transport fluvial..

Publié le par ottolilienthal

Vital pour l'Europe, le transport fluvial sur le Rhin menacé par le changement climatique

Le Rhin est un fleuve littéralement au cœur battant de l'Europe de l'Ouest. Mais le réchauffement climatique commence à impacter sévèrement le cours d'eau, dont les niveaux l'été baissent régulièrement à des niveaux entravant l'activité commerciale.

Un débit inquiétant chaque année

Traversant Autriche, Liechtenstein, Suisse, France, Allemagne, et Pays Bas, le Rhin n'est que le 14e fleuve européen le plus long, avec 1 233 kilomètres de long. Pourtant, son importance dans l'économie et l'histoire européenne ne peut ni ne doit être sous-estimée.

Il borde la Ruhr, le cœur de la puissance industrielle allemande qui tire son nom d'un affluent du Rhin, et constitue la première voie de transport continental. 600 navires passent en effet la frontière entre l'Allemagne et les Pays Bas chaque jour selon la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, avec 310 millions de tonnes transportées par an.

Mais le réchauffement climatique a un impact sur le niveau du fleuve, et donc la quantité de biens qu'il peut transporter. Le niveau était à 1,6 mètre le 21 juillet 2023 selon le Chartered Institute of Procurement & Supply ; un chiffre qui est bien en dessous des 2,1 mètres marquant le statut "faible profondeur" du fleuve.

Chaque centimètre perdu signifie que le bateau doit être moins chargé pour moins s'enfoncer et ne pas toucher le fond du fleuve. Selon Florian Röthlingshöfer, directeur de Swiss Rhine Ports interrogé par nos confrères Bloomberg, une baisse de 10 centimètres du niveau du fleuve signifie que chaque bateau devra transporter 100 tonnes de moins.

Et les coûts de l'adaptation sont astronomiques : l'ajustement des 8 900 navires du Rhin pour la navigation en eau peu profonde pourrait coûter 90 milliards d'euros, sans parler des autres coûts susceptibles de s'accumuler. Dans certaines zones du fleuve côté allemand, on détecte des baisses de 40 % du niveau d'eau par rapport à 2010.

La tendance pour le Rhin est, pour l'instant, légèrement meilleure que l'an dernier, lorsque le fleuve avait atteint 32 centimètres le 14 août. La situation est en revanche particulièrement dramatique chaque année à Kaub, ville de la région de Coblence, où les navires ne peuvent pas passer si l'eau descend en dessous de 30 centimètres. Et en dessous de 40 centimètres, le niveau de l'eau rend économiquement non-viable le transport par voie fluviale.

Des solutions pour sauver le Rhin

Le pire niveau enregistré reste celui de 2018, avec 25 centimètres de profondeur à Kaub : s'il n'a pas été atteint depuis, la récurrence des sécheresses cause un impact colossal sur le trafic du fleuve. La vie des riverains n'en est pas moins touchée : la Commission Internationale pour la Protection du Rhin note que 30 des 60 millions d'habitants du bassin du Rhin boivent de l'eau potable traitée du fleuve.

Selon nos confrères de Bloomberg, plusieurs entreprises tentent en conséquence de déplacer leurs activités, comme le fabricant de plastique Covestro AG prévoyant de s'installer en Belgique. En 2018, une sécheresse historique avait causé 5 milliards d'euros de perte à l'Allemagne seule suite à la diminution du trafic sur le fleuve.

Et abandonner le fleuve ne signifierait pas que des solutions plus écologiques seraient appliquées : dans le cas de ThyssenKrupp, la plus grande usine d'acier allemande, les 60 000 tonnes de matières premières importées par jour nécessiteraient 2 000 camions.

Un projet allemand vise à draguer le fleuve dans la région de Kaub, pour un coût de 180 millions d'euros, afin d'empêcher que le passage ne bloque l'entièreté du fleuve : plusieurs entreprises similaires sont également en cours en Suisse, afin d'essayer de préserver un des monuments du patrimoine naturel français.

 

https://www.geo.fr/environnement/vital-pour-europe-transport-fluvial-rhin-menace-par-changement-climatique-profondeur-couts-poids-bateaux-216015

"Pour remplacer un bateau, il faut 60 camions" : la sécheresse du Rhin entrave le transport fluvial de céréales

Le niveau exceptionellement bas du Rhin et le contexte international freinent le transport fluvial. Le nouveau port de Metz tourne au ralenti cet été. 

Dans le nouveau port de Metz, en Moselle, seuls deux bateaux sont à quai et ce sont les deux derniers de la journée à partir. "Sur ces silos, il y a quatre postes de chargement, il y en a deux qui sont occupés. Et puis de l'autre côté, aucun poste de chargement n'est occupé", montre Vincent le Ber, responsable céréales pour le groupe Lorca, une coopérative agricole. 

À cause de la sécheresse, l'activité du premier port fluvial céréalier de France est fortement ralentie. Habituellement, plus de deux millions de tonnes de céréales sont exportées vers le Bénélux, la Hollande ou l’Allemagne chaque année. Mais cet été, le niveau de l'eau est exceptionnellement bas dans le Rhin. Et alors que les récoltes sont terminées et les silos pleins à craquer, impossible de faire partir autant de bateaux qu’espéré par la voie fluviale. 

Des bateaux remplis au tiers

Les bateaux sont donc rares à partir, mais en plus de cela, ils ne sont remplis qu'au tiers de leur capacité maximale de 2 500 tonnes de céréales. Au-delà de 900 tonnes, ils risqueraient de racler le fond du Rhin. "Sur la Moselle, nous parvenons à maintenir le niveau de l'eau grâce à des barrages qui sont accouplés aux écluses. Par contre, le Rhin, qui est un courant libre et pas une rivière aménagée, subit ce qu'on appelle des 'basses-eaux', explique Xavier Lugherini, en charge du développement des ports pour Voies navigables de France. La conséquence c'est que tous les bateaux qui vont et viennent sur le Rhin sont obligés de moins charger." 


Pour compenser le faible chargement et les départs espacés des bateaux, les céréaliers exportent une partie de leur marchandise par train ou par camion. Mais le transport fluvial reste la meilleure solution pour Vincent Le Ber.

Il faut savoir qu'un bateau transporte en moyenne 2 000 tonnes alors qu'un camion ne transporte que 30 tonnes.

Vincent le Ber, responsable céréales pour le groupe Lorca

à franceinfo

"Pour remplacer un bateau, il faut un peu plus de 60 camions, déplore Vincent Le Ber. Et au-delà de l'environnement, ce sont aussi des questions de sécurité puisqu'il y a moins d'accidents sur un fleuve que sur une route. C'est vraiment global", affirme-t-il. 

Les tarifs du transport fluvial s'envolent

À ces difficultés s’ajoute la reprise des centrales à charbon en Allemagne, due à la menace de coupure du gaz russe. "Ces centrales à charbon sont alimentées par bateau. Compte tenu de la nécessité économique et de l'absence d'alternative pour l'Allemagne, le prix du transport fluvial s'est envolé avec des tarifs jamais vus. Tout simplement parce que l'économie allemande est dos au mur", explique Jean-Marc Thomas, directeur général de CFNR transport, chargé de la gestion du nouveau port de Metz. 

Pour les mois de juillet et août, le gestionnaire prévoit d'ailleurs une baisse d’activité du transport fluvial de 20 à 25% sur nouveau le port de Metz.

Mélanie Kuszelewicz - franceinfo
Radio France
 
Publié

 

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/pour-remplacer-un-bateau-il-faut-60-camions-la-secheresse-du-rhin-entrave-le-transport-fluvial-de-cereales_5307259.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220814-[lestitres-colgauche/titre2]

Délaissé au profit de la route, le transport fluvial, écologique et économique, est aujourd’hui plébiscité. Jean-Claude Raspiengeas a rencontré des bateliers.

Derrière un métier, tout un monde. Toute une France aussi, entraperçue mais ignorée, refoulée sur les marges d'une société convertie à la mobilité, mais qui ne veut surtout pas voir ses « mobiles ». En l'occurrence, les bateliers. Des « gitans des eaux » entourés d'une légende nostalgique mais sacrifiés à la modernité du tout-camion. Après les routiers, dont il avait magistralement restitué usages, paroles, contraintes et angoisses, Jean-Claude Raspiengeas est reparti non sur les routes, mais sur les eaux. Il a apprivoisé ces seigneurs farouches et vieillissants qui assurent notre transport fluvial. Il s'est fait accepter de cette corporation très étanche, méfiante envers les gens d'à terre, où l'on est marinier de père en fils. Il a pris le large et appris à « parler péniche ». Et c'est encore passionnant. On l'avait noté sur Routiers, on en a confirmation : Raspiengeas a inventé un genre, entre reportage, histoire, géographie, économie, anthropologie, culture. Vidal de La Blache dialogue avec Simenon, qui enfanta le commissaire Maigret en fendant le brouillard sur les artères du Nord, de la Flandre et de la Frise.

La méthode est la même : aller à la source, à la rencontre des gens d'à bord, les maîtres du Bayard, du Milanko, du Cyclone, de la Tourmente. Ils disent leur amour de la liberté, de la lenteur, du silence, leur connaissance des eaux et de leurs pièges délicats. Ils disent aussi les nuits brèves, les frimas de l'hiver, les attentes aux écluses, les inspecteurs de l'Urssaf qui montent éplucher les livres de comptes. Ils disent enfin la précarité sociale, les séparations familiales avec les enfants, l'indifférence, voire l'hostilité, des pouvoirs publics. On descend le Rhin, la Seine, on vogue sur le canal du Loing ou du Midi. On arpente les quais de Saint-Jean-de-Losne en Côte-d'Or, où se croisent cinq voies d'eau. On discute avec les anciens des cœurs battants de la batellerie que furent Conflans-Sainte-Honorine et Saint-Mammès, transformés en musée. On épouse le point de vue du marin de la Seine qui observe les rives des terrestres depuis sa timonerie. « Les trains de banlieue que le Cyclone va bientôt laisser derrière lui illuminent les rives du fleuve, franchissent les ponts, traînées stroboscopiques, avant de vite disparaître. Ici et là, comme des décors de cinéma, de longs immeubles en verre scintillent, étincelants. Derniers feux d'une journée de travail qui s'achève dans les bureaux. »

Fiterman et Voynet honnis

La France fut jadis un pays fluvial. Et Paris ! « Y'a pas à dire, Paris, c'est des bateaux ! Qu'est-ce que serait Paris sans les mariniers ? » répétait le héros de L'Homme du Picardie, la série télé qui passionna les Français en 1969. Une série prémonitoire qui finissait mal pour son héros. Raspiengeas rappelle qu'ils étaient 40 000 bateliers au début du XXe siècle. Que dans les années 1970, ils étaient 7 000, et qu'ils sont 800 aujourd'hui. Deux noms de politiques sont honnis chez les forçats de l'eau : le communiste Charles Fiterman, venu du chemin de fer, dont la loi d'orientation des transports Intérieurs de décembre 1982 envoya à la casse des milliers de péniches, dont beaucoup font désormais les beaux jours des bobos. Autre tête de Turc, l'écologiste Dominique Voynet : à la fin des années 1990, elle enterre le projet de canal Rhône-Rhin, dont l'absence permet aux ports d'Anvers et de Rotterdam de mieux tailler des croupières à la France. Le maillage avec l'Europe a été mal pensé. Le 31 décembre 1999, les Bourses d'affrètement disparaissent. La Chambre nationale de la batellerie ferme en 2019.

Si la France dispose du plus grand réseau fluvial d'Europe (8 500 kilomètres), il est aussi « le moins utilisé et le moins entretenu ». Or, en 2022, le bilan énergétique et écologique – le fluvial émet deux fois moins et demi de CO2 que le routier – plaide en faveur du retour de ce transport qui permet d'entrer au cœur des villes, pour « le dernier kilomètre ». Il faut seulement prévoir des zones de débarquement. Deux cents conteneurs sur une barge, c'est l'équivalent de 200 camions, rappelle Raspiengeas. Certaines communes en ont fait le pari. L'État a commencé à prendre ce virage en engageant 3 milliards d'euros d'ici à 2030. Depuis l'an dernier, les ports du Havre, de Rouen et de Paris ont fusionné en une entité unique, Haropa, pour optimiser flux, connexions, multimodalités, et créer un « smart corridor ». Un projet de canal Seine-Nord pour grands gabarits, de 5 milliards d'euros, financé à moitié par l'Europe, doit relier, d'ici à 2028, Rouen, Paris, Le Havre à Dunkerque et aux grands ports du Nord. Les travaux ont tardé, ce canal est attendu comme le Messie pour replacer la France au cœur de l'Europe. D'autres investissements sont prévus sur l'Yonne, la Seine, le canal des Vosges, la liaison Rhône-Saône, le canal de la Sambre à l'Oise… Le fluvial a été écarté par les grands cerveaux du développement économique, mais à la veille des JO de Paris, à l'heure du Grand Paris Express, on assiste à une révolution que certains bateliers, mis au rencart, espèrent voir de leur vivant.

 

Une vie sur l'eau, de Jean-Claude Raspiengeas (L'Iconoclaste, 304 p., 22 €).

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article