence S&P Global a évité à la France une mauvaise nouvelle. Est-ce pour autant, comme l’affirme Bruno Le Maire, un « signal positif » ? Non, bien sûr. Le ministre de l’Economie peut vanter sa volonté de désendettement et sa promesse de repasser sous 3 % de déficit en 2027. Mais que vaut la parole d’un pays qui ne l’a quasiment jamais respectée depuis la création du pacte de stabilité européen, en 1997 ? A l’ombre de l’euro, nous pratiquons un laxisme budgétaire lâche et paresseux, financé par des partenaires plus responsables. Sous garantie de la BCE, nous donnons des leçons sans être capables de nous imposer une discipline minimale, faute de stratégie et de courage.

Qu’on en juge. Jamais depuis 1974 – un demi-siècle ! – l’Etat n’a affiché des comptes équilibrés. Et plus jamais depuis 1981 pour les administrations publiques (en y ajoutant collectivités locales et Sécurité sociale). Jamais en temps de paix la dette n’a atteint un tel niveau (112 % du PIB), ni jamais progressé aussi vite : en vingt ans, le taux d’endettement allemand s’est dégradé de 8 points, l’italien de 36, le français de 53 ! Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les dépenses publiques n’ont été aussi élevées, dépassant en 2020 le seuil de 60 % car la France a flambé plus que quiconque pour amortir les chocs sanitaire, énergétique et sécuritaire.

Ce triste bilan n’est peut-être pas encore un embarras financier, mais déjà un souci politique. Il singularise la France, l’isole, l’affaiblit et la décrédibilise en Europe. Au plan national, les politiques keynésiennes permanentes, menées au prétexte d’une croissance pourtant passée en six décennies d’une moyenne de 5,5 % à moins de 1 %, mènent droit au blocage. Prenons garde que la dette publique ne détruise la nation, avertissait Mirabeau – c'était bien avant S&P.

Rémi Godeau

4 juin 2023
Dette publique : pourquoi tant d’indifférence ?

La dette publique française se creuse sans affoler grand monde, à l’exception de quelques spécialistes. D’où vient ce désintérêt ?

Une ardoise astronomique. La dette publique française a atteint 2 950 milliards d'euros fin 2022, soit 111,6 % du produit intérieur brut (PIB), selon les données de l'Insee publiées le 28 mars. Au rythme auquel l'État multiplie les dépenses, la dette des administrations publiques devrait franchir le seuil symbolique des 3 000 milliards dans le courant de l'année 2023.

Ce chiffre, bien que hautement symbolique, s'invite pourtant dans l'actualité économique sans déclencher de vifs débats, éclipsé par les retraites et l'usage du 49.3. « L'opinion publique n'est pas homogène en matière de perception de la dette. Une partie s'inquiète du franchissement des 3 000 milliards, une autre semble désintéressée », observe l'économiste Jean-Yves Archer, spécialiste des dépenses publiques.

Il y a pourtant de quoi se faire un sang d'encre. L'État n'a plus présenté un seul budget à l'équilibre depuis 1974 et le montant de la dette poursuit son ascension sans répit, avec une forte accélération à partir de la décennie 2000. Les administrations publiques françaises se sont endettées de 635 milliards sous Nicolas Sarkozy (2007-2012), un quinquennat marqué par la crise financière. La dette s'est ensuite creusée de 396 milliards avec François Hollande (2012-2017). La situation s'est détériorée de 700 milliards sous Emmanuel Macron, pour beaucoup en raison de la crise sanitaire du Covid-19.

Second plan

Bien sûr, l'opinion publique n'est pas complètement insensible au sujet. Dans son étude « Dette publique, inquiétude publique » (2010), le groupe de réflexion La Fondapol observait à l'époque une « large prise de conscience de l'endettement de l'État dans le pays » mais que la réduction de la dette publique ne se plaçait pas en tête des priorités des Français.

Une décennie plus tard, les choses n'ont pas changé. Le sujet est toujours relégué au second plan, bien que la situation se soit aggravée. Un sondage de l'Ifop pour Acteurs publics, EY et l'Observatoire des politiques publiques révélait en novembre 2021 que 81 % des Français jugeaient le niveau d'endettement « inquiétant ». Pour autant, la maîtrise des dépenses publiques a totalement été éclipsée du débat politique lors de l'élection présidentielle qui s'est tenue au printemps 2022. « Les Français sont davantage préoccupés par l'inflation et “la fin du mois” », décrypte Jean-Yves Archer, qui vient de publier Les Économistes face à la notion d'ignorance chez Diderot (2023).

Accoutumance et inconséquence

Certes, il y a toujours une bonne raison conjoncturelle pour faire l'autruche. Pour autant, ce relatif désintérêt a ses raisons profondes. L'économiste Philippe Crevel estime que l'opinion publique a fini par se familiariser avec ce malheur français. « Cela fait des décennies que les Français entendent parler de l'augmentation de la dette. Dans les années 1980, la droite fustigeait déjà le “laxisme” de François Mitterrand », rappelle le fondateur de la société d'étude Lorello Ecodata. Il ajoute : « À force, il y a une forme d'accoutumance… »

L'endettement monstre de l'État apparaît également comme une problématique abstraite. « Les 3 000 milliards d'euros sont un seuil hautement symbolique dont il est compliqué de comprendre la globalité, surtout si l'on se place à l'échelle d'un ménage », explique Jean-Yves Archer. Les Français n'en mesurent pas, non plus, les conséquences directes. « Frédéric Bastiat nous a déjà tout dit dans son fameux ouvrage Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas (1850). La dette, c'est loin, indolore à court terme, sans effet réellement palpable au niveau individuel », explique l'économiste Pierre Bentata, maître de conférences à l'université Aix-Marseille, qui vient de publier Tous notés aux éditions de l'Observatoire.

En 2014, quand le montant de la dette publique tutoyait les 2 000 milliards d'euros, nombre d'économistes et de dirigeants politiques ont fait part de leur vive inquiétude. Pour autant, quand le plafond a fini par crever, les Français (à moins d'être économistes) n'ont jamais vu leur niveau de vie baisser. « Puisqu'il n'y a pas d'effet “fin du monde”, cela concourt à l'idée qu'il ne se passe rien. Et donc que seuls les chafouins et les chafouines s'en inquiètent », résume Philippe Crevel.

La dette ? Quelle dette ?

Une autre explication à ce « je-m'en-foutisme » tient peut-être à l'absence de consensus sur la dangerosité de l'endettement public. Les partisans de la théorie monétaire moderne, un courant en vogue au sein de la gauche américaine, estiment que la dette publique n'est pas un problème en soi. L'idée est notamment défendue dans Le Mythe du déficit (2021), un livre de Stephanie Kelton, ancienne conseillère économique de Bernie Sanders, le candidat malheureux aux primaires démocrates américaines de 2016 et 2020.

Pour résumer, si un État s'endette dans sa propre monnaie, alors il peut dépenser sans limites puisqu'il se finance via sa banque centrale, l'institution qui émet pour lui de la monnaie ! C'est d'ailleurs peu ou prou ce qui se passe… « Depuis les années 2000, les capacités d'endettement des États ont beaucoup augmenté grâce à l'appui des banques centrales », rappelle l'économiste Pierre Bentata. Cette pratique, ultracontestée, donne le sentiment que les banques centrales, comme la BCE ou la Fed, peuvent racheter de la dette et… l'effacer.

Le président de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, défend cette thèse. En février 2021, en plein « quoi qu'il en coûte » covido-macronien, l'Insoumis proposait dans La Tribune « une annulation indolore des dettes que nous nous devons à nous-mêmes via notre banque centrale » pour « ouvrir un nouveau cycle d'investissements ». Toujours en février 2021, près de 150 économistes appelaient, dans Le Monde, à une annulation de la dette détenue par la BCE… « Pas étonnant, donc, que certains citoyens ne prennent pas la dette au sérieux », estime Pierre Bentata.

Rigueur ou austérité

Et pourtant, si l'on aborde ce sujet sous un prisme plus conventionnel, il y a toutes les raisons de s'inquiéter. « Quand les taux d'intérêt vont augmenter la charge de la dette, là, peut-être que certains Français se rendront compte de son coût prohibitif », prévient l'économiste Jean-Yves Archer. Il est loin, le temps où l'État empruntait, via son Agence France Trésor, à des taux négatifs, voire nuls. La pression monte d'ailleurs sur le gouvernement. Matignon s'apprête à envoyer une lettre de cadre à ses ministères pour que ceux-ci présentent eux-mêmes des pistes d'économie.

 
 
 

« La France n'a pas fait preuve de rigueur budgétaire et le “quoi qu'il en coûte” a été excessif. Le résultat est que nous risquons prochainement de devoir subir un plan d'austérité, ce qui sera beaucoup plus douloureux socialement que de simples ajustements de rigueur », regrette l'économiste. Parmi les pistes les plus classiques : une hausse de la fiscalité…

Dette publique : la bombe à retardement

La France dépense sans compter et emprunte pour boucler ses fins de mois. Risqué, à l’heure de la remontée des taux.

La vue est plutôt plaisante au 8e étage du bâtiment Colbert du ministère de l'Économie. Avec l'Accor Arena en face, la Seine qui le longe, puis, sur l'autre rive, la bibliothèque François-Mitterrand et les tours Duo flambant neuves signées Jean Nouvel. Mais ceux qui nous reçoivent en ce lundi de mars n'ont guère le temps d'en profiter. Ils sont rivés à leurs écrans plats reliés aux réseaux de la Banque de France et de Bloomberg. « Il est 14 h 40, l'adjudication va se clôturer dans dix minutes, suivez-moi ! » enjoint le maître des lieux, Cyril Rousseau. Ce quadra diplômé de Polytechnique pilote la cinquantaine d'agents de l'Agence France Trésor (AFT). Autant d'opérateurs de marché et d'analystes dont le métier consiste à gérer et à écouler de la dette publique française.

L'heure fatidique approche. L'équipe se crispe. « Chut, s'il vous plaît, pouvez-vous arrêter de photographier ? » demande l'énarque Julika Courtade-Gross, numéro deux de l'agence. Chacun retient son souffle. Sur les ordinateurs, les enchères des banquiers grossistes s'affichent. Huit personnes sont mobilisées, dont un informaticien. « S'il y avait un bug, ce serait la catastrophe », nous indique-t-on. En une poignée de minutes, la totalité des obligations émises sont vendues aux mieux-disants. « Nous avons levé un total de 6,2 milliards d'euros pour des bons du Trésor qui ont des échéances de trois mois à un an, à des taux compris entre 2,8 et 3,6 % », détaille Cyril Rousseau, satisfait, avec le débit mitraillette de l'ingénieur sûr de ses chiffres. Le montant semble vertigineux. Mais le directeur relativise : « C'est une somme équivalente à ce que nous avons émis ces dernières semaines. » 

Le défaut de 1797. Eh oui ! Car, chaque lundi, à la même heure, la France emprunte. Droguée aux liquidités des autres, puisque 49 % de nos créanciers sont étrangers, notre nation cigale multiplie les crédits. Régulièrement, les magistrats de la Cour des comptes réclament que l'on calme un peu cette maudite addiction. Mais rien n'y fait. Année après année, nos élus s'assoient sur leurs épais rapports. Zéro économie, de maxidépenses, et des crises, comme le Covid-19, qui viennent alourdir le fardeau. Résultat, au troisième trimestre 2022, notre ardoise s'élevait à 2 956,8 milliards d'euros, soit 113,7 % du produit intérieur brut du pays, contre 66,6 % pour l'Allemagne. Cela peut-il durer ?

Pour le moment, la France n'a aucun mal à trouver preneur pour ses lettres de créance. Et pour cause : les institutionnels ont beaucoup d'argent à investir et ils ne peuvent pas tout miser sur la dette privée. Or les obligations françaises sont considérées comme sûres de chez sûres. « L'État n'a jamais fait défaut depuis plus de deux cents ans, fait valoir Cyril Rousseau. Même quand le territoire a été envahi, la France a toujours honoré ses dettes. » Rien de plus exact. Le dernier défaut tricolore date de 1797, quand le Directoire a choisi de convertir les deux tiers de la dette du pays en assignats, lesquels ne valaient rien.

On entend déjà les Insoumis s'exclamer : « De l'argent, il y en a ! » Sauf que le souci n'est pas la capacité du pays à trouver quelqu'un pour l'aider à boucler ses fins de mois, mais bien les conditions auxquelles les bailleurs sont prêts à lui faire crédit. Et là, ça se gâte. Mi-2021, nos traders fonctionnaires empruntaient à 0 %. C'était merveilleux. Mais, depuis que la Banque centrale européenne (BCE) a durci sa politique monétaire pour tenter de faire rentrer l'inflation dans son lit, les taux se sont approchés de 3 %. Conséquence ? La charge de la dette française devrait passer de 31 milliards d'euros en 2021 à plus de 50 milliards cette année, soit peu ou prou le budget de l'Éducation nationale.

49,8 %

C'est la part de la dette publique francaise détenue par des étrangers (fonds de pension américains, fonds souverains du Golfe, grands institutionnels de tous les continents…).

43 675

euros

C'est le montant de la dette publique française par habitant au troisième trimestre 2022. Elle était de 35 192 euros en 2019 et de 1 710 euros en 1980.

2 956,8

milliards d'euros

C'est le montant de la dette publique française.

Source : Insee 3 e trimestre 2022.

Deux solutions pour remonter la pente. C'est là que Cyril Rousseau s'inquiète. « Il faut faire attention à l'effet boule de neige. Si vous êtes déjà très endetté, on vous fait payer plus cher, et vous devez consacrer une grande partie de vos ressources à honorer les intérêts. » Le risque, c'est de se faire coincer comme l'Italie, qui s'est trouvée pendant des années dans une telle situation. Depuis que la dévaluation n'est plus une option pour un État en zone euro, il reste deux solutions pour remonter la pente : diminuer la dépense publique ou augmenter les impôts. Et, comme les prélèvements obligatoires des Français sont déjà les plus élevés d'Europe (à égalité avec ceux des Danois) et que la dépense publique pèse chez nous 57,7 % du PIB, c'est du côté de la réduction de cette dernière que les marchés nous attendent.

Soyons clairs : la miniréforme paramétrique des retraites du gouvernement Borne, qui déclenche un psychodrame national, ne peut permettre à elle seule de rétablir nos finances. Mais elle n'en constitue pas moins un symbole fort de sérieux budgétaire. Et surtout une promesse faite à nos créanciers. Voilà des années que le chef de l'État explique à nos investisseurs étrangers, lors de ses fameux sommets « Choose France », qu'il compte relever l'âge de départ de ses concitoyens pour le rapprocher de la moyenne des pays comparables. Cet engagement, Emmanuel Macron entend le tenir. « Je considère que, en l'état, les risques financiers et économiques [d'un échec de la réforme, NDLR] sont trop grands », a-t-il ainsi déclaré en conseil des ministres avant de demander le recours à l'article 49.3.

Réelle menace ou dramatisation ? Aujourd'hui, ceux qui nous prêtent n'ont pas les yeux rivés sur l'équilibre de notre système de retraite, disent en chœur les économistes spécialisés. Et pour cause. Ils sont obnubilés par l'inflation. Mais à moyen ou long terme, c'est une autre histoire. Dès que nous serons sortis de l'orage, les investisseurs ausculteront à nouveau notre sérieux budgétaire en le comparant à celui des autres nations développées. « Les investisseurs regardent toujours les moyennes, avertit Alexandre Baradez, chef analyste chez IG. Donc le fait que la France se situe sous la moyenne des autres pays européens pour l'âge de départ à la retraite ne leur plaît pas. » 

LA FRANCE FIGURE PARMI LES MAUVAIS ÉLÈVES DE LA ZONE EURO 

 

Dette publique des États membres, en % du PIB, au 3 e trimestre 2022

 

Le moment Truss. Il y a aussi bien sûr la question du but de notre endettement. Sur le papier, il n'y a rien d'anormal à s'endetter si cela permet d'accroître le potentiel de croissance du pays - c'est même chaudement recommandé. Hélas, la France n'est pas dans ce cas de figure, comme le relève l'économiste Marc Touati, du cabinet ACDEFI : « Le problème de la dette publique française, c'est qu'elle n'est pas efficace. Chaque année depuis 2017, elle grimpe plus vite que le PIB, si bien que la croissance ne suffit pas à payer les intérêts. À un moment, il va bien falloir diminuer les dépenses ! »

L'autre souci, quand près de la moitié des créances sont dans des mains étrangères, c'est qu'on n'est plus tout à fait souverain… « L'exemple anglais nous montre que l'on ne peut pas faire n'importe quoi », constate François Écalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et président de l'association Fipeco. L'ex-Première ministre britannique Liz Truss a voulu tailler dans les impôts tout en faisant exploser les dépenses. Bilan :  elle a été contrainte de rendre son tablier au bout de quelques jours, en octobre dernier, après une panique des marchés. La France pourrait-elle connaître son moment Truss ? « Oui, estime François Écalle. Il suffit, par exemple, que Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon arrivent au pouvoir en 2027. Il y aurait alors un bras de fer avec nos partenaires de la zone euro, la BCE et ceux qui nous font crédit. »

L'obsession du spread. Dans ce cas, deux scénarios. Le premier : le nouvel élu fait une croix sur son programme et se résout à voter les terribles « réformes néolibérales » contre lesquelles il défile aujourd'hui. Tel un Alexis Tsipras, le leader du parti d'extrême gauche Syriza, qui, sous la férule de ses créanciers, a relevé de 62 à 67 ans l'âge de départ à la retraite en Grèce. Le second : l'impétrant ne cède pas, « mais, dans cette hypothèse, complète Écalle, il est probable qu'au moins un pays du Nord refuse d'être solidaire et quitte la zone euro, ce qui précipiterait son éclatement et, in fine, un retour au franc ! ». Cela, même la candidate du RN n'en veut pas (ou plus).

Toutes ces conjectures laissent pour l'instant de marbre les techniciens de l'Agence France Trésor. Leur obsession reste le spread, comme on dit dans le jargon. Comprendre : l'écart de taux entre la France et le pays de référence de la zone euro, l'Allemagne. « On constate qu'il est relativement stable depuis six mois, entre 45 et 60 points de base », rassure Julika Courtade-Gross, d'une voix monocorde. Tant que ça tient !

La dette publique de la France s'aggrave

La dette publique est remontée à 114,5% du produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre, a annoncé l'Insee, vendredi 24 juin. Elle était à 112,9% à la fin décembre 2021.

La dette publique française a grimpé à 114,5% du produit intérieur brut (PIB) à la fin du premier trimestre 2022, contre 112,9% à la fin décembre 2021, a rapporté vendredi 24 juin l'Insee. L'endettement public de la France, qui s'est massivement accru depuis la crise sanitaire, s'est encore aggravé de 88,8 milliards d'euros au premier trimestre, atteignant en valeur absolue 2.901,8 milliards d'euros, a détaillé l'Institut national de la statistique et des études économiques. Cette forte hausse provient essentiellement de l'augmentation de la dette de l'Etat (+64,8 milliards d'euros), quand celle des administrations de sécurité sociale a progressé de 25,6 milliards d'euros.

En revanche, la dette des organismes divers d'administration centrale s'est repliée de 1,3 milliard d'euros du fait du désendettement de SNCF Réseau. Enfin, celle des administrations publiques locales a reculé de 300 millions d'euros, en raison d'une baisse de l'endettement des communes et des départements, alors que la dette des régions est en hausse.

Le traité européen de Maastricht de 1992 fixait pour les Etats une limite de dette publique à 60% du PIB, que la France a dépassée à la fin de l'année 2002, pour ne plus jamais repasser en-dessous depuis. Mais, depuis la crise sanitaire, cette règle, comme celle d'un déficit public inférieur à 3% du PIB, ont été suspendues. Fin mai, cette suspension a été prolongée jusqu'à la fin 2023 du fait des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Fin 2019, avant la crise du Covid-19, la dette publique française s'élevait à 97,6% du PIB.

Au cours de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s'est engagé à redresser la situation des finances publiques pendant son deuxième quinquennat, en ramenant le déficit public sous les 3% du PIB d'ici à 2027, ce qui permettrait de commencer à réduire le poids de la dette.

 

https://www.capital.fr/economie-politique/la-dette-publique-de-la-france-saggrave-1439911

La fable du gouverneur et de la dette

Dans le monde féerique du « quoi qu’il en coûte », les réalistes sont rares. Pour le gouverneur de la Banque de France, il est urgent de se réveiller.

Exercer l'austère métier de banquier central n'empêche pas d'aimer la poésie. On peut être un expert de la « forward guidance » et du « quantitative easing » et en même temps, comme l'ancien patron de la BCE Jean-Claude Trichet, connaître par cœur l'œuvre de Mallarmé et de Saint-John Perse. Lors d'une conférence organisée par le Haut Conseil des finances publiques, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, vient quant à lui de citer La Fontaine et sa fable « L'Hirondelle et les Petits Oiseaux » pour mettre en garde contre la menace d'une crise de la dette en France. « Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, et ne croyons le mal que quand il est venu. »

C'est en revanche en prose et en chiffres que le gouverneur a dénoncé le risque de pérennisation du « quoi qu'il en coûte ». « Beaucoup de nos concitoyens, de bonne foi, ne comprennent pas pourquoi Bercy refuserait des dépenses de 1 milliard, alors qu'on a su facilement en trouver soudain des centaines. » Il considère que « la double illusion, si séduisante, d'une dette qui serait sans limites et sans coût est aujourd'hui notre plus grand danger »Et de rappeler qu'une hausse de 1 % des taux d'intérêt représente à terme un coût annuel supplémentaire de près de 40 milliards d'euros, soit presque le budget actuel de la Défense. Argument on ne peut plus parlant au moment où la guerre vient de faire sa réapparition en EuropeRéduire la dette aujourd'hui, c'est préserver la paix demain.

Impératif moral

Pour le gouverneur, l'impératif financier de consolidation budgétaire se double d'un impératif moral. « Ce n'est pas une question arbitraire de seuil ou d'orthodoxie bornée, c'est notre solidarité vis-à-vis des générations futures qui est en jeu : nous n'avons pas moralement le droit de leur léguer, en sus d'une dette climatique qui les inquiète si légitimement, une dette financière dont le poids en proportion du PIB a déjà quasiment doublé en vingt ans. »

Dans la pratique, il souhaiterait donc que le gouvernement se fixe comme objectif« ambitieux » de ramener en dix ans la dette nettement sous la barre des 100 % du PIB, pour ce faire, qu'il renonce à de « nouvelles baisses d'impôts que nous n'avons guère les moyens de financer »et qu'il fasse par ailleurs revenir à 0,5 % par an le rythme d'augmentation des dépenses en volume. Ce qui pour autant serait loin de faire subir au pays« cette fameuse “austérité” que nous Français aimons tant dénoncer sans l'avoir pourtant jamais pratiquée ».

Esprits lucides

Si l'on se permet de citer un peu longuement les propos du gouverneur de la Banque de France, c'est d'abord parce que cela fait du bien d'entendre un tel discours de vérité économique après plusieurs mois d'une campagne électorale ayant atteint des niveaux inédits en matière de folie dépensière et de démagogie budgétaire. Il est réconfortant de savoir qu'existent encore dans les sphères dirigeantes de notre pays quelques esprits lucides sur la situation alarmante de nos finances publiques. Plus réconfortant encore de savoir que cette voix de la raison représente la France au sein du conseil des gouverneurs de la BCE, qui détient aujourd'hui les clés du pouvoir économique en Europe.

C'est d'abord à Francfort, pas à Paris, à l'Élysée ou à Matignon, que va être menée dans les prochains mois la bataille décisive contre l'inflation, mais aussi que va être conduite la guerre monétaire pour tenter de stopper la préoccupante dégringolade du cours de l'euro. C'est aussi à Francfort que seront décidées les hausses de taux qui détermineront pour grande partie le rythme de la croissance en France. C'est à Francfort enfin que va se jouer l'avenir de la monnaie unique. Dans la capacité mais aussi la détermination de la BCE à empêcher les écarts de taux d'intérêt de trop se creuser entre les pays d'Europe du Sud et du Nord ou, pour rester fidèle à La Fontaine, entre les cigales dépensières, dont la France fait plus que jamais partie, et les fourmis économes.

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/pierre-antoine-delhommais/delhommais-la-fable-du-gouverneur-et-de-la-dette-23-05-2022-2476673_493.php?M_BT=6286141392673#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20220523-[Article_4]

Le fantasme de la dette qui ne compte pas

Contrairement à ce que laisse penser le « quoi qu’il en coûte », dépenser en dehors des clous budgétaires n’est pas tenable. Rappel des règles.

Déjà, avant la pandémie, les pays de l'OCDE pouvaient se permettre des déficits publics très importants, puisque les taux d'intérêt étaient nettement inférieurs aux taux de croissance. Cette situation s'est amplifiée avec la crise du Covid puisque toutes les règles budgétaires ont été abolies au profit du « quoi qu'il en coûte », c'est-à-dire du maintien du pouvoir d'achat des ménages et de la protection des entreprises contre le risque de faillite quel que soit le coût pour les finances publiques. En conséquence de ce soutien public, la sortie de crise a été très rapide : dans la plupart des pays, dès la fin de 2021, le niveau de production du début de 2020 s'est trouvé dépassé.

Cette facilité à mettre en place des dépenses publiques et des déficits publics a laissé des traces aujourd'hui dans beaucoup d'États, en particulier en France. Il semble s'être inscrit dans les esprits que la dette publique n'était plus un problème, qu'on pouvait enclencher toutes les dépenses nécessaires. Et la liste des dépenses publiques qu'il serait utile de pouvoir mettre en place est très longue : santé, éducation, recherche, réindustrialisation, transition énergétique, défense, justice… Il serait bien pratique de ne pas avoir à fractionner la dépense nécessaire dans ces domaines.

Stratégies de passager clandestin

Peut-on alors réfléchir aux conditions dans lesquelles effectivement la dette publique ne serait pas un problème, où les dépenses publiques n'auraient pas à être rationnées ? Pour cela, trois conditions doivent être simultanément remplies.

Il faut d'abord, et ceci concerne l'Europe, que des règles budgétaires ne soient pas remises en place. On sait que, de 2020 à 2023, en principe, les règles budgétaires européennes (déficit public maximum de 3 % de PIB, retour progressif vers un taux d'endettement public de 60 % de PIB) ont été suspendues. Cette mise entre parenthèses peut être prolongée. Cela pose une question de fond et une question institutionnelle. La question de fond est la suivante : peut-il y avoir une union monétaire sans règle budgétaire ? La réponse est non : sans règle budgétaire, il y aurait toujours des pays menant des stratégies de passager clandestin, accumulant un déficit public excessif jusqu'à se retrouver en crise, obligeant les autres à devoir les secourir. La question institutionnelle est la suivante : est-il envisageable que l'Allemagne ou les Pays-Bas acceptent une suspension permanente des règles budgétaires européennes ? La réponse, là aussi, est négative.

Le retour de l'inflation

La seconde condition pour que la dette n'ait plus d'importance est que la BCE accepte de maintenir des taux d'intérêt à long terme nettement inférieurs au taux de croissance potentielle des pays, contrainte particulièrement sévère en Italie et en Grèce. Tant que les taux d'intérêt sont nettement inférieurs aux taux de croissance, la contrainte de soutenabilité de la dette publique n'intervient pas. Et même un déficit public important est compatible avec la soutenabilité de l'État. Mais le retour de l'inflation change nettement la situation. Si la BCE veut vraiment lutter contre l'inflation, il faut qu'elle mette en place des taux d'intérêt beaucoup plus élevés, qu'elle ramène les taux d'intérêt à long terme au niveau de la croissance. Et alors la contrainte de soutenabilité de la dette et de déficit public maximum réapparaît. Si le taux d'intérêt à long terme de la zone euro était au niveau de son taux de croissance, il faudrait pour assurer la soutenabilité budgétaire un déficit public inférieur ou égal à 3 % du PIB dans la zone euro, alors qu'il va être probablement de 6 % du PIB en 2022 en raison des conséquences de la guerre en Ukraine.

Même si ces deux premières conditions étaient remplies, il en resterait une troisième à remplir pour que la dette n'ait réellement pas d'importance et que, malgré des taux d'intérêt restant très bas, il subsiste des achats pour la dette publique. Bien sûr, si la banque centrale achète toutes les émissions, cette question ne se pose pas. Mais ce ne sera pas le cas : la Réserve fédérale et la Banque d'Angleterre ont déjà mis un terme à leurs achats de dettes, et la BCE va très probablement faire de même cet été. Il faudrait alors des acheteurs privés de dette publique, mais pourquoi les investisseurs privés achèteraient-ils des dettes publiques à un taux d'intérêt inférieur à la croissance ?

Une seule alternative

Pour résumer, on est face à une triple impossibilité. La dette publique a de l'importance d'abord parce qu'on ne peut pas suspendre durablement les règles budgétaires, ensuite parce que les banques centrales ne pourront pas perpétuellement maintenir des taux d'intérêt très bas dans un contexte d'inflation, et enfin parce que, même si les taux d'intérêt à long terme restaient inférieurs à la croissance, il n'y aurait pas d'acheteur privé de dette publique pour financer les États.

 
 

Nous allons donc revenir à une configuration traditionnelle, celle où la dette publique a de l'importance et où la nécessité de stabiliser le taux d'endettement contraint la politique budgétaire. Et une seule alternative se dessine alors : renoncer à mettre en place des dépenses publiques pourtant utiles. Ou bien augmenter les impôts.

La dette publique, marque d’une Nation sans vision

Au moins cette politique-là rassemble tous les candidats à la présidentielle : la meilleure façon de régler la question de la dette publique est de l’ignorer. Un consensus dans l’irresponsabilité se dégage. L’exécutif peut démontrer sa rigueur budgétaire, le Haut conseil des finances publiques s’alarme de sa gestion clientéliste des surplus de recettes fiscales. Les compétiteurs des Républicains peuvent promettre « la hache » pour les fonctionnaires ou la fraude sociale, que vaut ce signal noyé dans des mesures dispendieuses au financement obscur ? Les populistes peuvent jouer les experts sur l’annulation de la dette, mais pas jusqu’à assumer ce qu’elle impliquerait sur leurs programmes.

Tout n’est qu’illusion et mensonge. Puisque nos dirigeants sont persuadés que les Français ne votent pas pour un taux de croissance, pourquoi se mobiliseraient-ils pour un ratio rapporté au PIB ? Savoir qu’en 2020 la France a été championne absolue au sein de l’Union européenne pour la dépense publique et les prestations sociales, vice-championne dans la catégorie des prélèvements obligatoires et en sixième position pour la dette n’inquiète donc personne. Les déficits s’accumulent au rythme de nos lâchetés…

L’avantage de pareille désinvolture est qu’elle permet à chacun de discourir jusqu’à plus soif sur la souveraineté, la réindustrialisation, la modernisation ou l’indépendance sans se préoccuper de l’intendance. Les mêmes qui glorifient la politique contre l’économisme citent de Gaulle sans dire qu’il n’imaginait pas de puissance sans remise en ordre intérieure – pas de vision sans gestion. Résultat, ces apprentis sorciers vendent la reconstruction de 1945 et préparent la débâcle de 1940. Nos finances en désordre décrédibilisent toutes promesses de redressement. Et les électeurs ne seront pas dupes.

 

La Cour des comptes alerte sur la menace d'une dette non maîtrisée de la France

Les Sages appellent à un effort « dans la durée » pour réduire la dette publique « à un rythme adapté » une fois l'économie française repartie.

La Cour des comptes tire la sonnette d'alarme. Dans son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, elle dit s'inquiéter de la menace pour la France d'une dette publique qui ne serait pas maîtrisée, et appelle à un effort « dans la durée » pour la réduire « à un rythme adapté » une fois l'économie française repartie. « Le rééquilibrage spontané des comptes publics, ne sera, selon toute vraisemblance, que très partiel : sans action de redressement, le déficit risque d'être durablement très élevé (…). La trajectoire de la dette ne serait alors pas maîtrisée », prévient la juridiction.

La crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19 va conduire la France à une récession inédite cette année, avec une chute du PIB qui pourrait atteindre 11 % et une dette publique qui devrait gonfler pour s'élever à 120,9 % du PIB, selon les prévisions du gouvernement. Celui-ci a déjà prévenu qu'il comptait sur le rebond de la croissance pour réduire à terme l'endettement de la France, et qu'il n'augmenterait pas les impôts pour rembourser la dette. Les Sages de la rue Cambon ont établi trois scénarios de reprise de l'activité, et même le plus optimiste ne prévoit pas un retour au niveau d'endettement d'avant la crise – soit un peu moins de 100 % du PIB – d'ici à 2030.

Un « examen en profondeur » des dépenses publiques

Pour la Cour, « il ne faut pas tout attendre » de la croissance et « un effort de redressement structurel des finances publiques doit être engagé » dès que les conditions économiques le permettront. « Il ne doit pas être trop brutal pour ne pas casser la reprise, mais il doit être poursuivi avec constance pour obtenir des résultats tangibles », ajoute-t-elle, appelant à la définition d'une trajectoire dans une loi de programmation des finances publiques « au plus tard » au printemps prochain.

Les Sages appellent ainsi à un « examen en profondeur » des dépenses publiques, pour privilégier les dépenses d'investissement, notamment dans la transition écologique et la santé, en parallèle d'un « effort accru de maîtrise des autres dépenses ». Les conditions de taux d'intérêt bas sont « favorables » à de telles décisions, plaident-ils, prévenant en revanche des risques sur la « soutenabilité » de la dette en cas de remontée des taux. Par ailleurs, le plan de relance que prévoit de déployer le gouvernement à la rentrée devra contenir des actions de soutien « temporaires » et ciblées, sans financement par un surcroît d'endettement public, estime la Cour.

Publié le | Le Point.fr

 

 

 

https://www.lepoint.fr/economie/la-cour-des-comptes-alerte-sur-la-menace-d-une-dette-non-maitrisee-de-la-france-30-06-2020-2382364_28.ph

« Annuler la dette, c’est toujours en transférer le fardeau à d’autres »

 

De Jean-Luc Mélenchon à Alain Minc, nombreux sont ceux qui prônent l’annulation pure et simple de la dette européenne. Mais, demain, il faudra bien payer, prévient l’économiste dans sa chronique.

Jusqu’ici, la réponse économique à la crise sanitaire a été rapide et forte. Les règles budgétaires ont été suspendues, la surveillance des aides publiques aux entreprises a été assouplie et, avec l’appui de la Banque centrale européenne (BCE), les Etats ont pu jouer leur rôle de pompiers. La France en a efficacement tiré parti.

Ce n’était que le début. Il va falloir faire plus : immédiatement pour aider les entreprises à redémarrer et pour préserver autant que possible l’emploi ; dans quelques mois pour redonner confiance aux ménages, appuyer les transitions professionnelles, stimuler l’investissement, renforcer le service de santé, accélérer la décarbonisation, relancer la politique industrielle. Il va aussi falloir abandonner des créances fiscales et sociales, et reconnaître des pertes sur les garanties de crédit.

Le gouvernement prévoit qu’en fin d’année la dette publique atteindra 115 % du produit intérieur brut. Ce sera certainement plus et, à défaut d’une improbable disparition du virus, encore plus un an après. Il ne serait pas étonnant que le quinquennat se solde par une trentaine de points de dette en plus.

Il faut prendre ce risque parce que les plus grandes menaces sont l’affaissement de notre système productif, le retour du chômage de masse et, partant, la contraction des recettes fiscales et sociales. Ce n’est pas le moment de précipiter le retour à l’orthodoxie budgétaire.

Mais beaucoup vont plus loin et tirent du fameux « quoi qu’il en coûte » présidentiel la conclusion que la contrainte budgétaire est imaginaire. Mobiliser des centaines de milliards d’euros ne serait qu’affaire de volonté politique.

Tour de magie monétaire

C’est oublier que nous avons eu la chance que cette crise intervienne dans un contexte de taux d’intérêt extrêmement faibles, où le coût de l’endettement est nul. Il serait beaucoup plus difficile d’agir avec la même force s’il était au niveau d’il y a dix ou vingt ans. C’est aussi négliger que la leçon de cette crise est allemande : pour ne pas devoir lésiner sur le keynésianisme face à des chocs financiers, sanitaires ou écologiques, mieux vaut disposer de marges d’action. La Commission européenne prévoit qu’en 2020 l’Allemagne va émettre 430 milliards d’euros de dette, mais l’Italie 180 seulement et la Grèce rien du tout. L’Europe risque un nouveau cercle vicieux au gré duquel les Etats fragiles affaiblissent leurs économies et donc leur base fiscale.

Qu’à cela ne tienne, entend-on de plus en plus : annulons les dettes ! De Jean-Luc Mélenchon à Alain Minc, nombreux sont ceux qui prônent, soit de rayer d’un trait de plume les obligations publiques détenues par la BCE ; soit, ce qui revient au même, de les convertir en une dette perpétuelle non rémunérée ; soit encore, ce qui n’est pas très différent, de les échanger contre des titres à 50 ans assortis de taux zéro. Cela permettrait, dit-on, d’alléger sans coup férir le fardeau de la dette.

Le sujet ne doit pas être tabou. Dans le jargon des financiers, l’annulation s’appelle restructuration et bien des pays s’y sont résolus, faute de pouvoir honorer leurs échéances. L’opération n’est pas mortelle, mais elle est généralement douloureuse parce qu’elle appauvrit les épargnants, détruit les banques et dégrade la réputation financière du pays. C’est pourquoi c’est une solution de dernier ressort.

Mais ce n’est pas cela que prônent les avocats de l’annulation. Ils présentent l’affaire comme un tour de magie monétaire qui ne coûterait rien à personne.

C’est une mystification. Supposons que la BCE, qui détient aujourd’hui plus de 2 000 milliards d’euros d’obligations publiques, décide de les échanger contre une obligation perpétuelle non rémunérée. Les Etats, qui sont aussi ses actionnaires par leurs banques centrales, s’allégeraient d’une dette mais aussi, et pour un même montant, du flux des futurs dividendes qui leur reviennent aujourd’hui par les banques centrales. Ils ne seraient à l’arrivée ni plus riches ni plus pauvres. Car la BCE, qui leur appartient, serait toujours endettée à l’égard des détenteurs d’actifs monétaires. La dette du secteur public (Etats + BCE) resterait la même (« Monetisation : Do Not Panic », [article en anglais d’]Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, Vox EU, 10 avril 2020).

Un choix social

Alléger la dette pour de bon supposerait de dévaloriser ces actifs monétaires. Et pour cela il y a un moyen bien connu (quoiqu’un peu oublié) : l’inflation. Si la BCE s’engageait à ne pas augmenter les taux d’intérêt le jour lointain où l’inflation sera de retour, alors elle réduirait, vraiment, le poids de la dette. Cela s’appelle la monétisation et c’est simplement une autre forme de restructuration, subreptice mais plus injuste car elle atteint les petits épargnants.

Peut-être devrons-nous demain choisir entre restructuration et monétisation. Ou peut-être leur préférerons-nous une expropriation des détenteurs d’assurance-vie par la taxation. Ou bien nous opterons pour la répression financière, en forçant les ménages à détenir de l’épargne sous-rémunérée. Il n’y a là que des technologies alternatives pour Etats impécunieux. Aucune n’est indolore, mais elles ne font pas payer exactement les mêmes.

Annuler la dette, c’est toujours en transférer le fardeau à d’autres. C’est un choix social. On ne peut jurer, devant une crise comme celle à laquelle nous faisons face, qu’on ne devra pas s’y résoudre. Aujourd’hui, nous nous endettons parce qu’il le faut. La BCE fait son travail et bloque les crises spéculatives. Pour le reste, on verra bien quand nous aurons vaincu le virus. Annoncer aujourd’hui notre conversion à l’économie vaudoue ferait monter brutalement le coût de l’endettement public. L’effet serait contraire au but recherché.

Demain, il faudra bien payer. Parce que les taux d’intérêt ont toutes chances de rester bas, ce ne sera pas bien cher. Mais il n’est ni sérieux ni démocratiquement honnête de prétendre que ce sera gratuit.

Jean Pisani-Ferry, Economiste

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/16/jean-pisani-ferry-annuler-la-dette-c-est-toujours-en-transferer-le-fardeau-a-d-autres_6039837_3232.html

Dettes publiques : la lourde facture de la crise due au coronavirus

 

Face au choc de la pandémie, les Etats dépensent sans compter. Cet endettement colossal va peser longtemps sur les politiques publiques.

C’est aujourd’hui une double urgence : soutenir ménages et entreprises face à l’arrêt partiel de l’activité, puis relancer l’économie lorsque la pandémie du Covid-19 refluera.

Seulement voilà : lorsque la crise sera derrière nous, les Etats se retrouveront alourdis d’une dette publique colossale. Avant 2008, celle des pays développés tournait autour de 75 % du produit intérieur brut (PIB). Avec la grande crise financière, elle a grimpé à un peu plus de 100 %, se stabilisant à ce niveau pendant une décennie. L’impact des mesures de confinement et les plans de relance vont la faire bondir à 120 % du PIB d’ici à la fin de l’année, selon le Fonds monétaire international (FMI).

Certes, des gouvernements ont connu des situations bien plus complexes par le passé − au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’endettement public dépassait les 200 % de PIB en Europe. Reste que, quelle que soit la façon dont les Etats s’attaqueront à cette montagne de 66 000 milliards de dollars (61 000 milliards d’euros) de dette − effacement partiel, intervention des banques centrales, cocktail de croissance et d’inflation −, celle-ci risque de peser longtemps sur les politiques publiques et le paysage politique.

  • Quels Etats s’endettent le plus ?

Dans cette crise, le pays qui dépense le plus pour maintenir son économie à flot face à la pandémie est les Etats-Unis : le plan de soutien américain frôle 2 000 milliards de dollars, soit presque 10 % du PIB. « Sans précédent », estime le FMI.

En comparaison, la zone euro est plus parcimonieuse : ses plans de soutien dépassent à peine les 3 % du PIB en moyenne. L’Allemagne a mis les plus gros moyens, à 4,4 %. Le plan français atteint 4,1 % du PIB. En Italie ou en Espagne, dont les marges de manœuvre budgétaires sont plus limitées, ils sont de 1,4 % du PIB seulement.

Pour financer ces plans, les Etats vont devoir d’autant plus s’endetter que les recettes fiscales vont chuter en raison de la récession. Les déficits publics vont s’envoler, à 15 % du PIB pour les Etats-Unis, 9 % pour la France et 7,5 % pour la zone euro.

Selon Generali, rien que dans l’union monétaire, les gouvernements vont émettre pour 1 120 milliards d’euros d’obligations cette année, soit un tiers de plus que la moyenne des années précédentes. Si ce montant est encore très incertain, il représentera quoi qu’il en soit un niveau historique.

  • Qui achète ces obligations souveraines ?

Traditionnellement, ces obligations sont achetées sur les marchés financiers par les investisseurs privés. Il peut s’agir, par exemple, de l’argent des assurances-vie des Français, de fonds de pension américains ou de fonds souverains du Moyen-Orient. Pour eux, il s’agit d’un placement très sûr, au rendement fixe et garanti.

A ces acheteurs se sont ajoutées, ces dernières années, les banques centrales. Pour soutenir l’économie au lendemain de la crise de 2008, beaucoup se sont mises à racheter en masse les obligations émises par leur propre gouvernement. Pour cela, elles créent de l’argent ex nihilo, ajoutant une ligne de crédit dans leur système informatique. C’est ce qu’on appelle le « quantitative easing » (QE), pratiqué par la Banque centrale européenne (BCE) depuis 2015.

En mars, cette dernière a annoncé un « plan pandémie » de 750 milliards d’euros supplémentaires d’achat de titres. De quoi absorber l’ensemble des nouvelles dettes émises dans la zone euro, souligne Vincent Chaigneau, directeur de la recherche chez Generali : « Les rachats de la BCE vont dépasser les émissions nettes d’obligations (émissions brutes moins remboursement). »

  • Les banques centrales peuvent-elles racheter des obligations sans limite ?

Avant même la pandémie, la BCE possédait 20 % des dettes publiques de la zone euro (18 % pour la France). D’ici à la fin de l’année, cette part va s’envoler. Mais jusqu’où ? Y a-t-il une limite ? A l’extrême, une banque centrale finit par provoquer de l’hyperinflation si elle émet trop d’argent pour financer la dette publique.

Mais ce scénario à la Zimbabwe paraît aujourd’hui très lointain et peu probable. Quand la Réserve fédérale (Fed), la banque d’Angleterre et la BCE se sont lancées dans les achats d’obligations, il y a une décennie, beaucoup craignaient un retour de l’inflation, mais celui-ci ne s’est pas matérialisé. En Europe, c’est même la déflation qui menace.

  • Est-ce un problème d’afficher un endettement public trop élevé ?

La réponse est délicate, et pour cause : « Il n’existe aucun seuil absolu à partir duquel une dette devient soudainement problématique ou insoutenable », résume François Ecalle, ancien conseiller maître de la Cour des comptes. Ainsi le Japon n’a aucun mal à se financer en dépit d’un endettement frôlant les 250 % du PIB. Mais l’Espagne, elle, fut attaquée par les spéculateurs en 2010 alors que le sien était de 67 % du PIB seulement.

En fait, tout dépend de la capacité de l’Etat à rembourser. « Et celle-ci dépend d’une grande variété de critères, tels que son niveau de croissance, sa capacité à lever l’impôt, la stabilité de son système politique ou encore son degré de dépendance aux financements extérieurs », détaille Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Lorsque, en fonction de ces éléments, les créanciers commencent à douter, ils exigent des taux d’intérêt plus élevés en échange des prêts, au risque d’alourdir encore le poids des remboursements… C’est l’effet boule de neige, susceptible de conduire le pays au défaut de paiement.

Pour éviter que l’Espagne, l’Italie et la Grèce sombrent dans un tel scénario lors de la crise des dettes de 2010, la BCE a baissé son taux directeur au maximum – il est aujourd’hui à 0 % – pour faciliter leurs emprunts. En 2012, elle a éteint la spéculation en se disant prête à racheter massivement des obligations en cas de besoin, ce qui a rassuré les investisseurs.

Avec une dette qui devrait bondir de 135 % à 150 % du PIB cette année, l’Italie est de nouveau au centre des inquiétudes. Pour le moment, les taux bas et les rachats de la BCE assurent sa soutenabilité. Mais l’équation reste délicate : dans les années à venir, le poids des remboursements limitera la capacité de Rome à investir dans les projets susceptibles de gonfler sa croissance future – et donc, de l’aider à se financer.

  • Peut-on annuler la dette publique ?

Depuis le début de la pandémie, les tabous économiques, tels que la règle européenne limitant le déficit public à 3 % du PIB, sautent les uns après les autres. Pourquoi ne pas faire preuve du même pragmatisme avec la dette ?

Plus facile à dire qu’à faire… Prenons l’exemple de la France, dont les obligations sont détenues à hauteur de 54 % par des investisseurs non résidents, comme des fonds de pension. Effacer les titres qu’ils détiennent serait courir le risque qu’ils refusent, à l’avenir, de prêter de nouveau à notre Etat − ou alors, à des taux prohibitifs.

Que dire des 25 % de dettes détenues par les banques et assureurs tricolores ? Les annuler pourrait déstabiliser ces établissements, au risque qu’ils réduisent leurs prêts aux entreprises et aux ménages, qui détiennent d’ailleurs, eux aussi, une partie de ces dettes dans leurs assurances-vie.

Reste les 20 % environ du fardeau français détenus par la BCE, par l’intermédiaire de la Banque de France. En théorie, les effacer serait indolore, soulignent nombre d’économistes tels que Laurence Scialom, professeure à l’université Paris-Nanterre. Mais les obstacles politiques ne manquent pas : « Cela reste interdit par les traités européens et surtout, les pays du Nord ne l’accepteraient jamais, souffle un fin connaisseur des institutions européennes. Une telle mesure pourrait conduire à la rupture de la zone euro, alors qu’il existe d’autres façons, plus subtiles, d’alléger les dettes. »

  • Comment alléger ce fardeau sans l’effacer ?

« Une dette n’est pas faite pour être remboursée, mais pour être gérée », avance Frederik Ducrozet, de la banque privée Pictet. Lorsque l’activité repart, l’Etat engrange de nouvelles recettes fiscales et le PIB regonfle, ce qui contribue à réduire mécaniquement le poids de la dette – surtout si la croissance s’accompagne d’une inflation modérée. Augmenter la fiscalité ou couper dans les dépenses peut également y contribuer… Mais si elles sont mal calibrées ou activées trop tôt, de telles mesures peuvent briser la reprise et déclencher une autre récession : c’est ce qui s’est passé dans la zone euro en 2012.

Autre option : la BCE. « Tant qu’elle conserve les obligations souveraines qu’elle détient et les rachète lorsqu’elles arrivent à échéance, l’effet est très proche d’une annulation », résume Patrick Artus, chez Natixis. Pour enfoncer le clou, d’autres suggèrent que les Etats émettent des dettes sur vingt ou trente ans pour faire face à la crise du Covid-19, voire des bonds « perpétuels », jamais remboursés, que la BCE conserverait dans ses coffres. En zone euro, l’émission d’obligations communes – coronabonds ou eurobonds – permettrait également de soulager un peu les Etats du Sud, aux finances publiques plus fragiles.

Que faire lorsqu’un Etat est incapable d’honorer une échéance ? Dans ce cas, la restructuration, comme celle mise en œuvre pour la Grèce en 2012, est difficilement évitable : allongement de la durée des prêts, réductions des montants dus aux investisseurs privés, aides d’urgence des autres Etats… Des mesures exigeant de longues et douloureuses négociations avec les créanciers, parfois assorties de conditions draconiennes.

  • Comment soulager les pays pauvres surendettés ?

La composition de la dette des pays pauvres diffère de celle des pays industrialisés : elle est en effet détenue en bonne partie par des créanciers publics, à savoir d’autres Etats qui leur ont accordé des prêts, ou bien des institutions internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale.

Face à l’ampleur de la crise, les ministres des finances du G20 ont accordé, le 15 avril, une suspension temporaire des remboursements de 77 Etats à bas revenus, à hauteur de 14 milliards de dollars. « On peut imaginer qu’ils parviendront à s’entendre pour effacer une partie de ces dettes, mais il n’est pas sûr que cela suffise », ajoute Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI.

Car près de la moitié des obligations de ces pays est détenue par des créanciers privés, comme des fonds d’investissement, bien plus difficiles à convaincre. Après le défaut de l’Argentine en 2001, le fonds vautour Elliott a ainsi harcelé Buenos Aires pendant plus de quinze ans pour obtenir le remboursement de son dû

Par Eric Albert, Londres, correspondance, Marie Charrel

Pourquoi la dette publique française est un vrai problème
 
 

Certains experts émettent de plus en plus de réserves sur le danger que représente l'endettement massif des Etats. Pour l'économiste Jean-Yves Archer, la gravité de la dette française ne fait, elle, aucun doute : « Notre niveau d'endettement excède ce que notre potentiel fiscal peut absorber ».

La dette publique de la France représente près de 100 % de notre PIB. Parallèlement, il existe de sérieuses incertitudes quant au taux de croissance pour l'année 2019. Tant le FMI que la Commission européenne ont revu significativement à la baisse leurs prévisions.

Se caler sur le chiffre de 1,3 % de la Commission - comme les experts de Rexecode l'ont fait préalablement - semble réaliste à l'opposé de ceux qui pensent que  la pseudo-relance du 10 décembre 2018 de 11,5 milliards d'euros nous permettrait, par le soutien de la demande, d'atteindre 1,8 %. C'est parier sur un multiplicateur hors de proportion avec la réalité d'une économie vulnérable.

Le pari d'Olivier Blanchard

S'agissant de pari, Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI en a récemment fait un, en janvier, devant la réunion annuelle de l'Association des économistes américains. Massif autant qu'attractif en première lecture. Selon lui, il est crédible et honorable de fustiger ceux qui s'inquiètent des niveaux d'endettement public qui seraient assimilables par les pays à partir du moment où le taux d'intérêt emprunteur serait inférieur au taux d'inflation.

 
 

On retrouve ainsi une pratique qu'ont bien expérimenté les emprunteurs immobiliers des années 1960-1975 en France. C'est le vieux rêve de l'inflation qui grignote une part de l'endettement.

 

Avec ce type de logique, on accorde peu de considération à la rémunération des épargnants et surtout à la capacité bénéficiaire des établissements bancaires. Plus les taux d'intérêt sont bas, moins la capacité de prêter des banques est établie. Il suffit de voir le nombre d'établissements qui, en zone euro, sont valorisés à environ la moitié de leurs fonds propres. Or la création de monnaie via les banques est depuis des décennies un vecteur fondamental de la croissance d'une économie. La configuration actuelle et le pari de Blanchard vont à l'opposé de l'expansion.

Un feu vert pour le laxisme d'Etat

Faute de savoir attaquer la mutation de l'Etat comme ont su le faire le Canada ou la Suède il y a plus d'une décennie, certains esprits lâchent prise face aux chantiers de la dépense publique et mettent désormais en avant l'idée que la dette serait, finalement, une affaire opportune. D'aucuns vont jusqu'à citer le Japon et ses 240 % du PIB de dette. Sans préciser les impacts bancaires et financiers de la déflation qui aura duré des années sur l'archipel.

Ce message est à l'opposé des démonstrations du regretté Raymond Barre qui a notamment écrit sur l'effet d'éviction des emprunts publics au détriment de la sphère privée. Cette semaine, la France via l'Agence France Trésor a emprunté un peu plus de 7 milliards sur les marchés et s'est félicitée que cet emprunt ait été quatre fois sursouscrit. La qualité de la signature et le couple rendement-risque de la dette publique obligataire sont présents depuis de nombreux mois tant que notre spread avec les taux allemands est acceptable. Est-ce une situation pérenne dans l'absolu, nul ne saurait l'affirmer sous faute d'être intellectuellement laxiste ou volontairement myope.

Nous sommes en période de bas taux d'intérêt et pourtant la dette, c'est 116 millions d'euros par jour.

Si les adorateurs de la dette publique avaient « totalement » raison, le plan Juncker de relance des investissements européens aurait atteint son objectif de 300 milliards d'euros en lieu et place de son crash retentissant. Nul besoin de tendre la main, des dizaines d'écrits convergent pour indiquer qu'un endettement additionnel permettrait de répondre aux multiples besoins publics et notamment de concrétiser des investissements disposant d'un taux de rentabilité interne (TRI) bien supérieurs au taux d'intérêt emprunteur.

La dette, bonjour les dégâts

Sur le papier, j'aimerais vivre dans une situation néokeynésienne aussi apaisante. Mais la réalité est autre car le niveau d'endettement excède ce que notre potentiel fiscal peut absorber.

Nous sommes en période de bas taux d'intérêt et pourtant la dette, c'est 116 millions d'euros par jour. C'est surtout l'impôt de demain comme l'avait écrit avec lucidité David Ricardo dans son ouvrage « Des principes de l'économie politique et de l'impôt » (1817). Pour être concret et ricardien, il faut avoir un chiffre en tête qui répond à une question simple : combien d'années d'impôts faut-il pour rembourser notre dette ?

Posons des hypothèses non alarmistes et à l'inverse plutôt optimistes. Premier point, on retiendra que la France peut continuer à subir  1.038 milliards de prélèvements obligatoires. Deuxième point, on suppose inchangé le niveau des taux d'intérêt. Puis, faisons un rêve : celui de voir diminué par deux le déficit budgétaire qui atteindra mécaniquement plus de 100 milliards d'euros lors du vote, en avril prochain, de la loi de finances rectificative que tant Joël Giraud (rapporteur général du budget) que Didier Migaud (premier président de la Cour des comptes) appellent de leurs voeux.

Ces hypothèses sont un exercice de style pour ne pas forcer le trait, pour ne pas tirer la couverture vers ceux qui demeurent sceptiques face à l'affirmation d'Olivier Blanchard et alii.

 

Contraindre valablement la dette de la France, c'est la ramener à 1.000 milliards d'euros soit un effort de 1.300 milliards à matérialiser. Si l'on estime qu'on ne peut dédier chaque année que 10 % du montant des prélèvements obligatoires (soit 130 milliards), on situe assez vite l'ampleur de l'effort décennal hors les 500 milliards de déficits budgétaires accumulés sur ladite décennie.

Un chiffrage précis mériterait d'être réalisé pour que certains décideurs et économistes conceptualisent l'ampleur de la tâche. Nous savons bien que 130 milliards de contraction de la dépense publique annuelle est une chimère. Dès lors, si l'on quitte la carte du Tendre pour épouser celle du réalisme, on perçoit qu'il faudra près de 27 ans si l'on éponge de 30 milliards par an.

27 ans d'effort pour amoindrir la seule moitié de notre dette. Ceci étant bien entendu la dette dite de Maastricht sans y inclure les près de 4.000 milliards additionnels de la dette hors-bilan. Certains s'accrochent à l'idée que  cette dette discrète ne serait pas exigible : qu'ils aillent expliquer cela aux futurs agents publics retraités dont la présence au sein des engagements hors-bilan s'élèvent à plus de 2.500 milliards.

Et la conjoncture dégradée ?

L'Allemagne  a frôlé la récession au quatrième trimestre de 2018. Donc l'hypothèse d'une inversion des taux (taux d'intérêt et taux d'inflation) est imminente car la crise va générer de véritables tensions déflationnistes que la BCE a déjà anticipées. Encore plus nettement en Italie où la géopolitique européenne a actuellement de sales relents que l'année 2019 va conforter avec un crash-landing de la croissance déjà évoquée.

Dans un contexte de coup de frein tangible affectant la croissance, les propos visant à penser que la dette publique n'est pas une difficulté sont porteurs d'une déconnexion que David Ricardo a censurée. Relier l'inflation au taux d'intérêt emprunteur est un calcul que font les particuliers qui vont souscrire un crédit à la consommation. C'est du « daily business » et non de la lucidité en matière de finances publiques, donc de soutenabilité de la dette.

 

L'endettement de l'Europe relève d'une économie de guerre et atteint des scores inconnus en temps de paix. Notre ensemble continental n'a pas su, dans beaucoup de pays, digérer la fin des Trente glorieuses.

Dire que l'on peut, aux niveaux d'endettement où nous sommes, continuer en « Chantant la même chanson sur le même chemin » (Charles de Gaulle, 1963) revient à tendre un paquet de nougats à un diabétique. Passé 100 % du PIB, la dette publique reste silencieuse comme le diabète jusqu'au jour où les vraies complications surgissent. Quant aux générations qui viennent, elles écrivent déjà le mot impôt avec leurs futures larmes de travailleurs.

Jean-Yves Archer est économiste.

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