Notre-Dame

Publié le par ottolilienthal

Notre-Dame de Paris : Une enquête balayée par un non-lieu, et classée secret-défense ? C'est faux...

Les investigations suivent leur cours et une modélisation en 3D de la flamme est attendue dans les prochains mois...

La vieille dame de Paris a tiré un trait sur ses cendres et sa charpente abîmée. Sa réouverture a été célébrée en grande pompe, ce samedi 7 décembre. Pour autant, les causes de l’incendie qui avait détruit Notre-Dame en avril 2019 restent toujours inconnues. Un mystère qui laisse place à de nombreuses théories.

Sur le plateau de CNews, le journaliste scientifique, Michel Chevalet, a affirmé que « le dossier a été refermé très rapidement sur un non-lieu ». Et même d’ajouter qu’il s’agit à présent d’une enquête « classée secret-défense ».

Des affirmations qui n’ont pas manqué de faire réagir les internautes qui se questionnent. « Je suis persuadé qu’un jour, proche, ce dossier sera déclassifié et que le peuple aura enfin connaissance du caractère criminel de cet incendie », écrit l’un d’eux.

Forcément, un dossier classé secret-défense sème le doute sur les versions avancées, notamment d’un dysfonctionnement électrique, ou encore d’un mégot de cigarette mal éteint…

FAKE OFF

Le dossier de l’incendie de Notre-Dame de Paris est bien loin d’avoir été « refermé très rapidement par un non-lieu ». Et il n’a pas non plus été classé secret-défense. « L’instruction judiciaire est toujours en cours », confirme le parquet de Paris à 20 Minutes, ce lundi 9 décembre.

Tout débute le 15 avril 2019. Le feu part du toit de l’édifice vieux de plus de 850 ans. Plus précisément de la sablière du mur gouttereau du chœur à l’angle sud-est de la croisée du transept, où des travaux de restauration étaient en cours. Une enquête préliminaire est immédiatement ouverte.

Il est rapidement ressorti que certains ouvriers fumaient sur le toit, malgré l’interdiction formelle et la présence de dispositifs électriques dans les combles. Le procureur de la République de Paris de l’époque, Rémy Heitz, a alors estimé qu’aucun élément ne venait créditer l’hypothèse d’une origine criminelle.

Dégradations involontaires

Le 26 juin 2019, et après deux mois de collecte de preuves et d’expertises en tout genre, une information judiciaire est ouverte contre X, pour « dégradations involontaires par incendie par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité ».

Les investigations ont alors été confiées à trois juges d’instruction. Les analyses se sont enchaînées, écartant encore davantage la thèse de l’incendie criminel.

Les dernières opérations d’expertise ont eu lieu fin décembre 2022 : les derniers résidus de plomb, de gravats ont été collectés dans 21 « big bags » puis analysés. Le 6 juillet 2023, la juge d’instruction a autorisé la levée des scellés de la zone dans laquelle l’incendie s’est déclaré. Jusqu’alors, seuls les enquêteurs pouvaient s’y rendre.

Finalement, un transport sur les lieux a été réalisé le 6 mars 2024, en présence de l’une des juges d’instruction, d’enquêteurs de la brigade criminelle, et des experts.

Une modélisation 3D de la flamme à venir

A la fin du mois d’octobre de cette année, le parquet a affirmé à Ouest-France que les investigations étaient « dans leur dernière ligne droite ». Même son de cloche du côté de BFMTV. com, qui a écrit, à la veille de la réouverture de la cathédrale : « L’enquête sur les causes de l’incendie qui a ravagé la cathédrale le 15 avril 2019 est sur le point de s’achever. » Le parquet affirme à 20 Minutes que « toutes les expertises sur les scellés sont rentrées ». Egalement, à l’heure actuelle « personne n’est mis en examen dans ce dossier ».

Prochaine étape : une modélisation en 3D de la flamme « telle qu’elle a été filmée et photographiée ». L’objectif étant, encore une fois, de comprendre ce qu’il s’est passé, et comment le feu s’est-il propagé aussi vite. Les résultats obtenus grâce à cette nouvelle technologie, dans plusieurs mois, seront confrontés aux conclusions déjà rendues d’après les autres expertises.

« L’exploitation des expertises prendra encore plusieurs mois », souligne le parquet de Paris. Il faudra donc encore s’armer de patience pour voir le dossier sur l’incendie de Notre-Dame se boucler.

 

Restauration de Notre-Dame : quand la transparence du financement fait débat...

Mené tambour battant, le chantier de reconstruction de la cathédrale a été intégralement financé grâce à la générosité des donateurs du monde entier. L’Etat pourrait même être bénéficiaire...

Mission accomplie. Près de cinq ans après l’incendie qui l’a dévorée, Notre-Dame de Paris devait retrouver fidèles et touristes le 8 décembre 2024. En 56 mois, ce chantier XXL a aligné les records: 250 entreprises et 1000 artisans mobilisés; 140 marchés de travaux et de prestations passés; 1300 mètres cubes de pierres et 2000 chênes consommés. Et, surtout, 846 millions d’euros versés par les donateurs, dont 65 millions en provenance de l’étranger. A eux seuls, la famille Arnault et son groupe LVMH, les Pinault et leur galaxie Kering ainsi que les Bettencourt Meyers avec L’Oréal ont apporté 500 millions d’euros (1) «N’oublions pas les petits donateurs, insiste Guillaume Poitrinal, le président de la Fondation du patrimoine. De petits épargnants ont sacrifié leur Livret A, des enfants nous ont apporté leur tirelire.»

"Une transparence insuffisante"

Trois mois après la catastrophe, une loi a confié la collecte à sa fondation et à deux autres (Fondation de France et Fondation Notre Dame), ainsi qu’au Centre des monuments nationaux. Le texte a également jeté les fondations de lEtablissement public chargé d’orchestrer la restauration de la cathédrale (EP-RND). Le tout sous l'œil vigilant du Sénat, de l’Assemblée nationale et de la Cour des comptes.

Cette dernière a rendu un premier bilan mitigé en septembre 2020, pointant «une transparence insuffisante» dans l’utilisation de l’argent recueilli et regrettant le financement par les dons des frais de fonctionnement de l’Etablissement public – environ 5 millions d’euros par an de loyer, salaires et communication, notamment. «Très discutable», juge la Cour, car la loi «réserve exclusivement aux travaux l’emploi des fonds collectés». Face à ces remontrances, le gouvernement a consenti un petit effort. Un mois après le rapport de la Cour, le ministère de la Culture a commencé à payer le loyer à France Domaine, propriétaire des locaux.

Des donateurs aussi généreux que peu vigilants

Mais rien de plus. En février 2022, la mission d’information parlementaire sur le suivi de la restauration de l’édifice s’en est émue. «J’estime que la prise en charge de la masse salariale et des dépenses de fonctionnement [...] par les dons n’est conforme ni à la loi, ni à l’intention des donateurs», assène alors la rapporteure Sophie Mette, députée MoDem de la Gironde. D’ailleurs, le deuxième bilan de la Cour des comptes, publié huit mois plus tard, note la «mise en œuvre partielle pour le seul loyer» de ses recommandations de 2020. Sans insister davantage sur le sujet…

A lire aussi : Notre-Dame de Paris : les chiffres fous de sa restauration XXL

Depuis, rien n’a changé. Cette année, ce sont encore les dons qui ont financé les salaires (3,9 millions d’euros pour une quarantaine de postes) et le budget de fonctionnement (0,7 million) de l'Etablissement public. Sans que les grands mécènes, entreprises ou particuliers fortunés, y trouvent à redire. «Ils n’ont pas été aussi pointilleux que d’habitude en matière de contrôle, déplore un spécialiste du sujet. Pour deux raisons: le grand nombre de tutelles, ministères de la Culture et de l’Economie, Cour des comptes et les deux assemblées; et l’énormité des sommes récoltées.»

Les bons comptes de l'État

Pour les amoureux de Notre-Dame, l’essentiel est ailleurs. «La cathédrale a été sauvée dans le respect des règles de l’art, des matières d'origine et des techniques traditionnelles, insiste Guillaume Poitrinal. Et dans les temps, en plus!» Au total, la facture des travaux de sécurisation, de consolidation et de reconstruction s’élève à quelque 700 millions d’euros. Restent donc 146 millions qui permettront de bichonner l’an prochain les éléments extérieurs de Notre-Dame de Paris, tels les arcs-boutants, le chevet et la sacristie.

Au total, l’Etat pourrait même avoir fait une bonne affaire. «Comme il a collecté la TVA sur les travaux de restauration, il est fort possible que, pour lui, l’opération soit bénéficiaire», glisse un bon connaisseur du dossier. En prime, très peu de donateurs ont demandé à bénéficier de la réduction fiscale exceptionnellement portée à 75%. Résultat: un manque à gagner de 15,4 millions seulement pour les finances publiques…

La famille Pinault, propriétaire du groupe de luxe Kering, a ouvert le bal en participant à hauteur de 100 millions d'euros. La famille Arnault, du groupe LVMH, et la famille Bettencourt-Meyers, propriétaire du groupe L'Oréal, ont quant à elle doublé la mise en donnant chacune 200 millions d'euros au chantier de la reconstruction.

https://www.capital.fr/economie-politique/restauration-de-notre-dame-quand-la-transparence-du-financement-fait-debat-1506561

 

face à l’inquiétante pollution au plomb, des associations veulent briser l’omerta

Un nouveau toit de plomb va être posé sur la cathédrale Notre-Dame de Paris, au mépris de la santé publique, dénoncent des syndicats et associations, alors que le site est toujours pollué par ce métal neurotoxique et cancérigène

Sur le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris, la pose du nouveau toit de plomb est imminente. C’est la prochaine grande étape de la restauration après la pose de la flèche, le 8 décembre dernier, en présence d’Emmanuel et Brigitte Macron venus constater « l’avancement satisfaisant des opérations de reconstruction de la charpente et de restauration de la nef, des transepts et du chœur », selon les mots de l’Élysée.

 Mais pour le collectif d’habitants qui s’est créé au lendemain de l’incendie, en avril 2019, la pose du nouveau toit en plomb est une catastrophe écologique et sanitaire. Ce métal est un neurotoxique, reprotoxique et cancérigène. Leur inquiétude est d’autant plus vive que le site de Notre-Dame n’a jamais été vraiment dépollué et que le « nouveau plomb » risque de s’ajouter à celui qui est déjà là, tapi au sol et sur les murs depuis quatre ans. Las de ne pas être entendus par les autorités politiques et sanitaires, certains d’entre eux ont déposé une plainte pour mise en danger d’autrui, en juin 2022. Alors que l’enquête est en cours, d’importantes questions demeurent sur la santé des personnes exposées au plomb de la cathédrale dans le cadre de leur travail.

Un produit neurotoxique, reprotoxique et cancérigène

Dès qu’elle a su que Notre-Dame brûlait, le 15 avril 2019, et qu’elle a vu le grand panache jaune qui s’élevait dans le ciel de Paris, Mathé Toullier s’est inquiétée, à cause du plomb. Présidente de l’Association des familles de victimes du saturnisme (AFVS), elle ne connaît que trop les dangers de ce polluant éternel, et le déni qui les entoure. Ses premières visites aux alentours des lieux de l’incendie ne l’ont pas vraiment rassurée. « Il y avait des gens qui priaient et qui ramassaient des petits morceaux de bois calcinés », soupire-t-elle, encore effarée.

En emmenant ces reliques chez eux, ils et elles participaient sans le savoir à la dissémination discrète, mais certaine, du plomb aux quatre coins de la ville, voire plus loin encore. « Ce produit est un neurotoxique, reprotoxique et cancérogène. Il est aussi toxique pour les systèmes cardio-vasculaire et rénal. Et ce, quel que soit le seuil d’exposition », rappelle cette militante infatigable. Une étude récente souligne que plus de 5 millions de personnes meurent chaque année dans le monde à cause de maladies cardio-vasculaires dues au plomb.

Il est donc difficile pour le collectif « Plomb Notre-Dame » d’accepter sans broncher que la cathédrale soit à nouveau coiffée d’un toit de plomb. « L’enjeu politique de la reconstruction a pris le pas sur les mesures de précaution et sur la santé publique », intervient Benoît Martin, secrétaire de l’union départementale des syndicats CGT de Paris, qui s’est portée partie civile dans la plainte déposée en juin 2022. « S’il existe des techniques alternatives à un produit toxique qui ne portent pas atteinte à l’apparence, alors il faut les privilégier, renchérit Jean-Élie Strappini, secrétaire général CGT du centre des monuments nationaux et rattaché à Notre-Dame avant l’incendie. C’est un principe de précaution de base. »

Tous deux considèrent que le choix du plomb est insensé, et qu’il aurait parfaitement été possible d’opter pour le zinc. C’est aussi l’avis de la sénatrice écologiste Anne Souyris, ancienne adjointe à la ville de Paris, en charge de la santé : « On a avait demandé une saisine du Haut conseil à la santé publique, pour avoir un avis sur ce projet de nouveau toit en plomb, mais au sein de l’Epic (établissement public en charge de la supervision de la reconstruction, ndlr), on nous a opposé une fin de non-recevoir, sans aucune justification », regrette-t-elle.

Interrogé par Basta!, l’Epic assure que « les risques liés aux travaux de couverture en plomb sont anticipés » et que « toutes les précautions individuelles conformément au Code du travail » sont prises : masques « très haute efficacité », gants, combinaisons de protection, ventouses permettant de se saisir des tables de plomb.

S’agissant des eaux pluviales qui ruisselleront sur le toit, l’établissement assure avoir pris des dispositions pour assurer « le recueil de la totalité de ces eaux ». Des recherches sont en cours pour assurer leur filtrage avant qu’elles n’aillent aux égouts. Mais « comment les croire ? », s’interrogent les associatifs et syndicats, qui se battent pied à pied depuis quatre ans pour briser l’omerta qui entoure les dangers du plomb ?

Une catastrophe à bas bruit

Au lendemain de l’incendie, pour tâcher de limiter les dégâts que pourraient causer les poussières de métal très toxiques, plusieurs bénévoles de l’AFVS s’en vont distribuer des tracts explicatifs dans le voisinage de la cathédrale, et notamment dans les bistrots. « Nous conseillons aux gens de bien se laver les mains, le plus régulièrement possible, et de ne pas rentrer chez eux avec leurs chaussures, sur lesquelles des poussières de plomb sont probablement collées », décrit Fabienne Leroy, bénévole. Poursuivant leur travail de veille et de prévention du côté des immeubles cossus du quartier, les militantes sont édifiées par ce qu’elles voient et entendent.

Les personnes en charge du nettoyage des parties communes de ces immeubles ne sont pas informées des dangers du plomb, encore moins munies d’équipements de protection – masques et combinaisons. « J’ai dit aux flics que je travaillais là, et ils m’ont laissé passer », relate l’un d’entre eux. Le carrelage et les portes de l’immeuble où il travaille sont constellés de poussières noires qu’il nettoie à la serpillière.

Quand elle devient inutilisable, il la jette à la poubelle. Plus loin, deux ouvriers chargent dans leur véhicule la moquette usagée qu’ils viennent de retirer d’un immeuble. « Ils ne portaient pas de masques, et ont posé la moquette à même leur véhicule, sans précaution particulière », évoque Mathé Toullier.

Au fil des jours, ces bénévoles voient se dessiner devant eux une catastrophe sanitaire à bas bruit, avec un éparpillement d’innombrables poussières de plomb difficile à modéliser. « Tombées au sol, ces poussières sont susceptibles de s’envoler à nouveau au moindre coup de vent, balayage ou travaux divers », précise Annie Thébaud-Mony, chercheuse en santé publique à l’Inserm et présidente de l’association Henri Pézérat, qui s’est portée partie civile dans la plainte déposée en juin 2022.

Certains salariés se doutent bien que quelque chose cloche, puisque l’école qui jouxte leur lieu de travail est fermée. Mais ceux qui osent demander des plombémies – une prise de sang pour détecter la présence de plomb dans l’organisme – s’entendent répondre qu’ils n’ont qu’à se les payer eux-mêmes. Ils prennent en plus le risque de se voir muter sur un autre lieu de travail. « On les fait disparaître parce que comme ça, on n’en parle plus. Ça, c’est sûr et certain ! », rapporte un salarié homme de ménage.

Des dangers ignorés, voire cachés

Ceux et celles qui sont chargés de nettoyer le métro sont logés à la même enseigne. Ils travaillent sans protection et rentrent chez eux avec leurs habits, qu’ils doivent laver eux-mêmes. Deux lignes de métro (la 4 et la 11) et deux lignes de RER (la B et la C) traversent la zone qui a été très fortement polluée, et les stations Cité, Saint-Michel et Odéon ont été fortement exposées (voir notre carte). Les poussières de plomb poursuivent leur voyage le long des couloirs de métro empruntés par ces travailleurs, à l’intérieur des magasins dans lesquels ils passent avant de rentrer chez eux, puis dans leurs domiciles et sur les mains et visages de leurs enfants qu’ils prennent dans leurs bras en arrivant à la maison.

« Le problème avec le saturnisme, c’est que c’est une maladie silencieuse, dit Mathé Toullier. On peut avoir un peu mal au ventre et être anémié, mais sans rien soupçonner. On ne s’alarme pas, alors que de graves problèmes peuvent arriver plus tard. » Au contraire même, l’Agence régionale de Santé fixe un seuil arbitrairement haut pour la mise en place de mesures particulières (5000 µg/m² de poussières de plomb, soit cinq fois le seuil réglementaire fixé par le Code de santé publique).

« Au départ, personne n’informe les travailleurs des dangers du plomb », intervient Annie Thébaud-Mony, qui se dit « très inquiète » pour les 600 pompiers mobilisés pendant plus de quinze heures les 15 et 16 avril 2019 pour éteindre l’incendie. « Ils en ont pris plein la figure », résume-t-elle, de même que les policiers en charge de la surveillance des lieux.

À l’intérieur de la cathédrale sinistrée, les précautions sont alors minimales, voire inexistantes. « Les personnes qui vont et viennent pour retirer les objets sauvés des flammes ou déblayer les débris n’ont aucune protection », décrit Mathé Toullier. Alors que le Code du travail l’impose, et que les concentrations de plomb atteignent des taux de 100 à 1000 fois supérieurs à ce que préconise le Code de la santé publique, aucun système de douche n’est mis en place, et les pédiluves sont tout simplement inexistants.

Il y a « une situation dangereuse pour les travailleurs », alerte l’inspection du travail à plusieurs reprises en mai et juin 2019. Un mois plus tard, des ingénieurs de sécurité de la caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (Cramif) relèvent, eux aussi, que la sécurité des personnes qui travaillent sur place n’est pas assurée. La situation est telle qu’à la fin du mois de juillet 2019, le Préfet ordonne la fermeture du chantier. Mais la cathédrale n’est pas le seul lieu de travail infréquentable. Les quais du métro ou les librairies situées sur la place Saint-Michel, de l’autre côté de la Seine, affichent eux aussi des taux de plomb très élevés, sans que personne, là non plus, ne réalise ce qui se joue.

Des taux de plomb 25 fois supérieurs aux seuils de référence

Quand les bénévoles de l’AFVS passent dans les libraires pour suggérer aux employés de se laver les mains régulièrement, et de passer leurs tapis de caisse au chiffon mouillé, certains les regardent avec de grands yeux étonnés. Évidemment, les passants, touristes et habitants du Quartier latin sont également concernés. À la fin de l’été, sur la place Saint-Michel, on relève jusqu’à 123 000 μg/m² de plomb. Soit 25 fois le seuil « normal » – mais controversé car considéré comme trop élevé – de 5000 µg/m² que l’on est censé de pas dépasser dans l’espace public, et qui a été défini dans la précipitation par l’ARS à la suite de l’incendie.

« Ce que l’on craint, c’est que des gens tombent malades sans forcément faire le lien avec le plomb, dit Benoît Martin. Les maladies peuvent se déclencher longtemps après l’exposition, chez des enfants dont la mère a été en contact avec le plomb au cours de sa grossesse par exemple. » L’absence de recensement des salariés exposés, leur suivi erratique et inégal ainsi que le nombre important d’entreprises – notamment sous-traitantes – concernées rendent la documentation de la potentielle catastrophe difficile.

À cela s’ajoutent l’ambiguïté et le déni de ceux et celles qui ne veulent pas en entendre parler, trop fascinés par le fait de travailler sur ce chantier légendaire, avec les yeux du monde entier braqués sur eux. Ces artisans – charpentiers, sculpteurs, vitraillistes, etc. – qui « redonnent, par leur savoir-faire inégalé, sa splendeur à la cathédrale », selon la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak. « C’est difficile, reconnaît Mathé Toullier, de penser aux enfants qu’on ne pourra pas avoir, ou aux maladies potentielles qui se déclencheront dans plusieurs dizaines d’années. »

Des mesures de protection tardives

Au milieu de cette vaste désorganisation, quelques travailleurs syndiqués arrivent tout de même à poser des exigences pour faire valoir leurs droits, via leurs CHSCT, encore existants à ce moment-là. C’est le cas notamment au sein des monuments historiques. « On a demandé que les collègues exposés aient des visites médicales et des plombémies, dont les résultats se sont avérés rassurants, détaille Jean-Élie Strappini, qui travaillait dans la tour nord de la cathédrale le jour où elle a brûlé. On a aussi demandé des relevés de qualité de l’air dans les lieux de travail situés le long du panache de fumée. » Quand des taux élevés s’affichent, ils exigent que les locaux soient nettoyés. « Cela nous a permis de devenir plus vigilants sur cette question du plomb, qu’il soit lié à l’incendie ou pas », conclut le syndicaliste.

Une autre mobilisation, plus tardive, a lieu du côté de la direction des familles et de la petite enfance (DFPE) de la Ville de Paris. En octobre 2019, estimant que la gravité de leur exposition, ainsi que celle des usagers, avait été sous-estimée, les agentes élu.es au CHSCT ont demandé qu’une expertise indépendante soit réalisée. Bouclée en décembre 2020, celle-ci s’étonne que les premières mesures de prévention et de protection – plombémies, nettoyages approfondis, interdiction d’accès de certains lieux – n’aient été mises en œuvre qu’après la pause estivale.

« Ainsi, pendant près de trois mois, des agents de la DFPE et les jeunes enfants accueillis au sein des crèches concernées ont pu être exposés aux poussières de plomb, particulièrement dans les espaces extérieurs », remarquent les experts. À l’intérieur, le nettoyage humide des sols a largement limité le risque d’exposition aux poussières de plomb. « On ne sait pas qui a eu une prise de sang, ni quand, déplore Annie Thébaud-Mony. Ils ont surtout beaucoup trop attendu pour les faire. On sait qu’au bout de trois semaines, on ne peut plus voir le plomb dans le sang. Soit il est évacué, soit il est stocké dans les os. »

Quatre ans après l’incendie, les taux de plomb restent très élevés

Qu’en est-il du côté du chantier de restauration de la cathédrale ? « Les mesures prises contre l’exposition au plomb sont plus strictes que nulle part ailleurs et rendent l’entrée et la sortie du chantier très fastidieuses pour tous les intervenants », assure la députée Sophie Mette [1]. « La présence régulière de l’inspection du travail et de la Cramif montre que les protocoles et modes opératoires sont bien respectés », répond à Basta! l’établissement public qui supervise la reconstruction, ajoutant que « à ce stade, aucune plombémie anormale n’a été déclarée par les entreprises intervenant sur le chantier ».

Les membres du collectif « Plomb Notre-Dame » restent sceptiques. Pour ce qui est du suivi des salariés, inexistant dans les premières semaines qui suivent l’incendie, rien n’est très clair. « Nous n’avons pas de visibilité sur l’ensemble des entreprises qui interviennent sur le chantier, explique Benoît Martin. C’est difficile de savoir ce qui se passe, même aujourd’hui. »

Mathé Toullier estime de son côté que « l’omerta continue ». « Quand on demande quelles quantités de plomb il reste à l’intérieur de la cathédrale, on nous répond : presque pas. Et pour les pierres, on nous assure que tout est nettoyé. Mais comment est-ce possible ? Quel miracle s’est produit pour que même les naseaux des gargouilles soient nettoyés ? Comment s’y sont-ils pris ? »

Les mesures effectuées en juillet 2023 à l’intérieur et aux alentours de la cathédrale leur donnent hélas raison. Les taux relevés dans les poussières sont 5 à 50 fois supérieurs à ce que préconise le code de santé publique [2]. « Tout cela conforte ce qu’on dit depuis le début : il fallait isoler l’édifice et le dépolluer, insiste Benoît Martin. Nous en avions parlé à l’ARS en novembre 2019, mais on nous avait répondu que le confinement n’était pas réaliste. Que le plomb de Notre-Dame n’était pas le seul responsable de la pollution au plomb dans Paris. »

« Cela aurait pourtant évité aux salariés d’évoluer dans un milieu pollué, avance Benoit Martin. Cela aurait aussi empêché de disséminer la pollution et de se retrouver avec un monument historique qui risque d’être toujours pollué, même au moment de sa réouverture au public, dans un an. » Monter une bulle stérile autour de l’édifice aurait coûté plusieurs millions d’euros et demandé des mois de travail, imposant des délais de travaux incompatibles avec la promesse de reconstruire la cathédrale en cinq ans.

Nolwenn Weiler

..Comme "le Canard" l'avait raconté en avril 2019, deux carillons n'auraient jamais du çetre électrifiés : les règles de sécurité interdisaient ce type d'installation dans la charpente de Notre Dame. Mais le clergé de la cathédrale était passé outre à deux reprises.

En 2007, les trois petites cloches de la croisée du transept (qui tintaient à certains moments de la messe) ont  ainsi été branchées sur le secteur à la demande des curés, fatigués de devoir actionner un système de cables et de tirettes à la force du poignet. Une vidéo, tournée voilà quelques années, montrait ces trois cloches et leurs fils électriques tronant sous une couche de poussière inflammable du  plus bel effet. Cependant, une opération de nettoyage est censée avoir eu lieu trois mois avant l'incendie.

Trois autres cloches, situées sur une plateforme de la flèche, ont été automatisées quelques années plus tard. Ce dispositif était resté hors service durant plusieurs décennies, les grandes cloches des deux beffrois de la cathédrale faisant déjà tout le tintouin nécessaire. Mais en 2011, les travaux de rénovation desdits beffrois ont rendu muette la cathédrale. Une situation impensable pour les prélats, qui ont exigé des Monuments historiques l'électrification immédiate du carillon de la flèche.

L'Etat et l'architecte en chef des Monuments historiques, Benjamin Mouton, se sont laissé faire. A la condition, toutefois, que le dispositif soit "provisoire" et "retiré à la fin des travaux sur les beffrois". Celà n'a jamais été fait.

Un oubli qui résonne aujourd'hui différemment.

Hervé Liffran

extrait de l'article "Notre Dame, une incendie un peu marteau",

Le Canard enchainé, 23/03/2022

 

1 200 chênes abattus pour la restauration de la cathédrale

La restauration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris approche. Alors qu'un appel à candidatures a été lancé mercredi 27 octobre pour les artisans souhaitant travailler sur ce chantier, les 1 200 chênes nécessaires à la restauration ont fini d'être abattus. 

1 200 chênes d'exception de plus de 200 forêts de nos régions. Pour restaurer une partie des charpentes et la flèche de Notre-Dame de Paris, détruite partiellement il y a deux ans et demi par un incendie, plus d’un millier d’arbres ont été donnés ces derniers mois. Grosseur, longueur et rectitude, autant de critères que chacun de ces spécimens devaient remplir pour être sélectionnés.

Une restauration prévue pour 2024

Mais le chemin de ces chênes est encore long avant d'occuper une place centrale dans la cathédrale. Après un passage à la scierie, il faudra les laisser sécher une année complète avant qu'ils ne soient utilisés pour reconstituer à l'identique la flèche de la cathédrale et son ossature.

Un appel à candidatures a été lancé mercredi 27 octobre à destination des artisans. "C'est un appel à la mobilisation générale, pour les entreprises de toute taille qui ont des compétences en monuments historiques et dans les domaines de la charpente, de la couverture ou de l'échafaudage", explique Jérémie Patrier-Leitus, directeur du mécénat de l'établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame. Les dossiers doivent être envoyés avant le 16 novembre. Les travaux de restauration devraient se terminer en 2024. 

F. Mathieux, M. Martel, V. Lucas, F. Bohn, E. Marot, S. Gravelaine - France 2
France Télévisions

 

 

https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/notre-dame-de-paris-1-200-chenes-abattus-pour-la-restauration-de-la-cathedrale_4823843.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20211029-[lesimages/image5]

Chantier Notre-Dame : ce qui cloche en coulisse

Un an après l'incendie de la cathédrale, Rémi Desalbres, le président de l'Association des architectes du patrimoine, tire la sonnette d'alarme.

Plus de 90 millions d'euros d'engloutis alors qu'on attend toujours un diagnostic précis et le début des réparations… Pour Rémi Desalbres, le président de l'Association des architectes du patrimoine, l'avancée du chantier est loin d'être satisfaisante : encore trop de lourdeur, d'enlisement, de tracas administratifs et donc de gaspillage à la clé. « Il faut remettre de l'intelligence collective et du bon sens », plaide-t-il. Une voix dans le désert ?

Le Point : On a l'impression que le chantier de Notre-Dame ne fait que s'embourber, et ce, bien avant la crise du Coronavirus : toujours pas de diagnostic et de calendrier précis… Pourquoi tant de lenteur ?

Rémi Desalbres : Il semble qu'il y ait plusieurs raisons à cela. D'abord, le chantier de Notre-Dame est hors norme, et exige donc une organisation importante. Est-ce bien le cas aujourd'hui ? Au vu des enjeux, un tel chantier nécessite de recourir à des logisticiens afin de mener plusieurs taches à la fois. L'organisation n'est pas forcément défectueuse, mais il faut la renforcer. L'argent est là, plus de 900 millions annoncés, c'est bien plus que suffisant, mais il y a certainement un défaut d'ingénierie. De nombreux professionnels en lien avec le chantier me font part d'un climat général peu favorable à une bonne dynamique où des ego prennent trop fréquemment le devant de la scène… Le chantier de Notre-Dame mérite d'être exemplaire, d'autant plus qu'il est largement financé par des dons. Enfin, la réglementation autour de la sécurité des personnes vient peu à peu figer le chantier : elle est nécessaire, bien sûr, mais on est tombé dans un excès de zèle inadapté.

Vous faites allusion au problème du plomb, qui nécessite un protocole très poussé…

C'est l'exemple parfait de la paralysie administrative. L'inspection du travail applique les normes avec une rigidité excessive, qui impose parfois jusqu'à six douches par jour aux compagnons, à chaque fois qu'ils changent de zone de travail sur place. Vous imaginez ? Certains ont fini par jeter l'éponge et ont préféré partir travailler ailleurs ! C'est d'autant plus regrettable qu'un guide pratique sur l'organisation des chantiers patrimoniaux exposés au plomb avait été élaboré en 2018 à la demande du ministère de la Culture et des professionnels de la restauration. Les protocoles définis étaient contraignants, mais beaucoup moins lourds, avec notamment des prises de sang régulières pour surveiller la santé du personnel. Mais l'inspecteur du travail n'a pas jugé bon de le suivre…

L'architecte en chef des monuments historiques ne peut passer outre ?

Impossible, un inspecteur du travail a tout pouvoir et peut décider seul d'arrêter un chantier, avec des délais qui s'allongent et des coûts qui augmentent… Depuis une vingtaine d'années, nous subissons une extrême normalisation et l'application sans recul de textes réglementaires. C'est la conséquence du sacro-saint principe de précaution appliqué à l'excès, ou pire, d'une mauvaise connaissance des textes appliqués parfois à tort. Les chantiers sont de plus en plus soumis à un nombre croissant de normes et de réunions accaparées par des interlocuteurs de plus en plus nombreux. On se noie sous la paperasse et parfois l'incompétence. Les chefs de service n'ont plus le temps de se déplacer et délèguent leurs représentants, pas toujours formés ni expérimentés, ce qui n'arrange rien… L'ouverture quasi systématique du « parapluie » sur les chantiers est devenue une vraie plaie.

Revenons à Notre-Dame : le chantier bute aussi sur des problèmes concrets, comme le démantèlement de l'échafaudage, mis en place avant l'incendie.

Avait-on vraiment besoin d'édifier un tel échafaudage pour restaurer la flèche ? Quand on regarde l'histoire de la cathédrale, des échafaudages bien plus légers ont été mis en place autrefois, notamment au XIXe siècle pour construire la flèche, et en 1935 pour la restaurer. Et cela a très bien fonctionné. Résultat : on se retrouve aujourd'hui avec cette structure surdimensionnée de 500 tonnes qui fait peser une menace sur le monument… Cet échafaudage a non seulement été coûteux à mettre en place, mais il a failli terminer ce que l'incendie n'avait pas achevé ! Cela doit nous questionner.

Pensez-vous qu'on connaîtra vraiment un jour la cause de l'incendie ?

Il le faut, à la fois pour calmer les esprits et éviter demain de nouvelles catastrophes. Pour l'instant, les hypothèses concernant des mégots ou des problèmes électriques ne sont guère convaincantes. L'hypothèse du point chaud, à savoir l'utilisation d'un chalumeau suivie d'une combustion très lente par pyrolyse, est sans doute la plus vraisemblable. L'enquête mettra peut-être du temps, mais je reste confiant : l'incendie de Notre Dame est sans doute le plus documenté de toute l'histoire des monuments. La police a un matériel considérable à sa disposition, elle peut faire des reconstitutions, des essais pour comprendre le sinistre. On est simplement en droit d'attendre plus de transparence.

Plus de 90 millions ont déjà été engloutis… À titre de comparaison, la rénovation complète de l'imposante cathédrale de Tournai coûte 60 millions sur plus de vingt ans. Comment expliquer une telle dépense ?

Il y a eu des coûts d'urgence, notamment de consolidation, auxquels se sont greffées des investigations poussées, pour trier et analyser, scanner les décombres… Mais à cela s'ajoute un coût lié au principe de précaution appliqué à l'excès, qui dissipe beaucoup d'énergie, générant lenteur et frais supplémentaires. Il est certain que le métier s'interroge aujourd'hui sur des délais qui ne font que s'allonger. Pour stopper le dérapage et éviter le gaspillage, il est temps de disposer d'un diagnostic, d'arrêter un calendrier et un coût provisionnel de la restauration, et de faire jouer la concurrence entre les entreprises.

Comment sortir de cet enlisement ?

Il y a eu une réelle volonté du gouvernement d'accélérer les procédures avec sa loi spécifique encadrant la restauration du monument. Mais le projet a été beaucoup amendé, des possibilités de dérogation ont finalement été retirées… Le gouvernement a sans doute payé cher une mauvaise communication, qui a effrayé le métier, c'est dommage. Il est urgent aujourd'hui de remettre du bon sens et de l'intelligence collective dans les chantiers, d'apprendre à travailler ensemble efficacement. On pourrait mettre ainsi à profit cette pause imposée par le Covid-19 pour modifier des lois, assouplir des normes, qualifier des experts dans le domaine des monuments historiques…

Le délai des cinq ans pourra-t-il être tenu pour une réouverture ?

Très certainement. Il faut s'atteler à restaurer rapidement les voûtes, qui ont bien tenu, ce qui permettra une ouverture rapide pour le culte et la visite. Un immense parapluie fera office de toit en attendant la restitution de la toiture, qui peut intervenir dans un second temps, même une fois l'édifice ouvert aux Parisiens. Mais tout cela suppose une organisation fluide et de ne pas s'embourber à nouveau dans la paperasse…

 

Modifié le - Publié le | Le Point.fr

Georgelin joue avec le feu

 

Craint-il que la prochaine réforme Macron lui ratiboise sa retraite ? L'ancien chef d'état-major des Armées Jean-Louis Georgelin, chargé de superviser la reconstruction de Notre-Dame, a réclamé un traitement de 14 000 euros brut par mois pour exercer sa mission. Soit quasi le triple de ce que touche d'ordinaire un président d'établissement public. Une somme rondelette, qui viendrait s'ajouter à sa retraite de général cinq étoiles dépassant largement les 5 000 euros.

 

A ce tarif-là, il fournit le vin de mess ?

 

"Le Canard enchaîné" 24/12/2019

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Hello,<br /> L’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris nous a tous profondément marqué. Personne n’aurait pensé voir un tel édifice partir en fumée. Cela me fait mal au cœur à chaque fois que j’y pense.
Répondre