Guerre en Ukraine

Publié le par ottolilienthal

… Paix en vue, mais à quel prix ?...

Donald Trump avait promis la paix en Ukraine « en 24 heures »…
Et s’il la faisait en cent jours, d’ici mercredi prochain ?..

Car les discussions ont connu une brutale accélération, après l’avertissement lancé vendredi par le secrétaire d’État Marco Rubio : « Les États-Unis ont d’autres priorités », si la paix n’intervient pas vite, « nous devons passer à autre chose ».

Confirmation est venue mercredi [23/04/2025] du vice-président J.D. Vance, qui a maintenu la pression en arguant d’une « proposition très explicite aux Russes et aux Ukrainiens ».
En voici les grandes lignes, selon le quotidien Washington Post et le site Axios : reconnaissance « de jure » (donc non contestable) du caractère russe de la Crimée, envahie en 2014 ; reconnaissance « de facto » (éventuellement réversible) des territoires de l’est de l’Ukraine conquis par l’armée russe ; non-adhésion de l’Ukraine à l’Otan, une entrée dans l’Union européenne restant possible ; garantie de sécurité offerte à l’Ukraine par les États-Unis et « un groupe ad hoc de pays européens ».


Donald Trump s’arroge au profit des États-Unis le contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijjia et l’exploitation des minerais ukrainiens…


La Russie n’a pas officiellement réagi, sinon pour démentir.

Mais le Financial Times pouvait affirmer dès mardi que Vladimir Pouline serait prêt à geler la ligne de front : un gain certain pour la Russie par rapport aux frontières de 2014, mais un renoncement (provisoire ? Il ne serait que « de facto ») à l’intégralité des quatre régions revendiquées. Et elle obtiendrait de tenir l’Otan à distance.

Nouvelle attaque de Trump contre Zelensky

L’Ukraine dispose de marges de manœuvre très, très étroites. Son président Volodymyr Zelensky l’a mesuré mercredi : pour avoir redit mardi qu’il n’y a « rien à discuter » sur la Crimée, « territoire du peuple ukrainien », il a été accusé mercredi par Donald Trump de vouloir « prolonger les tueries » en tenant « des propos incendiaires ». Le président ukrainien espère discuter avec son homologue américain samedi au Vatican, en marge des obsèques du pape.

Il est donc revenu aux Européens de protester contre le caractère très déséquilibré de ce projet d’accord. Il appartient « à l’Ukraine de décider de son avenir », a déclaré le Royaume-Uni, tandis que l’Élysée rappelait que « l’intégrité territoriale » de l’Ukraine est une « exigence très forte » des Européens. Mais à cette heure, ils restent écartés du cœur des négociations par les États-Unis et la Russie, tout en étant convoqués à s’investir sur le terrain pour la garantie des termes de l’accord.


Francis Brochet. Le Dauphiné 24/04/2025

https://librejugement.org/2025/04/26/nouvelles-dukraine/#more-84846

En Ukraine, la situation est dans une impasse militaire et diplomatique...

Après avoir promis un règlement rapide de ce conflit, après avoir tordu le bras du président Zelensky pour qu’il soit obligé de tout céder dans une négociation qui ressemble à une capitulation sans condition, le président Donald Trump se heurte désormais à la totale duplicité de Vladimir Poutine, avec qui il croyait avoir noué une forme de complicité.

Loin d’un accord de cessez-le-feu, la négociation directe des Etats-Unis avec la partie russe s’enlise depuis des semaines, probablement aussi parce que la Russie de Poutine n’a pas rencontré jusqu’ici d’obstacle dur lui indiquant fermement qu’il doit s’arrêter. Pendant que les négociateurs russes discutent sans considération de temps, leurs attaques contre l’Ukraine ont redoublé (+50% de bombardements) multipliant les pertes humaines et les dégâts en Ukraine.

La situation est pourtant une impasse militaire, il faudrait plus d’un siècle à ce rythme pour que la Russie puisse espérer soumettre l’Ukraine (0,7% de territoire conquis lors des 12 derniers mois de combats) et elle serait bien en mal de contrôler ensuite un peuple mobilisé pour se défendre et résister. Néanmoins Poutine ne donne aucun signe de vouloir renoncer à son objectif de « libérer » l’Ukraine, à sa manière si particulière, et il continue sa guerre.

La situation sur le front est tendue, meurtrière plus que jamais, mais sans risque d’effondrement du côté ukrainien, pas plus que de renversement du côté du Kremlin, où la société russe ne risque pas de se révolter contre le pouvoir implacable de Poutine et de sa mafia KGBiste.

La capacité de négociation de l’équipe de Trump est réduite de fait, en dehors de sa volonté affichée et de plus en plus humiliée de vouloir trouver un accord à tout prix, le prix de Poutine n’étant pas arrêtée.

L’envoyé de Trump a rencontré le président russe à Saint-Petersburg le 11 avril, les équipes américaines et russes se parlent régulièrement, mais elles n’aboutissent à rien jusqu’ici. Au point de faire craindre que le président américain n’abandonne ce terrain sans résultat pour se concentrer sur celui de l’économie et du social, où il est passé maître dans l’art de déstabiliser, un chaos organisé.

Loin d’être apaisée et encore moins réglée, la guerre en Ukraine est rentrée dans sa quatrième année et met plus que jamais les pays européens face à leur responsabilité, trop longtemps évitée, sur leur propre sécurité. Les solutions pour sortir de cette guerre dépendent désormais de leur capacité à réunir leurs forces et leurs idées, ce dont ces pays désunis doutent encore.

Guillaume Ancel

https://nepassubir.fr/2025/04/13/trump-sature-lespace-mediatique-et-ferait-presque-oublier-les-guerres/?jetpack_skip_subscription_popup

« On s’est fait avoir » : comment les troupes ukrainiennes ont dû lâcher la région russe de Koursk...

 Le 7 mars, les combattants ont reçu l’ordre d’abandonner la zone russe qu’ils avaient conquise en août 2024. Avec le repli, la guerre se décale vers le sud, en territoire ukrainien...

Trois fantassins tuent le temps dans la véranda d'une masure cernée de bouleaux, en face d'un bâtiment éventré. Depuis trois ans qu'il combat dans les endroits les plus chauds de la ligne de front, Youri n'a pas connu pire enfer que celui de Koursk. Adossé au mur, les traits creusés derrière un collier de barbe, il regarde dans le vide. Ses deux camarades lâchent : « Nous en sommes sortis et nous sommes vivants. »

À moins de 10 kilomètres au nord, de part et d'autre de la frontière russo-ukrainienne, la bataille fait rage. L'état-major ukrainien y a engagé ses meilleures unités pour tenir les dernières positions, ou au moins protéger les arrières de la troupe qui se replie. La bataille cause des pertes colossales, en hommes et en matériel. « Pour mes enfants, explique Youri, je suis un héros. Mais je ne veux pas y retourner. »

Les forces ukrainiennes se sont presque entièrement retirées de la portion de territoire russe qu'elles occupaient depuis leur offensive éclair du mois d'août 2024 dans la région de Koursk. Attaqués de toutes parts par les troupes russes et leurs alliées nord-coréennes, les combattants ukrainiens n'ont eu d'autre choix que de reculer pour éviter l'encerclement. Des 1 200 kilomètres carrés qu'ils avaient conquis au faîte de leur offensive surprise, il n'en restait plus que 300 début mars.

« Un déluge de bombes guidées et d'obus »

Depuis, tout s'est accéléré : selon les cartes de l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), les Ukrainiens ne contrôlaient plus qu'une cinquantaine de kilomètres carrés au soir du 17 mars. Le général Syrsky, commandant en chef des forces ukrainiennes, affirme que le repli « vers des positions plus avantageuses » s'est déroulé en bon ordre, conformément aux plans établis. Mais les militaires ukrainiens déployés sur le front racontent plutôt une débâcle chaotique.

Pendant des mois, Kiev s'est accroché au territoire conquis à Koursk pour disposer d'une monnaie d'échange lors de négociations futures. Mais le 7 mars, l'ordre de repli tombe, explique un commandant qui préfère garder l'anonymat. Le gouvernement ukrainien impose alors une chape de silence. Selon les militaires qui racontent au Point ce qu'ils ont vécu, les combats perdurent, mais, contrairement à ce que répète Donald Trump, les forces ukrainiennes n'ont à aucun moment été encerclées. Cependant, certaines unités ont dû se rendre.

Oleh (un nom d'emprunt), chef d'équipe dans le service de renseignement (GUR), affirme que l'assaut russe a été planifié. « Le 7 mars, un déluge de bombes guidées et d'obus d'artillerie s'est abattu sur nos troupes dans les environs de Soudja. Dans le même temps, grâce à des infiltrations clandestines, y compris via un gazoduc, les Russes nous ont pris à revers. Ils étaient là où on ne les attendait pas. »

Pour Mamouka Mamoulachvili, commandant de la Légion géorgienne, une formation intégrée aux forces spéciales de l'armée ukrainienne, ce n'est pas un hasard si cette opération a eu lieu précisément le jour où Donald Trump interdisait l'aide à l'Ukraine dans le domaine du renseignement. « Nous avons été rendus aveugles », dit-il.

« Je suis venu à pied de Soudja : 50 kilomètres ! »

Le 14 mars, le président Volodymyr Zelensky affirme que l'opération de Koursk a rempli son principal objectif : divertir les troupes russes pour desserrer l'étau sur le front du Donbass. Cependant, il n'est désormais plus question d'échanger des territoires contre celui occupé dans l'oblast de Koursk.

L'urgence est désormais de barrer la progression de l'armée russe et de l'empêcher de s'enfoncer en Ukraine. Vladimir Poutine a annoncé la couleur : il veut une zone tampon en territoire ukrainien, au sud de la frontière, et convoite notamment la ville de Soumy.

Les militaires sont partout présents dans les rues de Soumy, capitale régionale de l'oblast du même nom, dans les cafés, les supermarchés, les parkings… Même si la guerre n'est pas loin, une atmosphère détendue enveloppe la ville, d'autant plus que les températures sont étonnamment élevées pour la mi-mars et que les bombardements ont marqué une pause.

Les habitants se prennent à rêver d'un cessez-le-feu imminent. « Nous avons entendu que l'opération de Koursk a pris fin », se réjouissent les clients d'un café en sous-sol. Vladimir Poutine a fait de l'éviction des troupes ukrainiennes du sol russe une condition sine qua non de la trêve. Il est douteux cependant que cela lui suffise, au grand dam des militaires rencontrés.

Artem, un soudard ivre mort, a perdu son chemin après la fermeture des restaurants et peine à se souvenir de son adresse provisoire dans la banlieue de Soumy. Il est rentré du front la veille et n'a pas dessoûlé depuis. « Je suis venu à pied de Soudja : 50 kilomètres !, hurle-t-il, en mimant les explosions dans des contorsions horribles. J'ai tué six Russes hier. »

Roman, un soldat de la défense antiaérienne qui pilote des drones de reconnaissance, se rend à sa position en territoire ukrainien à pied, à travers champs, faute de pouvoir utiliser un blindé, à cause de la boue qui a transformé les chemins de traverse en marécages, mais aussi par crainte des innombrables drones ennemis qui ciblent les véhicules militaires.

« Les Russes maîtrisent le ciel »

Le plus difficile pour le commandant Mamoulachvili, ce sont les drones russes. Pas n'importe lesquels : les drones filaires, contre lesquels les brouilleurs ne peuvent rien. Une fibre optique longue de plusieurs kilomètres relie chaque drone à son pilote. Le système limite la portée du drone, mais les derniers modèles disposent d'une amplitude allant jusqu'à 20 kilomètres.

« Ils en ont cent quand nous n'en avons qu'un. Le déséquilibre est énorme. Impossible de rejoindre nos positions sans utiliser des véhicules blindés et recouverts de filets antidrones. Et même cela ne nous prémunit pas contre les attaques des drones suicides. »

Dans son pick-up surmonté d'électronique et d'antennes – les brouilleurs utilisés contre les drones traditionnels –, Ranger, l'adjoint de Mamouka Mamoulachvili, évoque le défi que représente chaque déplacement dans la zone des combats. « Les Russes maîtrisent le ciel. Tous les véhicules sont pris pour cible. Un sur trois est touché. Nous avons protégé les arrières lors du repli. C'était dur, mais nos troupes n'ont pas été encerclées. »

Un commandant qui veut rester anonyme soupçonne sans en avoir la preuve un accord passé entre Kiev et Moscou. « Les soldats qui partent à pied selon un itinéraire qui mène directement en Ukraine ne sont plus visés par les drones suicides ni par les tirs de l'artillerie, contrairement aux blindés et aux équipements. »

Protégés par un filet antidrones

Dès la sortie de Soumy par la route principale qui monte vers Soudja, la plus grande des localités russes que les Ukrainiens avaient conquises, la guerre est omniprésente. Là, un entrepôt aplati, plus loin, un blindé de transport de troupes calciné et abandonné dans le fossé.

Des véhicules détruits par les drones gisent sur le bas-côté. Pour contrer la menace des engins volants, les Ukrainiens ont fait appel au système D : l'axe principal qui monte vers la Russie a été protégé par un filet antidrones. Ils l'appellent le « tunnel » ou leur « ligne de vie ». Inversement, ils nomment la même route, mais côté russe, la « route de la mort ».

L'ouvrage, dont toutes les portions ne sont pas encore terminées, consiste en un filet léger qui enveloppe la route à plusieurs mètres de haut et sur les côtés. Ivan commande une équipe du génie qui plante les piquets et arrime le filet. Il montre à quelques mètres l'impact du dernier drone qui s'est écrasé sans atteindre le dispositif de protection.

« Nous avons ri lorsque les Russes ont utilisé ce système à Tchassiv Yar, il y a quelques mois de cela. Puis nous nous en sommes inspirés. Cela ne marche pas contre tous les drones, notamment contre les plus gros, qui arrachent la protection. J'étais sceptique. Mais un civil qui empruntait le tunnel pour rentrer dans son village m'a remercié en disant que si ça sauvait une seule vie, c'était déjà bien. »

« Une tactique qui mange les vies »

Les combats ont emporté les localités frontalières dans leurs tourments : les villages sont totalement détruits. Pourtant, certains civils s'accrochent. À Kyyanytsya, les explosions, qu'elles viennent de tirs ennemis ou de ripostes amies, résonnent toutes les cinq minutes et rythment la vie des habitants.

Un matou dort au pied d'une maisonnette sans broncher malgré le bruit et les aboiements craintifs d'un chien. Luba et Antonina, deux babouchkas, ont reçu un avis d'évacuation, mais ce n'est pas une obligation, sauf pour les jeunes de moins de 16 ans.

Ici, malgré les destructions qui ont emporté les maisons des voisins et ravagé le centre du village, les résidents s'accrochent, dans l'espoir que tout ça prenne bientôt fin. « Mais les combats ne se calment pas, et nous n'avons plus d'eau courante ni d'électricité depuis le 7 mars, déplore Louba. J'attendrai jusqu'à ce que ce soit vraiment impossible de rester. »

Une organisation de volontaires bénévoles, les White Angels (Anges blancs), se charge d'évacuer des zones dangereuses ceux qui y consentent, mais, explique Antonina, « ils ne sont pas encore venus ici ». L'intensité des combats empêche les White Angels d'accomplir leur mission, bien qu'ils disposent d'une camionnette blindée. De plus en plus de villages leur sont désormais interdits par l'armée ukrainienne en raison du danger. Avec le repli des combattants, la guerre se décale vers le sud, en deçà de la frontière, en territoire ukrainien.

Le village de Basivka, en Ukraine, à trois kilomètres de la Russie, est tombé sous contrôle russe, confirme le droniste Roman. « Ils avancent à pied, par petites escouades, constate-t-il, à travers champs, même à travers les mines antipersonnel. Nous en tuons les trois quarts, mais il en reste toujours deux ou trois qui se cachent au fond d'un trou et font une tête de pont. »

« Vient ensuite une deuxième escouade, puis une troisième, ainsi de suite, détaille-t-il. Une tactique qui mange les vies mais qui leur permet d'avancer. » Roman ne croit pas au cessez-le-feu, car il est persuadé que Vladimir Poutine ne veut pas de la paix.

« On s'est fait avoir, lâche le commandant Mykola dans une bordée de jurons. On a lâché Koursk pour faciliter la trêve, mais Vladimir Poutine voudra toujours plus. » Dans la véranda, Youri fume cigarette sur cigarette. Il regarde les gravats de béton qui jonchent le sol, alors que parvient le son sourd d'une arrivée de projectile.

Le sol tremble. Le chat recroquevillé entre des bidons plein d'eau ouvre de grands yeux. « Nous nous réunissions dans ce bâtiment effondré. Des camarades sont morts là-dessous, évoque lentement Youri. Je veux juste rentrer chez moi"

De notre envoyé spécial à Soumy (Ukraine),

Pourquoi les soldats russes blessés en Ukraine préfèrent-ils parfois se suicider sur le champ de bataille?...

Le phénomène des soldats engagés dans l'armée russe qui se donnent la mort est loin d'être marginal et devient de plus en plus fréquent. Les raisons pour l'expliquer sont multiples.

Captées par les drones de reconnaissance ukrainiens, de nombreuses vidéos montrent une face triste de la guerre russo-ukrainienne. Par exemple, sur ces images, on peut y voir une explosion causée par une grenade larguée par un engin volant sur un militaire russe. Abasourdi par le souffle de la déflagration et grièvement blessé, le soldat à l'agonie n'hésite pas. Contre toute attente, il retourne alors une arme contre lui et met fin à ses jours.

Depuis le début du conflit, en cours depuis la fin du mois de février 2022, on dénombre plus de 250 cas documentés de suicides de soldats russes à la suite d'une blessure causée par les drones de combat, impitoyables et omniprésents sur le front. Le nombre réel de ces morts est impossible à chiffrer de manière précise. Sur la plateforme communautaire Reddit, les utilisateurs ont commencé à compiler une immense liste d'archives détaillant chaque vidéo, article de presse, interview et questionnement sur ce sujet.

Le phénomène est sans précédent dans le domaine de la guerre, mais bien connu du pouvoir russe, qui ne s'en cache pas. Au pays de Vladimir Poutine, ce genre de triste geste est même glorifié par la mémoire collective, qui salue le sacrifice de ces soldats décidés à ne pas se rendre. Comme le montrent des publications sur Reddit et sur les réseaux sociaux, postées en novembre 2024, un monument a d'ailleurs été érigé dans la ville d'Elektrostal, située à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Moscou.

Il met en scène la statue d'un soldat, assis à même le sol, épuisé par les combats et adossé contre un mur d'une habitation visiblement touchée par un bombardement. Un détail vient donner tout son sens au monument: ce soldat de pierre tient dans sa main gauche une grenade et dans sa main droite… la goupille. Le nom donné à cette sculpture? «Je ne me rends pas.» Derrière la propagande, se cache pourtant une réalité qui se murmure dans les rangs. Sur le front, personne ne viendra vous chercher.

Une logistique médicale mal en point

En Ukraine, la désarticulation logistique russe n'est pas sans rappeler les mémoires d'Arkadi Babtchenko sur ses années de service lors des deux guerres de Tchétchénie (1994-1996, puis 1999-2009), parues en France en novembre 2009 sous le titre La Couleur de la guerre (One Soldier's War). Cet ancien militaire russe, devenu journaliste et écrivain, puis dissident et exilé, y racontait son expérience de soldat désabusé et engagé dans la petite république du Caucase, vivant jour après jour à attendre des ordres qui n'arrivent pas, au point d'en venir à manger le chien qui les accompagne, faute de nourriture.

Durant cette guerre russo-ukrainienne, l'avènement des drones n'a fait qu'accentuer les problèmes. L'approvisionnement en eau, nourriture et soin est devenu périlleux. Les plaines ukrainiennes ont été transformées en véritables no man's lands et le bourdonnement incessant des «oiseaux», comme les surnomment les soldats russes, grondent au-dessus des têtes et empêchent au maximum tout ravitaillement de se faire.

On estime qu'un grand nombre d'amputations et de décès sont causés par un entraînement lacunaire aux procédures de soins d'urgence et à un matériel inadapté, allant jusqu'à causer des dommages irréversibles aux victimes. En effet, la Russie a du mal à fournir du matériel médical en nombre suffisant, obligeant les soldats à improviser des bandages et des garrots avec ce qu'ils peuvent. Sur ce point, plusieurs études et analyses s'accordent sur le fait que la logistique médicale russe est la grande absente de cette guerre, ce qui renforce le sentiment d'abandon des soldats et le fatalisme devant les blessures survenues au combat.

En médecine d'urgence, la prise en charge des blessés doit se faire en moins d'une heure si l'on veut augmenter significativement les chances de survie. C'est ce que l'on appelle «l'heure d'or». Un concept et un temps qui relèvent de la gageure lorsque l'on sait la difficulté qu'éprouvent les véhicules à circuler entre la ligne de front et l'arrière, ainsi que l'impossibilité d'employer les hélicoptères à cause des systèmes de défense antiaérienne.

Dans les faits, il est estimé qu'il faut plus de trois heures et demie pour transporter une personne hors d'une zone de combat. «Le problème principal, dans cette guerre, est d'extraire le soldat blessé de la position de première ligne. Cela prend entre six heures et vingt-quatre heures», témoignait même un médecin militaire ukrainien, dans un reportage du journal Le Monde paru en décembre 2023. Cette durée considérable aggrave les lésions, les risques d'hémorragie et les infections.

Le mépris de l'armée et de la société russes

À l'arrière, le constat est le même. Les hôpitaux militaires russes tournés vers une gestion compliquée du Covid-19 n'étaient pas préparés à une invasion d'une telle envergure. En résulte un manque de moyens matériels, humains et techniques difficile à rattraper. Le constat est même partagé par le président russe Vladimir Poutine en personne, qui promet sans cesse de pallier l'insuffisance de matériel, comme les prothèses pour les amputés ou une meilleure prise en charge des invalides de guerre.

Sur ce point, le contexte devient cauchemardesque pour les militaires touchés, qui sont confrontés à une société russe inadaptée et méprisante envers les personnes en situation de handicap. L'ONG Human Rights Watch indiquait déjà, en septembre 2013, qu'il existe un manque criant d'infrastructures en Russie et que le pays est très en retard pour fournir un niveau de vie acceptable aux handicapés. De plus, la propagande masculiniste qui circule au sein de l'armée russe dépeint les infirmes comme des poids pour le pays.

Par conséquent, pour certains soldats blessés sur le front, cette mentalité globale participe à la préférence d'une mort au combat, plutôt que de finir en fauteuil roulant. D'autant plus en sachant que la guerre en Ukraine aurait déjà fait plus de 870.000 victimes côté russe (mortes ou blessées), d'après l'un des derniers bilans établis mensuellement par le renseignement militaire britannique, au début du mois de mars.

Sur le front, personne ne viendra vous sauver

Comme le montrent parfois des images publiées par le ministère de la Défense ukrainien, les attaques de drones ne tuent pas toujours leurs cibles. En libérant leurs éclats lors de l'explosion, les grenades larguées provoquent de considérables dommages aux os, ligaments et organes, laissant la victime paralysée par des membres déchirés ou un système nerveux endommagé. Pas assez pour provoquer une mort rapide. Celle-ci n'interviendra qu'après de longues heures, lorsque la victime se videra de son sang, créant une détresse psychologique palpable au travers des caméras portées par les drones de surveillance.

Cette détresse est d'autant plus importante que la propagande d'État russe veille à ce que personne n'ait l'idée de chercher de l'aide en se tournant vers l'ennemi, par l'intermédiaire d'un ardent travail visant à le déshumaniser. Les Ukrainiens y sont dépeints comme particulièrement épris de vengeance, promettant tortures et exécutions pour toute personne levant ses mains et abandonnant son arme. Un discours qui n'est autre que le miroir des exactions pratiquées par l'armée russe elle-même, qui serait coupable de nombreux crimes de guerre.

Côté ukrainien, les équipes d'intervention hésitent à s'engager dans la capture et l'évacuation de prisonniers face au risque de se faire piéger. Faire semblant de se rendre, même à l'agonie, est devenu une stratégie pour emporter l'adversaire avec une grenade cachée sous ses vêtements ou avec le renfort d'autres soldats placés en embuscade et venus en renfort (comme cela serait arrivé en novembre 2022 dans l'oblast de Louhansk). Un ultime acte de perfidie, qui est une infraction au droit de la guerre et constitue donc un crime de guerre, prohibé selon les conventions de Genève.

De plus, partir de sa tranchée pour récupérer un camarade au milieu des drones peut revenir à décimer tout un groupe de secouristes. Pire encore, cela pourrait dévoiler l'entrée des positions, qui serait alors ciblée par l'artillerie adverse. Ces situations obligent les militaires russes à abandonner leurs camarades à leur triste sort. Même chose pour les unités de drones ukrainiennes, dont la valeur stratégique empêchent les troupes ennemies de sortir de leurs tranchées ou bunkers improvisés, dans lesquels ils restent terrés parfois plusieurs semaines.

Un concept est alors apparu parmi les opérateurs de drones: le mercy kill, c'est-à-dire le coup de grâce par pitié, devant la lente agonie qu'attend un malheureux soldat blessé. Mais l'idée fait bien évidemment débat au regard du droit international. En effet, les conventions de Genève prévoient qu'achever tout blessé est potentiellement constitutif d'un crime de guerre. Or, sitôt les militaires touchés par l'explosion d'un drone-kamikaze ou d'une grenade, on observe alors au travers des caméras embarquées par les drones d'observation qu'une telle retenue se traduit sur le terrain par des situations désespérées pour les victimes, qui iront jusqu'à retourner leur armes contre eux, s'étrangler avec un garrot, voire se trancher la gorge avec des barbelés. Des images devenues beaucoup trop banales sur le champ de bataille.

Il n'est alors pas rare, lorsque les drones ne finissent pas le travail, que les soldats russes achèvent eux-mêmes leurs camarades à distance. On comprend alors qu'un contrat ait pu se former entre hommes d'une même équipe, se promettant de mettre un terme à d'inutiles souffrances si le pire devait survenir. Dans un élan de virilité et se sachant pris au piège par les drones, il est déjà arrivé que des Russes défient la caméra d'un geste provocateur en s'autodétruisant avec une grenade portée contre soi. Préférant prendre leurs destins en main sous les regards médusés des opérateurs situés à distance.

La sombre «économie de la mort»

Pour contribuer à l'«opération militaire spéciale», Vladimir Poutine a mis en place de nombreux avantages financiers à destination de la mobilisation. Ces avantages sont de natures multiples, tels que l'effacement des dettes, le pardon présidentiel aux criminels s'engageant dans la guerre ou alors l'octroi de sommes conséquentes aux familles de soldats tombés au combat. S'opère alors ce que les médias nomment l'«économie de la mort» (ou «deathonomics» en anglais).

Pour prétendre à une compensation et en faire profiter sa famille, il faut être déclaré mort au combat. Tout l'enjeu économique se situe sur cette déclaration. Lorsque l'on ne peut pas certifier le décès d'un soldat par la présence d'un corps, les officiers doivent les déclarer disparus, n'offrant alors aucune compensation. Sous cette logique, un prisonnier de guerre sera déclaré disparu. Aucun bénéfice ne pourra alors être accordé à lui ou à sa famille. Les amputés ne pourront pas percevoir d'avantages promis. Même chose en terminant son contrat avec l'armée. Cette conception économique fait donc dire qu'un soldat russe mort vaut plus cher qu'un soldat russe vivant, comme l'exposait Le Monde en août 2024.

Ainsi, dans une enquête publiée en novembre dernier, le quotidien américain The Wall Street Journal a calculé qu'une déclaration de décès après un an d'engagement dans la guerre rapporterait à la famille l'équivalent de ce qu'un travailleur des régions reculées de Russie est capable d'accumuler par son labeur jusqu'à l'âge de 60 ans. De quoi se frotter les mains en dénonçant à la mobilisation un proche ou un mari encombrant qui se cacherait de l'administration militaire…

En étant poussé par tant de promesses, il n'est pas difficile d'imaginer que l'idée d'en finir sur le champ de bataille apporterait un bénéfice substantiel à un proche. Or, à l'instar des économies réalisées avec les mercenaires du Groupe Wagner en ne les payant que s'ils restent vivants à la fin de leurs contrats, la Russie semble pratiquer le même genre de cynisme morbide sur ses propres soldats de l'armée régulière. Ainsi, il est documenté que des officiers russes donnent l'ordre de ne pas récupérer les corps des hommes tombés au combat au sein de certaines unités, pour ne pas avoir à payer les compensations aux familles.

Pareillement, le suicide n'est pas considéré comme étant une cause valide ouvrant le droit à une compensation. Une double peine pour les familles qui déplorent un manque de reconnaissance envers le sacrifice de leurs enfants, parents ou conjoints. Des rumeurs existent à propos d'hommes qui choisissent de s'ôter la vie au dernier moment pour se venger d'un adultère. Sur le front, le désespoir psychologique et économique des soldats participent aux bons comptes de Vladimir Poutine et du pouvoir russe.

Amin Bouthiba – Édité par Émile Vaizand

https://www.slate.fr/monde/pourquoi-soldats-russes-blesses-preferent-suicide-champ-bataille-guerre-ukraine-front-drones-logistique-soins-urgence-handicap-armee-mepris-societe-economie-mort?utm_source=firefox-newtab-fr-fr

L’Ukraine est détruite. Et l’Europe va se disloquer. La messe est dite, l’Occident a perdu et Trump le sait très bien. Tout le reste va en découler. Pourtant aux États-Unis comme chez nous, des cohortes hallucinées refusent de l’accepter et se répandent en incantations irréelles : « la guerre, la guerre, on va gagner ! »

Cela me rappelle furieusement ce que nous avons connu il y a 50 ans, c’est-à-dire la chute de Saïgon et la défaite américaine au Vietnam dont nous allons commémorer l’anniversaire le 30 avril prochain. Deux jours avant que les bo doï pénètrent avec leur char dans le jardin du palais présidentiel pour y hisser le drapeau du Vietnam réunifié, le 28 avril 1975 donc, se tenait une réunion à la Maison-Blanche. Le patron la CIA Bill Colby dit alors au président américain Gérald Ford « il faut regrouper les forces sud vietnamiennes et forcer les nord vietnamiens à reculer. Nous pouvons gagner ». Ford s’est tourné vers John Schlesinger le secrétaire à la défense pour recueillir son avis. Pendant que Kissinger restait silencieux Schlesinger répondit :

« c’est fini Monsieur le Président. C’est terminé. »

(extrait)

https://www.vududroit.com/2025/03/cest-fini-monsieur-le-president-cest-termine/

 

Les horreurs du front et les rêves d’après-guerre du soldat Grigori...

Cela aurait pu être un check point comme un autre, dans ce Donbass qui respire la guerre. Un soldat en treillis fait signe d’arrêter le véhicule dans lequel Le Devoir se trouve. Les papiers sont à peine sortis qu’il y va de cette demande bien singulière : « Je peux monter avec vous jusqu’à Pavlohrad ? Je dois me rendre à l’hôpital. »

Dans l’habitacle, il ne faut que quelques secondes avant que l’homme se dévoile. Il s’appelle Grigori, a 35 ans mais paraît en faire quinze de plus. C’est un simple père de famille, soudeur dans son ancienne vie, que l’ invasion russe a transformé en homme de guerre. Grigori revient d’une mission de vingt-quatre heures sur le front féroce de Pokrovsk, ses vêtements encore empreints d’humidité, une barbe hirsute de plusieurs jours. « Douze Russes nous ont attaqués, on les a tués avec des drones », raconte l’homme, calmement.

La guerre, ce soldat d’infanterie qui multiplie les assauts au plus près de l’ennemi la saisit mieux que quiconque. Il connaît trop bien les entrailles du front, ses tranchées pleines de cadavres, sa chair mutilée, sa puanteur. Il a vu trop d’horreurs et les raconte sans fard, comme pour s’en décharger. « Quand on mène des assauts, on tue forcément des gens. Parfois, on voit des restes humains déchiquetés, des jambes, des têtes… Il faut souvent réconforter nos nouvelles recrues, elles ne sont pas habituées à ça. Il y en a qui vomissent, qui se défèquent dessus en revenant d’un assaut. Et qui crient, en pleurant, accablés : “J’ai tué des gens !” » Il y a aussi ceux qui désertent, terrifiés, tout juste avant d’entamer une mission périlleuse, ou ceux, encore, qui optent pour le suicide. « La peur, c’est le plus grand ennemi, poursuit Grigori. Moi, je me suis habitué à tuer. On s’habitue tous. »

 

Un an sans voir ses enfants

Après trois ans de guerre totale, les soldats les plus aguerris sont pour beaucoup déjà au cimetière. Grigori, blessé à de multiples reprises, fait partie des rares combattants volontaires de la première heure. La relève se fait plus rare, le temps passé dans les tranchées s’étire. Voilà un an qu’il n’a pas vu son fils de 11 ans et sa fille de 5 ans. « En 2022, les soldats mobilisés avaient entre 19 et 40 ans. Désormais, ils ont autour de 50 ans, ils sont moins mobiles. Ils peuvent sombrer dans des crises de nerfs. C’est dangereux de faire un assaut avec des gars paniqués, qui deviennent un fardeau plus qu’autre chose. »

Engagé dès le déclenchement de l’invasion du 24 février 2022, l’Ukrainien originaire de Khmelnytskyï, dans l’ouest du pays, se sait chanceux d’être encore en vie. Il ne compte plus ses frères d’armes tués au combat ou amputés. « Plusieurs des gars qui combattaient au début sont morts. Lors des assauts, il y en a toujours au moins un parmi nous qui finit mort ou blessé. » Frappée par l’hécatombe, sa brigade originelle a dû être recomposée, puis rattachée à celle de la 68e. Sur son téléphone, il montre la photo d’un groupe de ses « gars » d’il y a quelques mois. « Nous étions 20, nous ne sommes plus que 5. »

Les assauts répétés des troupes russes mettent à rude épreuve la résistance ukrainienne. « La situation est très tendue à Pokrovsk, confie Grigori, qui combat dans ce secteur. Je ne pense pas qu’on pourra tenir jusqu’au printemps. Les Russes changent leurs tactiques, ils s’adaptent. Une fois, on s’est fait passer pour un soldat russe en imitant leur accent, on a capturé 11 d’entre eux. Mais les Russes, eux, tuent beaucoup des nôtres quand ils sont cernés, au lieu de les faire prisonniers. »

Grigori raconte la guerre dans son intimité. Le temps qui passe, les nombreux divorces laissant des soldats esseulés, les esprits qui se radicalisent. « Parfois, avec les gars, on parle entre nous de ce qu’on veut faire après la guerre. Certains veulent rester soldats. Pour être franc, je suis épuisé. Je voudrais plutôt aller errer en forêt, seul, et pourquoi pas, ouvrir un café. »

Patrice Senécal dans la région de Donetsk

Collaborateur

 

La guerre en Ukraine peut-elle s’arrêter en 2025 ?...

 

Une séquence de négociation a commencé depuis au moins début décembre 2024 entre l’équipe du futur président américain Donald Trump (en lien avec celle de Joe Biden) et le cercle du président russe Vladimir Poutine. Cette négociation est d’autant plus difficile que chaque protagoniste accélère son mouvement pour arriver en position de force à la discussion finale qui devrait avoir lieu autour du 20 janvier, pour la cérémonie d’investiture de Trump au Etats-Unis, date à laquelle il veut démontrer sa capacité à arrêter la guerre à défaut de construire la paix.

Certains analystes pensent que Poutine n’est pas prêt à lâcher le morceau et veut continuer sa guerre à tout prix, conformément à ce que le « maître du Kremlin » laisse dire fort à propos par une partie de son entourage. Cependant, cette guerre a un prix exorbitant pour la Russie et lui inflige entre autres une inflation de plus de 9% et des taux bancaires entre 20 et 30% qui pénalisent toute son économie. De plus, la société russe est fortement affectée par l’importance des morts et les blessés dans ses rangs, les mercenaires étrangers et les soldats nord-coréens « prêtés » par Kim Jong-un ne représentant que quelques pourcents des 500,000 militaires engagés par la Russie contre l’Ukraine.

Les pertes russes estimées à largement plus de 600,000 morts et blessés dépassent l’effectif engagé actuellement, autrement dit cette « opération militaire spéciale » a déjà couté plus qu’une armée complète à la Russie pour un résultat très limité : moins de 4,000 km2 conquis en 2024, soit 0,6% de la surface de l’Ukraine.

A ce rythme là, il faudrait 10 générations de soldats russes et plusieurs millions de pertes supplémentaires pour conquérir l’Ukraine. Poutine a donc tout intérêt à ramasser une mise intermédiaire – 19% du territoire ukrainien à ce stade – pour « s’inventer » une victoire même partielle.

Néanmoins, si Poutine refusait le deal que propose Trump pour arrêter ces combats, il prendrait le risque de voir l’effort de guerre américain augmenter considérablement, car le nouveau président est nettement moins prudent et retenu que son prédécesseur alors que l’armée russe est loin de dominer le champ de bataille.

Donald Trump va-t-il lâcher les Ukrainiens ?

 

Dans cette négociation, le président ukrainien Volodomyr Zelensky n’a pas réellement voix au chapitre tellement il est dépendant de l’aide militaire américaine que les Européens ne savent pas compenser en l’état. Le courageux président ukrainien devra donc supporter le prix négocié par le parrain américain. Et à moins qu’il ne démontre sa capacité à l’accepter et à faire accepter ce deal par une société durement éprouvée par trois années de guerre, Zelensky devra aussi laisser sa place après avoir incarné le chef de la résistance de l’Ukraine.

Pour autant, il est peu probable que les Etats-Unis lâchent l’Ukraine, ce serait en effet une humiliation pour les Américains de céder face à la Russie qui fut leur rival pendant des décennies de guerre froide. Trump, même s’il a imposé un virage radical au parti républicain, verrait son image particulièrement abîmée s’il ne pouvait pas démontrer qu’il s’est imposé face à la Russie (dont le PIB est celui de l’Espagne).

Quant à la question de la paix, une paix durable au cœur de l’Europe, la discussion de Trump avec Poutine ne l’envisage pas réellement. Ce sera le fardeau des Européens, qui seront les bienvenus d’acheter massivement aux industriels américains de quoi se défendre face à l’empire plus menaçant que jamais de Poutine. Ce sera aussi une charge terrible pour les Ukrainiens, une fois le soulagement de l’arrêt des combats passé.

Au fond, le seul gagnant de ce deal en Ukraine sera Poutine, c’est aussi pour cette raison que la négociation dans ces conditions a des « chances » importantes d’aboutir et, qu’à défaut de la paix en Europe, on peut s’attendre à une fin des combats en Ukraine en 2025.

Guillaume Ancel

 

Zelensky révèle les victimes de la guerre en Ukraine : 43 000 morts, 370 000 blessés...

Pour la première fois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a révélé publiquement le nombre de victimes de ce conflit qui dure depuis près de trois ans. Dimanche, il a déclaré que l’Ukraine avait perdu 43 000 soldats et en avait blessé 370 000 depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Zelensky a fait cette annonce via Telegram à la suite d’une déclaration de l’ancien président américain Donald Trump qui a affirmé, tôt dimanche, que l’Ukraine avait perdu « ridiculement » 400 000 soldats dans la guerre initiée par le président russe Vladimir Poutine.

Zelensky avait déjà révélé que Kiev avait subi 31 000 morts au combat en février, mais s’était abstenu de révéler le nombre de blessés, invoquant la volonté de ne pas fournir d’informations excessives au Kremlin. Depuis lors, il n’a cessé de rejeter les estimations publiées par divers médias, les qualifiant d’exagérées. Dans son message sur Telegram, Zelensky a précisé que le nombre de victimes ukrainiennes s’élevait à « 43 000 soldats morts sur le champ de bataille » et à 370 000 blessés. Il a souligné qu’environ 50 pour cent des blessés ukrainiens reprennent du service et que toutes les blessures, y compris celles qui sont mineures et récurrentes, sont méticuleusement enregistrées.

Comparaison des chiffres des pertes

Zelensky a également souligné que l’Ukraine a réussi à rapatrier 3 767 soldats de la captivité russe. Ces chiffres contrastent avec les 600 000 morts et blessés signalés du côté russe. Zelensky affirme que les pertes russes sont nettement plus élevées que ce qui avait été annoncé précédemment. Selon lui, les données actualisées montrent que la Russie a perdu plus de 750 000 personnes, dont 198 000 tués et plus de 550 000 blessés. Il ajoute que la Russie a perdu cinq à six fois plus de soldats au combat que l’Ukraine depuis septembre.

Appel à une paix juste

Zelensky a réitéré son appel en faveur d’une « paix juste » qui garantisse la sécurité de l’Ukraine contre une future agression russe. Il a insisté sur la nécessité d’obtenir des garanties solides pour empêcher la reprise du conflit, déclarant : « Un cessez-le-feu sans garanties peut être ravivé à tout moment, comme Poutine l’a déjà fait. » Il a insisté sur l’importance de traiter l’occupation continue et de parvenir à une paix durable afin d’éviter de nouvelles victimes ukrainiennes.

https://fr.businessam.be/zelensky-revele-les-victimes-de-la-guerre-en-ukraine-43-000-morts-370-000-blesses/

 

La Russie a perdu ces derniers mois 53 soldats pour chaque kilomètre carré gagné...

De “la chair à canon” : ces trois derniers mois, l’armée russe aurait perdu 125 000 combattants pour prendre ou reprendre 2 350 km2 de territoire, selon un rapport de l’Institute for the Study of War. Tant pour Moscou que pour Kiev, les recrutements ne parviendraient plus à compenser les pertes...

Alors que l’année 2024 touche à sa fin et que l’hiver arrive, les troupes russes continuent de repousser leurs adversaires ukrainiens, résume la BBC. Au total, elles ont conquis ou repris environ 2 350 km² de territoire dans l’est de l’Ukraine et dans la région de Koursk, dans l’ouest de la Russie. Mais le coût en vies humaines est effroyable.” Le média britannique va jusqu’à évoquer une “tactique de la chair à canon”.

De fait, selon des chiffres communiqués le 5 décembre par l’Institute for the Study of War (ISW), un think tank américain, et repris par le Kyiv Independent, l’armée russe a déploré en moyenne 53 pertes (tués et blessés) pour chaque kilomètre carré conquis. “Selon le rapport, en septembre, octobre et novembre 2024, les forces russes ont gagné environ 2 356 km² de territoire, en Ukraine et dans l’oblast de Koursk, au prix de pertes estimées à 125 800 combattants.”

 

La guerre en Ukraine s'éternise et la Russie fait face à un autre problème : le retour de ses cannibales...

Moscou, comme Kiev, engage de nombreux détenus pour garnir ses rang sur le front ukrainien. Des personnages aux profils sombres, et aux crimes indélébiles pour la société russe, qui craint leur retour au pays...

La Russie craint le retour de ses fantômes. Vladimir Poutine a affirmé en juin dernier que 700 000 militaires russes participaient à l'offensive en Ukraine. Une force de frappe immense, et un vivier humain qui semble intarissable. Pourtant, les pertes sur le front, qui se chiffrent en centaines chaque jour — voire en milliers— pour des gains territoriaux en mètres, ne laissent aucune place au doute sur l'hécatombe en cours dans le "hachoir ukrainien". Bakhmout, Avdiivka, Kharkiv, Koursk… L'Ukraine compte ses cadavres, la Russie aussi. Selon les dernières données analysées par la BBC, plus de 70 000 personnes ayant combattu dans l'armée russe sont mortes en Ukraine, mais le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé, note le média, qui n'inclut que celles dont les noms sont connus. Parmi eux, 13 781 étaient des volontaires - soit environ 20 %.

Une hécatombe qui endeuille, et déséquilibre gravement une société russe grevée par une baisse de la natalité historique, expliquions-nous récemment. De même : les industries russes, qui proposent des salaires inférieurs à ceux proposés aux soldats en Ukraine, souffrent d'un manque de main-d’œuvre.

Mais selon certains analystes, la crise sociétale actuelle n'est qu'un avant-goût de celle à venir, lors du retour des soldats.

Meurtriers, violeurs, et cannibales

C'est un fait connu de tous : la Russie — comme l'Ukraine au demeurant— a ouvert les portes de ses prisons pour garnir ses rangs. Ainsi selon le média indépendant russe Mediazona et la BBC, 48 366 prisonniers auraient ainsi été recrutés par le groupe de mercenaires Wagner entre le 1er juillet 2022 et le 7 février 2023, rapportions-nous en août.

Le bilan judiciaire du retour de la première vague de mercenaires au pays fait craindre le pire : une investigation du Wall Street Journal publiée en décembre 2023 comptabilisait ainsi des dizaines de crimes commis par les anciens prisonniers embauchés par Wagner, entre viols, fusillade dans un café, incendie criminel contre des maisons… En tout, 4 409 crimes impliquant un ou des membres de l'armée ont été commis en 2023, une multiplication par 4 par rapport à 2021. Et ces faits ne sont que ceux signalés aux autorités.

Parmi les détenus envoyés au front avec la promesse d'une grâce à la fin de leur service, des profils particulièrement inquiétants. The Insider rapporte le cas de Dmitry Malyshev. L'homme a été condamné en 2015 à 25 ans de réclusion dans une colonie pénitentiaire pour une série de crimes parmi lesquels cannibalisme, meurtre brutal de deux personnes au sein d'un groupe criminel, banditisme, vol et trafic illégal d'armes, complot pour le meurtre d'officiers de police et vol à main armée

La culpabilité de Dmitry Malyshev dans ces crimes a dévoilée après son arrestation pour le meurtre d'un ressortissant tadjik, dont il avait découpé le cœur, l'avait rôti avec des légumes et l'avait mangé. Malyshev a rapporté ses activités cannibales sur vidéo. Cité par plusieurs médias locaux, il a assuré plus tard avoir été sous l’emprise de l’alcool. Libéré en octobre 2023 après avoir signé un contrat avec le ministère de la Défense russe, il a quitté sa prison et est parti faire guerre en Ukraine.

Aujourd'hui, selon Meduza, il est rentré dans son village natal de Rakhinka, dans la région de Volgograd. Le chef de son village en témoigne au média indépendant russe :

"Il est en congé pour blessure. Il a eu un autre congé pour blessure au début de l'année, mais il est retourné au front. Je lui ai parlé récemment. Il a des problèmes de mâchoire et des éclats d'obus dans le bras. Il se rétablit. Je l'ai vu au magasin avant-hier. Nous nous sommes salués. Comme il me l'a dit, dès qu'il ira mieux, il retournera dans la zone SVO [opération militaire spéciale]."

Un système de grâces décrié

Sur le front, enrôlé dans la force d'assaut Storm Z, connue pour regrouper la "chair à canon" russe, constituée d'anciens détenus, il a fait la connaissance d'un autre obscur personnage : Alexander Maslennikov de Volzhsky, qui a assassiné et démembré deux filles. Les deux hommes ont posté une photo d'eux sur les réseaux sociaux, rendue publique par Novaya Gazeta en mai dernier.

Dmitry Malyshev n'est pas le premier —ni le dernier sans doute— cannibale relâché avant la fin de sa peine pour les besoins de l'opération militaire spéciale en Ukraine, puis renvoyé à la société civile. En novembre 2023 déjà, GEO rapportait le cas de Nikolaï Ogolobiak, reconnu coupable d'actes de cannibalisme, qui a obtenu la grâce présidentielle "pour s’être engagé sous l’uniforme de l’armée russe en Ukraine". Il était condamné à 20 ans de prison pour avoir tué à coups, découpé et mangé quatre individus, dans le cadre d’un rituel satanique. À l’époque, ces meurtres avaient défrayé la chronique et choqué la Russie.

La décision de grâce, qui a choqué l'opinion, a été défendue par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov :

La question n'est pas nouvelle, elle a été soulevée à plusieurs reprises, et actuellement tout le monde regarde de près ces listes de graciés. [...] Mais je le répète, il s'agit de conditions [de grâce] précises, liées à une présence en première ligne, à une durée certaine passée en première ligne, liées à une participation à des groupes d'assaut, et c'est après ça qu'il y a grâce.

Aucune révision de cette politique n'est prévue, malgré l'indignation des familles de victimes. "Les personnes condamnées, y compris pour des crimes graves, expient leur crime par le sang sur le champ de bataille", a répondu Dmitri Peskov. Mais qu'en sera-t-il de versé à leur retour du "hachoir ukrainien"?

GEO
https://actu.geo.fr/geopolitique/la-guerre-en-ukraine-s-eternise-et-la-russie-fait-face-a-un-autre-probleme-le-retour-de-ses-cannibales-222337?

 

RUSSIE : l'armée recrute des hommes sans-abri pour éviter une nouvelle mobilisation...

En Russie, des sans-abri ont signé un contrat avec l'armée russe pour aller combattre en Ukraine. Leur nombre reste encore inconnu. Certains d'entre eux le font pour l'argent, d'autres par patriotisme. D'autres encore parce qu'ils "n'ont rien d'autre à faire". Ces recrutements de sans-abri dans l'armée surviennent dans un contexte où Moscou tente d'éviter une nouvelle vague de mobilisation. Une question extrêmement sensible pour l'armée russie, qui a aussi besoin de plus de soldats pour répondre à l'incursion ukrainienne dans la région de Koursk, rapporte Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) sur son site web.

Selon le ministère russe de la Défense, environ 190 000 hommes ont signé des contrats avec l'armée cette année. La Russie a mis en place des conditions favorables pour les personnes soupçonnées de crimes ou condamnées qui se portent volontaires pour la guerre. Pour ce faire, selon des sources de RFE/RL, les autorités recherchent activement de nouveaux soldats dans des centres pour sans-abri en Sibérie et en Extrême-Orient.

Les médias indépendants russes et étrangers ont rapporté que la police et l'armée faisaient appel aux hommes dans les refuges pour sans-abri, et cela, dès la mobilisation partielle de septembre 2022. Depuis lors, ces incidents se sont poursuivis de manière sporadique. Un bénévole d'un foyer situé à la périphérie d'Angarsk, une ville industrielle de la région d'Irkoutsk, a déclaré que l'année dernière, des recruteurs sont venus pratiquement tous les mois avec des brochures incitant les gens à signer un contrat avec l'armée. "Bien sûr, ces imbéciles ont été attirés par l'argent", déclare t-elle au sujet des clients de l'auberge.

Selon une brochure publiée sur le site web de l'administration d'un des villages de la région d'Irkoutsk, l'armée offre aux hommes adultes en bonne santé une indemnité de recrutement unique de 400 000 roubles (soit 3 874 euros), un salaire mensuel de 210 000 roubles (2 034 euros) et d'autres avantages. Pour la prolongation d'un contrat d'un an, les soldats ont droit à 195 000 roubles supplémentaires. Si l'armée maintient le contrat, les soldats peuvent gagner 2,9 millions de roubles par an, soit environ 72 fois plus que le salaire médian de 2022, comme l'indique le service russe des statistiques. En outre, l'offre comprend "la possibilité de résoudre les problèmes de logement“ et ”un emploi sûr après la fin du contrat".

Peu de gens reviennent de la guerre

Deux clients d'un grand centre pour sans-abri de la région d'Irkutsk ont récemment déclaré à son fondateur qu'ils avaient signé un contrat avec l'armée parce qu'ils avaient besoin d'argent "pour résoudre leurs problèmes de logement" après que leurs épouses les eurent chassés de chez eux pour cause de consommation excessive d'alcool. Ils ont déclaré qu'ils espéraient obtenir un prêt hypothécaire grâce à la guerre et être en mesure d'acheter leur propre maison.

Mais une bénévole du centre d'Angarsk affirme que les sans-abri, qui luttent généralement contre une forme de dépendance, "ne comprennent pas vraiment qu'ils jouent avec la mort". Elle ajoute qu'ils pensent qu'il est possible de revenir de la guerre. "Et ils ne se rendent pas compte que personne n'est revenu vivant, à l'exception de ceux qui ont signé des contrats de six mois en 2022", dit-elle.

Un bénévole d'une autre auberge de la banlieue d'Angarsk se souvient qu'un ancien client l'a contacté et lui a raconté que lui et un autre soldat étaient les seuls survivants de leur unité de 50 hommes. Il a raconté que lorsqu'il avait refusé de servir en tant que “kanonenfutr”, il avait été envoyé dans un trou en guise de punition – une prison improvisée pour les soldats dans des caves ou des creux dans le sol.

Il n'existe pas de programme de retour à la vie

Aucun des volontaires interrogés par les journalistes de RFE/RL n'a eu connaissance de cas où un sans-abri aurait mené une vie “normale” après son retour d'Ukraine ou aurait utilisé l'argent gagné au combat pour mettre un toit au-dessus de sa tête. Le fondateur du centre d'Irkoutsk connaît le cas d'un sans-abri, alcoolique, qui a signé un contrat en 2023, a combattu en Ukraine pendant six mois, a reçu une médaille pour avoir sauvé des vies, mais est revenu récemment au centre. La guerre a "vraiment changé" cet homme, mais n'a pas amélioré sa situation de vie. "Il buvait beaucoup et gaspillait l'argent qu'il ramenait de la guerre", a déclaré le fondateur du centre.

Bien que plusieurs ONG aident les vétérans à retourner à la vie “civile”, il n'existe pas de programmes destinés aux soldats sans-abri revenant d'Ukraine.

Le fondateur du centre d'Irkoutsk pense que pendant les deux premières années de la guerre, les sans-abri ont signé des contrats avec l'armée, souvent pour améliorer leur statut dans la société. En plus de vouloir de l'argent, certains voulaient "défendre la patrie" et d'autres sont allés à la guerre parce qu'ils n'avaient pas de but dans la vie, dit l'homme. Il ajoute qu'ils comprennent aujourd'hui que servir en Ukraine ne permet pas d'obtenir “un respect particulier”.

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Le recrutement comme mesure pour sortir les sans-abri de la rue

Dans une vidéo publiée sur Telegram en juillet, Pavel Berezovsky, maire de Zheleznogorsk-Ilimsky dans l'oblast d'Irkoutsk, a nié que des sans-abri de la région aient combattu en Ukraine. "Certains disent qu'ils ont participé à la guerre pour que les autres aient pitié d'eux", a-t-il affirmé.

Plus au nord-est, dans la République autonome de Sakha, les autorités ont utilisé le recrutement comme l'une des mesures pour sortir les sans-abri des rues de Yakoutie, a rapporté SakhaDay. La ville a accueilli le tournoi sportif international Children of Asia à la fin du mois de juin.

Lors d'une collecte de fonds pour les sans-abri et autres personnes socialement défavorisées, la médiatrice de la République de Sakha, Sardana Gurieva, a exhorté les participants à suivre l'exemple des 19 sans-abri qui ont signé un contrat avec l'armée pour la guerre en Ukraine en 2023. Vous êtes des patriotes", a-t-elle déclaré à un groupe de sans-abri en mai lors d'un événement intitulé “Changez votre vie”, selon SakhaDay. "Comment pouvez-vous refuser d'aider votre pays lorsqu'il en a besoin ?

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Guerre en Ukraine: les banques chinoises fuient la Russie, criblée par les sanctions...

Les banques chinoises retirent peu à peu leurs actifs de Russie, et diminuent leurs activités avec des acteurs du pays. En cause : les sanctions secondaires américaines contre les entités financières qui collaborent avec Moscou, de plus en plus féroces...

Après 31 mois d'une guerre en Ukraine poussive, l'économie interne en Russie continue de faire le dos rond. Après une baisse en 2022, a croissance du PIB a nettement rebondi en 2023, à 3,6 % selon le FMI, puis devrait s'établir à 3,2% en 2024 selon les prévisions de l'autorité financière. Les Russes, rassurés par des subventions XXL de Moscou, achètent à tour de bras.

Le chômage est proche de son plus bas niveau historique et le rouble se porte bien, détaillait en août The Economist. L'inflation actuelle équivaut à près du double de l'objectif fixé par la banque centrale, à 4%, mais les revenus Russes suivent la cadence, frénétiquement : ils ont augmenté de 14 % en glissement annuel, et le pouvoir d'achat grimpe.

Une grain de sable grippe cependant la machine russe. Car si le Kremlin avait cru trouver des remplaçants à ses clients occidentaux en Orient – les échanges commerciaux de la Russie avec Pékin ont atteint l'an passé le chiffre record de 240 milliards de dollars, et Moscou était devenu en 2023 le premier fournisseur de pétrole de l'empire du Milieu, avec 107,2 millions de tonnes vendues sur l'année, rapportait alors Bloomberg – la Chine craint de plus en plus les “sanction secondaires”

Une avalanche de sanctions secondaires

Ainsi, le président Joe Biden a signé fin 2023 un décret autorisant les Etats-Unis à prendre des sanctions dites “secondaires” contre les établissements financiers du monde entier qui soutiendraient l'effort de guerre russe contre l'Ukraine, la Chine en première ligne.

En juin, une nouvelle salve de sanctions visant 300 entités financières liées à la Russie, parmi lesquelles la Bourse de Moscou et plusieurs filiales, a été lancé par Washington.

“Les mesures annoncées aujourd'hui visent les voies d'approvisionnement restantes par lesquelles la Russie se procure des matériaux et des équipements à l'international, y compris sa dépendance à l'égard de fournitures essentielles provenant de pays tiers”, avait alors déclaré la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, à propos de ces mesures, qui comprennent des sanctions touchant plus de 300 entités, dont la Bourse de Moscou.

"Nous augmentons le risque pour les institutions financières qui traitent avec l'économie de guerre russe, nous éliminons les possibilités d'évasion et nous diminuons la capacité de la Russie à bénéficier de l'accès aux technologies, aux équipements, aux logiciels et aux services informatiques étrangers", a-t-elle ajouté, citée dans un communiqué repris par l'AFP.

Des banques chinoises de plus en plus frileuses

Conséquence : les banques chinoises renâclent à interagir avec les acteurs russes. En juillet, plusieurs grands exportateurs russes de matières premières ont déclaré à Bloomberg que le commerce avec la Chine était devenu de plus en plus difficile, car les paiements effectués en yuans chinois étaient gelés ou retardés face aux sanctions occidentales.

En août, des commerçants interrogés par des médias russes affirmaient que 98 % des banques chinoises rejetaient les transactions pourtant en yuans en provenance de Russie. Le Kommersant souligne que 80 % des virements bancaires russes effectués en yuan vers la Chine sont désormais renvoyés. Les commerçants doivent faire appel à de couteux intermédiaires. Au total, les importations d'Asie ont reculé de 4 % durant les cinq premiers mois de 2024, dans une baisse générale de 8,5 %.

Les banques chinoises diminuent leurs intérêts en Russie. Ainsi, le média économique russe Frank Media, repris par Newsweek, rapporté qu'au cours du deuxième trimestre 2024, la Bank of China a réduit ses actifs en Russie de 37 %, les descendant à 355,9 milliards de roubles (3,9 milliards de dollars).

Idem du côté de la Banque industrielle et commerciale de Chine, qui a abaissé ses actifs de 27 %, à 462,4 milliards de roubles (5,1 milliards de dollars).

Marie Lombard Cheffe de rubrique – Coordinatrice desk
 

https://www.geo.fr/geopolitique/guerre-en-ukraine-les-banques-chinoises-fuient-la-russie-criblee-par-les-sanctions-222081?utm_source=pocket-newtab-fr-fr

"La Russie ne s'arrêtera pas à l'Ukraine, à moins que nous ne l'arrêtions"  Commandant  des forces interarmées américaines en Europe, le général Steven Basham a fait souffler un vent glacé sur les bougies du 75e anniversaire de l'Otan, célébré à la Fondation pour la défense des démocraties, le 11 mai.

"La défense des Etats-Unis commence bien en dehors de ses frontières" a déclaré Basham, très "cash", recommandant du prochain président (Trump ?) de ne pas lâcher l'Europe.

"Nous devons demeurer auprès de nos alliés" a-t-il martelé, désignant la Russie comme un ennemi retors.

(extrait)

Le Canard enchainé, 22/05/2024 "Deux généraux US prévoient le pire"

 

 

 

La Russie fait face à une augmentation record du nombre d’hommes handicapés suite à l’invasion de l’Ukraine...

Entre 2022 et 2023, la Russie a enregistré une augmentation record du nombre d’hommes handicapés russes âgés de 31 à 59 ans, selon le ministère britannique de la Défense.

Selon le rapport de renseignement, basé sur l’analyse des données de la Caisse de retraite et d’assurance sociale russe, il y avait 1,67 million d’hommes handicapés âgés de 31 à 59 ans sur le territoire du pays terroriste en 2022.

En 2023, ce chiffre a augmenté de 507 000 soit 30%. Selon les démographes russes, l’augmentation du nombre d’hommes handicapés est probablement liée à la guerre en Ukraine.

« C’est presque certainement le cas. Une grande majorité des plus de 355 000 victimes que les forces armées russes ont subies à la suite du conflit en Ukraine ont été des blessés », ajoute le renseignement.

Il indique également que le nombre quotidien moyen de pertes russes a augmenté depuis le début de l’offensive russe à l’automne 2023.

"L’augmentation record du nombre d’hommes handicapés âgés de 31 à 59 ans et de blessés aura un impact significatif sur les services médicaux et sociaux russes", indique le rapport.
Les pertes de la Russie dans la guerre

Selon les données de l’état-major général des forces armées, les soldats ukrainiens ont éliminé 1 160 autres occupants au cours de la dernière journée. Depuis le début de l’invasion à grande échelle, la Russie a perdu 429 580 militaires.

Comme l’ont déjà rapporté les services de renseignement britanniques, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a probablement entraîné une pénurie de travailleurs médicaux sur le territoire de l’agresseur.

Oleksandra Bashchenko

https://newsukraine.rbc.ua/news/russia-faces-record-increase-in-men-with-1710594935.html

Ni la France, ni l’Europe ne vont lâcher l’Ukraine
« Nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner », a réaffirmé récemment le président Macron. À Paris, on considère qu’un « conflit gelé » en Ukraine « nous serait défavorable »

C’est une excellente nouvelle : la France reste fermement engagée aux côtés de l’Ukraine, alors que le ciel s’assombrit à Washington avec le blocage de l’aide par les républicains au Congrès et la crainte d’une victoire de Donald Trump en novembre. Ce vendredi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky sera donc à Paris pour signer, à l’Elysée, un « accord bilatéral de sécurité » entre les deux pays. Kiev a déjà conclu un accord similaire avec Londres, et devrait le faire avec Berlin, Rome et Varsovie.

Ces textes sont le fruit de l'échec du sommet de l’Otan, à Vilnius en juillet 2023, quand les Alliés, Américains en tête, avaient repoussé l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique, qui lui aurait garanti une sécurité de très haut niveau. En contrepartie, plusieurs Etats s'étaient engagés à conclure des accords bilatéraux pour garantir l’aide et le soutien à l’Ukraine.

Les Européens cherchent aujourd’hui les moyens de compenser un éventuel désengagement américain. Plusieurs pistes sont explorées, comme un emprunt de 100 milliards d’euros - une idée de l’Estonienne Kaja Kallas, une séquestration d’une partie des avoirs russes (près de 30 milliards, rien qu’en France) ou un nouvel abondement de la Facilité européenne de paix.

Tout cela intervient dans un contexte de durcissement français vis-à-vis de Moscou. « Nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner », a réaffirmé récemment le président Macron. A Paris, on considère qu’un « conflit gelé » en Ukraine « nous serait défavorable ». La publication, lundi à Paris, d’un rapport gouvernemental dévoilant l’existence d’un « réseau structuré de propagande prorusse » sur internet est un signal. « La Russie nous attaque », résume un responsable. N’est-il pas temps de durcir le ton et faire évoluer la « qualification juridique » de ces agressions informationnelles et informatiques ?

Jean Dominique Merchet 15 02 24

https://www.lopinion.fr/international/ni-la-france-ni-leurope-ne-vont-lacher-lukraine?utm_campaign=Edition_de_7h30&utm_medium=email&utm_source=newsletter&actId=ebwp0YMB8s3YRjsOmRSMoKFWgZQt9biALyr5FYI13OrzvX4JyQgixkaJzpCEBODB&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=508776

Ukraine : comment sortir de l’impasse ?

La situation militaire sur le front ukrainien est compliquée : en l’état, la Russie de Poutine n’a pas les moyens d’envahir l’Ukraine (son objectif déclaré), et l’Ukraine n’a plus les moyens (avec ce qu’elle a) de franchir les lignes russes…

L’impasse est évidente, même si les forces ukrainiennes continuent courageusement à attaquer cette digue russe qui ne s’est pas rompue. En fait, la ligne de front a à peine bougé depuis octobre, alors que les pluies d’automne ont transformé le champ de bataille en une vaste zone de boue, et avec l’arrivée de l’hiver, le sol est maintenant gelé et recouvert de neige.

Pourtant, nous avions bon espoir que les forces ukrainiennes franchiraient la ligne de front lors de leur offensive du printemps, qui devait réussir à la fin d’octobre… Cette offensive, qui devait être massive – une « grande offensive » – est donc un échec. Il est également troublant de constater que la crise en Israël, déclenchée par l’attaque atroce du Hamas le 7 octobre, a eu lieu dans ce délai, offrant à Vladimir Poutine l’avantage décisif de voir sa guerre disparaître au profit de nos préoccupations internationales. ainsi que de l’attention des médias.

Cependant, la principale raison de cet échec réside dans les Ukrainiens : effrayés par les pertes subies au début de leurs attaques début juin, ils ont préféré abandonner la concentration massive des ressources (dans l’espace et le temps) et l’effet de surprise, d’adopter une tactique que leurs conseillers occidentaux leur ont conseillé d’éviter. Au lieu de cela, ils ont opté pour une guerre d’usure contre la Russie, un adversaire avec beaucoup plus de ressources que les leurs.

Les Ukrainiens ont fait l’erreur de penser qu’ils pourraient porter les Russes vers le bas

Lorsque les forces ukrainiennes ont décidé en août 2023 qu’elles allaient épuiser l’armée russe, elles se sont concentrées sur un seul point, le triangle Robotyne-Novoprokopivka-Verbove au sud de Zaporizhzhia, et se sont donné le temps de briser « brique par brique » cette digue russe.


Au début d’octobre, les forces ukrainiennes espéraient avoir décimé les régiments russes qui leur faisaient face : ils auraient dû être drainés par les pertes massives et par l’échec du commandement russe à gérer efficacement ses effectifs. Des unités entières ont été tuées ou blessées et ont reçu l’ordre de ne jamais battre en retraite. » Des équipes spécialisées ont même été mises sur pied pour s’assurer que les soldats russes qui osaient quitter leurs positions seraient impitoyablement exécutés par les leurs.

Jamais les forces ukrainiennes n’avaient été aussi près de percer qu’en octobre, lorsqu’elles ont soudainement vu arriver des milliers de jeunes recrues russes mal entraînées et mal équipées, mais suffisamment nombreuses pour les empêcher de passer. La « fenêtre d’opportunité » pour percer cette deuxième ligne de défense et atteindre rapidement la troisième et dernière ligne de la digue s’est fermée devant leurs yeux stupéfaits. Dans le même temps, la guerre en Israël a capté l’attention des médias et a commencé à détourner une partie de l’aide militaire fournie à l’Ukraine par ses alliés, en particulier les Américains.

L’artillerie russe renforcée par l’arrivée d’obus nord-coréens

De même, l’artillerie ukrainienne a donné la priorité au « contre-tir de batterie », une forme de combat qui consiste également à épuiser l’artillerie russe, en détruisant ses canons (bien que leur stock soit considérable) et en faisant sauter leurs dépôts de munitions. Ce dernier est devenu une marchandise encore plus précieuse, car les obus étaient lourds et encombrants à transporter, avec des milliers de tonnes de fret à transporter et à stocker – un défi logistique.


Hélas, juste au moment où les Ukrainiens pensaient avoir anéanti une partie de l’artillerie russe et privé les troupes de Poutine de leur principal atout, l’odieux dictateur nord-coréen fournissait des millions d’obus, certes de mauvaise qualité, mais en nombre cela faisait toute la différence. Légèrement imprécise mais massive, l’artillerie russe a pu à nouveau freiner toute offensive ukrainienne plus importante, avec de nombreux tirs toujours dangereux pour ceux qui se déplaçaient sous leur feu.

Le temps concédé aux Russes a calcifié la ligne de front et la digue qui devait être percée

Les Ukrainiens luttaient également contre la montre, car en choisissant l’attrition plutôt que la manœuvre et le choc pour leur attaque, ils ont donné aux Russes l’occasion de fortifier et de reconstituer partiellement leurs trois lignes de défense et notamment la ligne, qui avait été suffisamment endommagée à un moment donné pour laisser espérer une percée. Des erreurs tactiques, alors, que l’Occident critiquait d’autant moins pour n’avoir jamais engagé ses soldats directement avec les Russes, rendant d’autant plus compliqué de donner des conseils, puisque le sang occidental ne coulait pas avec celui des combattants ukrainiens…

Contrairement au débarquement de Normandie du 6 juin 1944, qui marque 79 ans plus tard le début de l’offensive ukrainienne – le 6 juin 2023 – et qui est également une référence symbolique car la tactique consistait dans les deux cas à percer une ligne défensive ennemie fortement fortifiée, les alliés n’étaient pas en première ligne. Et les Ukrainiens ont été stupéfaits par les pertes subies lors de leurs premiers assauts, qui ont finalement été assez similaires à celles des plages normandes : vastes champs de mines, bunkers et tirs d’artillerie, une digue profonde et solide. C’est une bonne chose que les Alliés n’aient pas décidé « d’épuiser » les troupes nazies sur le mur de l’Atlantique en 1944, car nous serions probablement encore là…


Une surestimation des capacités combinées à grande échelle des forces ukrainiennes

La cinquantaine de pays qui soutiennent l’Ukraine ont probablement surestimé les compétences militaires de ses forces armées. Au cours de la formation, tous les instructeurs occidentaux ont exprimé leur admiration pour l’esprit combatif inébranlable des Ukrainiens. Il n’y avait pas besoin de les motiver ou de leur expliquer pourquoi ils devaient se battre; les hommes et les femmes de cette nation en résistance avaient une détermination faite d’acier, de titane même.

Il ne fait aucun doute qu’après des mois de guerre contre l’armée russe, les soldats ukrainiens étaient désormais endurcis et des combattants expérimentés avec une détermination inébranlable à gagner. Cependant, les instructeurs et conseillers occidentaux n’ont pas fait grand-chose pour défier les unités ukrainiennes sur leurs « compétences collectives », et en particulier sur leur capacité à combiner les différentes armes qui sous-tendent la puissance et l’efficacité d’une force blindée.

Il ne s’agit pas de savoir comment utiliser les chars modernes livrés (très progressivement) par les alliés, les redoutables canons d’artillerie ou les missiles fournis par les lance-roquettes Himars, mais plutôt comment combiner tout cela sur un champ de bataille saturé par les « défenses » russes. Ce que nous appelons dans nos forces armées des « manœuvres interarmes », et qui sont la base du pouvoir blindé, ne sont en réalité pas maîtrisées par les forces ukrainiennes. Et nous n’étions pas disposés ou incapables de voir cela.

Faiblesse de la manœuvre interarmes des forces ukrainiennes

La complexité de la manœuvre des armes combinées réside précisément dans la synchronisation des tirs d’artillerie massive aussi étroitement que possible avec les unités blindées qui se déploient immédiatement derrière leur puissance destructrice. Pour reprendre l’analogie avec le débarquement de Normandie, la manœuvre interarmes consiste à détruire autant d’obstacles que possible par des bombardements massifs aériens et terrestres (dans ce cas, navals), puis à déplacer des unités blindées ensemble, en combinant chars et infanterie, pour percer les lignes défensives de l’ennemi, tout en appelant de nouveaux bombardements si des obstacles sont rencontrés, tandis que les ingénieurs dégagent tout ce qui pourrait ralentir l’avance.

La difficulté d’une manœuvre interarmes réside dans sa coordination, qui peut être plus ou moins sophistiquée selon le degré de formation des troupes et les moyens de communication disponibles. Les forces ukrainiennes étaient censées avoir cette connaissance, considérée comme basique dans les armées conventionnelles, mais elles n’avaient pas eu l’occasion de la pratiquer depuis la déssoviétisation. Et il aurait fallu des mois de formation avec des unités complètes pour permettre aux Ukrainiens de se réapproprier un savoir-faire qui était loin d’être totalement maîtrisé.

Sur le terrain, les forces ukrainiennes ont démontré leur capacité à mener une bataille d’infanterie avec de petites unités (généralement jusqu’au niveau d’une compagnie d’environ 50 à 100 personnes) et à tirer de l’artillerie – en particulier dans des tirs de « contre-batterie » – mais pas à combiner à un plus grand. . .Tout cela autour d’une manœuvre de chars avançant sous protection mutuelle, tout en se défendant contre les attaques aériennes russes. Les alliés auraient pu attendre pour amener les forces ukrainiennes à ce niveau, mais l’impatience de ce dernier combinée au complexe de légitimité des alliés : il est difficile de convaincre les soldats quand on ne va pas se battre à leurs côtés, et expliquer ce qu’ils devraient faire quand ils se sont battus plus que nous.

Parce que nous ne nous sommes pas battus à leurs côtés, nous pouvons avoir peur de critiquer

Puis les alliés se sont tus et les forces ukrainiennes se sont senties toutes-puissantes, fières aussi de leur victoire décisive sur les Russes à Kherson quelques mois plus tôt. Ils avaient cependant oublié qu’à Kherson, le général russe Surovikin avait consciemment préféré abandonner le terrain qu’il avait conquis au-delà du fleuve Dnipro pour éviter le risque imminent d’un encerclement catastrophique.

Plutôt que de perdre 30 à 40000 hommes et la plupart de leur équipement, le général russe a préféré se retirer car les forces ukrainiennes infiltraient déjà les positions russes. Ce retrait inattendu a limité les pertes à « quelques » milliers d’hommes, ce qui aurait pu entraîner une débâcle avec des pertes six à sept fois plus importantes.

La victoire de Kherson masquait une fois de plus l’absence de manœuvres d’armement combinées à grande échelle par les forces ukrainiennes, et le défi auquel elles étaient confrontées sept mois plus tard à la digue russe érigée par le même Surovikine de l’autre côté du Dnipro était d’une nature complètement différente. On ne s’attendait plus à ce que les Russes battent en retraite sous une pression limitée et, surtout, à ce qu’il n’y ait pas de surprises quant à l’endroit où les forces ukrainiennes l’exerceraient. Les forces ukrainiennes n’avaient ni la supériorité numérique ni la surprise de percer… deux éléments essentiels dans ce type de combat.

Certes, les alliés ont également insuffisamment équipé les forces ukrainiennes. Nous nous souvenons des débats sans fin sur la livraison des chars de combat, comme si la Russie de Poutine allait bombarder l’Allemagne quand elle a vu les chars Leopard 2 sur le champ de bataille. Pas assez nombreuses, pas assez rapides, ces livraisons n’ont équipé que partiellement un corps offensif ukrainien très motivé.

Cependant, nous devons nous abstenir de tomber dans le piège d’un discours « une arme révolutionnaire » qui n’est souvent rien d’autre que la manifestation de nos propres frustrations : même si nous avions envoyé plus de ceci ou de cela, Dans de telles conditions, cela n’aurait probablement eu aucune incidence sur le résultat de cette offensive.

Quelles sont les solutions à cette impasse?

Alors que certains Américains remettent régulièrement en question le soutien militaire apporté aux Ukrainiens – qui dure depuis près de deux ans maintenant – la guerre en Israël a perturbé le flux de soutien fourni à l’Ukraine. Les États-Unis fournissent en effet, à partir de leur stock limité, les munitions d’artillerie et les bombes guidées utilisées à grande échelle par l’armée israélienne dans son offensive contre la bande de Gaza. Les prochaines élections présidentielles américaines ajoutent une pression supplémentaire sur la livraison actuelle et future de paquets d’aide militaire car en cas de victoire de Trump, ils pourraient certainement s’arrêter.

Le soutien des États-Unis n’est plus aussi certain que par le passé, alors que les pays européens développent trop lentement leur industrie militaire et que leurs livraisons militaires à l’Ukraine ne suffisent toujours pas. En effet, l’initiative du commissaire européen Thierry Breton d’organiser une production coordonnée d’un million d’obus d’artillerie par l’Union européenne a été saluée. Mais il n’a pas vraiment mobilisé les membres de l’UE, toujours enfermés dans un paradigme national et ne consacrant pas suffisamment de ressources militaires pour garantir un soutien à l’Ukraine, comme si la question était plus industrielle que politique.

La tentation de Munich, une négociation pour consacrer notre défaite


Donc, pour mettre fin (temporairement) à cette guerre et sortir la ligne de front de cette impasse, il serait tentant de négocier un accord avec la Russie de Poutine. En reconnaissant certaines de ses conquêtes, totalement illégales et surtout illégitimes, la ligne de front pourrait être figée. C’est un scénario de style coréen, avec un armistice qui dure depuis plus de 70 ans de part et d’autre d’une ligne de démarcation… sans jamais rien régler, et qui a même permis à une dynastie de dictateurs de s’épanouir, aussi effrayants que menaçants.

Concéder la Crimée et une partie, sinon la totalité, du Donbass à la Russie en échange d’un arrêt des combats serait un soulagement pour le monde entier, et même pour certains Ukrainiens, qui souffrent particulièrement de cette guerre intense et meurtrière. La Russie de Poutine sortirait renforcée, et attendrait probablement quelques années avant de reprendre ce qu’elle considère comme des « conquêtes normales » pour réaliser son rêve impérial insensé.

Non seulement la guerre reprendrait peu de temps après, tout comme les troupes nazies s’étaient préparées à la poursuite de leur guerre après la « paix de Munich », qui signalait initialement l’échec de la volonté de résistance des démocraties. Pire encore, une fois que l’Ukraine sera tombée, car c’est l’objectif de la Russie, cette guerre continuera dans le même sens. La Pologne orientale et les pays baltes seront attaqués, et nous nous retrouverons face à une situation que nous ne voulons pas envisager, par peur autant que par lâcheté : la quasi-obligation de combattre aux côtés de nos alliés de l’OTAN.

Si l’OTAN était attaquée, elle déclencherait immédiatement une réponse coordonnée de ses membres, mais avec quels moyens, puisque le Traité de l’Atlantique Nord ne définit pas l’engagement de ses signataires? Face à une armée russe reconstituée et lourdement blindée, les armées des membres de l’OTAN auraient très peu à s’y opposer, et croire que les États-Unis utiliseraient des armes nucléaires pour arrêter une agression de ce genre n’est guère crédible.

En effet, les armes de « dissuasion nucléaire » peuvent empêcher une escalade nucléaire, mais elles ne permettent pas de faire la guerre sans risquer sa propre disparition, d’autant plus que l’agression russe ne concernerait pas les « intérêts vitaux » des États-Unis, ni ceux de France ou de Grande-Bretagne…

Nos sociétés sont-elles pétrifiées devant la perspective de la guerre ?

Dans le cas très probable d’une agression militaire russe contre les États baltes et la Pologne, nous devrions entrer en guerre avec nos alliés par des moyens « conventionnels ». Cependant, les plus hautes autorités de l’armée française et les responsables politiques en charge de notre défense ne veulent pas « en entendre parler ». Ils se sont convaincus que nous n’aurons pas à mener des batailles de haute intensité, et que les efforts financiers (non négligeables) de la France peuvent être consacrés à des investissements d’avenir qui consistent souvent à faire un peu plus de la même chose… tout en omettant ce qui est essentiel dans ces batailles : la puissance et la masse, les armes, les armures et les munitions.

En réalité, la France a depuis longtemps perdu les moyens de mener une guerre « conventionnelle », alors nous nous cachons derrière la dissuasion nucléaire comme si cela pouvait nous exonérer de prendre un engagement « significatif » envers la Pologne ou les États baltes lorsqu’ils sont attaqués à leur tour.

Aujourd’hui, seule l’Europe dispose des ressources financières, technologiques et humaines pour construire un système de défense qui protège notre société, nos sociétés, de ces empires menaçants. Pouvons-nous encore croire que nous n’avons plus d’ennemis, et que la centaine de canons restant dans l’armée française peut constituer plus qu’une partie sous-dimensionnée d’un système de sécurité que nous refusons de concevoir : celui de l’Union européenne, et pas d’une puissance moyenne qui parfois se voit encore comme un empire ?

Même si nous devions concéder une « paix honteuse », il ne nous resterait que quelques années pour préparer nos défenses contre l’inévitable agression de la Russie de Poutine, et nous ne verrions guère de mobilisation de l’Union européenne entre-temps. Au contraire, chaque pays membre, comme la France, croira qu’il n’est pas si concerné, et nous continuerons à nous demander qui construira le char de combat principal du futur au lieu de construire maintenant celui du présent.

Pour inverser la tendance en Ukraine, nous devons nous engager dans la lutte

En lisant ces lignes, vous pourriez avoir des frissons : allons-nous nous battre alors que nous n’avons pas mené de guerre depuis l’Algérie, ce que nous n’appelions même pas une guerre à l’époque ? En effet, la France a été impliquée depuis lors dans 32 guerres – sans jamais le reconnaître – et nous n’avons pas encore perdu notre capacité à mener un engagement militaire qui puisse véritablement défendre, avec courage et ténacité, les valeurs qui nous sont chères. Les Allemands ont parfaitement compris le danger auquel ils sont confrontés, et les Polonais se préparent à cette confrontation en investissant massivement dans leurs forces blindées.

Si nous voulons mettre fin à cette guerre, nous – les hommes et les femmes d’Europe – devons aller combattre aux côtés des Ukrainiens, nous battre avec eux dans une coalition internationale, non pas pour déclencher une guerre mondiale contre une puissance nucléaire, mais en nous engageant dans un « classique » la guerre pour protéger l’intégrité territoriale de l’Ukraine, qui représente en fait l’intégrité du vaste monde dont nous nous soucions.

English translation by Yurri Clavilier

 

Le conflit en Ukraine a touché 87% de l'armée russe d'avant-guerre

315.000 membres des troupes du Kremlin auraient été blessés ou tués depuis fin février 2022.

Le chiffre est ahurissant: d'après le renseignement américain, l'équivalent d'environ 87% des effectifs de l'armée de la Russie d'avant-guerre auraient été touchés, rapporte le journal ukrainien Kyiv Post. Au déclenchement de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en février 2022, Moscou disposait en effet de 360.000 soldats. Depuis, 315.000 membres des troupes russes auraient été tués ou blessés (soit 87,5%).

Un rapport des services de renseignement des États-Unis, récemment déclassifié et partagé par Reuters, souligne à quel point «l'opération spéciale» voulue par le président russe Vladimir Poutine a affecté son pays et sa population.

Pour continuer à déployer assez de troupes en Ukraine et faire face aux lourdes pertes, la Russie a été contrainte d'assouplir les conditions de recrutement de l'armée, notamment en déclarant une «mobilisation partielle» de 300.000 personnes à la fin de l'année 2022. Parmi elles, de nombreux détenus, ainsi que des civils plus âgés, comme l'indique le rapport rendu public

Retour vers le passé

Officiellement, ces chiffres ne sont évidemment pas reconnus par le Kremlin. Les estimations occidentales seraient biaisées et minimiseraient les pertes ukrainiennes.

Le rapport du renseignement américain souligne également le bilan matériel terrible pour la Russie: les pertes en personnel et en véhicules blindés auraient repoussé les efforts de modernisation militaire du pays de dix-huit ans en arrière.

L'armée russe a entamé son invasion de l'Ukraine avec 3.100 chars. Depuis, elle en a perdu au moins 2.200 (ce chiffre est même estimé à plus de 2.500 par le site spécialisé Oryx). Des pertes lourdes qu'elle tente de colmater en dépoussiérant de vieux engins comme les chars T-62 soviétiques conçus dans les années 1960 et 1970 ou en bricolant des blindés hybrides pas toujours très fiables.

Côté ukrainien, on n'est pas beaucoup plus transparent concernant le bilan humain, Kiev considérant que pour donner toutes ses chances à l'effort de guerre, ces chiffres doivent rester un secret d'État. D'après des informations du New York Times, mais datant d'août dernier, basées également sur des sources du renseignement américain, le camp ukrainien aurait enregistré près de 70.000 morts et entre 100.000 et 120.000 blessés.

N’oublions pas l’Ukraine
«Les Européens doivent être prêts à prendre la relève des Etats-Unis si ceux-ci venaient, en 2025, à réduire leur aide militaire à l’Ukraine. Or, on en est loin, très loin même»

Un nouvel hiver de guerre et de souffrances s’annonce en Ukraine, loin de nos écrans désormais tournés vers Gaza. Prenons garde de ne pas oublier le combat de cette nation qui a choisi de rejoindre notre destin commun, européen et démocratique. Depuis dix ans et la révolution de Maïdan, elle se bat pour cela et des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sont déjà morts pour repousser l’envahisseur russe.

La victoire de la Russie ne serait pas seulement la défaite de l’Ukraine. Elle serait tout autant la nôtre, celle d’une conception libérale de l’ordre international fondé sur le droit. Comment pourrait-on accepter qu’un Etat membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies dépèce ainsi son voisin au nom d’une vision fantasmatique de son prétendu destin historique ?

Ne le cachons pas, l'échec de l’offensive d'été de l’armée ukrainienne a refroidi beaucoup d’ardeurs parmi ses alliés et suscite des interrogations politiques en Ukraine même. Abandonnée à elle-même, celle-ci ne fera pas le poids face à une Russie militarisée, dont le régime se soucie de la vie de ses soldats comme d’une guigne.

Mardi et mercredi à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l’Alliance atlantique doivent réaffirmer leur soutien sur le long terme à l’Ukraine. C’est une bonne nouvelle, même si les victoires récentes de pro-Russes en Slovaquie et en Hollande sont des signaux négatifs. De même, les tergiversations turques et hongroises sur l’adhésion de la Suède à l’Otan n’ont que trop duré. Elles doivent cesser.

Mais l’essentiel n’est pas là : les Européens doivent, en effet, se préparer à un possible retour de Donald Trump au pouvoir. C’est-à-dire être prêts à prendre la relève des Etats-Unis si ceux-ci venaient, en 2025, à réduire leur aide militaire à l’Ukraine. Or, on en est loin, très loin même.

 
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Des images satellite récemment publiées montrent les pertes militaires russes importantes subies autour de la ville-forteresse ukrainienne d'Avdiivka, où les troupes de Moscou passent à l'attaque et cherchent à encercler le site stratégique situé dans l'est de l'Ukraine.

Les images publiées par Maxar Technologies et Planet Lab montrent les conséquences de l'assaut russe autour d'Avdiivka, qui se poursuit malgré les pertes importantes subies par les unités d'assaut. Kiev a déclaré dimanche que la Russie avait perdu plus de 6 000 soldats en une semaine de combats autour de la ville, ainsi que plus de 400 véhicules blindés et chars.
Newsweek n'est pas en mesure de vérifier ces chiffres de manière indépendante et a contacté le ministère russe de la Défense pour obtenir des commentaires.

Frontelligence Insight, un important service de renseignement à source ouverte proche de l'Ukraine, a déclaré que les images satellite montraient plus de 109 véhicules russes détruits entre le 10 et le 20 octobre, "ce qui indique qu'en l'espace d'une semaine et demie, la Russie a subi la perte d'une force de l'ordre de la taille d'une brigade". Le décompte réel, ajoute l'agence, est probablement "beaucoup plus élevé".

Frontelligence Insight a indiqué que "l'écrasante majorité des pertes" concernait des véhicules blindés de combat, des chars de combat principaux et des véhicules de transport de différents types.

"Malgré les rapports indiquant que la Russie a utilisé des équipements anciens et dépassés pendant les assauts, notre équipe a identifié une présence significative de véhicules et d'équipements modernes et modernisés déployés dans ces assauts", a déclaré le média.

L'ampleur des pertes, ajoute Frontelligence Insight, dépasse désormais les échecs offensifs de la Russie lors de la bataille des Donets Siverskyi en mai 2022, et autour de Vuhledar entre novembre 2022 et avril 2023.

Le rapport de Frontelligence Insight indique que l'opération d'Avdiivka est hautement prioritaire pour le commandement militaire russe. "Notre équipe a conclu que l'ennemi avait planifié cette opération pendant une longue période, ce qui en fait une décision sporadique peu probable", ajoute le rapport.


"Les schémas observés indiquent clairement que les Russes ont consacré beaucoup de temps et de ressources à l'exécution de cette opération, ce qui implique qu'ils s'attendent à subir des pertes très importantes dans la poursuite de leurs objectifs.


Malgré les preuves de pertes russes importantes, l'offensive de Moscou dans la région se poursuit. L'Institut pour l'étude de la guerre (Institute for the Study of War) a indiqué lundi soir que "les forces russes ont mené des opérations offensives près d'Avdiivka et ont fait des avancées confirmées au nord-est d'Avdiivka".

L'ISW a décrit la poussée d'Avdiivka comme une "opération de fixation" destinée à détourner les ressources ukrainiennes d'autres zones du front. Le groupe de réflexion indépendant basé aux États-Unis a ajouté qu'il était peu probable que les forces russes actuellement présentes dans la région soient en mesure d'encercler et de prendre la ville lourdement fortifiée.

Dimanche, une mise à jour du ministère britannique de la défense sur X, anciennement Twitter, a noté que l'assaut russe sur Avdiivka a "contribué à une augmentation de 90 % des pertes russes", comme l'a enregistré le ministère ukrainien de la défense.


Malgré les pertes considérables subies par la Russie, "la situation est loin d'être stable ou victorieuse", selon Frontelligence Insight.

"Les forces russes continuent d'utiliser massivement des bombes guidées larguées par avion et des frappes d'artillerie, soutenues par le déploiement de LMUR (Light Multipurpose Guided Rocket) lancées à partir d'hélicoptères tels que le Ka-52 et le Mi-28.

"Plusieurs indicateurs suggèrent que les Russes travaillent activement à l'adaptation de leurs tactiques pour maintenir l'opération. Cela est confirmé par le déploiement de ressources supplémentaires provenant d'autres parties de la ligne de front", a ajouté Frontelligence Insight.

Oct 24, 2023

Comment Elon Musk et Starlink ont, pour 400 millions de dollars, "trahi" l'armée ukrainienne

Permis par le système Starlink de SpaceX et Elon Musk, l'accès à internet par satellite est crucial pour les combattants ukrainiens. Selon une enquête de Ronan Farrow, le milliardaire a failli couper l'accès au réseau, pour des raisons financières et politiques.

C'est l'un des grands enseignements du conflit en Ukraine, qui décidément en comporte beaucoup : la guerre du futur et l'efficacité opérationnelle de ses combattants reposeront en grande partie sur un accès fluide et constant à internet, et les satellites peuvent le garantir.

En la matière et ainsi que l'expliquait le Monde fin 2022, Elon Musk et SpaceX ont plusieurs coups d'avance ; première en son genre, leur constellation satellitaire Starlink permet une connectivité en tout point du globe. Le système est, dès les premiers jours de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, rapidement devenue vital pour la première, pour ses populations civiles sous les bombes comme pour ses troupes et leurs omniprésents drones à connecter.

Ce fil ténu a pourtant bien failli se rompre, comme l'avaient déjà expliqué le Financial Times ou korii. à sa suite en octobre 2022, et comme l'explore désormais en détail une enquête très fouillée de Ronan Farrow pour le New Yorker.

Des pertes de connexion en pleine offensive

Dès les premiers mois du conflit généralisé, Starlink a offert à l'Ukraine des centaines de récepteurs satellites, souvent financés par des fonds publics ou des dons privés, ainsi que l'expliquait alors Numerama et contrairement à ce que prétendait le patron de SpaceX.

Une fois l'accès au réseau sur le territoire ukrainien ouvert de bonne grâce par Elon Musk, ces antennes ont constitué une garantie solide que l'accès du pays à l'internet, de ses civils comme de ses militaires, ne pourrait être facilement coupé ou brouillé par la Russie. Une telle organisation présente néanmoins un défaut aussi énorme et évident : sans contrat avec un quelconque État et sous cette forme molle, elle dépend du bon vouloir d'un seul homme, en l'occurrence Musk, dont on connaît l'instabilité des avis et humeurs.

Comme l'explique Ronan Farrow dans sa longue et passionnante enquête pour le New Yorker, Elon Musk a d'abord pris fait et cause, sans réserve, pour l'Ukraine. "Initialement, Musk a montré un soutien sans limite à la cause ukrainienne, répondant par des encouragements quand Mykhaïlo Albertovytch, ministre de la transformation numérique du pays, tweetait des photos de l'équipement sur le terrain", écrit ainsi le journaliste.

Mais les choses ont rapidement tourné à l'aigre. Musk a fait comprendre qu'il ne pourrait fournir indéfiniment du matériel ou un soutien technique à l'Ukraine. Surtout, le milliardaire s'est senti de moins en moins à l'aise avec l'usage militaire qui était fait de sa constellation satellitaire.

Puis des coupures de réseau ont été rapportées du front et des régions de Kherson, Zaporijjia, Kharkiv, Donetsk et Luhansk, à l'automne 2022, par des soldats ukrainiens. En pleine offensive d'automne face à l'armée russe, ils se retrouvaient soudainement plongés dans l'obscurité informationnelle, donc dans un noir des plus dangereux : la panique a été grande.

"Les communications étaient mortes, les unités isolées. Quand on est à l'offensive, et c'est particulièrement vrai pour les officiers, on a besoin d'un flux continu d'information en provenance des bataillons. Les officiers ont dû courir vers le front pour se mettre à portée de radio, se mettant eux-mêmes en danger", explique à Farrow un militaire du nom de Mikola.

Une question de (gros) millions

"Les officiels ukrainiens expliquent que le timing de ces pannes et de leur résolution peut laisser penser que les problèmes ne sont pas dus à de mauvais fonctionnements techniques, ou à un brouillage par les forces russes, mais qu'ils sont le résultat de restrictions géographiques imposées par SpaceX", écrivait quant à lui le Financial Times, qui parlait de "geofencing", une technique consistant à couper l'accès dans certaines zones mais pas dans d'autres.

Musk répondait, lui, que la question était avant tout financière, et qu'il ne pouvait indéfiniment fournir un service gratuit à Kiev. Des mois plus tard, ainsi que l'a rapporté Reuters, il faudra l'intervention du Pentagone et la signature d'un contrat à 400 millions de dollars pour s'assurer qu'Elon Musk ne couperait pas l'accès de l'Ukraine sur un coup de tête solitaire.

Plans de paix, rencontre avec Vladimir Poutine et peur de la Chine

La question financière était-elle la seule à faire vaciller le plein soutien initial de Musk à l'Ukraine ? Sans doute pas. Il s'en est publiquement vanté avant de rétracter ses rodomontades, mais il semble que le milliardaire d'origine sud-africaine ait pu s'entretenir directement avec Vladimir Poutine, à qui il a pourtant proposé un combat singulier.

Un peu après cette supposée discussion, le multi-patron proposait publiquement un "plan de paix" très proche de ce que pourrait être la ligne du Kremlin ou de Donald Trump : que l'Ukraine accepte officiellement d'abandonner les territoires déjà conquis par son envahissant voisin, notamment la Crimée, et les deux pays pourront commencer à discuter.

Bref, les coupures intermittentes des services de Starlink dans les zones où l'Ukraine était à l'offensive ont semblé correspondre assez précisément à ce curieux nouvel alignement de Musk avec une certaine ligne plus favorable à la vision russe, et à celle de Vladimir Poutine.

Mais Farrow pousse la réflexion –et l'enquête– un peu plus loin. Selon lui, c'est aussi en pensant à sa relation de grande dépendance avec la Chine que Musk a ainsi commencé à changer d'avis. Beijing prépare sa propre constellation de 13 000 satellites en basse orbite, comme l'a rapporté notamment le Washington Post. Mais si elle le fait, comme l'explique The Economist, c'est que l'empire du Milieu a rapidement compris quel risque militaire (voire civil) l'existence d'un réseau universel et privé comme Starlink, détenu par une firme américaine, pouvait présenter.

Or, Elon Musk est hautement dépendant de la Chine : c'est pour Tesla un marché colossal, et les gigantesques installations de la marque à Shanghai produisent la moitié des véhicules qu'elle vend dans le monde. Et la Chine, alliée discrète de la Russie, a fait comprendre à Musk qu'elle voyait son soutien à l'Ukraine d'un très mauvais œil, en ayant sans doute en tête ce qui pourrait se passer à Taïwan si une invasion venait à être décidée.

Ce n'est donc pas un hasard si le patron de SpaceX et Tesla a, comme il l'avait fait pour l'Ukraine et ainsi que l'a rapporté le Monde, également proposé sa propre vision d'un "plan de paix" entre les deux Chine : pour Musk, il est là aussi à la fois question de politique, et d'opinions changeantes, comme de gros, de très gros sous.

https://www.geo.fr/geopolitique/comment-elon-musk-et-starlink-ont-pour-400-millions-de-dollars-trahi-larmee-ukrainienne-216259

« L’hostilité à l’égard de la Russie durera des décennies »

Un an après le début de la guerre, le diplomate américain Steven Pifer, spécialiste de la région, prévoit une guerre longue « jusqu’à épuisement mutuel ».

Steven Pifer, ancien ambassadeur des États-Unis à Kiev et diplomate à Varsovie, Moscou et Londres, a travaillé au sein du département d'État sur les relations américaines avec les pays de l'ex-Union soviétique et de l'Europe, le contrôle des armements et les questions de sécurité.

À la Brookings Institution, un think tank basé à Washington, il est spécialiste des armes nucléaires, de l'Ukraine et de la Russie. Un an après l'invasion russe en Ukraine, il analyse la situation actuelle et les évolutions probables.

Le Point : Un an après le début de la guerre en Ukraine, Joe Biden a effectué une visite historique à Kiev. À quoi a-t-elle servi ?

Steven Pifer : C'était surtout symbolique, mais c'était très important. Cela a beaucoup remonté le moral des Ukrainiens qui voient les États-Unis comme leur plus grand soutien, en particulier sur le plan militaire. C'était aussi un message à Moscou, qui a bien compris que Biden était décidé à maintenir l'aide à l'Ukraine.

De la réponse de Vladimir Poutine, on a surtout retenu le retrait annoncé du traité New Start, qui limite les arsenaux nucléaires des deux pays. Est-ce si inquiétant qu'on le dit ?

Son discours était par ailleurs plutôt plat. Mais il a commis une erreur. En refusant les inspections, les Russes suppriment les mécanismes dont disposent les États-Unis pour confirmer qu'ils se conforment au traité. Est-ce le moment de faire ça ?

Les États-Unis chargent pour l'instant les missiles balistiques intercontinentaux américains de moins d'ogives [la partie antérieure contenant la charge destructive, NDLR] que leur capacité. Par exemple, le Trident peut être armé de huit ogives nucléaires mais en en transporte quatre ou cinq pour respecter le traité.

Or, il y a beaucoup d'ogives en stock. La Fédération des scientifiques américains estime que les États-Unis pourraient en ajouter jusqu'à 1 400 aux missiles balistiques. Par ailleurs, les États-Unis commencent à produire la classe Columbia de sous-marins nucléaires ainsi que de nouveaux missiles balistiques intercontinentaux ou encore le bombardier B-21…

Est-ce une bonne idée de se mettre à dos un adversaire qui peut charger beaucoup plus d'armes et modernise ses chaînes de production ?

Les armes nucléaires constituent une menace persistante depuis un an. Est-il rationnel de s'inquiéter que Poutine les utilise ?

Lorsqu'une puissance nucléaire comme la Russie profère des menaces, on ne peut l'ignorer. Mais je crois qu'elles ont atteint leur paroxysme en septembre, quand Poutine a annoncé l'annexion de quatre territoires ukrainiens. Les Ukrainiens ont ignoré la menace nucléaire qui l'accompagnait.

Pour eux, cette guerre est si existentielle que je ne suis pas sûr que la peur des armes nucléaires change leurs calculs. L'Occident a bien réagi, en disant que les conséquences seraient graves. Je pense aussi que les Chinois et les Indiens ne sont pas favorables aux menaces nucléaires.

Les Russes se sont rendu compte qu'elles avaient peu d'effets et se révélaient contre-productives auprès des pays du Sud qui sont importants pour eux. Ils ont donc désamorcé la rhétorique.

Fin octobre, au club de discussion Valdaï, à Moscou, Poutine a déclaré que la Russie n'avait pas proféré de menaces nucléaires, que c'était un mensonge de l'Occident pour ternir son image. Une semaine plus tard, le ministère russe des Affaires étrangères a publié une déclaration sur la prévention de la guerre nucléaire, dans le même esprit.

Les ministres des Affaires étrangères russe et chinois se sont ensuite rencontrés et le ministre chinois a déclaré que Sergueï Lavrov était conscient que les menaces nucléaires étaient inacceptables. Et Lavrov a adopté ce langage au sommet du G20 à Bali. Je pense que les Russes ont essayé, puis reculé.

Les récentes humiliations infligées à la Russie, diplomatiques et militaires, peuvent-elles changer cela ?

Utiliser des armes nucléaires ferait de Poutine un paria international. Comment des pays du Sud réagiraient-ils face à un grand pays qui attaque un petit pays voisin avec des armes classiques, puis, lorsqu'il ne parvient pas à ses fins, passe à l'arme nucléaire ?

Je ne suis pas dans la tête de Poutine, mais il y a sûrement des gens qui lui disent que le prix politique serait énorme. Et qu'il n'est pas sûr que cela change quoi que ce soit sur le champ de bataille.

Quant à l'Occident, s'il cède et réduit son aide à l'Ukraine, il fera face à une menace nucléaire à chaque conflit majeur avec la Russie.

Certains pays non alignés refusent de se ranger du côté des États-Unis. Lula da Silva, président du Brésil, en visite à Washington, a dit à Joe Biden qu'il ne voulait pas aider l'Ukraine. Qu'en pensez-vous ?

Les pays du Sud voient cette guerre comme un conflit entre pays du Nord, qui ne les affecte pas directement. Certains y ont aussi vu un moyen d'obtenir du pétrole moins cher. Ce sera un défi pour l'Occident de leur faire comprendre que leurs intérêts sont en jeu.

C'est un effort diplomatique à long terme. Lavrov passe beaucoup de temps dans ces pays, puisqu'il est persona non grata en Occident, qui n'a pas encore lancé de contre-offensive diplomatique.

Que penser de l'intention de la Chine de s'impliquer davantage, au moment où la relation avec les États-Unis est au plus bas ?

Il est frappant que le secrétaire Antony Blinken ait mis la Chine en garde si elle fournissait de l'aide létale à la Russie. Mais les Chinois sont prudents. En 2014, après l'invasion de la Crimée et la guerre du Donbass, la première vague de sanctions a coupé les institutions russes des banques occidentales et les Russes se sont tournés vers la Chine. Mais les Chinois n'ont pas repris une grande partie de cette activité.

Même si le gouvernement chinois souhaite aider les Russes, il ne veut pas se heurter aux États-Unis et à l'Europe, avec lesquels il a de réels intérêts économiques en jeu. Il tente donc d'aider les Russes sans franchir la limite. Par ailleurs, ce que font les Russes contredit les principes de la politique étrangère de la Chine, qui tient à l'intégrité territoriale, à la souveraineté et s'oppose à l'usage de la force.

Qu'attendre de l'offensive militaire de printemps, notamment en Moldavie ?

L'armée russe ne peut rien faire à moins de prendre tout le sud de l'Ukraine et d'établir un passage avec la Transnistrie en Moldavie. Or ils ont été repoussés de la rive ouest du fleuve. Les troupes semblent mal équipées, mal entraînées.

Je pense que l'une des raisons pour lesquelles les Ukrainiens restent à Bakhmout, qui a peu d'importance stratégique, est qu'ils pensent pouvoir infliger des pertes aux Russes, qui y tiennent.

Les Ukrainiens peuvent ainsi économiser leurs forces pour une offensive au printemps, lorsque les conditions seront meilleures et qu'ils pourront intégrer des systèmes comme les chars Leopard, les véhicules de combat Bradley, etc.

Mais je ne suis pas sûr qu'ils puissent libérer davantage de terrain. L'objectif pourrait être de les aider à progresser au point que Moscou envisagerait sérieusement une négociation, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Ils pourraient négocier un accord qui, sans atteindre tous leurs objectifs, serait acceptable.

À quoi pourrait ressembler une victoire ukrainienne, de manière réaliste ?

Il est probable que ce soit une guerre interminable, qui mènerait à une négociation quand les deux parties seront épuisées. Pour l'instant, je ne pense pas que l'Occident devrait demander aux Ukrainiens de négocier tant que rien n'indique que Moscou est prêt à le faire sérieusement.

Perdre sur le terrain et annoncer l'annexion de quatre territoires, ce n'est pas sérieux. La question, si à un moment les Russes veulent négocier, est de savoir si Zelensky est prêt à des compromis. Pour l'instant, les Ukrainiens veulent une libération complète, des réparations et des procès pour crimes de guerre.

Et je ne pense pas que Zelensky accepte de compromis, en partie parce que la population ukrainienne s'est vraiment durcie face à la Russie ces dix derniers mois.

Au lieu d'attendre l'épuisement mutuel, si l'Occident fournissait des armes à l'Ukraine maintenant, celle-ci aurait plus de chance de lancer des offensives victorieuses et de pousser Moscou à négocier.

Aux États-Unis, le soutien à l'aide à l'Ukraine diminue. Ron DeSantis, gouverneur de Floride pressenti pour être candidat en 2024, a traité l'armée russe de puissance militaire de troisième rang, Marjorie Taylor Greene, élue de Géorgie, parle d'une sécession des États américains défavorables à la guerre… Le soutien à l'Ukraine peut-il survivre à la campagne présidentielle ?

Biden doit s'impliquer, de même que les républicains modérés du Sénat. Le Congrès doit mieux expliquer les enjeux. Le soutien à l'Ukraine, selon mon expérience depuis le début des années 1990, a généralement été bipartisan. Mais depuis sept ou huit mois, en effet, l'aile Maga [Make America Great Again, le slogan de Trump, NDLR] du Parti républicain m'inquiète, en remettant cela en question.

Le président devra s'exprimer plus publiquement sur les enjeux, de même que les acteurs les plus traditionnels, en politique étrangère, du Parti républicain, comme Mitch McConnell [président de la minorité républicaine au Sénat, NDLR], qui les comprennent.

Le FMI prévoit une croissance plus rapide pour l'économie russe que pour l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Biden a annoncé de nouvelles sanctions. Mais fonctionnent-elles ?

Elles n'ont pas été aussi efficaces que nous le pensions, mais elles ont eu un impact. Poutine a déclaré que l'économie russe s'était contractée de 2,1 % en 2022, où l'on attendait une reprise de la croissance post-Covid. Et la réalité est probablement de 3 à 4 %. Les prévisions pour 2023 vont de « stagnantes » à une baisse de 5,5 %.

Selon une statistique officielle russe, les recettes du gouvernement, en janvier, pour le pétrole et le gaz, ont diminué de 46 % par rapport à l'an dernier. Et l'Europe semble se débrouiller sans le gaz russe, ce qui va avoir un impact important sur l'économie russe. Les Russes n'ont pas les gazoducs pour acheminer du gaz vers l'Asie ni la capacité de produire assez de GNL.

Vous êtes-vous trouvé face à Vladimir Poutine ?

J'ai assisté à des réunions avec lui pendant le premier gouvernement de George W. Bush. Il semblait capable de calculer les coûts et bénéfices d'une situation, rationnellement. Au cours des quinze dernières années, il a fait de l'Ukraine un enjeu personnel, il est devenu plus irascible, sa confiance en lui s'est muée en arrogance. Ce mélange d'arrogance, de colère et d'émotion nuit à son jugement.

Cette guerre est une tragédie pour l'Ukraine, mais c'est aussi un désastre pour la Russie : 200 000 soldats tués ou blessés, 50 à 60 % de leurs principaux chars de combat modernes détruits, une économie qui va, au mieux, stagner dans les années à venir…

Poutine a aussi réalisé un exploit que personne n'aurait prédit : l'adhésion prochaine de la Finlande et de la Suède à l'Otan, une énorme défaite géopolitique pour la Russie. Par ailleurs, avant, en Ukraine, on trouvait des Ukrainiens très antirusses, mais ils étaient rares. La plupart aimaient bien la Russie, où ils avaient des parents et amis. Ou ils étaient indifférents.

Cela a changé. Comme me l'a dit un Ukrainien, Poutine a créé une identité nationale imprégnée du sentiment antirusse. Cette hostilité à l'égard de la Russie durera des décennies.

On entend parfois qu'il serait malade ou affaibli politiquement, qu'en pensez-vous ?

Il y a eu beaucoup de spéculations sur sa santé, mais personne n'a vu son dossier médical ! Le directeur de la CIA, Bill Burns, a dit l'été dernier que Poutine lui semblait « en trop bonne santé ».

Politiquement, il a réussi à se maintenir. Mais je me demande combien de temps, avec des sanctions économiques de plus en plus lourdes et alors que leurs maris, fils, cousins et oncles rentrent dans des sacs mortuaires, les Russes vont soutenir cette guerre qui s'éternise.

Propos recueillis par , correspondante aux États-Unis

Tchernobyl : la folle histoire des soldats russes contaminés

Impréparation ? Mépris des troupes ? Pour occuper la centrale nucléaire, des militaires russes ont traversé la « forêt rouge », un lieu hautement radioactif…

L'histoire est folle et révélatrice de la manière dont les dirigeants russes considèrent leurs propres militaires. Il existe une forêt en bordure du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, prise par les Russes quelques heures après l'invasion du 24 février. Ce lieu boisé, qui abrite un véritable écosystème, porte un nom : la « forêt rouge ». Après l'explosion du réacteur numéro 4 le 26 avril 1986, la forêt de pins a pris une teinte rouge en raison des retombées radioactives qui ont tué la chlorophylle. Depuis, elle se trouve dans la zone d'exclusion, interdite au public dans un rayon de 30 kilomètres autour de la centrale. Elle est même un des endroits les plus contaminés du périmètre. Ces derniers jours, l'armée russe a quitté le site, permettant aux ouvriers, jusqu'ici retenus, de retrouver leurs familles. L'agence Reuters a pu interviewer deux de ces employés de la centrale, dont le témoignage est éminemment instructif.

D'abord, les deux hommes ont été sidérés de voir les chars russes rouler à vive allure dans la zone d'exclusion, soulevant à leur passage de la poussière radioactive. « Le convoi a soulevé une grosse colonne de poussière. De nombreux capteurs de radioprotection ont montré des niveaux élevés », a expliqué un des deux témoins. Leur étonnement fut encore plus grand en constatant qu'aucun des militaires russes venus pour prendre la centrale nucléaire n'était équipé de tenue de protection. « C'est suicidaire », selon un des deux ouvriers, car la poussière inhalée est susceptible de provoquer des radiations internes. Energoatom, l'agence nucléaire ukrainienne, a mesuré une augmentation des niveaux de radiations à Tchernobyl, sept fois supérieure à la normale, en raison de la perturbation des sols. En outre, des tranchées auraient été constatées dans la zone d'exclusion après le départ des blindés russes. « La Russie a fait preuve d'irresponsabilité sur tous les plans, que ce soit le refus de laisser le personnel de la centrale remplir ses fonctions ou le creusement de tranchées dans la zone contaminée », a affirmé le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba. « Sans surprise, les occupants ont reçu des doses importantes de radiations. Ils ont paniqué au premier signe de maladies [diarrhées, vomissements… : NDLR]. Et c'est apparu très soudainement », déclare l'agence dans un communiqué, qui indique que du matériel hautement contaminé a été enterré à la hâte non loin de la centrale. Beaucoup de soldats russes auraient été accueillis à l'hôpital de Gomel, un centre de radiothérapie en Biélorussie.

Une semaine après l'occupation de la centrale, des spécialistes de l'armée russe formés à la gestion des radiations sont arrivés sur le site. Un peu tard au regard des risques encourus. Après avoir vu les soldats russes traverser la « forêt rouge », un des ouvriers les a mis en garde sur les risques pour leur vie. Les soldats en question, certains très jeunes, n'avaient jamais entendu parler de l'explosion d'un réacteur nucléaire… « Quand on leur a demandé s'ils étaient au courant de la catastrophe de 1986, l'explosion du quatrième bloc, ils n'en avaient aucune idée. »

 

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D
Celui qui gagne, ce n’est pas le vainqueur militaire.<br /> L’Ukraine, un nouveau bourbier pour la Russie.<br /> Mais quel désastre humanitaire.
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