Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

les tambours de la Guerre..

Publié le par ottolilienthal

La guerre de l'ombre vénézuélienne autour d'Essequibo, riche en pétrole, s'intensifie....

Une paisible frontière d'Amérique du Sud est en passe de devenir l'un des foyers énergétiques les plus instables au monde. La région contestée d'Essequibo, une expansion peu peuplée administrée par le Guyana mais revendiquée par le Venezuela, est en proie à des tensions depuis des années. Mais une combinaison d'ambitions géopolitiques, de désespoir économique et d'opportunités énergétiques menace désormais de faire basculer l'impasse vers un conflit ouvert.

L'enjeu est l'une des étendues de territoire les plus précieuses au monde, une zone dont, jusqu'à récemment, peu de personnes en dehors de la région avaient entendu parler. Essequibo, qui représente près des deux tiers du territoire guyanais, a été propulsé sous les projecteurs internationaux après la découverte par ExxonMobil en 2017 des réserves offshore du bloc Stabroek, estimées à plus de 11 milliards de barils de pétrole récupérable. Pour le Guyana, cette découverte a transformé le pays, passant d'un marasme économique à un géant énergétique régional presque du jour au lendemain.

Cette nouvelle richesse a également ravivé les revendications de longue date du Venezuela sur la région, un grief remontant aux décisions d'arbitrage colonial de la fin du XIXe siècle. Caracas n'a jamais totalement renoncé à ses revendications, mais ce n'est qu'après la découverte de pétrole que le Venezuela a commencé à faire pression sur ce dossier. Depuis 2022, sous la présidence de Nicolás Maduro, le Venezuela a considérablement intensifié ses discours et ses actions : annonce d'un référendum, redécoupage des cartes et même déplacement de moyens militaires vers la frontière.

Plus inquiétant encore, le Venezuela a commencé à imiter la stratégie de son plus proche allié géopolitique, la Russie. À l'instar de l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 à l'aide de « petits hommes verts », le Venezuela semble préparer le terrain pour une incursion lente et contestable dans l'Essequibo. Le manuel combine la rhétorique officielle avec des tactiques de guerre irrégulière, permettant un déni plausible tout en sapant progressivement le contrôle de la Guyane.

Le premier signe majeur de cette nouvelle phase est apparu l'année dernière, lorsque le gouvernement Maduro a organisé un référendum pour « reconquérir » Essequibo. Malgré la condamnation internationale, le vote a été adopté et a conduit à la création officielle d'un nouvel « État » vénézuélien englobant le territoire. Le Venezuela a commencé à offrir la citoyenneté aux habitants d'Essequibo et a lancé des efforts pour organiser des élections dans la région.

En mars 2025, une canonnière vénézuélienne a intercepté les opérations d'ExxonMobil dans les eaux guyanaises, accusant le géant pétrolier américain d'empiéter sur le territoire vénézuélien. L'incident a été largement perçu comme un avertissement, non seulement pour Exxon, mais aussi pour tous les investisseurs étrangers soutenant l'avenir énergétique du Guyana.

Mais le signe le plus inquiétant à ce jour est survenu le 15 mai, lorsque l'armée guyanaise a signalé trois attaques armées en une seule journée lors de ses patrouilles le long du fleuve Cuyuni, un tronçon critique de la frontière entre le Guyana et le Venezuela. Selon les Forces de défense du Guyana, des hommes armés non identifiés en civil ont ouvert le feu sur des soldats lors de trois affrontements distincts. Aucune victime n'a été signalée, et l'armée guyanaise a riposté avec ce qu'elle a décrit comme une « force mesurée ».

Ces attaques ont été effrayantes par leur timing et leur coordination. Bien que les assaillants n'aient pas été officiellement identifiés, les autorités de Georgetown et la plupart des observateurs internationaux pensent qu'il s'agissait d'agents vénézuéliens ou d'agents mandatés par Caracas. La région n'est pas connue pour son caractère organisé ou sa guérilla, et aucune insurrection locale ne s'y est installée – du moins pas encore.

Ce n'était pas la première fois que des violences éclataient dans la zone contestée. En février, une autre attaque avait fait deux blessés graves parmi les soldats guyanais. Cet incident avait également été imputé aux forces liées au Venezuela.

Si ces escarmouches peuvent paraître mineures prises isolément, elles constituent, prises ensemble, une dangereuse tendance à l'escalade. On assiste à l'émergence d'un conflit fantôme : une guerre en zone grise qui évite le seuil de la guerre ouverte tout en érodant progressivement le contrôle du Guyana sur l'Essequibo. Le danger, avertissent les analystes, est que cette campagne au ralenti puisse aboutir à une annexion de facto, à l'instar de la Crimée, avant que la communauté internationale n'ait le temps de réagir.

La Force de défense du Guyana compte un peu plus de 3 000 hommes d'active et dispose de capacités aériennes, terrestres et navales limitées. Le Venezuela, en revanche, dispose de plus de 100 000 soldats, d'environ 200 chars, de dizaines d'avions de combat et d'une importante force paramilitaire, faisant de toute guerre conventionnelle une affaire à sens unique.

Cependant, lors d'une visite à Georgetown en mars, le secrétaire d'État américain Marco Rubio a averti que toute attaque vénézuélienne contre le Guyana ou ExxonMobil marquerait « un très mauvais jour » pour Caracas, laissant entrevoir de graves conséquences. Le Venezuela a rapidement condamné ces propos.

La véritable question est désormais de savoir comment la communauté internationale, et en particulier les États-Unis, réagira. L'implication profonde d'ExxonMobil confère à Washington un intérêt et un enjeu dans le conflit. Mais le problème, plus vaste, dépasse le pétrole. Une confiscation de terres vénézuéliennes réussie éroderait davantage l'ordre déjà fragile de l'après-Guerre froide. Elle enverrait également un message aux régimes autoritaires du monde entier : le révisionnisme territorial est de retour, et il fonctionne.

Le Guyana s'est engagé à défendre sa souveraineté et recherche des partenariats de sécurité plus solides. Mais sans un soutien militaire ou toute autre garantie de sécurité réelle de la part des États-Unis, Georgetown aura du mal à tenir tête seule.

Pour l'instant, Essequibo demeure sous pavillon guyanais. Mais l'ombre de Caracas grandit, tout comme le risque que la prochaine guerre d'Amérique du Sud éclate dans l'une de ses régions les moins connues, mais les plus stratégiques.

Par Charles Kennedy pour Oilprice.com

La course aux armements s’intensifie en Algérie et au Maroc...

La conflictualité au Maghreb s’intensifie. Le signe le plus certain en est la hausse des dépenses militaires en Algérie comme au Maroc, s’alarme “El Confidencial”. Chacun des deux pays, engagés dans une rivalité latente exacerbée par la question du Sahara occidental et la guerre à Gaza, s’est engouffré dans une course aux armements inédite.

Le PIB de l’Espagne (1 513 milliards d’euros en 2024) est sept fois supérieur à celui de l’Algérie (214 milliards d’euros en 2024). Et pourtant, son voisin maghrébin a prévu de consacrer 23,05 milliards d’euros à sa défense en 2025, un budget en augmentation de 10 % par rapport à 2024. Le gouvernement espagnol n’a pas encore voté le budget de l’année prochaine, mais on sait d’avance qu’il investira quelque 22,22 milliards d’euros dans ses armées, soit 3,5 % de moins que l’Algérie.

De même, le PIB de l’Espagne est onze fois supérieur à celui du Maroc (134 milliards d’euros en 2024), et pourtant son voisin du Sud a adopté un budget de 12,383 milliards d’euros pour sa défense en 2025. C’est 825 millions d’euros de plus qu’en 2024, ce qui représente une augmentation de 9 % en un an, selon sa ministre des Finances, Nadia Fettah Alaoui. C’est aussi plus de la moitié (56 %) de ce que dépense l’Espagne pour sa défense.

Un double effort colossal

Ces chiffres nous donnent une idée de l’effort colossal consenti en matière de défense par les deux “poids lourds” du Maghreb. La Maroc consacre 10 % de son PIB à ses armées, et l’Algérie encore davantage. Depuis le début du siècle, ce poste de dépenses a été multiplié par neuf en Algérie. En valeur absolue, c’est d’ailleurs le pays le plus dépensier d’Afrique, et aussi celui avec le plus grand déficit budgétaire (21,8 % du PIB en 2025, contre environ 3,5 % pour le Maroc).

Sur le papier, le budget du ministère de la Défense espagnol n’est que de 16 milliards d’euros, mais d’autres postes de dépenses viennent compléter son arsenal militaire. Ainsi, il faut y ajouter 6 milliards de dépenses d’ordre militaire intégrées au budget du ministère de l’Industrie. Au total, cette enveloppe représente donc 1,28 % du PIB de l’Espagne, bien que le gouvernement de Pedro Sánchez se soit engagé auprès de l’Otan à ce qu’elle atteigne les 2 % du PIB d’ici à 2029 – un objectif presque irréalisable.

La course à l’armement entre le Maroc et l’Algérie a commencé il y a une vingtaine d’années, mais elle a vraiment passé un cap le 10 décembre 2020. En effet, c’est à cette date que Rabat a noué des relations diplomatiques avec Israël et approfondi leur coopération militaire et sécuritaire, qui existait déjà avant mais était restée discrète. Depuis lors, l’Algérie met les bouchées doubles pour concurrencer son voisin.

Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), Israël a fourni 11 % des armes achetées par le Maroc en 2023. Quelques années seulement après la normalisation de ses relations avec le Maroc, Israël s’est déjà hissé à la troisième place de ses principaux fournisseurs d’armes, derrière les États-Unis et la France.

Maghreb, zone à risques

En 2023, le Maroc a annoncé l’achat de 4,78 milliards d’euros d’équipements militaires, mais comme le rappelle le Sipri, cela n’empêche pas ces achats de s’étaler sur plusieurs années. Sur les forums militaires marocains non officiels, on souligne que si l’Algérie achète des armes sans grande considération, le Maroc privilégie la qualité à la quantité, ainsi que l’entretien des équipements existants. Par ailleurs, les forces armées royales du Maroc mènent depuis quatre ans une guerre de très faible intensité contre le Front Polisario au Sahara occidental.

L’année dernière, l’Algérie a quant à elle déboursé quelque 17 milliards d’euros. La Russie est toujours son principal fournisseur, mais depuis l’invasion de l’Ukraine, elle tâche de diversifier ses partenaires commerciaux en frappant à la porte de pays comme la Chine et la Turquie.

À Alger, les autorités assurent que cet effort n’est pas seulement dû à la rivalité avec le Maroc, mais qu’il vise aussi à répondre à d’autres défis sécuritaires tels que la situation au Sahel et surtout en Libye – les troupes du général Haftar, dont le régime n’est pas reconnu par la communauté internationale, se sont dangereusement rapprochées de la frontière algérienne.

Pour sa part, le Maroc fait de plus en plus d’efforts pour devenir un fabricant d’armes. Au mois de juin, les autorités ont annoncé la création de deux zones destinées à héberger cette industrie naissante. La société israélienne BlueBird n’a pas encore concrétisé son projet d’y implanter une usine de production de drones. En revanche, le groupe indien Tata est, lui, déjà passé à l’action afin de construire des véhicules blindés pour l’armée marocaine (voire pour d’autres forces armées africaines) près de Casablanca.

Un conflit encore évitable ?

La détérioration constante des relations entre Alger et Rabat, qui ont même coupé toute relation diplomatique, inquiète la France, autrefois première puissance coloniale du Maghreb. Dans son livre Les Scénarios noirs de l’armée française, publié aux éditions Robert Laffont, la journaliste et politologue Alexandra Saviana passe en revue les onze cas qui préoccupent le plus les militaires, diplomates et analystes français. La toute première, dans l’ordre chronologique, est la possibilité d’une guerre au Maghreb entre l’Algérie et le Maroc.

Xavier Driencourt, ambassadeur de la France en Algérie pendant près de huit ans, considère dans ce livre que “la dégradation des relations entre ces deux pays est telle […] que l’on ne peut écarter aucune possibilité”. Il ajoute : “De plus, le conflit israélo-palestinien rebat les cartes dans la région : il unit les Algériens autour d’un thème fédérateur tout en affaiblissant le Maroc du fait de ses liens avec Israël.”

Depuis l’invasion de la bande de Gaza, les manifestations de soutien aux Palestiniens sont constantes et massives dans les villes marocaines. La foule réclame la rupture des relations avec Israël.

« En réalité, Israël a dénudé l’Iran »...

L’historien militaire Pierre Razoux explique pourquoi les frappes israéliennes sont beaucoup plus handicapantes pour Téhéran que ce que l’on croit.....

C'est une première dans l'histoire. L'État d'Israël a revendiqué, samedi 26 octobre, avoir réalisé des raids aériens de « précision » contre des sites militaires en Iran, en représailles de l'attaque iranienne au missile sans précédent menée le 1er octobre dernier contre le territoire israélien.

D'après les premières constatations sur place, une vingtaine de cibles auraient été visées par Tsahal, dont des sites de fabrication de missiles, des batteries de défense antiaérienne et des systèmes de radar dans au moins trois régions : Téhéran, le Khouzestan et l'Ilam, dans le sud-ouest du pays.

Si la riposte israélienne était attendue depuis trois semaines, son ampleur limitée a quelque peu surpris alors que le ministre israélien de la Défense avait promis une réponse « mortelle, précise et particulièrement surprenante ». Directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (Fmes), l'historien militaire Pierre Razoux est un des meilleurs analystes stratégiques couvrant le Moyen-Orient. Dans un entretien au Point, l'auteur de Tsahal. Nouvelle Histoire de l'armée israélienne et La Guerre Iran-Irak (Perrin) explique pourquoi les frappes israéliennes sont beaucoup plus handicapantes pour l'Iran que ce que l'on croit.

Le Point : Beaucoup d'observateurs ont été surpris par la modération de la riposte israélienne à l'Iran. Est-ce aussi votre cas ?

Pierre Razoux : Pas du tout. Je trouve cette riposte extrêmement calibrée et intelligente dans le cadre de la partie de ping-pong engagée entre Israël et l'Iran. Contrairement à ce que je pensais moi-même, cette attaque ne s'est pas révélée spectaculaire et a fait un nombre réduit de victimes : quatre soldats de l'armée iranienne qui opéraient sur des sites de défense antiaérienne. La volonté manifeste d'Israël de ne pas humilier l'Iran permet à ce pays de décrire le narratif qu'il souhaite en interne.

Quel est, d'après vous, le message derrière ces frappes israéliennes ?

En réalité, Israël a signifié, à mon sens, à l'Iran, qu'il l'avait dénudé en frappant son système antiaérien dans ce qu'il a de plus performant, c'est-à-dire les batteries S 300 livrées par la Russie. C'est la même logique de signalement stratégique qui s'était déjà produite lors de la riposte israélienne du 19 avril dernier, lorsque Tsahal avait déjà détruit une batterie antimissile S 300 à Ispahan, près du site nucléaire de Natanz.

Mais cette fois, l'ampleur est bien plus importante. Le message est qu'Israël a détruit les meilleures batteries antimissiles sol-air iraniennes, qui plus est à côté d'objectifs stratégiques : le nucléaire, la balistique, la recherche et le pétrolier. La prochaine fois, les avions israéliens pourront par conséquent se balader comme ils le souhaitent au-dessus de l'Iran et bombarder ce que bon leur semble. À ce titre, je pense que c'est un signal très fort qui confère un avantage important à Israël.

Est-ce à dire que l'Iran est aujourd'hui nu ?

L'Iran n'est pas nu, mais il est sérieusement affaibli en termes de défense antiaérienne alors même qu'il était déjà faible. Désormais, je pense que les pilotes et les opérateurs de drones se disent qu'ils pourront agir à l'avenir à peu près partout au-dessus du territoire iranien sans trop de difficultés. Il s'agit donc d'une menace dissuasive extrêmement forte. Voilà pourquoi je pense que l'ayatollah Khamenei a déclaré qu'il ne fallait pas sous-estimer la portée de ces attaques, car en réalité, l'Iran est atteint.

Côté iranien, certains analystes estiment au contraire que cette attaque n'a pas modifié l'équation mise en place par l'Iran le 1er octobre avec ses frappes, qui ont perforé, en certains endroits, la défense aérienne israélienne.

Il est normal qu'ils disent cela pour correspondre au narratif de leur pays. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le 1er octobre, il n'y avait pas en Israël de batteries américaines antiaériennes Thaad, livrées depuis à l'État hébreu, ni de destroyers américains qui sont arrivés près des côtes, et possèdent à bord leur propre système antimissile. Dorénavant, un bouclier américain antimissile protège Israël, ce qui permet à l'État hébreu d'économiser ses propres stocks de missiles.

La modération affichée par Israël contre l'Iran ne s'explique-t-elle pas non plus par la pression exercée par l'administration Biden, qui veut à tout prix éviter une guerre ouverte avec l'Iran ?

Oui, et à ce titre, les Israéliens n'allaient rien faire pour mettre en difficulté Joe Biden. Leur message envoyé aux États-Unis est très clair : le gouvernement israélien a été raisonnable et a respecté le souhait américain parce qu'il a compris qu'il avait un besoin impératif de conserver cette batterie antimissile Thaad sur place.

À Washington de respecter sa part du contrat en livrant rapidement des intercepteurs à haute dose pour compléter ses stocks. Car le jour où les Américains décident de retirer ce système, ainsi que le personnel et les missiles qui vont avec, alors oui, Israël se retrouvera pour le coup en difficulté.

Quel itinéraire les avions israéliens ont-ils emprunté pour frapper l'Iran ?

Les avions israéliens ont frappé l'Iran en traversant la Jordanie, la Syrie, l'Irak et la frontière iranienne, ce qui est important quand on sait que l'Irak et la Syrie sont des pays sous contrôle ou demi-contrôle iranien. C'est une manière pour Tsahal de dire qu'il rentre dans ces pays comme il le souhaite, sans que les Iraniens ne voient quoi que ce soit.

Bien sûr, les Israéliens ne sont pas passés au-dessus de la Turquie, car cela se serait avéré compliqué avec Recep Tayyip Erdogan, ni au-dessus des monarchies du Golfe, ce qui est crucial. Cela signifie qu'Israël ne veut pas se mettre à dos les monarchies arabes en les mettant dans une position de porte-à-faux vis-à-vis de l'Iran.

Enfin, pour ce qui est de la Jordanie, il s'agit d'une démonstration selon laquelle, à partir du moment où ce pays est lui-même protégé par les États-Unis, qui étaient forcément au courant du raid, alors ces derniers ont demandé aux Jordaniens de fermer les yeux. Bien sûr, cela fragilise ce pays.

la boîte de Pandore de la guerre est-elle ouverte entre les deux pays ?

Si elle l'est davantage que la première fois, la boîte de Pandore n'est pas complètement ouverte. C'est-à-dire que les Israéliens disent aux Iraniens que s'ils sont raisonnables et qu'ils cessent leurs frappes directes contre Israël, alors ils peuvent en rester là. En revanche, s'ils continuent, la prochaine riposte sera bien pire, car l'Iran n'aura plus rien pour intercepter les frappes israéliennes, et sera humilié avec une attaque spectaculaire.

Donc, la balle est dans le camp des Iraniens qui doivent digérer tout cela. Si l'ayatollah Khamenei n'a pas voulu minorer l'impact de ces frappes, c'est bien que son entourage a compris que le bouclier iranien avait été fêlé. Et que la prochaine fois, celui-ci peut complètement casser.

Est-ce à dire que les Iraniens ne riposteront pas ?

Je ne suis pas dans la tête des Iraniens. Disons que si l'ayatollah Khamenei est toujours en bonne santé et que c'est encore lui qui dirige le pays, alors la logique veut qu'il n'y ait pas de riposte iranienne, en tout cas directe, et que l'Iran reviendra aux « basiques », à savoir les « proxys » iraniens dans la région et les attentats. Le raisonnement serait alors de poursuivre l'affaiblissement indirect d'Israël en déstabilisant la Jordanie et en essayant de soulever une partie de la Cisjordanie, même si cela va être compliqué car l'armée israélienne y a préventivement démantelé un grand nombre de structures du Hamas et du Djihad islamique.

En parallèle, l'Iran continuerait à isoler diplomatiquement Israël sur la scène internationale. Maintenant, si le guide était en mauvaise santé et que la lutte pour sa succession était déjà engagée, comme l'estiment certains milieux aux États-Unis et en Israël, alors oui, il y aurait un risque de riposte directe et d'escalade car il existe aujourd'hui, en Iran, des factions ultraconservatrices très favorables aux pasdarans, qui sont institutionnellement chargés de la force balistique du pays. Maintenant, s'il devait y avoir une opération de rétorsion visible de la part de l'Iran, celle-ci n'aurait pas lieu avant le 5 novembre prochain afin d'attendre l'identité du prochain président des États-Unis.

Dans la situation actuelle, les Iraniens peuvent-ils être encouragés à se doter au plus vite de la bombe atomique pour sanctuariser leur territoire ?

La question du nucléaire est le dossier le plus brûlant qui dépendra du nouveau président américain. Si Kamala Harris était élue, je pense que les Iraniens continueront à discuter avec les Américains et leur faire miroiter le fait qu'ils ne franchiront pas le seuil nucléaire. Mais si c'est Donald Trump, dont ils savent qu'ils n'ont rien à attendre sinon des problèmes, alors ils pourraient être tentés de gagner du temps jusqu'en juillet 2025, date à laquelle l'accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) cessera officiellement d'exister.

 Téhéran pourrait alors en profiter pour sortir du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et se lancer dans l'obtention de bombes atomiques et se déclarer puissance nucléaire, comme l'Inde et le Pakistan. C'est probablement le calcul qui est déjà fait en Iran, même s'il n'est pas encore officialisé pour le moment, les Iraniens attendant le bon prétexte pour le faire.

En résumé, la réponse de l'Iran à Israël pourrait ne pas être des frappes massives contre l'État hébreu mais la fabrication de la bombe atomique, car à ce moment-là, tout le monde ira discuter avec Téhéran. Les Iraniens ont compris aujourd'hui qu'ils ne gagneront pas la bataille technologique contre Israël.

https://www.lepoint.fr/monde/en-realite-israel-a-denude-l-iran-28-10-2024-2573875_24.php

 

Les tensions entre l’Égypte et l’Éthiopie pourraient-elles dégénérer en guerre ?...
 

Le différend en cours au sujet du barrage de la DGRE en Éthiopie pourrait facilement se propager à la Corne de l’Afrique à la lumière de deux nouveaux accords qui impliquent l’Égypte, l’Éthiopie, la Somalie et le Somaliland. La médiation turque pourrait-elle éviter une escalade?

Alors que le remplissage du barrage de la Renaissance éthiopienne approche de sa phase finale, les tensions régionales atteignent également un niveau record.

L’Égypte, un pays situé en aval du fleuve Nil, a critiqué le méga-barrage depuis que le projet de construction éthiopien de 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros) a commencé en 2011.

"L’Égypte dépend fortement de l’eau du Nil comme source d’eau douce", a déclaré à DW Timothy E. Kaldas, directeur adjoint de l’Institut Tahrir pour la politique au Moyen-Orient.

"Mais il n’a pas encore réussi à obtenir de l’Éthiopie qu’elle accepte tout accord contraignant qui donnerait à l’Egypte des garanties sur son accès à l’eau, ce qui est un intérêt national pour la sécurité", a-t-il ajouté.

Entre-temps, deux nouveaux accords - l’un entre l’Égypte et la Somalie et l’autre entre l’Éthiopie et le Somaliland - ont alimenté ce conflit diplomatique en cours dans une mesure telle qu’une crise géopolitique plus vaste pourrait se profiler à l’horizon...

Jennifer Holleis | David Ehl
09/14/2024

commentaire sur le blog de Quark :

'Je crois que j'ai déjà laissé un commentaire à ce sujet. La question est très sérieuse car elle oppose un pays arabe de religion musulmane à un pays noir principalement chrétien et animiste. En outre, 7 ou 8 autres pays sont concernés. Si une guerre devait éclater, elle pourrait impliquer des pays musulmans soutenant l'Égypte et des pays d'Afrique noire soutenant l'Éthiopie. Une dizaine de pays sont dans le pétrin et plusieurs pays touchés probablement au Moyen-Orient, avec le manque d'eau dans cette région.

Attention, un officier militaire égyptien de haut rang n'a pas exclu de bombarder le barrage de la Renaissance si l'Éthiopie coupe l'eau qui, selon l'Égypte, devrait lui parvenir. Je suppose que l'Éthiopie ferait de même avec le barrage d'Assouan.

En somme, un terrible conflit militaire.'

Birmanie : novembre 2023, tournant historique d’une guerre oubliée

Après 2 ans de guérilla dans la jungle, rebelles et minorités infligent défaite sur défaite à la junte birmane, jusque dans des villes. Le début de la fin ?

Loikaw pourrait être la première ville « libérée » de Birmanie. Après plus de deux ans d'intense guerre civile contre la junte qui a chassé les démocrates en 2021, les Karennis, un des groupes ethniques en pointe dans la rébellion, ont donné l'assaut le 7 novembre sur cette ville de plus de 50 000 habitants, proche de la frontière thaïlandaise.

Depuis, plusieurs points névralgiques de la capitale de l'État de Kayah (nom officiel de l'État Karenni, dans l'est du pays) sont tombés : université, bases, tribunal… Ce lundi 27 novembre, d'après une source au sein du groupe rebelle, ce sont des bureaux gouvernementaux et un poste de police qui ont été pris par les assaillants. Resteraient dans les mains de la junte l'aéroport, l'hypercentre et la principale base militaire, désormais cernés. « L'armée est encerclée dans sa base et doit employer un pont aérien pour s'approvisionner », assure pour sa part U Kyaw Zaw, porte-parole de la présidence du gouvernement d'unité nationale formé par l'opposition en exil.

L'offensive des Karennis n'est pas la seule et fait suite à plusieurs autres lancées dans tout le pays durant le mois passé. La première de cette série initiée à l'occasion du retour de la saison sèche était l'« opération 1027 », nommée d'après sa date de lancement, le 27 octobre. Au nord de l'État Shan, le plus vaste de la Birmanie, cœur du narcotrafic et de triades qui prospèrent entre autres sur les arnaques en ligne, l'Alliance de la fraternité (Brotherhood Alliance en anglais), une coalition de groupes armés ethniques et de forces de défenses du peuple – les nouveaux groupes rebelles formés par de jeunes résistants à la suite du putsch de 2021 – s'est emparée en quelques jours d'une immense zone frontalière avec la Chine, autour de Laukkai, où résident environ 150 000 habitants sinophones.

Débâcle de la junte

Hostile aux triades et seigneurs de guerre alliés à la junte, l'Alliance de la fraternité comprend trois groupes principaux, l'Armée de l'alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA) – les forces de l'ethnie kokang –, l'Armée de libération nationale Ta'ang (TNLA) et l'Armée de l'Arakan (AA) – un des plus importants groupes armés ethniques, originaire de l'État d'Arakan, dans l'ouest du pays, mais qui opère aussi dans l'État Shan.

Des Forces de défense du peuple de Mandalay, la deuxième ville du pays, se sont jointes aux combats. L'Alliance a pu ainsi aligner plus de 15 000 hommes, balayant les bases mal défendues et obtenant même un certain nombre de redditions d'unités entières. En outre, le 5 novembre, le commandant d'une division de l'armée y a été tué par un drone, le plus haut gradé éliminé au combat par la résistance depuis 2021. En un mois, l'Alliance de la fraternité affirme avoir pris plus de 200 positions de l'armée, dont 4 postes-frontière et des bases militaires importantes, mettant la main sur des chars, des blindés et des pièces d'artillerie lourde, comme le 24 novembre la base de Mine Kyat, près de Lashio, la principale ville du nord de l'État Shan, encore aux mains de la junte. Fin novembre, la population de Laukkai, environ 25 000 habitants, fuyait en masse, avant un assaut final imminent de l'Alliance.

L’impact cumulatif de l’opération 1027 est un tournant décisif et un point de bascule. Certains disent que c’est le plus gros revers de la Tadmataw [surnom de l’armée birmane, NDLR] depuis le Coup. Je pense que c’est son plus gros revers depuis l’indépendance en 1948 !Anthony Davis

Cette attaque-surprise a été applaudie à grand renfort de superlatifs – à juste titre. « L'impact cumulatif de l'opération 1027 est un tournant décisif et un point de bascule, confirme Anthony Davis, analyste militaire indépendant basé à Bangkok et spécialiste de la guerre civile birmane. Certains disent que c'est le plus gros revers de la Tadmataw [surnom de l'armée birmane, NDLR] depuis le coup. Je pense que c'est son plus gros revers depuis l'indépendance en 1948 ! » La portée de l'offensive a par ailleurs été démultipliée par le déclenchement d'autres opérations dans plusieurs États.

D'abord dans l'État de Kayah, les Forces de défense des nationalités karennis (abrégé KNDF en anglais) se sont ruées sur Loikaw donc, le 7 novembre. Puis, le 13 novembre, l'Armée de l'Arakan, déjà impliquée dans l'opération 1027, a mis fin à des années de trêve avec l'armée birmane dans son propre fief, s'emparant en une dizaine de jours de 44 postes de l'armée.

De multiples opérations sur différents fronts

Enfin, sur plusieurs autres fronts, des groupes rebelles ont lancé des offensives plus réduites mais significatives. Dans l'État Chin à l'ouest, l'armée nationale Chin s'est emparée du principal poste-frontière. Et dans la région de Sagaing, bastion de la rébellion de l'ethnie majoritaire nationale Bamar, les Forces de défense du peuple ont pris Kawlin, chef-lieu de district – première petite ville de ce niveau administratif à tomber dans les mains de la rébellion. Enfin, une nouvelle alliance a entamé mi-novembre la prise de Tigyaing, à la frontière entre la région de Sagaing et l'immense État Kachin du Nord. Cette petite ville stratégique contrôle un pont sur l'Irrawaddy. De quoi couper le cours du grand fleuve birman et donc la voie principale pour approvisionner les bases militaires de l'État Kachin.

« C'est un tournant dans l'histoire de la Birmanie, surtout au niveau psychologique, plaide donc Anthony Davis. Le mirage de l'invincibilité de la Tadmataw a éclaté. Sa défaite à un niveau national est envisageable, et même probable. » D'autant que contrairement à la Syrie de Bachar el-Assad, sauvée d'une situation désespérée par des troupes russes en 2015, une intervention extérieure pour maintenir la junte birmane paraît très peu probable. La Russie est désormais concentrée sur sa propre guerre avec l'Ukraine. Et la Chine, qui a pu donner sa bénédiction au général Min Aung Hlaing en 2021, s'en est nettement distanciée récemment, en particulier du fait de son incapacité à contenir la criminalité dans l'État Shan.


« S'ils chutent, ils chuteront tout seuls, prédit Anthony Davis. Personne ne viendra à leur rescousse. » Certains commentateurs en sont même venus à spéculer sur une possible implication de la Chine dans la préparation de l'opération 1027 – une hypothèse à laquelle l'expert ne croit pas. « Le renseignement militaire chinois n'a pas pu ne pas être au courant des préparatifs pour une opération de cette envergure, sur 250 km de sa frontière, décrypte-t-il. Mais cela veut-il dire qu'il l'a téléguidée ? Pas forcément. Simplement, l'Alliance était confiante que les Chinois s'accommoderaient de ce qu'elle prenne le contrôle de cette zone. Sans doute parce que les relations entre Chinois et Tadmataw s'étaient détériorées depuis un certain temps. »

Début de la guerre urbaine

L'autre question en suspens est de savoir si l'ensemble des offensives lancées en novembre font suite à un plan arrêté et ordonné à l'échelle nationale. « Nous avons coordonné les opérations non seulement dans les semaines passées, mais depuis le début de la révolution », assure U Kyaw Zaw, le porte-parole de la présidence du gouvernement d'union nationale (abrégé NUG en anglais). Le NUG a en effet au moins été mis dans la boucle, comme le prouve la participation de Forces de défense du peuple de Mandalay, sous le commandement direct de son ministère de la défense. Mais d'autres éléments trahissent qu'il ne s'agit pas d'une opération entièrement commandée par le gouvernement en exil, dont l'autorité est limitée sur les groupes armés ethniques.

« L'opération 1027 était un secret très bien gardé, note Anthony Davis. La veille, certains contacts haut placés dans la résistance n'en avaient aucune connaissance. Les opérations de novembre font donc plutôt suite à une coordination très lâche pour lancer de multiples offensives au début de la saison sèche. Par exemple, ce n'est pas parce que l'Alliance de la fraternité ou le NUG lui ont donné l'ordre d'attaquer que l'Armée de l'Arakan s'est mise en branle dans l'État d'Arakan le 13 novembre, mais parce qu'elle a décidé elle-même que c'était le bon moment. » Chaque armée ethnique joue ainsi encore en partie sa propre partition, et profite du succès des autres pour pousser son avantage.

Le résultat est le même. « L'armée est en train de s'effondrer », promet U Kyaw Zaw, se félicitant de la défection de 400 soldats durant les 3 premières semaines, dont celle d'un commandant de bataillon. La perte du soutien de ses voisins pourrait être le coup fatal à la junte. « Nous savons que nos voisins veulent de la stabilité, ajoute le représentant du gouvernement en exil. Mais l'instabilité est causée d'abord par l'armée. Il y a plus de 2 millions de déplacés depuis le coup, et 300 000 nouveaux déplacés à la suite de l'opération 1027. La Chine a renforcé son aide humanitaire, et l'Inde accueille de nombreux réfugiés. Mais nous aimerions recevoir plus qu'un soutien humanitaire. C'est le moment pour nos voisins d'abandonner la junte. »

Nous essayerons de minimiser le bain de sang. Nous sommes certains désormais de pouvoir submerger les villes à travers tout le pays.U Kyaw Zaw, porte-parole de la présidence du Gouvernement d’unité nationale, l’opposition en exil
 

Reste que le chemin est encore long pour la faire tomber. Rangoon, Mandalay, les grandes capitales régionales, sans parler de la capitale de la junte Naypyidaw… sont toutes solidement aux mains de l'armée. Avec la prise de Loikaw débuterait une série de batailles urbaines beaucoup plus meurtrières pour les populations civiles. Affaiblie, l'armée n'aurait plus que 70 000 hommes prêts au combat, d'après un diplomate européen en poste en Birmanie jusqu'à récemment. Moins nombreuse que les rebelles, elle ne serait plus du tout en mesure de renverser la vapeur par une offensive terrestre massive. Mais elle dispose encore d'une puissante aviation et de matériel lourd. La capitale de l'État de Kayah, Loikaw, est d'ores et déjà pilonnée par l'aviation ; d'après les KNDF, 30 000 civils ont fui et plusieurs milliers restent pris au piège des combats. « L'armée saigne, mais elle a ses forces aériennes, avertit U Kyaw Zaw. Cependant, notre peuple est très résilient, et plus ils emploieront cette violence, plus le peuple sera uni. » Et d'assurer en conclusion : « Nous essayerons de minimiser le bain de sang. Nous sommes certains désormais de pouvoir submerger les villes à travers tout le pays. »

Tôt ou tard, Nétanyahou devra rendre des comptes

Au lendemain de l’offensive sans précédent qui a vu le Hamas envahir Israël par air, mer et terre, la presse israélienne est folle furieuse contre le gouvernement de droite et d’extrême droite présidé par le Premier ministre Benyamin Nétanyahou.

Lancée samedi 7 octobre par le Hamas (Mouvement de la Résistance islamique, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis juin 2007) et ses alliés du Jihad islamique et du FPLP (Front populaire de Libération de la Palestine), l’opération “Déluge d’Al-Aqsa” a mis KO debout la société israélienne, son armée et sa presse, cette dernière attribuant au Premier ministre Benyamin Nétanyahou (Likoud, droite nationaliste) la responsabilité d’un meḥdal (“déroute” en hébreu) semblable à celui de la guerre du Kippour d’octobre 1973, il y a exactement cinquante ans.

Dans Ha’Aretz, Yossi Verter n’y va pas par quatre chemins. “L’humiliation emplit nos cœurs de fureur et nos yeux de larmes. C’est d’abord une tragédie personnelle pour ces centaines de familles vivant dans ‘l’Enveloppe de Gaza’ [‘Otef ‘Azza, surnom hébreu donné au territoire israélien entourant la bande de Gaza].

Des civils abandonnés à leur sort

Ensuite, poursuit-il, “ce sont ces centaines de morts et ces images traumatisantes qui montrent des terroristes armés du Hamas se déplacer le plus calmement du monde, motorisés ou carrément à pied, et tirer sur tout ce qui bouge en plein territoire israélien. Pendant plusieurs heures, les civils du Néguev occidental ont été abandonnés à leur sort et une centaine d’entre eux ont été kidnappés et ‘exfiltrés’ dans la bande de Gaza, en l’absence de toute force militaire ou de police.”

Toujours pour Yossi Verter, Israël, superpuissance régionale dotée des instruments létaux et de renseignements les plus sophistiqués du Moyen-Orient, a été tout simplement humilié par une organisation terroriste “de troisième ordre”, comparée au Hezbollah libanais pro syrien.

Et l’éditorialiste de conclure :

“Le Premier ministre Benyamin Nétanyahou et son ministre de la Justice Yariv Levin, obsédés par la ‘réforme judiciaire’ et dépendants de l’extrême droite qui a désorganisé nos institutions militaires, sont les seuls responsables de ce qui restera dans l’Histoire comme ‘la déroute de 2023’.”

La barrière de séparation ? Un “tigre de papier”

Dans Yediot Aharonot, Nahum Barnea n’est pas plus tendre. “La barrière de séparation érigée autour de la bande de Gaza a coûté 3,5 milliards de shekels [8,6 millions d’euros] en surface et sous terre, via des capteurs et des caméras dernier cri. Hier [samedi 7 octobre], elle s’est révélée un tigre de papier.”

Jusqu’à ce samedi, rappelle-t-il, “Nétanyahou et, soyons de bon compte, l’establishment de l’armée et des renseignements nous avaient vendu une ‘kontseptsiya’ (conception) selon laquelle le Hamas se satisferait d’un armistice officieux en échange d’une reprise de l’aide économique israélienne. Comme à la veille d’octobre 1973 face aux armées égyptienne et syrienne, il y a cinquante ans ans, cette ‘kontseptsiya’ s’est avérée un trompe-l’œil.”

Une armée israélienne monopolisée par les colonies de Cisjordanie

De son côté, dans Maariv, Ben Caspit se déchaîne. “Le problème est que, depuis l’arrivée au pouvoir il y a dix mois des deux partis d’extrême droite d’Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, la majeure partie des effectifs d’active israéliens a été transférée en Judée-Samarie [Cisjordanie occupée] et a été monopolisée pour séparer les terroristes palestiniens de nos extrémistes israéliens et que notre armée a été distraite de sa mission première de protection du territoire d’Israël. Voilà le résultat.”

 

Mais, toujours selon Ben Caspit, à toute chose, malheur est bon. “Au moins, malgré la crise de régime qui paralyse Israël depuis dix mois, les pilotes de chasse et les réservistes des différents corps d’armée bruyamment hostiles à la ‘réforme judiciaire’ de Nétanyahou et de ses alliés ont repris leurs uniformes et rejoint leurs unités. Accusés de haine de soi, d’antipatriotisme et d’antisionisme, eux, au moins, ont pris leurs responsabilités. En attendant de demander des comptes à Nétanyahou.”

Un gouvernement d’urgence nationale ?

À ce propos, dans ce contexte, sera-t-il possible de renvoyer le Premier ministre israélien face à ses responsabilités supposées dans le meḥdal de 2023 ? Sur ce point, les éditorialistes israéliens se montrent plutôt divisés.

Nahum Barnea, dans Yediot Aharonot, veut y croire : “Samedi soir, Yair Lapid [chef du parti centriste d’opposition Yesh Atid, “Il y a un Avenir”] a proposé à Nétanyahou de mettre sur pied un gouvernement d’urgence constitué du Likoud, de Yesh Atid et du Mahaneh Mamlakhtit [“Camp Étatique”] de l’ancien général Benny Gantz, à la condition que le gouvernement actuel mette au frigo la ‘réforme judiciaire’, voire se débarrasse de son aile d’extrême droite. Cette proposition est a priori raisonnable.”

Mais il est peu probable que Nétanyahou accepte un tel scénario. Se séparer des ministres suprémacistes Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir risque de voir la tendance majoritaire du Likoud, emmenée par le toxique ministre de la Justice Yariv Levin, faire défection et abandonner Nétanyahou face à ses affres judiciaires.

Des boucliers humains, et un sursis pour Nétanyahou

Et le pire est à venir, pour Yossi Verter, dans Ha’Aretz. “Avant de présenter Nétanyahou devant le ‘tribunal de l’opinion’, nous allons d’abord devoir gérer la question de la centaine d’Israéliens capturés par le Hamas, ‘exfiltrés’ vers la bande de Gaza et promis au rôle de boucliers humains. Du jamais vu dans la brève Histoire de notre État. Une question qui, paradoxalement, donnera un peu de répit au Premier ministre. Mais pour combien de temps ? Tôt ou tard, Nétanyahou devra rendre des comptes.”

 
Erdogan, notre ennemi de l’intérieur

Nostalgique de l’Empire ottoman, le guerrier Erdogan rêve d’en découdre avec les Arméniens, les Kurdes et même les Grecs. Le pire est à craindre.

Vous avez aimé le spectacle donné depuis des mois par Poutine, criminel de guerre et prévaricateur professionnel, qui rêve de reconstituer l'URSS ? Vous allez adorer la séquence à venir avec Erdogan qui, comme son homologue russe, entend aller au bout de ses fantasmes en essayant de recréer l'Empire ottoman.

Poutine et Erdogan obéissent à la logique pavlovienne de ces tyrans dont l'hubris mène les pas et qui flattent les instincts les plus bas de leur peuple pour faire oublier leurs échecs économiques : rien ne va plus, le pays s'effondre, le peuple gronde, une seule solution, j'attaque. Les conquêtes territoriales ne calmeront-elles pas la colère de leurs sujets ?

Après avoir libéralisé et relancé l'économie de la Turquie sur fond de réislamisation forcée, le président turc est aujourd'hui en perdition. Maniaque de la croissance à tout prix et du « quoi qu'il en coûte », il a creusé des déficits abyssaux et porté l'inflation à 78,6 % en rythme annuel, chiffre officiel que conteste un organisme indépendant, l'Enag, qui la fixe à 175,5 % !

Que faire devant un tel fiasco ? Eh bien, la guerre, pardi ! Erdogan ne sait pas encore où, mais, avant la présidentielle de 2023 -qui s'annonce mal pour lui si l'on en croit les sondages -, il explore plusieurs pistes. D'abord, finir le travail de ses prédécesseurs qui, au XXe siècle, « génocidèrent » les minorités arménienne ou grecque de Turquie : il brûle de chercher ces peuples jusqu'en Arménie ou en Grèce, qu'il aimerait démembrer ou grignoter. Ensuite, écraser les Kurdes (24 % de la population turque), dont il entend bien éradiquer l'embryon d'État en Syrie - une vitrine démocratique, féministe, antidjihadiste, multiethnique et multireligieuse, tout ce qu'il déteste.

L’appétit d’Erdogan en mer Égée

Dans les îles grecques du Dodécanèse, l’hypothèse d’un débarquement turc est prise très au sérieux, à un an de la présidentielle turque.

Des crises avec la Turquie, Dimitris Diakomichalis en a vu d'autres. Et de son bureau de maire, situé dans un majestueux bâtiment qui donne sur le port de Kalymnos, il est souvent aux premières loges. « La menace de la Turquie, c'est la problématique historique de l'île », sourit en haussant les épaules cet ancien ingénieur civil âgé de 70 ans.

Au large de Kalymnos, l'une des douze îles principales du Dodécanèse, archipel grec situé à proximité des côtes turques, une « ligne de front » invisible traverse les eaux cristallines de la mer Égée. Les armées des deux pays se surveillent, se jaugent, se provoquent depuis des décennies. Mais les tensions actuelles et les menaces de Recep Tayyip Erdogan inquiètent particulièrement le maire de l'île. « Il n'a aucune limite. » Et certainement pas celles du traité de Lausanne de 1923, qui fixe les frontières de la Turquie.

Caillou. Diakomichalis venait d'être élu pour son premier mandat, en 1995, quand a éclaté la crise, jusqu'ici la plus sérieuse, autour de l'îlot d'Imia, à quelques miles nautiques de Kalymnos. « Un cargo turc, s'est échoué le 25 décembre. Quatre jours plus tard, le ministre turc des Affaires étrangères affirmait que l'île appartenait à la Turquie et qu'elle avait les titres de propriété, se souvient le maire. Pourtant, Imia fait partie de ma commune. Les Turcs voulaient me prendre une pièce de ma maison, il était de ma responsabilité de la défendre. »

Un mois plus tard, l'édile se rend avec quelques amis sur le caillou et y plante le drapeau grec. Ce geste en a fait un héros dans son pays, mais un terroriste pour la Turquie. Dans la foulée, deux journalistes du quotidien turc Hürriyet débarquent sur Imia en hélicoptère et y hissent les couleurs turques. Athènes envoie des navires de guerre et des commandos pour réinstaller son drapeau. « Imia est grec », clame le Premier ministre Costas Simitis. « Kardak [le nom turc d'Imia] appartient à la Turquie », lui rétorque son homologue Tansu Ciller. En octobre, un avion de combat F-16 turc est abattu par un Mirage grec. Les deux pays sont au bord du conflit. Il faudra la médiation du président américain Bill Clinton pour que la tension redescende. Sans pour autant régler les différends.

 

Insultes. Sur le port de Kalymnos, la Turquie suscite toujours l'anxiété, perceptible dans les conversations. Pour le moment, ce sont des bateaux de touristes qui débarquent depuis Bodrum et les côtes turques voisines. Les marchands d'éponges cueillies sur les récifs alentour attendent les clients, somnolant à l'ombre de leur parasol. Angelos Olimpitis, le patron de l'hôtel Olympic, a reçu une salve d'insultes et de gestes obscènes depuis un bateau turc, il y a quelques jours, lorsqu'il a accroché un drapeau grec à son balcon, en surplomb du quai. Il s'en amuse et promet d'en peindre un plus grand sur le toit pour les jets turcs qui survolent l'île. Avant de lâcher : « J'ai 60 ans et cela fait soixante ans que c'est la même histoire ! S'ils veulent la guerre, laissons-les la déclencher ! » tonne l'hôtelier. « Les habitants se sentent menacés, c'est très pesant psychologiquement », se plaint le maire.

La résurgence des tensions a mis tout le pays en état d'alerte depuis plusieurs semaines. En Grèce comme en Turquie, les chaînes d'informations télévisées débattent en boucle des risques de conflit armé, à grand renfort de cartes et d'experts militaires. Le sujet monopolise le débat politique. Pour de nombreux observateurs, les deux pays membres de l'Otan n'avaient pas connu pareille ambiance depuis Imia, voire depuis l'invasion de Chypre par la Turquie en 1974.

Expansionnisme. « Nous craignons fortement que la Turquie passe à l'action. La période actuelle ressemble à une préparation psychologique de l'opinion publique », confirme une source au ministère grec des Affaires étrangères. À Athènes, le scénario de l'invasion d'une île par la Turquie est très sérieusement envisagé. « On ne sait pas laquelle, ni quand, ni comment. Cela peut aussi se concrétiser par l'annexion de la partie nord de Chypre. Ou par l'envoi de leur nouveau bateau de forage pétrolier, l'Abdulhamid, dans les eaux grecques. Le contentieux est ancien, mais nous sommes aujourd'hui face à un expansionnisme que nous n'avons pas connu jusque-là. La Turquie sent qu'elle a une possibilité à exploiter », confirme le diplomate grec.

Le scénario a pris corps fin avril, à la faveur d'un exercice militaire turc en mer Égée. Baptisées « Éphèse », ces manœuvres de grande ampleur simulaient un assaut sur une île, suivi d'un débarquement de troupes. « La Turquie dispose d'une brigade d'infanterie de marine », explique Constantin Pikramenos, consultant en sécurité et renseignement, auteur de MIT, le service secret turc (VA Éditions). « L'armée égéenne, basée à Izmir, a pour mission principale la conduite d'opérations aéronavales et amphibies pour occuper des îles grecques », complète-t-il. En uniforme de chef de guerre, le président Recep Tayyip Erdogan est venu observer les exercices d'entraînement et passer un message clair au voisin grec. « Nous appelons la Grèce à la prudence, à éviter les rêves, les actions et les déclarations qui se termineraient par des regrets, comme cela s'est produit il y a cent ans », a-t-il lancé le 9 juin, évoquant la guerre turco-grecque de 1919-1922 et la victoire des troupes kémalistes. « Je suis sérieux, je ne plaisante pas », a ajouté le « reis ». Le même jour, ses services ont diffusé une série de tweets, en grec pour réitérer les menaces et l'argumentaire turcs. Athènes a dû répliquer en publiant, sur le site du ministère des Affaires étrangères, une série de seize cartes explicatives des désaccords frontaliers.

Point mort. Depuis, les attaques fusent. « C'est une spirale dangereuse. Il y a un ton que je n'ai jamais entendu. Même en 2020, au moment des tensions en Méditerranée orientale, cela n'a jamais été aussi aigu », confie notre source ministérielle grecque. « Toutes les règles diplomatiques ont été enfreintes. Ils parlent de complexe d'infériorité grec : on est carrément dans l'insulte. Les responsables turcs agissent comme s'ils vivaient sur une autre planète », s'étonne ce diplomate. Pour ne rien arranger, le dialogue politique entre les deux États est réduit au strict minimum. Fin mai, Erdogan a coupé toutes les communications avec le chef du gouvernement grec, Kyriakos Mitsotakis. « À partir de maintenant, Mitsotakis n'existe plus dans mon agenda », a-t-il lâché. Les ministres des Affaires étrangères ne se sont plus rencontrés depuis octobre dernier et les pourparlers exploratoires sur les délimitations des zones maritimes sont au point mort. À l'approche du sommet de l'Otan, à Madrid, du 28 au 30 juin, seuls les deux ministres de la Défense se sont vus à Bruxelles pour maintenir ouverts « les canaux de communication ».

 

Mais Ankara n'a pas digéré la visite à Washington du Premier ministre grec le mois dernier. Devant le Congrès américain, Mitsotakis a appelé à maintenir le veto à la participation de la Turquie au programme américain d'avions de chasse F-35. « Deux choses les ont irrités : le rapprochement stratégique avec les États-Unis et la coopération militaire avec la France, qui s'est concrétisée par l'achat de 24 avions Rafale, dont 6 sont déjà livrés », analyse-t-on au ministère des Affaires étrangères. Ces pays sont pourtant, comme la Grèce et la Turquie, membres de l'Otan. « Après dix ans de récession, la Grèce est en train de renforcer son armée. C'est la raison pour laquelle la Turquie intensifie ses revendications, juge Constantin Pikramenos. Le risque d'une occupation des îles grecques par la Turquie reste la première des priorités pour la doctrine de défense nationale. » 

Le pouvoir turc ne s'est pas contenté de quelques exercices de son côté de la mer Égée. Les violations aériennes et maritimes du territoire grec se sont multipliées, affirme le ministère grec de la Défense. « En 2019, la Turquie avait établi un nouveau record avec 140 survols. En 2020, on était à plus du double », résume une source officielle grecque. Au moins 3 200 incursions dans l'espace aérien grec ont été recensées depuis janvier. Athènes a dénoncé « des provocations inacceptables » tandis que la Turquie accusait son voisin de dizaines de survols de ses provinces côtières. L'incident le plus sérieux s'est produit le 20 mai lorsque deux jets turcs se sont approchés à 2 miles nautiques de la ville d'Alexandroupolis. Une « violation sans précédent de la souveraineté nationale », a réagi la diplomatie grecque. Les services du ministre des Affaires étrangères Nikos Dendias ont accusé la Turquie de « promouvoir son révisionnisme néo-ottoman ». 

Cheval de Troie. Le message ne visait pas seulement Athènes. Alexandroupolis est l'une des quatre bases militaires utilisées par les États-Unis, en vertu d'un accord de coopération de 1990, étendu en octobre 2021. « C'est une base militaire logistique importante pour l'Otan et un hub énergétique », justifie la Grèce. « La Turquie utilise cela comme une menace et réécrit l'histoire du cheval de Troie », fait-on remarquer au ministère des Affaires étrangères. « Il y a maintenant neuf bases américaines en Grèce. Contre qui sont-elles installées ? a questionné Erdogan début juin, alors qu'il recevait le leader du Venezuela, Nicolas Maduro. On nous dit que c'est contre la Russie. Mais nous n'y croyons pas. » 

Repères

1821-1829 Guerre d'indépendance de la Grèce contre l'empire ottoman, qui l'occupe depuis le milieu du XVe siècle.

1919 À la fin de la Première Guerre mondiale, la Grèce occupe l'ouest de l'Asie mineure. La Turquie kémaliste reprend Smyrne (Izmir) en 1922.

1923 Traité de Lausanne. Turquie et Grèce procèdent à un échange de populations.

1947 Convention de Paris qui prévoit la cession des 12 îles du Dodécanèse, territoire italien depuis 1912, à la Grèce.

1974 Invasion du nord de Chypre par la Turquie.

1982 Convention de Montego Bay, sur le droit maritime international.

1987 Première crise égéenne.

1996 Crise autour de l'îlot d'Imia.

2019 Signature des accords Turquie-Libye. Ankara trace une zone économique exclusive qui empiète sur les eaux grecques, ce qui provoque des incidents en 2020.

C'est après l'été, et une saison touristique cruciale des deux côtés de l'Égée, qu'Ioannis Mazis, professeur au département d'études turques de l'Université nationale d'Athènes, craint de voir éclater des incidents militaires. « La Turquie poursuit un projet qu'elle n'a jamais abandonné. Erdogan veut modifier le traité de Lausanne, qui délimite les frontières de la Turquie, à l'occasion du centenaire l'an prochain, et il a le sentiment que la conjoncture est positive pour lui. Il veut exploiter le contexte de la guerre en Ukraine. Il bénéficie d'une certaine tolérance des États-Unis et de l'Union européenne », note le turcologue. À cela s'ajoute la proximité des élections. En juin 2023, Erdogan briguera un nouveau mandat. Il a d'ailleurs annoncé sa candidature le 9 juin en tenue de combat, en marge des exercices militaires à Izmir. Pour ressouder son électorat, il use et abuse de la rhétorique guerrière et nationaliste, antiaméricaine et anti-Otan. « Je trouve inquiétant que ce comportement inamical lui apporte des gains politiques, observe le professeur Mazis. Mais on ne peut pas accepter de donner la moitié de la mer Égée pour sauver le gouvernement turc. On sait que la légalité n'est pas de son côté. Mais il sait que le pouvoir et la force peuvent créer du droit. » Selon lui, l'armée turque pourrait être tentée de mener un assaut sur l'un des 16 îlots contestés le long des côtes turques.

 

Blocus. Konstantinos Grivas, professeur à l'Académie militaire hellénique, prédit, lui, « un Imia à plus grande échelle, avec un blocus et un débarquement sur une île inhabitée, avant de demander un compromis pour diviser l'Égée ». Le risque de conflit entre les deux alliés de l'Otan, qu'il estime particulièrement élevé, n'est, selon lui, pas pris au sérieux. « Les Européens n'ont pas compris qu'il s'agit aussi de leur frontière et que la Turquie ne respecte plus les règles. Cette stratégie de "négation juridique de souveraineté" ne vient pas de nulle part. Ils veulent satelliser la Grèce. Et pour cela, ils sont lancés dans une guerre hybride », affirme le professeur. Provocations militaires, opérations de désinformation, renseignement… En 2020, deux Grecs de la minorité musulmane ont été arrêtés et incarcérés pour espionnage. L'un d'eux, cuisinier sur le ferry qui effectuait la liaison Rhodes-Kastellorizo, livrait des renseignements sur les installations militaires grecques.

Le contentieux territorial entre les deux rivaux historiques ne date pas d'hier. Avec la découverte de pétrole près de l'île de Thassos, en 1973, la Turquie envoie un bateau d'exploration escorté par des navires militaires. En 1987, on frôle le conflit, et la Grèce décrète la mobilisation générale. Dans les années 1990, l'état-major turc crée « la théorie des zones grises », ciblant seize îlots inhabités, ce qui débouche sur la crise d'Imia. En 1995, l'Assemblée nationale turque vote une motion stipulant qu'une extension des frontières maritimes grecques, comme le prévoit le droit international maritime, constituerait un casus belli. « Le texte a été approuvé à l'unanimité » a rappelé la Turquie ces derniers jours. Depuis vingt-cinq ans, les provocations n'ont jamais réellement cessé, constate Manolis Koulias, le président du syndicat des pêcheurs de Kalymnos. « Quand on va pêcher autour d'Imia, leurs garde-côtes nous harcèlent, ils essayent de nous couler ou nous menacent avec des armes, raconte le pêcheur. C'est une zone très poissonneuse, mais quand on s'approche, on est repoussé. »

Bataillon. Aujourd'hui, la Turquie utilise le prétexte de la militarisation des îles du Dodécanèse. « Ankaravient soudain de comprendre que certaines îles étaient militarisées alors qu'il ne s'en était jamais plaint pendant cinquante ans », note Dimitris Diakomichalis. La grande île voisine de Kos, notamment, comprend une base militaire et un bataillon de commandos grec. Pour la Turquie, ces installations violent les dispositions prévues par le traité de Lausanne. Mais pour Athènes, cette interprétation est erronée car, à l'époque, le Dodécanèse était italien et la démilitarisation des îles visait le régime mussolinien. L'archipel fut cédé à la Grèce en 1947, après la convention de Paris. « L'article 51 de la charte des Nations unies permet le déploiement de forces de défense en cas de menace, rappelle le maire de Kalymnos. Et malheureusement, nos îles sont menacées. » §

 

, envoyé spécial à Kalymnos, Kos et Athènes (Grèce)

Israël vs Iran : l’aéroport de Damas mis hors service, le prélude à une “guerre”

Des frappes menées par Israël, vendredi 10 juin, en Syrie ont lourdement endommagé l’aéroport de Damas, désormais hors service. Un fait inédit. Certains craignent que cette escalade ne soit le début d’une “guerre” ouverte entre l’État hébreu et l’“axe de la résistance” représenté par Téhéran, Damas et le Hezbollah libanais

C’est sans doute un nouveau seuil franchi dans la guerre par procuration menée par Israël contre l’Iran sur le sol syrien. Vendredi 10 juin avant l’aube, des raids aériens menés par Tsahal ont visé l’aéroport de Damas, endommageant les bâtiments et mettant les pistes d’atterrissage hors service.

Si l’aéroport a déjà été pris pour cible, la suspension des vols est une première, soulignent plusieurs médias arabes, dont Al-Araby Al-Jadid.

Selon le site d’opposition syrien Enab Baladi, des travaux de réparation ont été lancés ce week-end mais cela peut prendre plusieurs semaines.

Alliés indéfectibles du régime syrien, la Russie et l’Iran ont dénoncé l’opération, le ministre des Affaires étrangères iranien, Hossein Amir Abdollahian, la qualifiant de “lâche agression”.

Empêcher la contrebande d’armes

Selon Ha’Aretz, ces frappes “visaient à empêcher la contrebande d’armes venant de l’Iran à destination du Liban via la Syrie, au moyen de vols commerciaux”. Le “message” d’Israël est clair : “Nous ne permettrons pas à l’Iran de fournir en douce au Hezbollah des systèmes de navigation par satellite” pouvant être installés sur les missiles.

Ces raids surviennent alors que l’attention internationale “est focalisée sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine”, que Moscou a retiré une partie de ses troupes de Syrie et que le bras de fer se corse sur le dossier nucléaire iranien, ajoute le quotidien israélien.

Selon un analyste cité par Al-Araby Al-Jadid, cette escalade “pourrait ouvrir la porte à des représailles, suivies de davantage d’attaques israéliennes, ce qui pourrait mener au déclenchement d’une guerre régionale”.

Depuis le début du conflit syrien en 2011, Israël a mené une centaine de raids contre des cibles iraniennes et syriennes en Syrie, qui se sont intensifiées au cours des deux dernières années.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article