pédophiles niouzes
Le drame vécu par l’actrice va bien au-delà de la défaillance parentale. Il est dans la passivité de tous ceux qui savaient et n’ont rien dit
Quand on écoute le récit douloureux qu’a livré Judith Godrèche dans plusieurs médias sur sa longue relation d’emprise, de violences et d’abus sexuels avec un homme de 40 ans alors qu’elle en avait 14, une interrogation revient, lancinante : où étaient ses parents ?
La comédienne a lâché quelques bribes d’explication dans ses interviews et l’on comprend que sa mère avait déserté le foyer et que son père, plongé dans ses propres tourments, n’a rien fait pour empêcher sa fille adolescente de tomber dans les bras d’un adulte pervers et manipulateur. Pis, il l’a implicitement encouragée puisque Judith Godrèche a laissé Le Monde publier un mot de la main de son père demandant à un réalisateur de laisser sa fille de 15 ans « totalement libre de ses mouvements » pendant le tournage.
L’actrice n’exprime pas de colère à l’encontre de ses parents, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’en ressent pas. On comprend à demi-mot qu’elle est encore à contact avec eux. Sa mère semble partagée entre honte et remords (« C’était encore une petite fille : elle avait un doudou », a-t-elle dit au Monde).
On peut accuser l’époque : des parents post-soixante-huitards, biberonnés au fameux « il est interdit d’interdire », exerçant tous les deux le métier de psy en pleine Dolto-mania… Mais le drame vécu par Judith Godrèche va au-delà de la défaillance parentale. « Pour résister à ça, il aurait fallu une armée d’adultes », a-t-elle déclaré au micro de France Inter. Où était l’armée d’adultes ? Où étaient tous ceux qui ont su et vu ce qu’il se passait – et ils étaient nombreux – et qui n’ont rien dit ? Ne sont-ils pas complices eux aussi ?
Les surveillants qui voient le monsieur venir chercher la collégienne à la sortie des cours, les amis chez qui le drôle de couple va dîner, les relations professionnelles de monsieur… Bref, tous ceux qui n’en pensaient pas moins, mais ne disaient rien, puisque la jeune fille était visiblement d’accord et semblait même heureuse.
Parfois, c’est vrai, l’entourage dénonce, mais n’est pas entendu. C’est ce qui arrivé à Vanessa Springora, tombée, elle aussi, à 14 ans sous la coupe d’un pervers de 50 ans… Une lettre de dénonciation envoyée à la brigade des mineurs est restée sans suite, a raconté l’autrice du Consentement.
On dit que les temps ont changé. Que #MeToo est passé par là. Que les victimes de pédophiles sont encouragées à dénoncer leurs bourreaux, des plateaux de cinéma aux sacristies, en passant par les familles. Que la main de la justice ne tremble pas quand il faut punir un pédophile. Que le délai de prescription a été allongé. Ce sont de grandes avancées. Mais rien ne remplacera jamais la présence d’un père ou d’une mère, l’œil aguerri d’un surveillant, le courage des amis, le bon sens des voisins.
Nous sommes l’armée d’adultes qui doit protéger les enfants. Et pas seulement les nôtres. Nous devons être attentifs à tous les signes de leur mal-être, à leurs absences, à leurs écarts, et braver le si commode « ça ne me regarde pas ». Il faut parfois les protéger d’abord d’eux-mêmes, de leurs faiblesses ou de leur inconscience.
Car, il y aura toujours des toutes jeunes filles ou des jeunes garçons, avides de célébrité factice et d’argent facile, prêts à tout pour attirer l’attention d’un metteur en scène, d’un producteur, et aujourd’hui d’un influenceur ou d’un animateur de télévision. L’époque a changé, mais les tentations se sont démultipliées. Il faut le dire et le redire : on ne touche pas à un enfant.
House of kids Par Sophie Roquelle
"Le Consentement" : où en sont les procédures visant Gabriel Matzneff, alors que l'adaptation du livre de Vanessa Springora sort au cinéma ? Malgré la prescription, l'écrivain de 87 ans est toujours visé par une enquête pour viols sur mineur de moins de 15 ans. Un livre qui a fait changer la loi. L'adaptation du récit de Vanessa Springora, Le Consentement, qui relate sa relation sous emprise à 14 ans avec l'écrivain Gabriel Matzneff, alors cinquantenaire, sort sur les écrans mercredi 11 octobre
50 ans après avoir été victime de Gabriel Matzneff, le plus célèbre écrivain pédocriminel de la Vème République, Francesca Gee raconte évoque les politiques, éditeurs et journalistes qui le protégeaient
Affaire Matzneff : l'écrivain, accusé de pédophilie, entendu en audition libre Gabriel Matzneff est visé par une enquête pour viols sur mineur après les révélations début 2020 de l'éditrice Vanessa Springora. Cette dernière racontait dans un livre comment elle avait été séduite par l'écrivain alors qu'elle n'avait même pas 14 ans et lui près de 50 ans. D'autres victimes présumées ont accusé le romancier depuis.
Affaire Matzneff : Une accusatrice dénonce un certain gâchis dans l’enquête pour viols sur mineurs...Sauf rebondissement, l’enquête s’oriente, pour cause de prescription, vers un classement sans suite, intervenant dans les prochains mois, d’après une source proche du dossier.
Gabriel Matzneff ne sera finalement pas jugé pour avoir fait l'apologie de la pédocriminalité...La 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris a estimé que la citation à comparaître délivrée par l'association L'Ange Bleu à l'écrivain était « nulle »
Cela représente huit fois plus de plaintes que les "11.000 plaintes déposées globalement contre l'Église catholique", s'est horrifié l'un des avocats des victimes.
Près de 90.000 personnes se sont déclarées victimes d’abus sexuels chez les Boy Scouts of America entre février et ce lundi 16 novembre, date limite pour bénéficier d’un fonds d’indemnisation mis en place par la principale organisation de scoutisme des États-Unis.
“88.000 plaintes ont été déposées”, a déclaré à Michael Pfau, avocat de certaines victimes, alors que se terminait leur recensement. Ces chiffres, qui révèlent l’ampleur des abus présumés commis pendant des décennies par des chefs scouts, surpassent nettement les plaintes déposées ces dernières années contre le clergé catholique.
“À notre connaissance, il y a eu 11.000 plaintes globalement contre l’Église catholique”, soit huit fois moins que chez les Boy Scouts, a relevé Andrew Van Arsdale, membre d’une équipe d’avocats qui représente les victimes de ces abus. “Nous sommes horrifiés par le nombre de vies ayant souffert des abus passés chez les Scouts et touchés par le courage de ceux qui sont sortis du silence”, a commenté, sans confirmer les chiffres, Boy Scouts of America (BSA) dans un communiqué.
“Nous avions volontairement ouvert un processus facile d’accès pour aider les victimes à demander des compensations. Leur réponse est déchirante, nous sommes sincèrement désolés”, ajoute cette organisation, fondée en 1910 et qui compte environ 2,2 millions d’adhérents âgés de 5 à 21 ans.
“Dossiers de la perversion”
Plombée par des accusations d’abus sexuels qui ont déjà donné lieu à des procès, elle a déposé le bilan en février afin de geler toutes les demandes de dédommagement déposées par d’anciens boy-scouts devant la justice et de les rediriger vers un fonds d’indemnisation.
Les Scouts américains, qui évaluent leurs actifs à plus d’un milliard de dollars, n’ont pas indiqué quel montant ils entendaient consacrer à ce fonds. Après des années d’omerta, les révélations d’abus sexuels en leur sein ont éclaté au grand jour en 2012, quand le quotidien le Los Angeles Times a publié des milliers de documents internes remontant à 1944.
Surnommée les “dossiers de la perversion”, cette base de données recensait environ 5000 adultes volontaires pour servir de chefs scouts, soupçonnés d’avoir commis des agressions sexuelles sur les enfants dont ils avaient la charge. La plupart n’avaient jamais été signalés aux autorités, l’organisation se bornant à les écarter.
Les actions en justice se sont depuis multipliées contre Boy Scouts of America, notamment après l’allongement par plusieurs États des délais de prescription pour les agressions pédophiles.
“Culture cléricale”
Également secouée par des scandales pédophiles, l’Église catholique américaine a réuni lundi ses évêques pour leur conférence annuelle, en mode virtuel. Leur ordre du jour a été modifié pour qu’ils puissent discuter d’un rapport accablant du Vatican, publié la semaine dernière, sur les abus du cardinal défroqué Theodore McCarrick et le silence de ses pairs.
Le document de 450 pages détaille les signalements effectués auprès de plusieurs évêques américains par de jeunes prêtres et séminaristes agressés sexuellement par le prélat, qui n’ont pas entraîné d’enquête.
“Il va nous falloir du temps pour digérer toutes les leçons” de ce rapport qui détaille “de multiples erreurs sur plusieurs années” liées ”à notre culture cléricale”, a déclaré Jose Gomez, archevêque de Los Angeles et président de la conférence.
“Individuellement, et collectivement, nous nous excusons pour les traumatismes causés”, a-t-il ajouté, avant d’entamer le dialogue avec les autres évêques qui ont suggéré tour à tour d’améliorer “la transparence” dans l’Église, la “formation” et la “sélection” des prêtres, mais aussi de “prier et de faire pénitence”.
Mis en cause pour des faits d’inceste, le politologue était entendu, ce mardi, dans l’affaire d’agressions sexuelles dont l’accuse son beau-fils.
Olivier Duhamel a reconnu les faits d'agressions sexuelles dont l'accuse son beau-fils. Révélée par le roman de sa belle-fille Camille Kouchner, cette affaire d'inceste prend un nouveau tournant depuis la convocation du politologue, ce mardi, par la brigade de protection des mineurs (BPM) de la police judiciaire parisienne.
Connu comme l'une des anciennes voix emblématiques d'Europe 1, Olivier Duhamel est accusé, dans La Familia grande, d'avoir agressé son beau-fils lorsque ce dernier était jeune adolescent. Des faits que ce spécialiste de la Constitution a donc « difficilement » reconnus lors de son audition, fait savoir l'Agence France-Presse ce mercredi.
Les faits présumés se seraient déroulés dans les années 1980. À la suite de la parution de l'ouvrage, rédigé par la jumelle de la victime présumée et fille de l'ancien ministre Bernard Kouchner, une enquête a été ouverte pour viols et agressions sexuelles par personne ayant l'autorité sur mineur de 15 ans, par le parquet de Paris.
D'après LCI, Olivier Duhamel aurait exprimé ses « regrets », lors de cette audience. Les faits étant prescrits, il n'y aura pas de procès concernant cette affaire spécifiquement. L'enquête doit déterminer s'il existe éventuellement d'autres victimes. Pour l'heure, aucune autre victime n'a été identifiée, ajoute LCI.
Source AFP
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Auprès du « Sunday Times », l’essayiste accuse Michel Foucault d’avoir abusé de très jeunes garçons à la fin des années 1960, quand il vivait en Tunisie.
« Ignoble », « moralement hideux », les mots de Guy Sorman sont sans équivoque quand il évoque auprès du Sunday Times les actes de Michel Foucault dont il aurait été témoin. Les faits remonteraient à la fin des années 1960, quand le philosophe vivait en Tunisie. À l'époque, l'essayiste Guy Sorman, 77 ans aujourd'hui, passait là-bas des vacances de Pâques, dans le village de Sidi Bou Saïd, près de Tunis, où Michel Foucault avait élu domicile. « Il y avait des enfants de 8, 9, 10 ans, qui lui couraient après, raconte-t-il. Il leur jetait de l'argent en leur disant : °Rendez-vous à 22 heures à l'endroit habituel.” »
Cet endroit, selon Guy Sorman, était le cimetière du village. « Il avait des rapports sexuels ici, sur les tombes, avec de jeunes garçons, poursuit l'essayiste. La question de leur consentement n'était pas même soulevée. Il n'aurait jamais osé faire ça en France, il y a une dimension colonialiste là-dedans, un impérialisme blanc. » Aujourd'hui, Guy Sorman déclare regretter de n'avoir pas dénoncé les actes de Michel Foucault, « ignobles » et « moralement hideux », à la police ou dans la presse.
Dans son Dictionnaire du Bullshit, qui vient de paraître, Guy Sorman évoque pour la première fois ces accusations. En promotion sur le plateau de France 5, il y a quelques semaines, il raconte : « Ce que faisait Foucault avec de jeunes enfants en Tunisie, ce que j'ai vu et que je me suis reproché de ne pas avoir dénoncé à l'époque, me conduit, non pas à rejeter son œuvre, mais à la regarder avec un regard différent. Ce sont des choses parfaitement ignobles avec de jeunes enfants, des choses d'une laideur morale extrême. Je relis Foucault, mais je sais qui est Foucault, ce double regard s'impose. »
Des propos qu'il confirme auprès du Sunday Times. « Foucault ne doit pas être “cancel”. J'ai une grande admiration pour son travail, je n'invite personne à brûler ses livres, simplement à comprendre la vérité à son sujet, et comment lui et certains philosophes usaient de leurs arguments pour justifier leurs passions et leurs désirs. Il pensait que cela lui permettait de faire tout ce qu'il voulait. »
Par LePoint.fr
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On a oublié que la «pensée 68» était globalement favorable à la pédérastie, qu’elle approuvait les délires de René Schérer et Guy Hocquenghem qui publient, en 1976, Co-ire.
Je comprends bien que les anciens soixante-huitards tentent aujourd’hui de dédouaner Mai 68 des dérives incestueuses et pédophiles dont l’actualité de ces derniers jours est hélas remplie. Reste que la vérité historique oblige à dire que c’est bien malgré tout dans le sillage du joyeux mois de mai et avec la bénédiction des autorités philosophiques les plus représentatives du gauchisme culturel de l’époque, que la pédophilie reçut les lettres de noblesse qu’elle avait perdues depuis Platon.
Quand paraissent au milieu des années 1970, dans Libération et dans Le Monde, des pétitions faisant l’éloge de la pédérastie, signées par des intellectuels comme Foucault, Sartre, Beauvoir, Deleuze, Barthes ou Chatelet, refuser d’y adhérer c’était prendre le risque de s’exclure du club des «vrais intellectuels», c’est-à-dire des intellectuels de gauche, «forcément de gauche», castristes, maoïstes, trotskistes ou, au minimum, communistes. On a oublié que la «pensée 68» était globalement favorable à la pédérastie, qu’elle approuvait les délires de René Schérer et Guy Hocquenghem qui publient, en 1976, Co-ire (en latin: «aller ensemble», «coït» à la troisième personne du singulier…), un ouvrage agrémenté d’une pléiade de photos d’enfants nus qui faisait l’éloge du «rapt»: l’enfant n’étant pas la propriété privée des parents (petite référence à Marx), tout adulte a le droit, et même de devoir, ainsi plaidaient-ils, de l’enlever pour éveiller cette sexualité que la bourgeoisie occulte.
Schérer expliquait comment l’éducation bourgeoise sombrait dans la « perversité » qui consiste à ne faire aucune place à la pédérastie
Schérer, l’un des fondateurs de l’université de Vincennes, soutenu bien entendu par Deleuze, Châtelet, Lyotard, Foucault, Badiou et consorts, bref, par ce que la «pensée 68» comptait alors de plus tapageur, expliquait comment l’éducation bourgeoise en vigueur dans nos établissements scolaires sombrait dans la «perversité» qui consiste à ne faire aucune place à la pédérastie: «Nous posons en principe, écrivait-il, que la relation pédagogique est essentiellement perverse, non parce qu’elle s’accompagnerait des rapports pédérastiques entre maîtres et élèves, mais précisément parce qu’elle les dénie et les exclut.» Oui, vous avez bien lu: la perversion consiste à exclure la pédérastie dans l’éducation tant scolaire que familiale!
On objectera que la pédophilie sévit dans tous les milieux et on aura raison, à ceci près que je ne connais aucune idéologie qui en fasse l’apologie en dehors de celle-là.
Aussi étrange que cela nous paraisse aujourd’hui, dans ce milieu et à cette époque, on pensait comme ça, de sorte qu’il fut pendant longtemps plus risqué d’y critiquer la pédophilie que d’en faire l’apologie. Ces prestigieux professeurs s’étaient emparés des thèses de Freud sur la sexualité infantile pour en tirer la conclusion absurde qu’il était du devoir des adultes de l’éveiller. Comme il était en outre «interdit d’interdire», il n’y avait plus à se gêner.
On m’expliquait que je n’avais rien compris, que je passais à côté du formidable mouvement d’émancipation inspiré par les idées de Castro, Mao ou Trotski
Aujourd’hui, les derniers signataires de ces pétitions reconnaissent que «c’était une connerie» . Soit. Mais quand j’ai publié La Pensée 68 avec Alain Renaut en 1985, un livre qui critiquait les soubassements philosophiques de ces appels délirants à la transgression tous azimuts, ils étaient, eux ou leurs proches, les premiers à nous insulter. Pendant près d’un an, je n’ai pas pu faire une conférence en public, pas même à l’École normale rue d’Ulm où je dirigeais pourtant un centre de recherche sur l’idéalisme allemand, parce que des disciples de Foucault nous attendaient, non pas avec des excuses, mais avec des battes de base-ball!
Au début des années 1980 encore, quand je publiais un livre sur l’idée républicaine et soutenais l’héritage du général de Gaulle face à mes «amis» soixante-huitards qui le traitaient à longueur de journée de «fasciste», je passais pour le roi des blaireaux. On m’expliquait que je n’avais rien compris, que je passais à côté du formidable mouvement d’émancipation inspiré par les idées de Castro, Mao ou Trotski. C’est pour répondre à cette gauche arrogante alors au pouvoir, tellement fière de ses réseaux et de ses positions sociales, tellement sûre d’être du bon côté et d’incarner la conscience morale, que je me suis résolu à écrire La Pensée 68.
Pascal assurait qu’il y a toujours une part de vérité, fût-elle infime, dans les opinions même les plus fausses. Tout n’était sans doute pas à rejeter dans l’héritage de Mai, en quoi j’admire ceux qui, comme Camille Kouchner, sans renier ce que certains idéaux d’émancipation pouvaient avoir de séduisant, ont aujourd’hui le courage de briser le silence à l’endroit exact où il devait l’être.
Source:© Luc Ferry: «Pensée 68 et pédophilie»
40 ans après, les signataires d’une pétition datant de 1977, parmi lesquels figurent Jack Lang et Bernard Kouchner, sont sommés de s’expliquer.
Après le livre de Vanessa Springora, Le Consentement (Grasset), qui dénonçait l'an passé l'emprise qu'avait exercée sur elle l'écrivain Gabriel Matzneff, l'ouvrage de Camille Kouchner a produit l'effet d'un électrochoc. La Familia grande (Seuil), meilleure vente en ce début d'année, révèle au grand public les faits d'inceste commis par son beau-père, Olivier Duhamel, sur son frère jumeau, le fils d'Évelyne Pisier et de Bernard Kouchner, alors âgé de 14 ans, à la fin des années 1980. Duhamel, le politologue et président du prestigieux club Le Siècle, sur lequel pèse désormais une enquête préliminaire pour « viols et agressions sexuelles par personne ayant autorité sur mineur de 15 ans », a renoncé à ses fonctions le 4 janvier, entraînant une cascade de démissions : celles de l'avocat Jean Veil et de l'ancien secrétaire général du gouvernement Marc Guillaume, notamment.
Un Français sur dix aurait déjà été victime d'inceste, selon l'institut de sondage Ipsos. Sous l'impulsion de l'affaire Duhamel, les verrous du silence sautent sur les réseaux sociaux. Le mot-dièse #MetooInceste a déclenché une salve de dénonciations de viols incestueux par de nombreuses victimes. Et c'est ainsi que la très gênante pétition de Gabriel Matzneff, « L'enfant, l'amour, l'adulte », imprimée le 26 novembre 1977 dans les pages du Monde et le lendemain dans celles de Libération, a refait surface. Une pétition pro-pédophilie sidérante, cosignée par une soixantaine d'intellectuels, dont Bernard Kouchner, Jack Lang, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Roland Barthes, Pierre Guyotat, André Glucksmann, Michel Leyris, Patrice Chereau, Catherine Millet ou encore l'académicienne Danièle Sallenave (liste exhaustive en fin d'article).
Interrogé sur cette pétition au micro de Sonia Mabrouk dans l'interview politique d'Europe 1, lundi 18 janvier, Jack Lang s'est expliqué en ces mots : « C'était une connerie », « portée par une revendication libertaire, fautive ». L'ancien ministre, à la tête de l'Institut du monde arabe, a ajouté ne plus savoir si c'était il y a 40 ou 60 ans. Une réponse qui fut, presque mot pour mot, celle de Bernard Kouchner il y a un an sur le site du Point, laquelle pointait la responsabilité de Jack Lang. « La pétition de Matzneff, je ne l'ai pas lue ! Daniel Cohn-Bendit et moi l'avons signée parce que Jack Lang nous l'avait demandé. C'était il y a 40 ans. C'est une énorme erreur. Il y avait derrière une odeur de pédophilie, c'est clair. C'était une connerie absolue. Plus qu'une connerie, une sorte de recherche de l'oppression. Je regrette beaucoup », expliquait Kouchner, père de la victime d'Olivier Duhamel.
Autre signataire de la pétition, Daniel Cohn-Bendit, qui a fait paraître en 1975 le livre Le Grand Bazar, dans lequel on peut lire : « Il m'était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : “Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi vous m'avez choisi, moi, et pas les autres gosses ?” Mais s'ils insistaient, je les caressais quand même. »
La pétition gênante de 1977 fait en réalité suite à un texte précédent, signé de Matzneff uniquement et publié en novembre 1976 sous le titre « L'Amour est-il un crime ? ». Le romancier y dénonce l'injustice « monstrueuse » faite à trois hommes placés en détention provisoire depuis trois ans. Jean-Claude Gallien, médecin de 43 ans, Bernard Dejager, visiteur médical de 45 ans, et Jean-Louis Buckhardt, employé à la RATP de 39 ans, sont alors en attente de leur jugement pour s'être livrés à « des actes immoraux et à des attentats à la pudeur sans violence sur des mineurs de moins de seize ans, garçons et filles ». Le substitut réclame à l'époque six ans de réclusion criminelle pour ces adultes ayant « fait de l'enfant l'instrument de leurs plaisirs érotiques ». Les enfants en question, âgés de 12 à 13 ans, y compris frère et sœur, se soumettent dans un camping naturiste à des mises en scène sexuelles photographiées et filmées. La notion de « consentement » n'existe pas encore. Le Monde soutiendra une pétition où ce ne sont que « des caresses et des baisers ».
En octobre 1976, Bernard Dejager vient d'obtenir sa mise en liberté provisoire quand Matzneff, qui a pris fait et cause pour cette « affaire de Versailles », du nom du tribunal des Yvelines où le jugement doit avoir lieu, le rencontre à sa sortie de la prison de Fresnes. Il raconte l'homme « cassé, écorché vif, révolté par le traitement subi, que pétrifie l'attente de la cour d'assises, qui peut-être le condamnera à une peine de cinq à dix ans de réclusion criminelle ». Dejager est libre, Gallien et Buckhardt, après ces trois ans de détention provisoire, le seront à leur tour, à l'issue d'une condamnation de 5 ans avec sursis. Bernard Dejager, de son côté, fera l'objet d'une nouvelle enquête en 2018, à l'âge de 89 ans, la police ayant trouvé des documents à caractère pédopornographique, notamment des vidéos, dans son appartement de Seine-Saint-Denis.
Mais trois mois avant la comparution des prévenus, Matzneff écrit que les enfants « n'ont pas été victimes de la moindre violence, mais au contraire ont précisé au juge instructeur qu'ils étaient consentants et que cela leur avait été fort agréable ». Les « amoureux de l'extrême jeunesse » combattent par l'entremise de leur meilleur défenseur l'idée que « l'éveil de l'instinct et des pratiques sexuels chez la très jeune fille ou chez le jeune garçon soit nécessairement nuisible et funeste à leur épanouissement ». « Cela n'est pas vrai », poursuit le futur prix Renaudot essai, qui ajoute à cette équation l'argument de « l'amour ». « Une relation d'amour entre un adulte et un enfant peut être pour celui-ci extrêmement féconde, et la source d'une plénitude de vie », publie Le Monde.
Libération est revenu sur cette pétition le 2 janvier 2020, l'interrogeant comme le « fruit d'un vertige », dans un article signé du journaliste et romancier Sorj Chalandon. Autre temps, autres mœurs, encore ? Sauf qu'à bien y regarder, les lecteurs du Monde réagissaient déjà en 1976 à la tribune de Matzneff, le journal publiant quinze jours plus tard quelques réponses vives à cette « défense du vice présentée sans scrupule ». Le signe que ce n'est peut-être pas la faute à l'époque, finalement ?
Par Julie Malaure
ublié le
Les signataires de la pétition :
Louis Aragon, Francis Ponge, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Judith Belladona, docteur Michel Bon, psychosociologue, Bertrand Boulin, Jean-Louis Bory, François Chatelet, Patrice Chereau, Jean-Pierre Colin, Copi, Michel Cressole, Gilles et Fanny Deleuze, Bernard Dort, Françoise d'Eaubonne, docteur Maurice Eme, psychiatre, Jean-Pierre Faye, docteur Pierrette Garrou, psychiatre, Philippe Gavi, docteur Pierre-Edmond Gay, psychanalyste, docteur Claire Gellman, psychologue, docteur Robert Gellman, psychiatre, André Glucksmann, Félix Guattari, Daniel Guérin, Pierre Guyotat, Pierre Hahn, Jean-Luc Henning, Christian Hennion, Jacques Henric, Guy Hocquenghem, docteur Bernard Kouchner, Françoise Laborie, Madeleine Laïk, Jack Lang, Georges Lapassade, Raymond Lepoutre, Michel Leyris, Jean-François Lyotard, Dionys Mascolo, Gabriel Matzneff, Catherine Millet, Vincent Monteil, docteur Bernard Muldworf, psychiatre, Négrepont, Marc Pierret, Anne Querrien, Griselidis Real, François Régnault, Claude et Olivier Revault d'Allonnes, Christiane Rochefort, Gilles Sandier, Pierre Samuel, Jean-Paul Sartre, René Schérer, Philippe Sollers, Gérard Soulier, Victoria Thérame, Marie rhonon, Catherine Valabrègue, docteur Gérard Vallès, psychiatre, Hélène Vedrines, Jean-Marie Vincent, Jean-Michel Wilhelm, Danielle Sallenave, Alain Cuny