pour une responsabilité financière des politiques
Malgré une grande transparence théorique dans l’emploi de l’argent public, trop d’élus locaux se retrouvent en roue libre, sans réel contre-pouvoir...
Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), Étampes (Essonne), Houilles (Yvelines). Le Point, cet été, s'est penché sur la gestion défaillante de trois communes. Décisions irrationnelles et coûteuses, climat de tension, vagues de départs, autoritarisme, menaces, plaintes… Sans refléter le quotidien des quelque 35 000 mairies de France, les exemples que nous avons choisis ne sont pas des cas extrêmes.
Bien d'autres villes, de toutes tendances politiques, auraient pu illustrer les dérives de la gestion municipale. Noyon (Oise, 12 000 habitants) et la communauté de communes du Pays noyonnais (35 000 habitants), par exemple, traversent une crise grave. Le 5 juin, la chambre régionale des comptes (CRC) a rejeté le budget primitif 2024.
« Il ne tenait pas debout », résume l'ancien maire LREM Patrick Deguise, dans l'opposition depuis 2020. « Il était question d'une recette de 1,8 million provenant d'une vente immobilière, mais personne ne comprenait ce que la ville entendait vendre ! »
Noyon, une ville au bord de la paralysie
Le budget intercommunal a lui aussi été rejeté par la majorité des conseillers, représentant 42 communes, toutes rurales en dehors de Noyon. L'intercommunalité et la ville sont dirigées par la même personne, Sandrine Dauchelle (LR).
Empêtrée depuis des années dans une polémique sur son parcours – elle se serait inventé des diplômes et des expériences professionnelles –, elle fait face à des vagues de départs chez ses agents et ses adjoints, en total désaccord avec des décisions qu'ils ne comprennent pas et un mode de fonctionnement jugé trop autoritaire.
Six vice-présidents de l'intercommunalité ont démissionné en bloc début juillet. « Elle n'était pas préparée à la fonction, elle n'a pas appris, pas écouté, et maintenant elle se retrouve seule », résume le conseiller d'opposition David Bajeux. Contactée, la mairie ne s'exprime pas.
Dans la rubrique du grand banditisme
En crise également depuis des années, Bagnolet (Seine-Saint-Denis, 36 000 habitants). Cette commune aux portes de Paris, desservie par le métro, aurait tout pour être prospère. Elle traîne pourtant depuis des années une dette monstrueuse : 147 millions d'euros, soit 4 000 € par habitant, quatre fois plus que la moyenne des villes de taille comparable. Le maire en poste depuis 2014, Tony Di Martino, ne met pas en œuvre les mesures d'économie préconisées par la chambre régionale des comptes dans son rapport de 2021.
A-t-il seulement la latitude de le faire ? Sa majorité de gauche est minée par de violents conflits de personnes. L'adjoint aux finances, Olivier Taravella, a démissionné en 2023, dénonçant un risque de faillite. Par clientélisme, la ville entretient un personnel pléthorique. La masse salariale, de l'ordre de 50 millions d'euros annuels, est presque deux fois supérieure à celle de la commune d'Alfortville (Val-de-Marne), pour la même population.
Les optimistes se consoleront en disant que la mairie de Bagnolet, au moins, n'apparaît plus à la rubrique du grand banditisme. Il y a une dizaine d'années, le gérant du centre technique municipal était passé en justice. Trafiquant de drogue, il dissimulait la cocaïne sur son lieu de travail – il a été tué de plusieurs balles dans le dos fin juillet 2024 à Livry-Gargan, sans doute dans un règlement de comptes. On pourrait également citer Bobigny.
Dans Le Maire et les Barbares, paru en 2020 chez Albin Michel, la journaliste Eve Szeftel décrivait l'alliance contre-nature nouée par des personnalités de l'UDI de Seine-Saint-Denis et des caïds locaux, dans le but de prendre le pouvoir…
Prise illégale d'intérêts
Les élus locaux ne sont pourtant pas au-dessus des lois. La justice serait plutôt intraitable avec eux ! Les condamnations pour prise illégale d'intérêts et favoritisme se comptent par dizaines chaque année. Elles sont sévères.
En mars 2024, un maire de Mayenne a été condamné à douze mois avec sursis pour avoir voté le rachat par sa commune de bâtiments appartenant à l'entreprise de sa fille. Tout était fait dans la transparence, aucune recherche d'enrichissement personnel n'a été retenue contre lui. Le tribunal a sanctionné une erreur formelle : le maire ne devait pas participer au vote.
« L'attribution de marchés publics est un espace très sensible, note Jean-François Kerléo, vice-président de l'Observatoire de l'éthique publique. Mais, souvent, les personnes qui se sentent lésées par l'attribution d'un marché ne vont pas devant le juge pénal, seulement le juge administratif. »
Lire et comprendre les budgets
Le clientélisme, ce mal pas toujours illégal, est aussi difficile à prouver. « Il y a le clientélisme de bas étage, qu'on a pu voir en région parisienne, où l'on offre un aspirateur à la ménagère en fin d'année, expose Jean-François Kerléo. Et puis, il y a le clientélisme de plus haut niveau, avec l'attribution de subventions à des associations, des structures, des lobbys, dans un but électoraliste. Ces associations vont ensuite implicitement aider l'élu par leur puissance de communication. »
« Si vous vous appelez Laurent Wauquiez, par exemple, il est préférable de rincer les chasseurs et de couper les subventions aux écologistes, poursuit ce professeur de droit public. Attention, c'est légal lorsque les subventions sont attribuées dans les règles ! Légal, mais pas éthique, puisque c'est l'utilisation de l'argent public de façon détournée. Mais c'est difficile à prouver, puisqu'il s'agit de choix politiques justifiables pour des raisons idéologiques. »
Vertu de la démocratie, il est presque impossible de dissimuler des malversations commises dans une mairie. L'argent public est traçable à l'euro près. Les budgets sont accessibles à tous les citoyens. Encore faut-il les lire et les comprendre, ce qui n'est pas à la portée de tous. Élus compris…
« La plupart de mes collègues du conseil municipal ne sont pas capables de lire un budget, rappelle un adjoint aux Finances. Ils votent pour ou contre, avec le groupe, sans comprendre. Je pense que la situation est identique dans l'immense majorité des communes. Il faudrait peut-être imaginer une formation minimum en début de mandat. »
Anticor à la dérive
L'association Anticor (contraction d'anti-corruption) a été créée en 2002, dans le but de rendre effective cette transparence trop souvent théorique de la gestion publique. Après plusieurs années de travail unanimement salué, concrétisé par une charte d'éthique de l'élu publiée en 2008, Anticor a malheureusement sombré.
En 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé l'agrément qui lui permettait d'agir en justice, la privant de l'essentiel de son pouvoir. Il avait été saisi par des membres de l'association. En guerre contre la direction, il lui reprochait, ironie du sort, son manque de transparence financière.
Le nouveau conseil d'administration élu en avril 2024 doit remettre l'organisation en ordre de marche, mais cela prendra probablement du temps. À nouveau, cet été, l'État n'a tacitement pas renouvelé l'agrément d'Anticor. Jean-François Kerléo le regrette : « Il y avait des interrogations sur ses financements et cela a été clarifié. Il faut que l'État permette à la société civile de s'approprier ces thématiques. »
« La règle devrait être : pas de cadeau »
Et l'Observatoire de l'éthique publique ne manque pas de préconisations. Dans la lutte contre le clientélisme « de bas étage », l'Observatoire voit un « angle mort » sur les cadeaux reçus par les élus locaux. Pour les députés, ils sont recensés par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
« Ce n'est pas idéal, mais il y a un semblant de cadre, note Jean-François Kerléo. Or, au niveau local, il n'y a rien. Des entreprises continuent d'inviter des élus et leurs familles à des matchs de foot, ou leur offrent du vin, des cigares… La règle devrait être : pas de cadeau, sauf invitation individuelle pour représenter la puissance publique. Pas pour boire du champagne avec son beau-frère en tribune ! »
À la manière du tournant pris par la justice sur le narcotrafic, l'Observatoire souhaiterait que les délinquants soient « davantage touchés au porte-monnaie ». « Lorsqu'on est condamné pour détournement de fonds publics, on devrait pouvoir rembourser ce qu'on a pris », estime Jean-François Kerléo, qui prône également des petites sanctions financières pour les pratiques illégales minimes, et des sanctions disciplinaires pour les élus locaux, comme la suspension de leurs indemnités, par exemple.
Condamné mais réélu
L'électeur, lui, reste roi. Constat troublant, il maintient souvent sa confiance à des élus plusieurs fois condamnés. Depuis fin avril 2024, Alain Ferrand, maire du Barcarès (Pyrénées-Orientales), dort en prison. Il est mis en examen pour favoritisme et corruption dans des marchés publics. Sa détention préventive s'explique, entre autres, par son long passé judiciaire. Âgé de 65 ans, il a dormi pour la première fois en prison en 1992.
Alain Ferrand a été condamné dans différentes affaires, pour des malversations commises en tant qu'élu ou en tant que gestionnaire de sociétés. Pourtant, aux municipales de 2020, les 5 800 électeurs du Barcarès ont voté pour lui à 60 %. Il a été réélu dès le premier tour, devant sa femme, Joëlle Iglesias-Ferrand (29 %), avec laquelle il partageait le pouvoir pendant ses périodes d'inéligibilité. Sera-t-il réélu en 2026 ? Pas impossible.
Maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) de 1983 à 1995, Patrick Balkany avait accumulé les malversations, largement documentées par la presse et la chambre régionale des comptes. Condamné à deux ans d'inéligibilité en 1997, il était revenu dans la course aux municipales de 2001, battant sans difficulté le maire sortant, Olivier de Chazeaux, d'une probité incontestée.
Sanction politique
Réélu dès le premier tour en 2014, malgré ses multiples mises en examen, Patrick Balkany a été incarcéré en 2019. Un sondage réalisé alors qu'il se trouvait en détention le donnait nettement en tête en cas de municipale anticipée.
Mais pourquoi les préfectures n'interviennent-elles pas plus vite et plus vigoureusement ? « Parce que les électeurs sont les premiers garants de la probité des élus », répond un conseiller d'opposition, par ailleurs fonctionnaire en charge du contrôle de légalité à la préfecture de son département.
« Quand l'État tient la bride trop serrée aux maires, on l'accuse à raison de malmener la démocratie locale. Je pense que le maire de ma commune prend des décisions graves, désastreuses, mais elles ne sont pas illégales. La sanction doit être politique. »
A l’Elysée aussi, il va falloir se serrer la ceinture. Comme tous les ans, les finances de la présidence sont scrutées à la loupe par la Cour des comptes. Après une campagne des législatives focalisée sur le pouvoir d’achat, les chiffres publiés lundi par la rue Cambon ont une saveur particulière. D’autant que les comptes sont passés dans le rouge : après un léger excédent l’an dernier, en 2023, 117 millions d’euros sont entrés dans les caisses du palais, mais 125 millions en sont sortis. Résultat : pas moins de 8 millions d’euros de pertes en 2023.
« La situation financière des services de la Présidence s’est dégradée », souligne le rapport qui appelle à « une vigilance accrue ». Le gros du déficit vient des déplacements et des réceptions de l’Elysée. Emmanuel Macron a davantage voyagé (112 fois en 2023), plus particulièrement à l’étranger. Avec l’effet de l’inflation en plus, la facture pour les voyages internationaux dépasse les 17 millions d’euros, contre 12 millions en 2023. C’est « plus du double du montant 2019 », souligne la Cour des comptes. Dans le top 3 des voyages les plus coûteux, la tournée en Océanie arrive en premier avec une facture de 3,1 millions d’euros, suivie du déplacement en Afrique (1,9 million d’euros) puis du voyage en Chine (1,8 millions).
Les réceptions au Palais, plus nombreuses et comptant plus de convives, ont aussi alourdi les comptes. La facture est estimée à 4 millions d’euros en 2023 pour 171 réceptions coûtant 35 euros par invité (contre 29 euros en 2022). Avec, parmi les plus chères, le dîner en l’honneur de Narendra Modi au Louvre (412 000 euros) et celui pour le roi Charles III (475 000 euros). Tous les invités n’ont pas cette chance : pour le président mongol, l’Elysée n’a dépensé que 62 000 euros.
Sarah Spitz 29 07 24
https://www.lopinion.fr/economie/les-couteux-voyages-a-letranger-demmanuel-macron-dans-le-viseur-de-la-cour-des-comptes?
Un Z’élu ?
Un mamamouchi. Petit ou grand, ils partagent les mêmes défauts.
Bien souvent un z’élu n’est pas très futé. Les gens brillants fuient la politique depuis bien longtemps. Il ne reste que les médiocres, les ambitieux, les autoritaires, ceux en manque de pouvoirs et de façon générale bien souvent des gens avec des névroses plus prononcées que la moyenne.
Bien souvent un z’élu ne fait pas ce qu’on lui demande et ce dont on a besoin.
Bien souvent le z’élu dépense notre argent pour faire ce que nous ne lui demandons pas, et dont nous n’avons pas besoin.
On ne peut pas critiquer trop fort un z’élu sinon, maintenant pour un oui ou pour un non, ils portent plainte et tentent de vous faire embastiller, de vous intimider, car c’est plus facile que d’avoir de bons arguments et de convaincre.
Vous l’avez compris, je n’ai pas les z’élus en bien haute estime. Bien évidemment certains sont remarquables, humainement comme techniquement, mais hélas, ces derniers se font de plus en plus rares. Je ne parle même pas de l’affairisme et du manque évident de probité...
Charles Sannat
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Les Z'élus... une insupportable dérive démocratique ! - Insolentiae
Un Z'élu ? Un mamamouchi. Petit ou grand, ils partagent les mêmes défauts. Bien souvent un z'élu n'est pas très futé. Les gens brillants fuient la politique depuis bien longtemps. Il ne reste...
https://insolentiae.com/les-zelus-une-insupportable-derive-democratique/
L'immunité pénale des décideurs publics est un principe obsolète.....La Constitution accorde une protection particulière aux ministres, parlementaires et chef de l'État face à la justice. Elle est de moins en moins tenable.
Stéphanie Damarey, professeure agrégée de droit public, défend la création d’un véritable régime de responsabilité financière des ministres. Actuellement, les membres du gouvernement n'ont aucun compte à rendre sur l’emploi des fonds mis à leur disposition pour mener les réformes. Entretien...