le collectif au dessus de l'individu...
Corvées : pratiques communes dans la France ancienne et moderne...
Chaque culture a ses traditions d'entraide et de soutien financier. Parlez aux vieux Caribéens ou aux Indiens et ils vous parleront de leurs projets de jumelage ou de leurs fêtes de chat, et il y a les Mwerya au Kenya. C'est une chose très naturelle pour les humains. C'est inhérent à la psyché humaine. Le capitalisme est un accident de parcours dans l'histoire de l'humanité, qui disparaîtra bientôt, soit par l'homme, soit par la nature (espérons que ce soit par l'homme). Ici, Will Ruddick (que Lowimpact a interviewé ici) parle de la tradition française des Corvées.
Alors que je voyage à travers la France avec ma fille et partenaire Aude Peronne, nous avons eu le privilège de parler avec la famille d'Aude dans la Normandie rurale qui se souvient de pratiques communautaires qu'ils appelaient Corvées et qui ressemblent tout à fait aux traditions que nous voyons autour de nous au Kenya. Ce qui est étonnant avec les Corvées en France, c'est que l'histoire est bien documentée (contrairement aux traditions purement orales du Kenya) - nous avons donc eu le plaisir d'en parler dans cet article.
Imaginez des familles, des adolescents et des adultes réunis, riant et travaillant en harmonie. La joie du travail partagé emplit l'air tandis qu'ils mangent, boivent et chantent, tissant des liens qui transcendent la tâche à accomplir. Cette scène capture l'essence des Corvées communautaires, une ancienne pratique traditionnelle dans ce qu'on appelle aujourd'hui la France, où les voisins s'aident réciproquement dans les tâches agricoles dans un esprit d'entraide. Les Corvées n'avaient pas pour seul but d'accomplir un travail ; elles visaient à renforcer les liens communautaires et à assurer le bien-être de la collectivité.
Origine latine : Le terme « corvée » dérive du mot latin médiéval « corrogata », qui signifie « travail d'une journée ». La racine « corrogare » combine « co- » (ensemble) et « rogare » (demander), ce qui se traduit littéralement par « rassembler ou demander ensemble ». Cela reflète l'ancien concept de la corvée en tant qu'activité communautaire où les gens étaient appelés à se rassembler pour effectuer un travail pour le bien commun.
Les corvées trouvent leur origine dans la France médiévale (nous ne savons pas jusqu'où elles remontent !). Il s'agissait d'un système volontaire de travail en commun où les villageois se réunissaient pour se soutenir mutuellement dans les tâches agricoles essentielles et les projets d'infrastructure. Cette pratique ancienne était ancrée dans le service mutuel, favorisant les liens sociaux et garantissant qu'aucune famille ou individu n'était laissé seul pour gérer les travaux lourds. Elle jouait un rôle essentiel dans le maintien de la productivité agricole et de la cohésion sociale de la communauté, en créant un sentiment d'unité et d'objectif commun entre voisins.
Lorsque le féodalisme s'est installé entre le 10e et le 17e siècle, la nature des corvées a radicalement changé, passant d'une pratique communautaire volontaire à une taxe obligatoire imposée par les seigneurs féodaux. Cette corvée féodale exigeait des paysans qu'ils effectuent un travail non rémunéré sur les terres de leurs seigneurs sous peine de sanctions. Cette transformation a représenté une exploitation significative de l'esprit communautaire originel des Corvées, en le transformant en un outil d'extraction économique et de contrôle par l'élite dirigeante. Le caractère pénible du travail forcé des corvées a contribué au ressentiment généralisé de la paysannerie, alimentant le mécontentement qui allait plus tard enflammer la ferveur révolutionnaire
La Révolution française a marqué un tournant pour les Corvées forcées, l'abolition des droits féodaux et de la taxe de corvée étant l'une des principales réformes adoptées par la Convention nationale à la fin du XVIIIe siècle. Cette abolition visait à démanteler les structures oppressives du système féodal et à répondre aux doléances de la paysannerie, mais elle n'a apporté que de nouvelles formes d'imposition, d'industrialisation et d'isolement des « travailleurs ».
Les corvées étaient plus qu'un moyen de gérer la main-d'œuvre agricole ; elles constituaient un élément essentiel de l'infrastructure sociale. Ces rassemblements instauraient la confiance, facilitaient la construction de structures communautaires essentielles telles que les églises et renforçaient les liens entre voisins. Avec la mécanisation et le capitalisme, les communautés sont devenues plus efficaces dans la production de biens pour le marché, mais au prix de la perte de leur esprit communautaire.
Par Will Ruddick, initialement publié par Lowimpact.org
Dans la Nièvre, une application à l'échelle locale pour permettre l'entraide entre les habitants...Mettre en relation les habitants d'une zone rurale, c'est l'objectif de l'application TootOtoor développée par deux amis. Actif dans le nord de la Nièvre, ce service donne la possibilité aux personnes résidant à la campagne de s'entraider par le biais de petites annonces de proximité publiées en ligne.
L'entraide entre voisins, un monde de rituels oubliés
https://reporterre.net/Travaux-reparations-entre-voisins-nous-avons-des-rituels-d-entraide
L’entraide entre voisins, un monde de rituels oubliés...Chaque mois, notre chroniqueuse retrouve pendant une journée ses voisins pour aider l’un d’eux. Déménagement, chantier, coupe du bois… cette entraide est courante dans le monde. En France, elle n’a pas de nom
..Dans le système de valeurs que nous avons, il faut réussir à mettre la valeur « préservation du bien commun » au-dessus de la valeur « j’en prends autant que je peux à court terme ». Tant qu’on n’a pas fait ça, les crises environnementales se résoudront à notre détriment...
Le tabou de la vaccination obligatoire
https://www.lopinion.fr/politique/pass-vaccinal-tabou-de-la-vaccination-obligatoire
Le tabou de la vaccination obligatoire...Pour aller plus loin, il faudrait faire abstraction des voix bruyantes confondant choix individuels et mise en danger de la vie d’autrui, liberté de conscience et tyrannie de la minorité.
« La lutte contre le fléau terroriste est loin d’être terminée. Il va falloir faire un choix sur nos libertés..jusqu’où est-on prêt à aliéner notre liberté pour avoir plus de sécurité ? Sachant que le risque zéro n’existe pas. »
« De la vaccination à la lutte climatique, l’absolue nécessité de réaffirmer le rôle régulateur de l’Etat ». Un collectif de chercheurs estime qu’une redéfinition du rôle de l’Etat sera nécessaire au XXIe siècle, afin de faire face au défi, par exemple, du changement climatique. La tradition libérale devra admettre des limites aux droits individuels pour le bien commun.
Tribune. En dépit de l’efficacité désormais bien établie des vaccins contre le Covid-19, la campagne de vaccination rencontre toujours d’importantes résistances. La défiance envers l’Etat, la force de certaines croyances, l’aversion au risque de la population et les revendications de libertés individuelles sont autant de freins à la mise en œuvre d’une politique servant pourtant l’intérêt général. Loin de ne se limiter qu’à la seule question de la vaccination, ce phénomène de contestation de l’autorité publique peut désormais s’observer à chaque nouvelle proposition de réforme à visée sociale, économique ou environnementale. En dépit d’études préalables démontrant leur efficience au regard du bien commun, celles-ci se heurtent régulièrement à un cortège de citoyens insatisfaits auxquels les réseaux sociaux procurent à la fois des capacités d’agglomération et une caisse de résonance uniques dans l’histoire des démocraties modernes.
Ces résistances à l’action publique ont de multiples origines. L’une d’elles pourrait être l’absence de définition claire et consensuelle du bien commun. On constate en effet combien la « neutralité libérale » prônée par le philosophe américain Charles Larmore, selon laquelle l’Etat doit s’abstenir de prendre position en faveur d’une définition du bien commun dès lors que celui-ci est soumis à débat, s’est progressivement imposée.
L’Etat face à deux options
Une autre résistance pourrait faire écho au tropisme individualiste fortement ancré dans la tradition libérale française qui, en cas de dilemme, pousse le politique à systématiquement arbitrer en faveur des libertés individuelles relativement aux libertés sociales. Il faut alors se rappeler que les politiques publiques incarnent la raison d’être de l’Etat moderne.
Ne sont-elles pas les « interventions d’une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire », selon les mots de la juriste Madeleine Grawitz, du politiste Jean Leca et du sociologue Jean-Claude Thoenig ? Cette définition souligne à la fois le caractère juridiquement légitime de l’action et sa dimension nécessairement collective.
Voici l’Etat face à deux options. La première consiste à mener des politiques dites « incitatives « , récompensant les « bonnes actions ». L’efficience d’une telle approche est sujette à débat car le risque est fort de voir apparaître des « passagers clandestins » cherchant à bénéficier des effets positifs de la politique publique sans s’y soumettre.
Un besoin de politiques volontaristes
Le biologiste américain Garrett Hardin (1915-2003) avait parfaitement décrit ce phénomène lorsqu’il évoquait sa fameuse « tragédie des communs », qui se traduit par une surexploitation mortifère des ressources communes, faute de ne pas savoir créer les conditions d’une exploitation collective raisonnée.
La seconde option que pourrait retenir l’Etat emprunterait à Thomas Hobbes l’idée que, face à l’impossibilité d’un consensus économique et social, l’Etat doit arbitrer de façon autoritaire, au nom de la sauvegarde de l’intérêt général.
Or, il nous semble que nulle réponse aux grands défs du XXIe siècle, qu’il s’agisse d’environnement, de santé ou de transition démographique, ne pourra faire l’économie de politiques volontaristes qui se traduiront par des restrictions et/ou des limitations qui pèseront sur chacun, mais au bénéfice de l’ensemble.
Ces politiques, par essence, ne pourront faire l’objet d’un consensus et seront impossibles à faire appliquer si l’on accepte une lecture large et sans réserve des droits individuels. Mais elles pourraient être légitimées par leur capacité à servir le bien commun, y compris au nom des générations futures.
Repenser le bien commun, discuter d’une vision collective pour le pays et préciser les politiques publiques qui en découlent sont les trois axes autour desquels le débat démocratique devrait s’articuler. Au regard des propositions clientélistes portées par les candidats déclarés, ce début de campagne présidentielle ne nous laisse guère d’espoir de voir notre souhait se concrétiser.
Les signataires de cette tribune sont:
Serge Guérin, sociologue, directeur scientifique du Pôle santé Inseec MSc&MBA;
Eric Muraille, biologiste, immunologiste, Université libre de Bruxelles;
Philippe Naccache, enseignant-chercheur, Inseec Grande Ecole;
Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur, Inseec Grande Ecole
(publié par C Farhangi)
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