L214, ses 100 salariés à plein temps, ses financements troubles..

Publié le par ottolilienthal

Le Gaulois accusé de manipulation génétique de ses poulets : L214 condamnée

Le juge des reférés de Strasbourg a donné raison jeudi au groupe LDC, dont dépend la marque Le Gaulois, qui accusait l'association L214 de dénigrement de ses poulets lors de sa dernière campagne coup de poing.

L'association de défense des animaux L214 a été condamnée par le juge des référés à cesser toute campagne accusant le groupe Le Gaulois de « manipulation génétique » de ses poulets, jeudi à Strasbourg.

L214 avait été assignée par le groupe LDC, qui commercialise notamment les marques Le Gaulois et Maître Coq et se disait victime d'une campagne de « dénigrement » et de « désinformation » de la part de l'association, dont le siège social est à Strasbourg

 

L'association de défense des animaux L214 a été condamnée par le juge des référés à cesser toute campagne accusant le groupe Le Gaulois de « manipulation génétique » de ses poulets, jeudi à Strasbourg.

 

Dénonçant les conditions d'élevage des poulets dits de chair, des militants de l'association de défense des animaux ont mené des actions dans 25 points de ventes, où ils ont appliqué des autocollants indiquant « poulet manipulé génétiquement » sur des barquettes de volaille dans les rayons.

Ils avaient aussi réalisé une action choc avec l'animateur Nagui et le journaliste Hugo Clément place du Trocadéro à Paris le 15 février.

« L214 a excédé sa liberté d'expression »

Le juge des référés a interdit jeudi à L214 d'utiliser cette mention sur des autocollants visant les volailles le Gaulois et l'a enjoint de supprimer les pages internet relatives à cette campagne de contre-publicité.

« L214 a excédé sa liberté d'expression en voulant choquer les clients de la marque Le Gaulois, en cherchant à dénigrer la marque et en voulant jeter publiquement le discrédit sur ses produits », a réagi dans un communiqué la direction de LDC.

« En particulier dans le contexte de crise agricole que nous traversons, nous regrettons que des organisations s'acharnent contre l'élevage et les éleveurs français, contre notre marque Le Gaulois, et s'en prennent au libre choix des consommateurs », a encore estimé LDC.

L214 dénonce une « atteinte disproportionnée »

« L'association prend acte de cette décision, elle en interjette appel immédiatement, dans la mesure où elle porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression et à ses moyens d'action », a déclaré l'avocate de L214, Me Caroline Lanty.

L'association reproche à LDC d'utiliser pour ses poulets dits de chair la souche Ross 308, à croissance ultrarapide.

La campagne va continuer

« Nous n'allons pas nous laisser faire : nous appliquons la décision, mais nous faisons appel car nous ne pouvons pas laisser LDC nous intimider et nous empêcher de dévoiler la souffrance des animaux élevés pour ses marques Le Gaulois, Marie et Maître CoQ », a réagi dans un communiqué Brigitte Gothière, cofondatrice de l'association L214.

Elle a assuré que la campagne « demandant à LDC de mettre un terme à la croissance ultrarapide des poulets va continuer » avec des « stickers différents », et a promis de nouvelles actions « bientôt ».

L'association, qui s'est faite connaître en diffusant des images choc tournées en cachette dans des élevages ou abattoirs, a été créée en 2008 et compte aujourd'hui une centaine de salariés à plein temps.

  •  
La bataille juridique des inventeurs de la fausse viande fait rage aux États-Unis

La guerre est déclarée entre Impossible Foods et Motif FoodWorks, le premier reprochant à son concurrent de violer un de ses brevets.

Alors que la bataille fait rage dans les supermarchés en ce qui concerne les produits d'origine végétale, c'est en justice que deux entreprises s'affrontent aux États-Unis. Selon le Financial Times, Impossible Foods a attaqué Motif FoodWorks l'accusant d'avoir violé un de ses brevets sur un produit qui utilise une molécule contenant du fer. Cette protéine a en effet été conçue pour donner à des produits végétaux le goût du hamburger de bœuf. Selon le plaignant, son concurrent lui a violé son brevet sur cette réplique de viande de bœuf qui utilise du chanvre (molécule qui contient du fer).

En réponse à la plainte déposée par Impossible Foods, Motif FoodWorks a déposé une requête auprès de la commission d'appel concernant les brevets aux États-Unis. Elle a surtout demandé que les poursuites judiciaires soient suspendues le temps de la procédure. Ce litige témoigne de la guerre que se livrent les entreprises du secteur où la biotechnologie permet de créer des produits végétaux qui ont le goût de la viande. Selon le Financial Times, cette recherche permanente de la nouveauté devrait laisser présager de nombreuses actions en justice pour s'octroyer les brevets dans ce vaste (et récent) domaine.

Guerre de brevets

"Les nouvelles technologies vous permettent de faire la différence et de créer un avantage par rapport à la concurrence," laisse entendre une chercheuse en Recherche & développement (R&D) du groupe Heura Foods, spécialisé dans la viande végétale. Or la technologie est aujourd'hui primordiale afin d'obtenir des goûts de viande dans les produits végétaux. En outre, les brevets sont essentiels pour ces entreprises afin d'obtenir des fonds et se lancer pour de bon.

Impossible Foods a été créé en 2011 et a lancé son premier burger végétal en 2016. Il est valorisé à sept milliards de dollars désormais. L'entreprise produit du chanvre à base de soja et avec de la levure génétiquement modifiée. Ce serait un de ses ingrédients secrets et ce qui la différencierait de ses concurrents. De son côté, Motif FoodWorks produit son propre chanvre appelé Hemami, ce qui conférerait ce goût de viande à sa création végétale.

 

https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-bataille-juridique-des-inventeurs-de-la-fausse-viande-fait-rage-aux-etats-unis-1435829

L'association antispéciste a réalisé une OPA sur les questions de bien-être animal avec des motivations et des financements troubles.

Il aura suffi de 24 heures. Le 4 décembre dernier, au lendemain de la publication d'une vidéo choc de l'association antispéciste L214 tournée dans un élevage porcin de l'Allier, les supermarchés britanniques Waitrose annonçaient suspendre immédiatement la vente de produits de la marque Herta, leader de la charcuterie en France. Les images, compilées sur une musique angoissante avec un minimum de commentaires, dévoilaient des cochons entassés, la queue coupée, souffrant de hernies, des porcelets mort-nés sanguinolents jetés dans un bac, des antibiotiques « interdits »… Autant de « preuves », selon l'organisation, de conditions d'élevage « inhumaines » imposées aux cochons au mépris du respect de normes élémentaires.

«  Waitrose a pris la mesure des souffrances des animaux dans cet élevage Herta censé être ce que la marque a de mieux à proposer », se félicitait aussitôt Sébastien Arsac, l'un des fondateurs du mouvement. «  Elle prend aussi ses responsabilités dans la lutte contre l'antibiorésistance » Un discours relayé par la quasi-totalité des médias nationaux, sans la moindre prise de distance : les taux de mortalité de cet élevage, régulièrement inspecté, sont-ils supérieurs à la moyenne ? Les animaux peuvent-ils avoir été regroupés pour les besoins du tournage ? Les médicaments filmés ont-ils été administrés hors prescription vétérinaire ? Rien, sur les images, ne permettant de juger de la réalité des faits allégués, la marque s'est murée dans le silence en attendant les résultats d'une enquête inopinée lancée la veille de la publication par les services vétérinaires de la préfecture de l'Allier.

« Je ne comprends pas que les médias n'aient pas attendu d'en savoir plus avant de torpiller cet élevage », souffle une source des services du département, alertée en début de semaine par une «  journaliste »… britannique, qui avait reçu la vidéo plusieurs jours à l'avance. L'article de Sophie Kevany, en réalité communicante pour plusieurs organisations de bien-être animal, paraît dans le prestigieux quotidien The Guardian, au sein d'une rubrique financièrement sponsorisée par l'Open Philanthropy Project, une fondation finançant à la fois L214 et différentes start-up investies dans la viande cellulaire* et les substituts végétaux à la viande** ! La confusion des genres, évidente, passe inaperçue aux yeux du public, et l'émotion suscitée par l'article est telle que la chaîne Waitrose s'incline avant même de connaître les résultats de l'enquête… Des résultats qui ne seront connus que 12 jours plus tard : le 16 décembre, la préfecture concluera "à la bonne tenue de l'élevage et à l'absence de non-conformité majeure". "Contrairement aux éléments filmés, il n'a pas été observé d'animaux en souffrance ni de cadavres" dans cet élevage, dont on apprend aussi qu'il était régulièrement contrôlé. 

Montages trompeurs

« L'effet de sidération est fondamental dans la stratégie de L214 », analyse Frédéric Denhez, auteur d'essais sur la cause végane. « L'émotion ressentie par le consommateur à la vue de ces images empêche toute prise de distance et annihile sa raison », poursuit-il, au point de rendre suspecte toute tentative d'explication. Car on ne peut excuser l'horreur… Les partenaires des enseignes ciblées sont sommés de prendre position dans l'instant, au risque de subir à leur tour une campagne de name and shame virulente. « La lutte est perdue d'avance… » Les comptes rendus de vérification des services vétérinaires, la plupart du temps, passent inaperçus, même lorsqu'ils dédouanent l'élevage de tout manquement.

À Montboison, dans la Drôme, un éleveur de cailles visé au printemps 2019 par une vidéo de L214 ne s'en est pas relevé. «  En quelques jours, tous nos clients se sont détournés et nous avons perdu un investisseur », raconte Tomy Valentin, ancien actionnaire de l'entreprise Drôme Cailles, qui a fermé ses portes les mois qui ont suivi, laissant sur le carreau 37 salariés. «  Ce sont 37 familles frappées par le chômage, on ne sait pas ce qu'on va faire des bâtimentsLes cailles sont maintenant importées d'Asie, et le couple d'éleveurs est traumatisé. On les a traités de nazis dans toute la France ! » L'enquête de la préfecture conclura pourtant à «  des conditions d'élevage des animaux conformes aux attentes et ne correspondant pas aux images diffusées ». Le public n'en saura rien : la presse locale se contentera d'un entrefilet. Quelle importance ? « Nous soulevons des problèmes systémiques », explique la porte-parole de L214 Brigitte Gothière. Elle explique que le but n'est pas de pointer des manquements particuliers, mais de dévoiler « la réalité d'un système » et d'augmenter la pression sur les entreprises. Quitte à diffuser des montages trompeurs, avec l'objectif avoué de briser le commerce.

En septembre 2020, des images tournées chez le leader européen de l'élevage de faisans Gibovendée montraient des milliers de volatiles enfermés dans des cages en métal, sans préciser qu'il s'agissait là des pondoirs, les oiseaux grandissant en réalité dans de gigantesques volières de plusieurs hectares. « L'entreprise emploie 180 salariés et exporte vers l'Angleterre un quart de sa production », décrypte l'avocat de Gibovendée, Me Alexandre Varault. En 2017, une première vidéo avait permis de faire pression sur les compagnies maritimes transportant les volatiles vers l'Angleterre. « Leurs services commerciaux ont été inondés de messages montrant des images de bêtes martyrisées. Brittany Ferries a cédé la première, puis les autres ont suivi. » Mais l'élevage avait, depuis, trouvé un autre transporteur avec Eurotunnel. D'où cette nouvelle campagne choc, L214 sommant la société de «  cesser de participer à ce commerce de chair à fusil ».

« L214 ne cherche pas à améliorer la condition animale, mais à dénoncer tout le système social et économique qui soutient un modèle », décrypte un membre des services de renseignements, qui surveillent désormais étroitement ces mouvements « antispécistes » dont la radicalité inquiète d'autant plus que leurs modes opératoires, et leurs luttes, convergent avec ceux de l'ultra-gauche. Au point que cette large mouvance est aujourd'hui considérée comme la deuxième menace majeure, juste après le terrorisme. Au ministère de l'Agriculture, une cellule spéciale suit désormais ces mouvements, en lien avec l'Intérieur et les services de renseignements. Le sujet est hautement sensible, décrypte une source très informée : « Chacun a naturellement le droit de défendre ses convictions, les antispécistes comme les autres. Mais les modes opératoires sont illégaux. Et au-delà, il y a clairement une manipulation de l'opinion : c'est une lame de fond qui vise à renverser des habitudes de société, par des gens qui n'ont aucun respect des règles démocratiques. »

Avec des conséquences sociétales et économiques réelles. « Il y a un vrai enjeu de protection des populations quand une organisation manipule les esprits, avec des modes opératoires illégaux et des financements opaques, mus par des intérêts mercantiles qui ne sont pas toujours clairs. Ces mouvements veulent imposer une idéologie, en maniant à la fois la honte et la menace, appuyés par une sémantique faite pour marquer. » « On n'est pas encore dans la police de la pensée, ajoute cette source, mais on s'en approche… »

 
« Préparer l'acceptation » pour abolir la viande

Car c'est l'autre grande victoire de L214 : avoir réussi à imprégner l'espace public en un temps record, sans que soit jamais discuté le modèle de société que l'organisation cherche à imposerCréée en 2008 par une poignée de militants antispécistes, qui s'étaient rencontrés dans le combat contre le gavage des oies, l'organisation a pourtant immédiatement théorisé sa stratégie. Si le public connaît surtout les visages du couple médiatique que forment Brigitte Gothière et Sébastien Arsac, il voit rarement le troisième fondateur de L214, qui est aussi son « cerveau » : Antoine Comiti. À la tête d'une start-up (Ki Lab) qui commercialise des applications digitales pour le secteur de la santé, le président de L214 préfère rester dans l'ombre. Pourtant, ses écrits méritent attention.

En février 2008, année de la création de L214, dans un article intitulé « Abolir la viande » publié dans les Cahiers antispécistes dont il est l'un des piliers, il dévoilait sa stratégie : « Il faut dès maintenant œuvrer à l'interdiction légale de la production et de la consommation de chair animale. […] Pour mettre un terme au sort hideux réservé aux animaux mangés, il faut que la question soit portée (aussi) au niveau politique. […] Il y a une foule de mesures partielles qui sont cohérentes avec la marche vers l'abolition : faire reculer et disparaître les subventions à l'élevage et la pêche, taxer la viande, faire respecter le droit de non-viande (possibilité de repas sans produits animaux dans la restauration collective), empêcher des ouvertures ou extensions d'élevages, contrer la propagande présentant les produits animaux comme indispensables à la santé, obtenir l'interdiction de produire et d'importer tel type de viande obtenu dans des conditions particulièrement atroces…. » L'abolition serait longue à obtenir, poursuivait-il. «  Mais avant ce jour, nombre de mesures partielles peuvent constituer des signes qui rendent de plus en plus crédible, palpable, qu'on tend vers l'abolition de la viande. Elles préparent l'acceptation, la volonté d'en finir avec le sacrifice des animaux à des fins alimentaires. » Jusqu'à ce qu'un « point de bascule » soit atteint, après lequel plus aucun retour en arrière ne serait possible…

Après quelques premiers succès remportés grâce aux images tournées dans des abattoirs, qui vont réellement ouvrir les yeux du public sur des pratiques indignes (et forcer un vaste mouvement de réforme et de rénovations), l'organisation, dont la notoriété reste alors confidentielle, va affiner sa stratégie grâce au soutien d'experts américains de l'agit-prop : les membres de l'association activiste The Humane League, puissante ONG américaine passée maître dans l'art du harcèlement d'entreprises, se déplaceront en France pour former les membres de L214, comme le raconte le militant Jean-Baptiste Del Amo dans son livre L214, une voix pour les animaux, les accompagnant même à leur premier rendez-vous avec Sodexo… Après une campagne éclair présentant le logo de l'entreprise barré d'un poignard sanglant. Sodexo s'engage à cesser d'utiliser des œufs de poules élevées en batterie. La première d'une longue série : Monoprix, Lidl, Carrefour, Auchan…, visées l'une après l'autre par des campagnes d'humiliation publique fortement médiatisées, lui emboîtent le pas, jusqu'à Emmanuel Macron qui, en pleine campagne électorale, s'engage à interdire « d'ici 2022 » la vente (aux consommateurs seulement) d'œufs de poules élevées en cage.

Les dons : une subvention indirecte de 4,3 millions d'euros

Les résultats tangibles obtenus par L214 lui attirent rapidement une foule de sympathisants de la cause animale, sincèrement convaincus que l'organisation cherche pacifiquement à améliorer les pratiques d'élevage. L214 a pourtant rapidement rompu ses liens avec les organisations « welfaristes » (accusées de vouloir maintenir un système par définition « tortionnaire »), et ne participe pas aux réunions organisées entre élus, associations et ONG de défense de la cause animale afin d'améliorer la législation. « Ils ne consacrent pas un euro à aider concrètement les animaux, pas un », s'enflamme la députée (LREM) Martine Leguille-Balloy, par ailleurs spécialiste du droit de la santé animale. « Toutes les autres galèrent pour financer des refuges, offrir une seconde vie aux animaux. Eux ? Leur argent part dans la manipulation des esprits pour forcer un changement de société, avec l'aide des marchands de viande alternative. Ce n'est pas grave d'être mercantile. Mais manipuler l'opinion, ça suffit ! »

Or l'argent, il y en a beaucoup. En à peine trois ans, les financements de L214 ont littéralement explosé. En 2019, l'organisation a récolté 4 812 982 euros de dons, provenant à 89 % de particuliers. Elle dispose par ailleurs toujours des fonds (1,14 million d'euros) versés en 2017 par l'Open Philantrophy Project. Enfin, afin de pouvoir recueillir des héritages, l'organisation a créé un « fonds de dotation » qui a déjà amassé un pactole : 2,7 millions d'euros pour la seule année 2019, année durant laquelle il a aussi encaissé 1,05 million de la vente d'un bien immobiliser précédemment légué. Automatiquement reconnu d'« utilité publique » (une bizarrerie de la loi), ce fonds est exonéré de droits de mutation, qui se montent d'ordinaire à 60 % de la valeur du bien… En contrepartie, il doit justifier l'emploi de cet argent dans un rapport dédié, qui n'a jamais été publié. Au total, L214 a donc engrangé pour la seule année 2019 la coquette somme de 8 560 802 euros, tous défiscalisés. Le manque à gagner fiscal pour l'État s'élève à… 4,3 millions d'euros.

Dans la majorité, plusieurs commencent à s'en émouvoir. « À quel titre l'État subventionne-t-il des opérations illégales, dont le but affiché est de détruire un pan de notre économie ? », tempête le député (et éleveur) LREM Jean-Baptiste Moreau, excédé par la « naïveté » de nombreux politiques, qui ont soutenu le Référendum d'initiative populaire (RIP) animaux.

Les intérêts troubles du « RIP animaux »

Car si les luttes de L214 rencontrent un tel écho, c'est aussi parce qu'elles recoupent les intérêts d'acteurs de la finance et de la grande distribution. « Les grandes surfaces ont tout de suite vu l'intérêt qu'il y avait à imposer aux consommateurs la vente plus chère d'œufs label, sur lesquels les marges sont plus élevées », grince un acteur du secteur. Et les financiers sont entrés dans la danse : porté par des figures populaires, comme le journaliste Hugo Clément, Stéphane Bern ou le député Cédric Villani, le RIP animaux a en réalité été créé par un trio de patrons français, qui ont lourdement investis dans les alternatives végétales à la viande, et dans la viande cellulaire.

À l'origine du RIP, une association créée tout exprès : l'Association pour la cause animale, dont les statuts ont été déposés par la sœur et l'ex-femme de Xavier Niel, patron de Free, dont le fonds d'investissement s'est récemment lancé dans l'acquisition d'entreprises de distribution et de consommation « à forte responsabilité sociale et environnementale ». Il est aussi l'un des plus gros investisseurs de la start-up Les Nouveaux Fermiers, dont les premiers steaks et nuggets végétaux sont fort opportunément apparus dans les rayons de Carrefour et de Monoprix en octobre…, la semaine même où une proposition de loi inspirée du RIP était débattue à l'Assemblée nationale. Marc Simoncini (Meetic) et Jacques-Antoine Granjon (Veepee) ont, eux, investi plusieurs millions d'euros dans « Poule House », un concept d'« œuf éthique » qui propose (à prix d'or !) le «  premier œuf qui ne tue pas la poule avec un mode de production sans abattage ». De remarquables coupmarketing, servis par L214, qui multiplie les publicités sur son site Internet pour les « alternatives végétales à la viande » et en fait la promotion active… Jusque dans les écoles, auxquelles l'organisation consacre 16 % de son budget, inondant la communauté enseignante de vidéos, mallettes et kits « pédagogiques » détaillant les méfaits de l'élevage pour l'environnement. Autant de futurs clients pour milliardaires avertis…

« Un mouvement d'essence élitiste »

« La force de ces mouvements aux intérêts convergents, c'est qu'il est devenu quasiment impossible de les critiquer ou d'avoir le moindre discours nuancé, puisque l'argument moral écrase tout », déplore un chercheur de l'Inra, spécialiste du bien-être animal, insistant sur l'anonymat par crainte de devenir, lui aussi, une cible. « La force de conviction rencontre la puissance du marketing. C'est dommage, parce que certaines des choses dénoncées par L214 frappent juste. On sait désormais que les animaux dotés d'une moelle épinière souffrent, ce sont des données dont on doit tenir compte. Mais imaginer un monde sans élevage ? Un monde sans pâturages, sans nourriture pour les chats, un monde de carences… Aujourd'hui, 9 millions de Français sont en situation de précarité alimentaire. Comment pourront-ils payer ? »

C'est l'impasse que pointe également Jean-Baptiste Moreau, désigné comme « agissant contre les animaux » sur le site de fichage des politiques mis en place par L214 (et qui recense plus de 3 500 élus). « Concrètement, les actions de L214, en affaiblissant notre élevage, soutiennent l'importation de produits moins-disants. On importe déjà 80 % des poulets de la restauration ! » Face à la question, Brigitte Gothière élude, comme dans un angle mort. Pour Frédéric Denhez, le véganisme rencontre une popularité croissant car « c'est un mouvement d'essence élitiste. Il permet à la bourgeoisie de gauche de se différencier socialement. Pour le peuple, la viande a été une conquête sociale, au même titre que la voiture. Et c'est encore souvent le seul luxe qui reste au sein d'un foyer. L214 promeut aujourd'hui une agriculture paysanne, qui produira une viande alternative, mais à quel prix ? Ils sont les idiots utiles d'un système purement industriel qui prétend tout hygiéniser. C'est tout sauf révolutionnaire. » Et d'autant plus dommage, pour Ludovic Lecarpentier, vétérinaire fortement engagé pour la cause animale, que « la France a pris un retard fou dans les améliorations à apporter à ses pratiques d'élevage. Diaboliser les acteurs, à mon sens, ne fait pas avancer la cause. Cela ne fait que fracturer davantage la société… »

*The Good Food institute

 
 

** Impossible Food.

 

Par

Encore une manipulation de L214

Début novembre, L214 a diffusé une vidéo montrant des porcs du Gaec de Margnac, en Charente, blessés pour certains, couverts de mouches pour d’autres. Le but n’étant pas la recherche de la vérité mais la stigmatisation de toute une filière, l’association anti-viande « a posté sa vidéo sans prévenir les éleveurs ni les rencontrer » regrette La France Agricole. Qui, du coup, a fait le travail : « Les porcs aux flancs éraflés de la vidéo ont été filmés dans l’infirmerie, comme il en existe pour la plupart des élevages ». Un peu comme si des extra-terrestres ne voyaient de l’humanité que des images des urgences médicales (accidentés de la route, etc.) ! « Quand aux mouches, continue La France Agricole, elles proviennent de fosses à lisier dont la vidange était prévue les jours suivants. » Comme d’habitude, « la publication de la vidéo a donné lieu à une visite des services vétérinaires » et comme d’habitude, « aucune infraction n’a été relevée ». Mais pour les éleveurs, « très secoués par le traitement médiatique donné à cette affaire », le mal est fait. Ils ont déposé plainte pour intrusion.

 « L214 casse la dynamique de progrès »

La préfecture vient de blanchir un élevage Herta ciblé par une récente campagne. Arnaud de Belloy, patron du leader français du jambon, se confie.

 

Comme souvent, l'épilogue du dernier scandale « révélé » par L214 n'aura pas fait la une des journaux. Le 16 décembre, la préfecture de l'Allier dévoilait, dans un communiqué, les conclusions de l'inspection inopinée conduite pendant deux jours dans un élevage porcin du département, accusé le 2 décembre par l'organisation L214 d'élever ses animaux dans des conditions abominables. Sur les images soigneusement montées et livrées à la presse défilaient cadavres de porcelets sanguinolents, cochons griffés et entassés, antibiotiques interdits… Dépêchés sur place la veille de la diffusion, trois inspecteurs spécialisés et expérimentés dans la filière porcine ne constateront pourtant aucun manquement majeur : « Ont notamment été contrôlés la conformité de l'ensemble des locaux où sont détenus les animaux présents, le respect de la densité de porcs par cage, l'absence de cadavres, le bon entretien des animaux. De manière générale, l'inspection conclut à la bonne tenue de l'élevage et à l'absence de non-conformité majeure. Contrairement aux éléments filmés, il n'a pas été observé d'animaux en souffrance ni de cadavres. » Les images, tournées en deux temps aux mois de juin et de septembre, avaient étonné les services : outre un élevage de porcs, l'exploitation familiale accueille aussi un élevage de vaches laitières, un atelier de fabrication d'aliments pour ses animaux et un méthaniseur, tous régulièrement contrôlés. Une inspection avait également été effectuée, le 18 septembre, par un bureau indépendant missionné par le groupement d'éleveurs travaillant pour Herta pour contrôler les pratiques de ses membres : densités d'élevage, usages de produits vétérinaires, hygiène… Tout était en ordre. Alors ? « Nous sommes soulagés que les services vétérinaires de la préfecture aient travaillé aussi vite pour rendre leurs conclusions, car la procédure prend souvent deux ou trois mois », confie Arnaud de Belloy, patron de la marque Herta, qui a repris ce week-end les achats auprès de cet éleveur, mis en pause début décembre sous la pression médiatique. L'enseigne britannique Waitrose, qui avait également suspendu ses approvisionnements chez Herta, les a repris dès le 5 décembre. Mais le « bruit médiatique » risque de laisser des traces.

Lire aussi Élevage de porcs : ce que montrent vraiment les images de L214

 
« Je n'ai pas dormi pendant 6 jours »

Pour le meilleur ? Pas certain. « Nous avons lancé cette filière Préférence depuis plus de huit ans, et nous y avons beaucoup investi. Des ONG welfaristes nous ont aidés à améliorer nos critères, qui évoluent constamment. Les mauvaises pratiques existent toujours, il faut les dénoncer, mais en ciblant aussi les bons élevages, L214 casse la dynamique de progrès. Aucun éleveur n'osera plus investir. Or nous avons besoin d'avancer : l'évolution de l'élevage, c'est du temps long », décrypte Arnaud de Belloy. Dans l'Allier, les propriétaires de l'exploitation familiale ciblée ont vécu l'intrusion de L214 avec la violence « d'un décès. […] On a eu tellement peur qu'on a commencé par enlever notre nom de la boîte aux lettres et demandé aux enfants de ne rien dire à l'école », raconte l'un d'eux. « Je n'ai pas dormi pendant 6 jours. On peut mettre par terre le travail d'une vie en quelques minutes de mise en scène… » Parmi les premières engagées dans la filière « Préférence » de Herta, qui met l'accent sur l'amélioration de l'environnement, de la nutrition et du bien-être des animaux, la famille cultive elle-même ses aliments d'élevage fabriqués sur la ferme, et a investi dans un méthaniseur pour utiliser le lisier des cochons. « Ce sont des investissements lourds », insiste Arnaud de Belloy, qui précise « travailler à augmenter l'espace des truies en maternité », aujourd'hui isolées dans des cases séparées pour éviter que leurs congénères n'écrasent les porcelets. « Nous testons actuellement trois nouveaux modèles de cages individuelles, beaucoup plus grandes… mais cela prendra du temps : l'éleveur devra casser et reconstruire ses bâtiments. Tous n'auront pas l'assise financière pour le faire immédiatement. »

Lire aussi L214 : la cause animale dévoyée ?

« Un tiers de mes clients font leur panier moyen à un euro près »

Une réalité qu'il devient de plus en plus « difficile d'expliquer au grand public », déplore un acteur de la filière.« Car les consommateurs expriment de plus en plus d'attentes, mais refusent obstinément de payer plus cher. » Ainsi du porc Label rouge, un must en matière de bien-être : sur les 4,4 % de porcs Label rouge produits en France, seuls 2,1 % sont commercialisés comme tels en sortie d'abattoirs, le reste étant déclassé faute de trouver acheteur. « Le jambon reste un produit populaire », confirme Arnaud de Belloy. « Un tiers de mes clients font leur panier moyen à un euro près. Nous allons monter en gamme, mais il faut l'accompagner… »

Sans démotiver les éleveurs, et détruire la filière. « L214, dont le but est d'abolir l'élevage, cible les grands acteurs pour inciter les clients à se détourner totalement des produits carnés. À court terme, les enseignes risquent de lâcher les éleveurs français pour avoir la paix, et le jambon sera importé  », redoute un responsable de coopérative ayant demandé l'anonymat, par crainte d'être pris pour cible. « Ce qu'a vécu cet éleveur de l'Allier, c'est la terreur de tout le monde agricole. L214 devrait être condamnée… »

Il y a en réalité peu de risque que l'organisation le soit : « Tant qu'il n'y a pas effraction, on ne peut rien faire au pénal, confie un éleveur ciblé l'an dernier, lui aussi, par une autre organisation. Le procureur a classé ma plainte sans suite ! Quelqu'un peut vous filmer à votre insu, manipuler les images et les diffuser pour vous diffamer : ce n'est pas prévu par la justice. » Un vide dont L214 use à plein, en suggérant, dans ses vidéos, des manquements qui n'existent pas. Ainsi des « antibiotiques » dont un périmé, filmés dans la pharmacie de l'éleveur de l'Allier, et qui montrent en réalité, outre les médicaments classiques administrés sous prescription vétérinaire, une poudre asséchante pour les sols, un désinfectant… Et « un vieux pot dont on se sert comme doseur ».

 
 

L214 a porté plainte contre l'élevage, pour « maltraitance ». L'éleveur – son assurance l'a déjà prévenu – ne le pourra pas.

- Publié le | Le Point.fr
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article