Guerre en Ukraine

Publié le par ottolilienthal

 

La guerre en Ukraine peut-elle s’arrêter en 2025 ?...

 

Une séquence de négociation a commencé depuis au moins début décembre 2024 entre l’équipe du futur président américain Donald Trump (en lien avec celle de Joe Biden) et le cercle du président russe Vladimir Poutine. Cette négociation est d’autant plus difficile que chaque protagoniste accélère son mouvement pour arriver en position de force à la discussion finale qui devrait avoir lieu autour du 20 janvier, pour la cérémonie d’investiture de Trump au Etats-Unis, date à laquelle il veut démontrer sa capacité à arrêter la guerre à défaut de construire la paix.

Certains analystes pensent que Poutine n’est pas prêt à lâcher le morceau et veut continuer sa guerre à tout prix, conformément à ce que le « maître du Kremlin » laisse dire fort à propos par une partie de son entourage. Cependant, cette guerre a un prix exorbitant pour la Russie et lui inflige entre autres une inflation de plus de 9% et des taux bancaires entre 20 et 30% qui pénalisent toute son économie. De plus, la société russe est fortement affectée par l’importance des morts et les blessés dans ses rangs, les mercenaires étrangers et les soldats nord-coréens « prêtés » par Kim Jong-un ne représentant que quelques pourcents des 500,000 militaires engagés par la Russie contre l’Ukraine.

Les pertes russes estimées à largement plus de 600,000 morts et blessés dépassent l’effectif engagé actuellement, autrement dit cette « opération militaire spéciale » a déjà couté plus qu’une armée complète à la Russie pour un résultat très limité : moins de 4,000 km2 conquis en 2024, soit 0,6% de la surface de l’Ukraine.

A ce rythme là, il faudrait 10 générations de soldats russes et plusieurs millions de pertes supplémentaires pour conquérir l’Ukraine. Poutine a donc tout intérêt à ramasser une mise intermédiaire – 19% du territoire ukrainien à ce stade – pour « s’inventer » une victoire même partielle.

Néanmoins, si Poutine refusait le deal que propose Trump pour arrêter ces combats, il prendrait le risque de voir l’effort de guerre américain augmenter considérablement, car le nouveau président est nettement moins prudent et retenu que son prédécesseur alors que l’armée russe est loin de dominer le champ de bataille.

Donald Trump va-t-il lâcher les Ukrainiens ?

 

Dans cette négociation, le président ukrainien Volodomyr Zelensky n’a pas réellement voix au chapitre tellement il est dépendant de l’aide militaire américaine que les Européens ne savent pas compenser en l’état. Le courageux président ukrainien devra donc supporter le prix négocié par le parrain américain. Et à moins qu’il ne démontre sa capacité à l’accepter et à faire accepter ce deal par une société durement éprouvée par trois années de guerre, Zelensky devra aussi laisser sa place après avoir incarné le chef de la résistance de l’Ukraine.

Pour autant, il est peu probable que les Etats-Unis lâchent l’Ukraine, ce serait en effet une humiliation pour les Américains de céder face à la Russie qui fut leur rival pendant des décennies de guerre froide. Trump, même s’il a imposé un virage radical au parti républicain, verrait son image particulièrement abîmée s’il ne pouvait pas démontrer qu’il s’est imposé face à la Russie (dont le PIB est celui de l’Espagne).

Quant à la question de la paix, une paix durable au cœur de l’Europe, la discussion de Trump avec Poutine ne l’envisage pas réellement. Ce sera le fardeau des Européens, qui seront les bienvenus d’acheter massivement aux industriels américains de quoi se défendre face à l’empire plus menaçant que jamais de Poutine. Ce sera aussi une charge terrible pour les Ukrainiens, une fois le soulagement de l’arrêt des combats passé.

Au fond, le seul gagnant de ce deal en Ukraine sera Poutine, c’est aussi pour cette raison que la négociation dans ces conditions a des « chances » importantes d’aboutir et, qu’à défaut de la paix en Europe, on peut s’attendre à une fin des combats en Ukraine en 2025.

Guillaume Ancel

 

Zelensky révèle les victimes de la guerre en Ukraine : 43 000 morts, 370 000 blessés...

Pour la première fois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a révélé publiquement le nombre de victimes de ce conflit qui dure depuis près de trois ans. Dimanche, il a déclaré que l’Ukraine avait perdu 43 000 soldats et en avait blessé 370 000 depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Zelensky a fait cette annonce via Telegram à la suite d’une déclaration de l’ancien président américain Donald Trump qui a affirmé, tôt dimanche, que l’Ukraine avait perdu « ridiculement » 400 000 soldats dans la guerre initiée par le président russe Vladimir Poutine.

Zelensky avait déjà révélé que Kiev avait subi 31 000 morts au combat en février, mais s’était abstenu de révéler le nombre de blessés, invoquant la volonté de ne pas fournir d’informations excessives au Kremlin. Depuis lors, il n’a cessé de rejeter les estimations publiées par divers médias, les qualifiant d’exagérées. Dans son message sur Telegram, Zelensky a précisé que le nombre de victimes ukrainiennes s’élevait à « 43 000 soldats morts sur le champ de bataille » et à 370 000 blessés. Il a souligné qu’environ 50 pour cent des blessés ukrainiens reprennent du service et que toutes les blessures, y compris celles qui sont mineures et récurrentes, sont méticuleusement enregistrées.

Comparaison des chiffres des pertes

Zelensky a également souligné que l’Ukraine a réussi à rapatrier 3 767 soldats de la captivité russe. Ces chiffres contrastent avec les 600 000 morts et blessés signalés du côté russe. Zelensky affirme que les pertes russes sont nettement plus élevées que ce qui avait été annoncé précédemment. Selon lui, les données actualisées montrent que la Russie a perdu plus de 750 000 personnes, dont 198 000 tués et plus de 550 000 blessés. Il ajoute que la Russie a perdu cinq à six fois plus de soldats au combat que l’Ukraine depuis septembre.

Appel à une paix juste

Zelensky a réitéré son appel en faveur d’une « paix juste » qui garantisse la sécurité de l’Ukraine contre une future agression russe. Il a insisté sur la nécessité d’obtenir des garanties solides pour empêcher la reprise du conflit, déclarant : « Un cessez-le-feu sans garanties peut être ravivé à tout moment, comme Poutine l’a déjà fait. » Il a insisté sur l’importance de traiter l’occupation continue et de parvenir à une paix durable afin d’éviter de nouvelles victimes ukrainiennes.

https://fr.businessam.be/zelensky-revele-les-victimes-de-la-guerre-en-ukraine-43-000-morts-370-000-blesses/

 

La Russie a perdu ces derniers mois 53 soldats pour chaque kilomètre carré gagné...

De “la chair à canon” : ces trois derniers mois, l’armée russe aurait perdu 125 000 combattants pour prendre ou reprendre 2 350 km2 de territoire, selon un rapport de l’Institute for the Study of War. Tant pour Moscou que pour Kiev, les recrutements ne parviendraient plus à compenser les pertes...

Alors que l’année 2024 touche à sa fin et que l’hiver arrive, les troupes russes continuent de repousser leurs adversaires ukrainiens, résume la BBC. Au total, elles ont conquis ou repris environ 2 350 km² de territoire dans l’est de l’Ukraine et dans la région de Koursk, dans l’ouest de la Russie. Mais le coût en vies humaines est effroyable.” Le média britannique va jusqu’à évoquer une “tactique de la chair à canon”.

De fait, selon des chiffres communiqués le 5 décembre par l’Institute for the Study of War (ISW), un think tank américain, et repris par le Kyiv Independent, l’armée russe a déploré en moyenne 53 pertes (tués et blessés) pour chaque kilomètre carré conquis. “Selon le rapport, en septembre, octobre et novembre 2024, les forces russes ont gagné environ 2 356 km² de territoire, en Ukraine et dans l’oblast de Koursk, au prix de pertes estimées à 125 800 combattants.”

 

La guerre en Ukraine s'éternise et la Russie fait face à un autre problème : le retour de ses cannibales...

Moscou, comme Kiev, engage de nombreux détenus pour garnir ses rang sur le front ukrainien. Des personnages aux profils sombres, et aux crimes indélébiles pour la société russe, qui craint leur retour au pays...

La Russie craint le retour de ses fantômes. Vladimir Poutine a affirmé en juin dernier que 700 000 militaires russes participaient à l'offensive en Ukraine. Une force de frappe immense, et un vivier humain qui semble intarissable. Pourtant, les pertes sur le front, qui se chiffrent en centaines chaque jour — voire en milliers— pour des gains territoriaux en mètres, ne laissent aucune place au doute sur l'hécatombe en cours dans le "hachoir ukrainien". Bakhmout, Avdiivka, Kharkiv, Koursk… L'Ukraine compte ses cadavres, la Russie aussi. Selon les dernières données analysées par la BBC, plus de 70 000 personnes ayant combattu dans l'armée russe sont mortes en Ukraine, mais le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé, note le média, qui n'inclut que celles dont les noms sont connus. Parmi eux, 13 781 étaient des volontaires - soit environ 20 %.

Une hécatombe qui endeuille, et déséquilibre gravement une société russe grevée par une baisse de la natalité historique, expliquions-nous récemment. De même : les industries russes, qui proposent des salaires inférieurs à ceux proposés aux soldats en Ukraine, souffrent d'un manque de main-d’œuvre.

Mais selon certains analystes, la crise sociétale actuelle n'est qu'un avant-goût de celle à venir, lors du retour des soldats.

Meurtriers, violeurs, et cannibales

C'est un fait connu de tous : la Russie — comme l'Ukraine au demeurant— a ouvert les portes de ses prisons pour garnir ses rangs. Ainsi selon le média indépendant russe Mediazona et la BBC, 48 366 prisonniers auraient ainsi été recrutés par le groupe de mercenaires Wagner entre le 1er juillet 2022 et le 7 février 2023, rapportions-nous en août.

Le bilan judiciaire du retour de la première vague de mercenaires au pays fait craindre le pire : une investigation du Wall Street Journal publiée en décembre 2023 comptabilisait ainsi des dizaines de crimes commis par les anciens prisonniers embauchés par Wagner, entre viols, fusillade dans un café, incendie criminel contre des maisons… En tout, 4 409 crimes impliquant un ou des membres de l'armée ont été commis en 2023, une multiplication par 4 par rapport à 2021. Et ces faits ne sont que ceux signalés aux autorités.

Parmi les détenus envoyés au front avec la promesse d'une grâce à la fin de leur service, des profils particulièrement inquiétants. The Insider rapporte le cas de Dmitry Malyshev. L'homme a été condamné en 2015 à 25 ans de réclusion dans une colonie pénitentiaire pour une série de crimes parmi lesquels cannibalisme, meurtre brutal de deux personnes au sein d'un groupe criminel, banditisme, vol et trafic illégal d'armes, complot pour le meurtre d'officiers de police et vol à main armée

La culpabilité de Dmitry Malyshev dans ces crimes a dévoilée après son arrestation pour le meurtre d'un ressortissant tadjik, dont il avait découpé le cœur, l'avait rôti avec des légumes et l'avait mangé. Malyshev a rapporté ses activités cannibales sur vidéo. Cité par plusieurs médias locaux, il a assuré plus tard avoir été sous l’emprise de l’alcool. Libéré en octobre 2023 après avoir signé un contrat avec le ministère de la Défense russe, il a quitté sa prison et est parti faire guerre en Ukraine.

Aujourd'hui, selon Meduza, il est rentré dans son village natal de Rakhinka, dans la région de Volgograd. Le chef de son village en témoigne au média indépendant russe :

"Il est en congé pour blessure. Il a eu un autre congé pour blessure au début de l'année, mais il est retourné au front. Je lui ai parlé récemment. Il a des problèmes de mâchoire et des éclats d'obus dans le bras. Il se rétablit. Je l'ai vu au magasin avant-hier. Nous nous sommes salués. Comme il me l'a dit, dès qu'il ira mieux, il retournera dans la zone SVO [opération militaire spéciale]."

Un système de grâces décrié

Sur le front, enrôlé dans la force d'assaut Storm Z, connue pour regrouper la "chair à canon" russe, constituée d'anciens détenus, il a fait la connaissance d'un autre obscur personnage : Alexander Maslennikov de Volzhsky, qui a assassiné et démembré deux filles. Les deux hommes ont posté une photo d'eux sur les réseaux sociaux, rendue publique par Novaya Gazeta en mai dernier.

Dmitry Malyshev n'est pas le premier —ni le dernier sans doute— cannibale relâché avant la fin de sa peine pour les besoins de l'opération militaire spéciale en Ukraine, puis renvoyé à la société civile. En novembre 2023 déjà, GEO rapportait le cas de Nikolaï Ogolobiak, reconnu coupable d'actes de cannibalisme, qui a obtenu la grâce présidentielle "pour s’être engagé sous l’uniforme de l’armée russe en Ukraine". Il était condamné à 20 ans de prison pour avoir tué à coups, découpé et mangé quatre individus, dans le cadre d’un rituel satanique. À l’époque, ces meurtres avaient défrayé la chronique et choqué la Russie.

La décision de grâce, qui a choqué l'opinion, a été défendue par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov :

La question n'est pas nouvelle, elle a été soulevée à plusieurs reprises, et actuellement tout le monde regarde de près ces listes de graciés. [...] Mais je le répète, il s'agit de conditions [de grâce] précises, liées à une présence en première ligne, à une durée certaine passée en première ligne, liées à une participation à des groupes d'assaut, et c'est après ça qu'il y a grâce.

Aucune révision de cette politique n'est prévue, malgré l'indignation des familles de victimes. "Les personnes condamnées, y compris pour des crimes graves, expient leur crime par le sang sur le champ de bataille", a répondu Dmitri Peskov. Mais qu'en sera-t-il de versé à leur retour du "hachoir ukrainien"?

GEO
https://actu.geo.fr/geopolitique/la-guerre-en-ukraine-s-eternise-et-la-russie-fait-face-a-un-autre-probleme-le-retour-de-ses-cannibales-222337?

 

RUSSIE : l'armée recrute des hommes sans-abri pour éviter une nouvelle mobilisation...

En Russie, des sans-abri ont signé un contrat avec l'armée russe pour aller combattre en Ukraine. Leur nombre reste encore inconnu. Certains d'entre eux le font pour l'argent, d'autres par patriotisme. D'autres encore parce qu'ils "n'ont rien d'autre à faire". Ces recrutements de sans-abri dans l'armée surviennent dans un contexte où Moscou tente d'éviter une nouvelle vague de mobilisation. Une question extrêmement sensible pour l'armée russie, qui a aussi besoin de plus de soldats pour répondre à l'incursion ukrainienne dans la région de Koursk, rapporte Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) sur son site web.

Selon le ministère russe de la Défense, environ 190 000 hommes ont signé des contrats avec l'armée cette année. La Russie a mis en place des conditions favorables pour les personnes soupçonnées de crimes ou condamnées qui se portent volontaires pour la guerre. Pour ce faire, selon des sources de RFE/RL, les autorités recherchent activement de nouveaux soldats dans des centres pour sans-abri en Sibérie et en Extrême-Orient.

Les médias indépendants russes et étrangers ont rapporté que la police et l'armée faisaient appel aux hommes dans les refuges pour sans-abri, et cela, dès la mobilisation partielle de septembre 2022. Depuis lors, ces incidents se sont poursuivis de manière sporadique. Un bénévole d'un foyer situé à la périphérie d'Angarsk, une ville industrielle de la région d'Irkoutsk, a déclaré que l'année dernière, des recruteurs sont venus pratiquement tous les mois avec des brochures incitant les gens à signer un contrat avec l'armée. "Bien sûr, ces imbéciles ont été attirés par l'argent", déclare t-elle au sujet des clients de l'auberge.

Selon une brochure publiée sur le site web de l'administration d'un des villages de la région d'Irkoutsk, l'armée offre aux hommes adultes en bonne santé une indemnité de recrutement unique de 400 000 roubles (soit 3 874 euros), un salaire mensuel de 210 000 roubles (2 034 euros) et d'autres avantages. Pour la prolongation d'un contrat d'un an, les soldats ont droit à 195 000 roubles supplémentaires. Si l'armée maintient le contrat, les soldats peuvent gagner 2,9 millions de roubles par an, soit environ 72 fois plus que le salaire médian de 2022, comme l'indique le service russe des statistiques. En outre, l'offre comprend "la possibilité de résoudre les problèmes de logement“ et ”un emploi sûr après la fin du contrat".

Peu de gens reviennent de la guerre

Deux clients d'un grand centre pour sans-abri de la région d'Irkutsk ont récemment déclaré à son fondateur qu'ils avaient signé un contrat avec l'armée parce qu'ils avaient besoin d'argent "pour résoudre leurs problèmes de logement" après que leurs épouses les eurent chassés de chez eux pour cause de consommation excessive d'alcool. Ils ont déclaré qu'ils espéraient obtenir un prêt hypothécaire grâce à la guerre et être en mesure d'acheter leur propre maison.

Mais une bénévole du centre d'Angarsk affirme que les sans-abri, qui luttent généralement contre une forme de dépendance, "ne comprennent pas vraiment qu'ils jouent avec la mort". Elle ajoute qu'ils pensent qu'il est possible de revenir de la guerre. "Et ils ne se rendent pas compte que personne n'est revenu vivant, à l'exception de ceux qui ont signé des contrats de six mois en 2022", dit-elle.

Un bénévole d'une autre auberge de la banlieue d'Angarsk se souvient qu'un ancien client l'a contacté et lui a raconté que lui et un autre soldat étaient les seuls survivants de leur unité de 50 hommes. Il a raconté que lorsqu'il avait refusé de servir en tant que “kanonenfutr”, il avait été envoyé dans un trou en guise de punition – une prison improvisée pour les soldats dans des caves ou des creux dans le sol.

Il n'existe pas de programme de retour à la vie

Aucun des volontaires interrogés par les journalistes de RFE/RL n'a eu connaissance de cas où un sans-abri aurait mené une vie “normale” après son retour d'Ukraine ou aurait utilisé l'argent gagné au combat pour mettre un toit au-dessus de sa tête. Le fondateur du centre d'Irkoutsk connaît le cas d'un sans-abri, alcoolique, qui a signé un contrat en 2023, a combattu en Ukraine pendant six mois, a reçu une médaille pour avoir sauvé des vies, mais est revenu récemment au centre. La guerre a "vraiment changé" cet homme, mais n'a pas amélioré sa situation de vie. "Il buvait beaucoup et gaspillait l'argent qu'il ramenait de la guerre", a déclaré le fondateur du centre.

Bien que plusieurs ONG aident les vétérans à retourner à la vie “civile”, il n'existe pas de programmes destinés aux soldats sans-abri revenant d'Ukraine.

Le fondateur du centre d'Irkoutsk pense que pendant les deux premières années de la guerre, les sans-abri ont signé des contrats avec l'armée, souvent pour améliorer leur statut dans la société. En plus de vouloir de l'argent, certains voulaient "défendre la patrie" et d'autres sont allés à la guerre parce qu'ils n'avaient pas de but dans la vie, dit l'homme. Il ajoute qu'ils comprennent aujourd'hui que servir en Ukraine ne permet pas d'obtenir “un respect particulier”.

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Le recrutement comme mesure pour sortir les sans-abri de la rue

Dans une vidéo publiée sur Telegram en juillet, Pavel Berezovsky, maire de Zheleznogorsk-Ilimsky dans l'oblast d'Irkoutsk, a nié que des sans-abri de la région aient combattu en Ukraine. "Certains disent qu'ils ont participé à la guerre pour que les autres aient pitié d'eux", a-t-il affirmé.

Plus au nord-est, dans la République autonome de Sakha, les autorités ont utilisé le recrutement comme l'une des mesures pour sortir les sans-abri des rues de Yakoutie, a rapporté SakhaDay. La ville a accueilli le tournoi sportif international Children of Asia à la fin du mois de juin.

Lors d'une collecte de fonds pour les sans-abri et autres personnes socialement défavorisées, la médiatrice de la République de Sakha, Sardana Gurieva, a exhorté les participants à suivre l'exemple des 19 sans-abri qui ont signé un contrat avec l'armée pour la guerre en Ukraine en 2023. Vous êtes des patriotes", a-t-elle déclaré à un groupe de sans-abri en mai lors d'un événement intitulé “Changez votre vie”, selon SakhaDay. "Comment pouvez-vous refuser d'aider votre pays lorsqu'il en a besoin ?

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Guerre en Ukraine: les banques chinoises fuient la Russie, criblée par les sanctions...

Les banques chinoises retirent peu à peu leurs actifs de Russie, et diminuent leurs activités avec des acteurs du pays. En cause : les sanctions secondaires américaines contre les entités financières qui collaborent avec Moscou, de plus en plus féroces...

Après 31 mois d'une guerre en Ukraine poussive, l'économie interne en Russie continue de faire le dos rond. Après une baisse en 2022, a croissance du PIB a nettement rebondi en 2023, à 3,6 % selon le FMI, puis devrait s'établir à 3,2% en 2024 selon les prévisions de l'autorité financière. Les Russes, rassurés par des subventions XXL de Moscou, achètent à tour de bras.

Le chômage est proche de son plus bas niveau historique et le rouble se porte bien, détaillait en août The Economist. L'inflation actuelle équivaut à près du double de l'objectif fixé par la banque centrale, à 4%, mais les revenus Russes suivent la cadence, frénétiquement : ils ont augmenté de 14 % en glissement annuel, et le pouvoir d'achat grimpe.

Une grain de sable grippe cependant la machine russe. Car si le Kremlin avait cru trouver des remplaçants à ses clients occidentaux en Orient – les échanges commerciaux de la Russie avec Pékin ont atteint l'an passé le chiffre record de 240 milliards de dollars, et Moscou était devenu en 2023 le premier fournisseur de pétrole de l'empire du Milieu, avec 107,2 millions de tonnes vendues sur l'année, rapportait alors Bloomberg – la Chine craint de plus en plus les “sanction secondaires”

Une avalanche de sanctions secondaires

Ainsi, le président Joe Biden a signé fin 2023 un décret autorisant les Etats-Unis à prendre des sanctions dites “secondaires” contre les établissements financiers du monde entier qui soutiendraient l'effort de guerre russe contre l'Ukraine, la Chine en première ligne.

En juin, une nouvelle salve de sanctions visant 300 entités financières liées à la Russie, parmi lesquelles la Bourse de Moscou et plusieurs filiales, a été lancé par Washington.

“Les mesures annoncées aujourd'hui visent les voies d'approvisionnement restantes par lesquelles la Russie se procure des matériaux et des équipements à l'international, y compris sa dépendance à l'égard de fournitures essentielles provenant de pays tiers”, avait alors déclaré la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, à propos de ces mesures, qui comprennent des sanctions touchant plus de 300 entités, dont la Bourse de Moscou.

"Nous augmentons le risque pour les institutions financières qui traitent avec l'économie de guerre russe, nous éliminons les possibilités d'évasion et nous diminuons la capacité de la Russie à bénéficier de l'accès aux technologies, aux équipements, aux logiciels et aux services informatiques étrangers", a-t-elle ajouté, citée dans un communiqué repris par l'AFP.

Des banques chinoises de plus en plus frileuses

Conséquence : les banques chinoises renâclent à interagir avec les acteurs russes. En juillet, plusieurs grands exportateurs russes de matières premières ont déclaré à Bloomberg que le commerce avec la Chine était devenu de plus en plus difficile, car les paiements effectués en yuans chinois étaient gelés ou retardés face aux sanctions occidentales.

En août, des commerçants interrogés par des médias russes affirmaient que 98 % des banques chinoises rejetaient les transactions pourtant en yuans en provenance de Russie. Le Kommersant souligne que 80 % des virements bancaires russes effectués en yuan vers la Chine sont désormais renvoyés. Les commerçants doivent faire appel à de couteux intermédiaires. Au total, les importations d'Asie ont reculé de 4 % durant les cinq premiers mois de 2024, dans une baisse générale de 8,5 %.

Les banques chinoises diminuent leurs intérêts en Russie. Ainsi, le média économique russe Frank Media, repris par Newsweek, rapporté qu'au cours du deuxième trimestre 2024, la Bank of China a réduit ses actifs en Russie de 37 %, les descendant à 355,9 milliards de roubles (3,9 milliards de dollars).

Idem du côté de la Banque industrielle et commerciale de Chine, qui a abaissé ses actifs de 27 %, à 462,4 milliards de roubles (5,1 milliards de dollars).

Marie Lombard Cheffe de rubrique – Coordinatrice desk
 

https://www.geo.fr/geopolitique/guerre-en-ukraine-les-banques-chinoises-fuient-la-russie-criblee-par-les-sanctions-222081?utm_source=pocket-newtab-fr-fr

"La Russie ne s'arrêtera pas à l'Ukraine, à moins que nous ne l'arrêtions"  Commandant  des forces interarmées américaines en Europe, le général Steven Basham a fait souffler un vent glacé sur les bougies du 75e anniversaire de l'Otan, célébré à la Fondation pour la défense des démocraties, le 11 mai.

"La défense des Etats-Unis commence bien en dehors de ses frontières" a déclaré Basham, très "cash", recommandant du prochain président (Trump ?) de ne pas lâcher l'Europe.

"Nous devons demeurer auprès de nos alliés" a-t-il martelé, désignant la Russie comme un ennemi retors.

(extrait)

Le Canard enchainé, 22/05/2024 "Deux généraux US prévoient le pire"

 

 

 

La Russie fait face à une augmentation record du nombre d’hommes handicapés suite à l’invasion de l’Ukraine...

Entre 2022 et 2023, la Russie a enregistré une augmentation record du nombre d’hommes handicapés russes âgés de 31 à 59 ans, selon le ministère britannique de la Défense.

Selon le rapport de renseignement, basé sur l’analyse des données de la Caisse de retraite et d’assurance sociale russe, il y avait 1,67 million d’hommes handicapés âgés de 31 à 59 ans sur le territoire du pays terroriste en 2022.

En 2023, ce chiffre a augmenté de 507 000 soit 30%. Selon les démographes russes, l’augmentation du nombre d’hommes handicapés est probablement liée à la guerre en Ukraine.

« C’est presque certainement le cas. Une grande majorité des plus de 355 000 victimes que les forces armées russes ont subies à la suite du conflit en Ukraine ont été des blessés », ajoute le renseignement.

Il indique également que le nombre quotidien moyen de pertes russes a augmenté depuis le début de l’offensive russe à l’automne 2023.

"L’augmentation record du nombre d’hommes handicapés âgés de 31 à 59 ans et de blessés aura un impact significatif sur les services médicaux et sociaux russes", indique le rapport.
Les pertes de la Russie dans la guerre

Selon les données de l’état-major général des forces armées, les soldats ukrainiens ont éliminé 1 160 autres occupants au cours de la dernière journée. Depuis le début de l’invasion à grande échelle, la Russie a perdu 429 580 militaires.

Comme l’ont déjà rapporté les services de renseignement britanniques, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a probablement entraîné une pénurie de travailleurs médicaux sur le territoire de l’agresseur.

Oleksandra Bashchenko

https://newsukraine.rbc.ua/news/russia-faces-record-increase-in-men-with-1710594935.html

Ni la France, ni l’Europe ne vont lâcher l’Ukraine
« Nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner », a réaffirmé récemment le président Macron. À Paris, on considère qu’un « conflit gelé » en Ukraine « nous serait défavorable »

C’est une excellente nouvelle : la France reste fermement engagée aux côtés de l’Ukraine, alors que le ciel s’assombrit à Washington avec le blocage de l’aide par les républicains au Congrès et la crainte d’une victoire de Donald Trump en novembre. Ce vendredi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky sera donc à Paris pour signer, à l’Elysée, un « accord bilatéral de sécurité » entre les deux pays. Kiev a déjà conclu un accord similaire avec Londres, et devrait le faire avec Berlin, Rome et Varsovie.

Ces textes sont le fruit de l'échec du sommet de l’Otan, à Vilnius en juillet 2023, quand les Alliés, Américains en tête, avaient repoussé l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique, qui lui aurait garanti une sécurité de très haut niveau. En contrepartie, plusieurs Etats s'étaient engagés à conclure des accords bilatéraux pour garantir l’aide et le soutien à l’Ukraine.

Les Européens cherchent aujourd’hui les moyens de compenser un éventuel désengagement américain. Plusieurs pistes sont explorées, comme un emprunt de 100 milliards d’euros - une idée de l’Estonienne Kaja Kallas, une séquestration d’une partie des avoirs russes (près de 30 milliards, rien qu’en France) ou un nouvel abondement de la Facilité européenne de paix.

Tout cela intervient dans un contexte de durcissement français vis-à-vis de Moscou. « Nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner », a réaffirmé récemment le président Macron. A Paris, on considère qu’un « conflit gelé » en Ukraine « nous serait défavorable ». La publication, lundi à Paris, d’un rapport gouvernemental dévoilant l’existence d’un « réseau structuré de propagande prorusse » sur internet est un signal. « La Russie nous attaque », résume un responsable. N’est-il pas temps de durcir le ton et faire évoluer la « qualification juridique » de ces agressions informationnelles et informatiques ?

Jean Dominique Merchet 15 02 24

https://www.lopinion.fr/international/ni-la-france-ni-leurope-ne-vont-lacher-lukraine?utm_campaign=Edition_de_7h30&utm_medium=email&utm_source=newsletter&actId=ebwp0YMB8s3YRjsOmRSMoKFWgZQt9biALyr5FYI13OrzvX4JyQgixkaJzpCEBODB&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=508776

Ukraine : comment sortir de l’impasse ?

La situation militaire sur le front ukrainien est compliquée : en l’état, la Russie de Poutine n’a pas les moyens d’envahir l’Ukraine (son objectif déclaré), et l’Ukraine n’a plus les moyens (avec ce qu’elle a) de franchir les lignes russes…

L’impasse est évidente, même si les forces ukrainiennes continuent courageusement à attaquer cette digue russe qui ne s’est pas rompue. En fait, la ligne de front a à peine bougé depuis octobre, alors que les pluies d’automne ont transformé le champ de bataille en une vaste zone de boue, et avec l’arrivée de l’hiver, le sol est maintenant gelé et recouvert de neige.

Pourtant, nous avions bon espoir que les forces ukrainiennes franchiraient la ligne de front lors de leur offensive du printemps, qui devait réussir à la fin d’octobre… Cette offensive, qui devait être massive – une « grande offensive » – est donc un échec. Il est également troublant de constater que la crise en Israël, déclenchée par l’attaque atroce du Hamas le 7 octobre, a eu lieu dans ce délai, offrant à Vladimir Poutine l’avantage décisif de voir sa guerre disparaître au profit de nos préoccupations internationales. ainsi que de l’attention des médias.

Cependant, la principale raison de cet échec réside dans les Ukrainiens : effrayés par les pertes subies au début de leurs attaques début juin, ils ont préféré abandonner la concentration massive des ressources (dans l’espace et le temps) et l’effet de surprise, d’adopter une tactique que leurs conseillers occidentaux leur ont conseillé d’éviter. Au lieu de cela, ils ont opté pour une guerre d’usure contre la Russie, un adversaire avec beaucoup plus de ressources que les leurs.

Les Ukrainiens ont fait l’erreur de penser qu’ils pourraient porter les Russes vers le bas

Lorsque les forces ukrainiennes ont décidé en août 2023 qu’elles allaient épuiser l’armée russe, elles se sont concentrées sur un seul point, le triangle Robotyne-Novoprokopivka-Verbove au sud de Zaporizhzhia, et se sont donné le temps de briser « brique par brique » cette digue russe.


Au début d’octobre, les forces ukrainiennes espéraient avoir décimé les régiments russes qui leur faisaient face : ils auraient dû être drainés par les pertes massives et par l’échec du commandement russe à gérer efficacement ses effectifs. Des unités entières ont été tuées ou blessées et ont reçu l’ordre de ne jamais battre en retraite. » Des équipes spécialisées ont même été mises sur pied pour s’assurer que les soldats russes qui osaient quitter leurs positions seraient impitoyablement exécutés par les leurs.

Jamais les forces ukrainiennes n’avaient été aussi près de percer qu’en octobre, lorsqu’elles ont soudainement vu arriver des milliers de jeunes recrues russes mal entraînées et mal équipées, mais suffisamment nombreuses pour les empêcher de passer. La « fenêtre d’opportunité » pour percer cette deuxième ligne de défense et atteindre rapidement la troisième et dernière ligne de la digue s’est fermée devant leurs yeux stupéfaits. Dans le même temps, la guerre en Israël a capté l’attention des médias et a commencé à détourner une partie de l’aide militaire fournie à l’Ukraine par ses alliés, en particulier les Américains.

L’artillerie russe renforcée par l’arrivée d’obus nord-coréens

De même, l’artillerie ukrainienne a donné la priorité au « contre-tir de batterie », une forme de combat qui consiste également à épuiser l’artillerie russe, en détruisant ses canons (bien que leur stock soit considérable) et en faisant sauter leurs dépôts de munitions. Ce dernier est devenu une marchandise encore plus précieuse, car les obus étaient lourds et encombrants à transporter, avec des milliers de tonnes de fret à transporter et à stocker – un défi logistique.


Hélas, juste au moment où les Ukrainiens pensaient avoir anéanti une partie de l’artillerie russe et privé les troupes de Poutine de leur principal atout, l’odieux dictateur nord-coréen fournissait des millions d’obus, certes de mauvaise qualité, mais en nombre cela faisait toute la différence. Légèrement imprécise mais massive, l’artillerie russe a pu à nouveau freiner toute offensive ukrainienne plus importante, avec de nombreux tirs toujours dangereux pour ceux qui se déplaçaient sous leur feu.

Le temps concédé aux Russes a calcifié la ligne de front et la digue qui devait être percée

Les Ukrainiens luttaient également contre la montre, car en choisissant l’attrition plutôt que la manœuvre et le choc pour leur attaque, ils ont donné aux Russes l’occasion de fortifier et de reconstituer partiellement leurs trois lignes de défense et notamment la ligne, qui avait été suffisamment endommagée à un moment donné pour laisser espérer une percée. Des erreurs tactiques, alors, que l’Occident critiquait d’autant moins pour n’avoir jamais engagé ses soldats directement avec les Russes, rendant d’autant plus compliqué de donner des conseils, puisque le sang occidental ne coulait pas avec celui des combattants ukrainiens…

Contrairement au débarquement de Normandie du 6 juin 1944, qui marque 79 ans plus tard le début de l’offensive ukrainienne – le 6 juin 2023 – et qui est également une référence symbolique car la tactique consistait dans les deux cas à percer une ligne défensive ennemie fortement fortifiée, les alliés n’étaient pas en première ligne. Et les Ukrainiens ont été stupéfaits par les pertes subies lors de leurs premiers assauts, qui ont finalement été assez similaires à celles des plages normandes : vastes champs de mines, bunkers et tirs d’artillerie, une digue profonde et solide. C’est une bonne chose que les Alliés n’aient pas décidé « d’épuiser » les troupes nazies sur le mur de l’Atlantique en 1944, car nous serions probablement encore là…


Une surestimation des capacités combinées à grande échelle des forces ukrainiennes

La cinquantaine de pays qui soutiennent l’Ukraine ont probablement surestimé les compétences militaires de ses forces armées. Au cours de la formation, tous les instructeurs occidentaux ont exprimé leur admiration pour l’esprit combatif inébranlable des Ukrainiens. Il n’y avait pas besoin de les motiver ou de leur expliquer pourquoi ils devaient se battre; les hommes et les femmes de cette nation en résistance avaient une détermination faite d’acier, de titane même.

Il ne fait aucun doute qu’après des mois de guerre contre l’armée russe, les soldats ukrainiens étaient désormais endurcis et des combattants expérimentés avec une détermination inébranlable à gagner. Cependant, les instructeurs et conseillers occidentaux n’ont pas fait grand-chose pour défier les unités ukrainiennes sur leurs « compétences collectives », et en particulier sur leur capacité à combiner les différentes armes qui sous-tendent la puissance et l’efficacité d’une force blindée.

Il ne s’agit pas de savoir comment utiliser les chars modernes livrés (très progressivement) par les alliés, les redoutables canons d’artillerie ou les missiles fournis par les lance-roquettes Himars, mais plutôt comment combiner tout cela sur un champ de bataille saturé par les « défenses » russes. Ce que nous appelons dans nos forces armées des « manœuvres interarmes », et qui sont la base du pouvoir blindé, ne sont en réalité pas maîtrisées par les forces ukrainiennes. Et nous n’étions pas disposés ou incapables de voir cela.

Faiblesse de la manœuvre interarmes des forces ukrainiennes

La complexité de la manœuvre des armes combinées réside précisément dans la synchronisation des tirs d’artillerie massive aussi étroitement que possible avec les unités blindées qui se déploient immédiatement derrière leur puissance destructrice. Pour reprendre l’analogie avec le débarquement de Normandie, la manœuvre interarmes consiste à détruire autant d’obstacles que possible par des bombardements massifs aériens et terrestres (dans ce cas, navals), puis à déplacer des unités blindées ensemble, en combinant chars et infanterie, pour percer les lignes défensives de l’ennemi, tout en appelant de nouveaux bombardements si des obstacles sont rencontrés, tandis que les ingénieurs dégagent tout ce qui pourrait ralentir l’avance.

La difficulté d’une manœuvre interarmes réside dans sa coordination, qui peut être plus ou moins sophistiquée selon le degré de formation des troupes et les moyens de communication disponibles. Les forces ukrainiennes étaient censées avoir cette connaissance, considérée comme basique dans les armées conventionnelles, mais elles n’avaient pas eu l’occasion de la pratiquer depuis la déssoviétisation. Et il aurait fallu des mois de formation avec des unités complètes pour permettre aux Ukrainiens de se réapproprier un savoir-faire qui était loin d’être totalement maîtrisé.

Sur le terrain, les forces ukrainiennes ont démontré leur capacité à mener une bataille d’infanterie avec de petites unités (généralement jusqu’au niveau d’une compagnie d’environ 50 à 100 personnes) et à tirer de l’artillerie – en particulier dans des tirs de « contre-batterie » – mais pas à combiner à un plus grand. . .Tout cela autour d’une manœuvre de chars avançant sous protection mutuelle, tout en se défendant contre les attaques aériennes russes. Les alliés auraient pu attendre pour amener les forces ukrainiennes à ce niveau, mais l’impatience de ce dernier combinée au complexe de légitimité des alliés : il est difficile de convaincre les soldats quand on ne va pas se battre à leurs côtés, et expliquer ce qu’ils devraient faire quand ils se sont battus plus que nous.

Parce que nous ne nous sommes pas battus à leurs côtés, nous pouvons avoir peur de critiquer

Puis les alliés se sont tus et les forces ukrainiennes se sont senties toutes-puissantes, fières aussi de leur victoire décisive sur les Russes à Kherson quelques mois plus tôt. Ils avaient cependant oublié qu’à Kherson, le général russe Surovikin avait consciemment préféré abandonner le terrain qu’il avait conquis au-delà du fleuve Dnipro pour éviter le risque imminent d’un encerclement catastrophique.

Plutôt que de perdre 30 à 40000 hommes et la plupart de leur équipement, le général russe a préféré se retirer car les forces ukrainiennes infiltraient déjà les positions russes. Ce retrait inattendu a limité les pertes à « quelques » milliers d’hommes, ce qui aurait pu entraîner une débâcle avec des pertes six à sept fois plus importantes.

La victoire de Kherson masquait une fois de plus l’absence de manœuvres d’armement combinées à grande échelle par les forces ukrainiennes, et le défi auquel elles étaient confrontées sept mois plus tard à la digue russe érigée par le même Surovikine de l’autre côté du Dnipro était d’une nature complètement différente. On ne s’attendait plus à ce que les Russes battent en retraite sous une pression limitée et, surtout, à ce qu’il n’y ait pas de surprises quant à l’endroit où les forces ukrainiennes l’exerceraient. Les forces ukrainiennes n’avaient ni la supériorité numérique ni la surprise de percer… deux éléments essentiels dans ce type de combat.

Certes, les alliés ont également insuffisamment équipé les forces ukrainiennes. Nous nous souvenons des débats sans fin sur la livraison des chars de combat, comme si la Russie de Poutine allait bombarder l’Allemagne quand elle a vu les chars Leopard 2 sur le champ de bataille. Pas assez nombreuses, pas assez rapides, ces livraisons n’ont équipé que partiellement un corps offensif ukrainien très motivé.

Cependant, nous devons nous abstenir de tomber dans le piège d’un discours « une arme révolutionnaire » qui n’est souvent rien d’autre que la manifestation de nos propres frustrations : même si nous avions envoyé plus de ceci ou de cela, Dans de telles conditions, cela n’aurait probablement eu aucune incidence sur le résultat de cette offensive.

Quelles sont les solutions à cette impasse?

Alors que certains Américains remettent régulièrement en question le soutien militaire apporté aux Ukrainiens – qui dure depuis près de deux ans maintenant – la guerre en Israël a perturbé le flux de soutien fourni à l’Ukraine. Les États-Unis fournissent en effet, à partir de leur stock limité, les munitions d’artillerie et les bombes guidées utilisées à grande échelle par l’armée israélienne dans son offensive contre la bande de Gaza. Les prochaines élections présidentielles américaines ajoutent une pression supplémentaire sur la livraison actuelle et future de paquets d’aide militaire car en cas de victoire de Trump, ils pourraient certainement s’arrêter.

Le soutien des États-Unis n’est plus aussi certain que par le passé, alors que les pays européens développent trop lentement leur industrie militaire et que leurs livraisons militaires à l’Ukraine ne suffisent toujours pas. En effet, l’initiative du commissaire européen Thierry Breton d’organiser une production coordonnée d’un million d’obus d’artillerie par l’Union européenne a été saluée. Mais il n’a pas vraiment mobilisé les membres de l’UE, toujours enfermés dans un paradigme national et ne consacrant pas suffisamment de ressources militaires pour garantir un soutien à l’Ukraine, comme si la question était plus industrielle que politique.

La tentation de Munich, une négociation pour consacrer notre défaite


Donc, pour mettre fin (temporairement) à cette guerre et sortir la ligne de front de cette impasse, il serait tentant de négocier un accord avec la Russie de Poutine. En reconnaissant certaines de ses conquêtes, totalement illégales et surtout illégitimes, la ligne de front pourrait être figée. C’est un scénario de style coréen, avec un armistice qui dure depuis plus de 70 ans de part et d’autre d’une ligne de démarcation… sans jamais rien régler, et qui a même permis à une dynastie de dictateurs de s’épanouir, aussi effrayants que menaçants.

Concéder la Crimée et une partie, sinon la totalité, du Donbass à la Russie en échange d’un arrêt des combats serait un soulagement pour le monde entier, et même pour certains Ukrainiens, qui souffrent particulièrement de cette guerre intense et meurtrière. La Russie de Poutine sortirait renforcée, et attendrait probablement quelques années avant de reprendre ce qu’elle considère comme des « conquêtes normales » pour réaliser son rêve impérial insensé.

Non seulement la guerre reprendrait peu de temps après, tout comme les troupes nazies s’étaient préparées à la poursuite de leur guerre après la « paix de Munich », qui signalait initialement l’échec de la volonté de résistance des démocraties. Pire encore, une fois que l’Ukraine sera tombée, car c’est l’objectif de la Russie, cette guerre continuera dans le même sens. La Pologne orientale et les pays baltes seront attaqués, et nous nous retrouverons face à une situation que nous ne voulons pas envisager, par peur autant que par lâcheté : la quasi-obligation de combattre aux côtés de nos alliés de l’OTAN.

Si l’OTAN était attaquée, elle déclencherait immédiatement une réponse coordonnée de ses membres, mais avec quels moyens, puisque le Traité de l’Atlantique Nord ne définit pas l’engagement de ses signataires? Face à une armée russe reconstituée et lourdement blindée, les armées des membres de l’OTAN auraient très peu à s’y opposer, et croire que les États-Unis utiliseraient des armes nucléaires pour arrêter une agression de ce genre n’est guère crédible.

En effet, les armes de « dissuasion nucléaire » peuvent empêcher une escalade nucléaire, mais elles ne permettent pas de faire la guerre sans risquer sa propre disparition, d’autant plus que l’agression russe ne concernerait pas les « intérêts vitaux » des États-Unis, ni ceux de France ou de Grande-Bretagne…

Nos sociétés sont-elles pétrifiées devant la perspective de la guerre ?

Dans le cas très probable d’une agression militaire russe contre les États baltes et la Pologne, nous devrions entrer en guerre avec nos alliés par des moyens « conventionnels ». Cependant, les plus hautes autorités de l’armée française et les responsables politiques en charge de notre défense ne veulent pas « en entendre parler ». Ils se sont convaincus que nous n’aurons pas à mener des batailles de haute intensité, et que les efforts financiers (non négligeables) de la France peuvent être consacrés à des investissements d’avenir qui consistent souvent à faire un peu plus de la même chose… tout en omettant ce qui est essentiel dans ces batailles : la puissance et la masse, les armes, les armures et les munitions.

En réalité, la France a depuis longtemps perdu les moyens de mener une guerre « conventionnelle », alors nous nous cachons derrière la dissuasion nucléaire comme si cela pouvait nous exonérer de prendre un engagement « significatif » envers la Pologne ou les États baltes lorsqu’ils sont attaqués à leur tour.

Aujourd’hui, seule l’Europe dispose des ressources financières, technologiques et humaines pour construire un système de défense qui protège notre société, nos sociétés, de ces empires menaçants. Pouvons-nous encore croire que nous n’avons plus d’ennemis, et que la centaine de canons restant dans l’armée française peut constituer plus qu’une partie sous-dimensionnée d’un système de sécurité que nous refusons de concevoir : celui de l’Union européenne, et pas d’une puissance moyenne qui parfois se voit encore comme un empire ?

Même si nous devions concéder une « paix honteuse », il ne nous resterait que quelques années pour préparer nos défenses contre l’inévitable agression de la Russie de Poutine, et nous ne verrions guère de mobilisation de l’Union européenne entre-temps. Au contraire, chaque pays membre, comme la France, croira qu’il n’est pas si concerné, et nous continuerons à nous demander qui construira le char de combat principal du futur au lieu de construire maintenant celui du présent.

Pour inverser la tendance en Ukraine, nous devons nous engager dans la lutte

En lisant ces lignes, vous pourriez avoir des frissons : allons-nous nous battre alors que nous n’avons pas mené de guerre depuis l’Algérie, ce que nous n’appelions même pas une guerre à l’époque ? En effet, la France a été impliquée depuis lors dans 32 guerres – sans jamais le reconnaître – et nous n’avons pas encore perdu notre capacité à mener un engagement militaire qui puisse véritablement défendre, avec courage et ténacité, les valeurs qui nous sont chères. Les Allemands ont parfaitement compris le danger auquel ils sont confrontés, et les Polonais se préparent à cette confrontation en investissant massivement dans leurs forces blindées.

Si nous voulons mettre fin à cette guerre, nous – les hommes et les femmes d’Europe – devons aller combattre aux côtés des Ukrainiens, nous battre avec eux dans une coalition internationale, non pas pour déclencher une guerre mondiale contre une puissance nucléaire, mais en nous engageant dans un « classique » la guerre pour protéger l’intégrité territoriale de l’Ukraine, qui représente en fait l’intégrité du vaste monde dont nous nous soucions.

English translation by Yurri Clavilier

 

Le conflit en Ukraine a touché 87% de l'armée russe d'avant-guerre

315.000 membres des troupes du Kremlin auraient été blessés ou tués depuis fin février 2022.

Le chiffre est ahurissant: d'après le renseignement américain, l'équivalent d'environ 87% des effectifs de l'armée de la Russie d'avant-guerre auraient été touchés, rapporte le journal ukrainien Kyiv Post. Au déclenchement de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en février 2022, Moscou disposait en effet de 360.000 soldats. Depuis, 315.000 membres des troupes russes auraient été tués ou blessés (soit 87,5%).

Un rapport des services de renseignement des États-Unis, récemment déclassifié et partagé par Reuters, souligne à quel point «l'opération spéciale» voulue par le président russe Vladimir Poutine a affecté son pays et sa population.

Pour continuer à déployer assez de troupes en Ukraine et faire face aux lourdes pertes, la Russie a été contrainte d'assouplir les conditions de recrutement de l'armée, notamment en déclarant une «mobilisation partielle» de 300.000 personnes à la fin de l'année 2022. Parmi elles, de nombreux détenus, ainsi que des civils plus âgés, comme l'indique le rapport rendu public

Retour vers le passé

Officiellement, ces chiffres ne sont évidemment pas reconnus par le Kremlin. Les estimations occidentales seraient biaisées et minimiseraient les pertes ukrainiennes.

Le rapport du renseignement américain souligne également le bilan matériel terrible pour la Russie: les pertes en personnel et en véhicules blindés auraient repoussé les efforts de modernisation militaire du pays de dix-huit ans en arrière.

L'armée russe a entamé son invasion de l'Ukraine avec 3.100 chars. Depuis, elle en a perdu au moins 2.200 (ce chiffre est même estimé à plus de 2.500 par le site spécialisé Oryx). Des pertes lourdes qu'elle tente de colmater en dépoussiérant de vieux engins comme les chars T-62 soviétiques conçus dans les années 1960 et 1970 ou en bricolant des blindés hybrides pas toujours très fiables.

Côté ukrainien, on n'est pas beaucoup plus transparent concernant le bilan humain, Kiev considérant que pour donner toutes ses chances à l'effort de guerre, ces chiffres doivent rester un secret d'État. D'après des informations du New York Times, mais datant d'août dernier, basées également sur des sources du renseignement américain, le camp ukrainien aurait enregistré près de 70.000 morts et entre 100.000 et 120.000 blessés.

« Si les Occidentaux n’augmentent pas leur aide, Poutine avancera »

INTERVIEW. Selon Andreï Illarionov, ancien conseiller économique de Poutine, Moscou investit désormais trois fois plus que Kiev dans son effort de guerre.

Alors que la Russie prévoit d'augmenter ses dépenses militaires de 70 % en 2024, le doute grandit dans les capitales occidentales sur la capacité de l'Ukraine de marquer des points décisifs sur le champ de bataille. C'est aussi l'analyse d'Andreï Illarionov, 62 ans, ancien conseiller économique de Vladimir Poutine, jadis son sherpa au sein du G8 et pendant plusieurs années membre du premier cercle du pouvoir. 

lllarionov a démissionné en 2006 en dénonçant l'autoritarisme croissant du régime. Aujourd'hui réfugié à Washington, il publie un rapport auprès du Center for Security Policy dans lequel il souligne l'aide insuffisante des Occidentaux dans l'effort de guerre de l'Ukraine.

Le Point : Que sait-on des fonds débloqués par Washington pour armer l'Ukraine ?

Andreï Illarionov : Ce que l'on voit circuler sur les montants de l'aide militaire américaine n'est pas correct. On est loin des chiffres faramineux régulièrement évoqués. L'aide votée par le Congrès américain en faveur de l'Ukraine au cours des deux dernières années s'élève à 48 milliards de dollars [44 milliards d'euros, NDLR].

Sur cette somme, la Maison-Blanche s'est engagée à hauteur de 44,5 milliards de dollars. Mais il s'agit seulement d'un engagement de l'exécutif. Pour l'instant, ce qui a réellement traversé la frontière polonaise en termes d'armement s'élève à 20,3 milliards de dollars. Le reste repose sur des commandes faites auprès de l'industrie américaine. Autrement dit, le soutien des États-Unis à l'Ukraine depuis le début de l'invasion, le 24 février 2022, s'établit à environ 1 milliard de dollars par mois.

Qu'en est-il de l'aide européenne ?

L'aide européenne est plus difficile à évaluer compte tenu du nombre de pays. Mais, là encore, il y a une différence entre l'engagement et la fourniture réelle. Ainsi, l'engagement des pays européens auxquels se joignent la Corée du Sud et l'Australie se monte à 33 milliards de dollars [30,2 milliards d'euros, NDLR]. Or, sur ce montant, j'estime que la part transférée en Ukraine est également de l'ordre de 20 milliards. Il faut ajouter à cela l'effort du budget ukrainien, de l'ordre de 3 milliards de dollars par mois. Résultat, l'Ukraine consacre 5 milliards de dollars par mois à son effort de guerre. Pas davantage.

Moins que la Russie ?

Évidemment. L'information n'est pas publique, mais il est possible de la connaître. La Russie dépense chaque mois, depuis le début de l'année, 15 milliards de dollars [13,7 milliards d'euros, NDLR]. Et, l'année prochaine, ce montant sera encore plus élevé. On se situe donc dans un rapport de 1 à 3.

Qu'en concluez-vous ?

C'est simple : quand il s'agit de guerres longues, il n'existe pas de cas dans l'histoire militaire où le pays qui dépense moins l'emporte sur le pays qui dépense plus. Il suffit de regarder la Seconde Guerre mondiale. Il a fallu attendre l'année 1943 pour que les dépenses militaires combinées des États-Unis, de leurs alliés et de l'URSS surpassent celles de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon.

À ce moment-là, un point de bascule a eu lieu sur le champ de bataille. Autrement dit, l'Ukraine ne peut pas gagner. Si les Occidentaux n'augmentent pas leur aide, Poutine avancera en Ukraine. Les choses pourraient même se dégrader en moins d'un an.

Une partie du camp occidental semble plaider pour l'ouverture de négociations avec Moscou. Qu'en pensez-vous ?

Même si un accord est conclu, Poutine ne le respectera pas. Il a toujours violé les accords. Il a violé l'accord d'Helsinki de 1975 sur l'intangibilité des frontières, le mémorandum de Budapest de 1994 garantissant l'intégrité territoriale de l'Ukraine, le traité d'amitié avec l'Ukraine de 1997, la charte de l'ONU sur le respect de frontières, les accords de Minsk lors du conflit du Donbass ; il a aussi violé le traité maritime avec l'Ukraine. Posons-nous plutôt la question de savoir s'il a respecté un traité…

En cas d'accord, il utilisera ce temps pour accumuler de nouvelles forces et lancera une offensive un mois, un an ou deux ans plus tard. Ce conflit avec l'Ukraine, il le prépare depuis l'automne 2003. À l'époque, il n'avait pas à l'esprit une guerre à grande échelle. Mais il tenait des réunions avec les organes de sécurité et ne cessait de dire qu'il fallait redéfinir les frontières avec l'Ukraine en récupérant la totalité de la mer Noire et de la mer d'Azov par la force.

A-t-il consolidé son pouvoir depuis le déclenchement de cette guerre ?

Sans aucun doute. Et cela, en raison de la situation économique du pays. Il a engrangé, l'année dernière, 200 milliards de dollars [183 milliards d'euros, NDLR] de revenus pétroliers et gaziers grâce à de nouveaux débouchés et à l'explosion des prix, soit bien plus que l'année précédente. Avec une telle somme, il peut acheter n'importe quel équipement à deux fois ou cinq fois sa valeur.

Les sanctions ne fonctionnent-elles pas ?

En tout cas, elles ont davantage été conçues pour stopper les importations que les exportations russes. Toutes les sanctions dirigées contre d'autres pays, à commencer par l'Iran, ont d'abord consisté à bloquer les exportations.

Qu'en est-il du plafonnement du prix à l'encontre du pétrole russe ?

Comment voulez-vous que cela fonctionne ? Le marché fixe le prix. C'est aussi simple que cela. C'est tout de même la première leçon d'économie que les experts occidentaux nous ont enseignée lorsque nous sommes sortis du système de planification soviétique.

N’oublions pas l’Ukraine
«Les Européens doivent être prêts à prendre la relève des Etats-Unis si ceux-ci venaient, en 2025, à réduire leur aide militaire à l’Ukraine. Or, on en est loin, très loin même»

Un nouvel hiver de guerre et de souffrances s’annonce en Ukraine, loin de nos écrans désormais tournés vers Gaza. Prenons garde de ne pas oublier le combat de cette nation qui a choisi de rejoindre notre destin commun, européen et démocratique. Depuis dix ans et la révolution de Maïdan, elle se bat pour cela et des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sont déjà morts pour repousser l’envahisseur russe.

La victoire de la Russie ne serait pas seulement la défaite de l’Ukraine. Elle serait tout autant la nôtre, celle d’une conception libérale de l’ordre international fondé sur le droit. Comment pourrait-on accepter qu’un Etat membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies dépèce ainsi son voisin au nom d’une vision fantasmatique de son prétendu destin historique ?

Ne le cachons pas, l'échec de l’offensive d'été de l’armée ukrainienne a refroidi beaucoup d’ardeurs parmi ses alliés et suscite des interrogations politiques en Ukraine même. Abandonnée à elle-même, celle-ci ne fera pas le poids face à une Russie militarisée, dont le régime se soucie de la vie de ses soldats comme d’une guigne.

Mardi et mercredi à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l’Alliance atlantique doivent réaffirmer leur soutien sur le long terme à l’Ukraine. C’est une bonne nouvelle, même si les victoires récentes de pro-Russes en Slovaquie et en Hollande sont des signaux négatifs. De même, les tergiversations turques et hongroises sur l’adhésion de la Suède à l’Otan n’ont que trop duré. Elles doivent cesser.

Mais l’essentiel n’est pas là : les Européens doivent, en effet, se préparer à un possible retour de Donald Trump au pouvoir. C’est-à-dire être prêts à prendre la relève des Etats-Unis si ceux-ci venaient, en 2025, à réduire leur aide militaire à l’Ukraine. Or, on en est loin, très loin même.

 
https://www.lopinion.fr/international/noublions-pas-lukraine?utm_campaign=Edition_de_7h30&utm_medium=email&utm_source=newsletter&actId=ebwp0YMB8s3YRjsOmRSMoKFWgZQt9biALyr5FYI13OrzvX4JyQgixkaJzpCEBODB&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=508077
 

Des images satellite récemment publiées montrent les pertes militaires russes importantes subies autour de la ville-forteresse ukrainienne d'Avdiivka, où les troupes de Moscou passent à l'attaque et cherchent à encercler le site stratégique situé dans l'est de l'Ukraine.

Les images publiées par Maxar Technologies et Planet Lab montrent les conséquences de l'assaut russe autour d'Avdiivka, qui se poursuit malgré les pertes importantes subies par les unités d'assaut. Kiev a déclaré dimanche que la Russie avait perdu plus de 6 000 soldats en une semaine de combats autour de la ville, ainsi que plus de 400 véhicules blindés et chars.
Newsweek n'est pas en mesure de vérifier ces chiffres de manière indépendante et a contacté le ministère russe de la Défense pour obtenir des commentaires.

Frontelligence Insight, un important service de renseignement à source ouverte proche de l'Ukraine, a déclaré que les images satellite montraient plus de 109 véhicules russes détruits entre le 10 et le 20 octobre, "ce qui indique qu'en l'espace d'une semaine et demie, la Russie a subi la perte d'une force de l'ordre de la taille d'une brigade". Le décompte réel, ajoute l'agence, est probablement "beaucoup plus élevé".

Frontelligence Insight a indiqué que "l'écrasante majorité des pertes" concernait des véhicules blindés de combat, des chars de combat principaux et des véhicules de transport de différents types.

"Malgré les rapports indiquant que la Russie a utilisé des équipements anciens et dépassés pendant les assauts, notre équipe a identifié une présence significative de véhicules et d'équipements modernes et modernisés déployés dans ces assauts", a déclaré le média.

L'ampleur des pertes, ajoute Frontelligence Insight, dépasse désormais les échecs offensifs de la Russie lors de la bataille des Donets Siverskyi en mai 2022, et autour de Vuhledar entre novembre 2022 et avril 2023.

Le rapport de Frontelligence Insight indique que l'opération d'Avdiivka est hautement prioritaire pour le commandement militaire russe. "Notre équipe a conclu que l'ennemi avait planifié cette opération pendant une longue période, ce qui en fait une décision sporadique peu probable", ajoute le rapport.


"Les schémas observés indiquent clairement que les Russes ont consacré beaucoup de temps et de ressources à l'exécution de cette opération, ce qui implique qu'ils s'attendent à subir des pertes très importantes dans la poursuite de leurs objectifs.


Malgré les preuves de pertes russes importantes, l'offensive de Moscou dans la région se poursuit. L'Institut pour l'étude de la guerre (Institute for the Study of War) a indiqué lundi soir que "les forces russes ont mené des opérations offensives près d'Avdiivka et ont fait des avancées confirmées au nord-est d'Avdiivka".

L'ISW a décrit la poussée d'Avdiivka comme une "opération de fixation" destinée à détourner les ressources ukrainiennes d'autres zones du front. Le groupe de réflexion indépendant basé aux États-Unis a ajouté qu'il était peu probable que les forces russes actuellement présentes dans la région soient en mesure d'encercler et de prendre la ville lourdement fortifiée.

Dimanche, une mise à jour du ministère britannique de la défense sur X, anciennement Twitter, a noté que l'assaut russe sur Avdiivka a "contribué à une augmentation de 90 % des pertes russes", comme l'a enregistré le ministère ukrainien de la défense.


Malgré les pertes considérables subies par la Russie, "la situation est loin d'être stable ou victorieuse", selon Frontelligence Insight.

"Les forces russes continuent d'utiliser massivement des bombes guidées larguées par avion et des frappes d'artillerie, soutenues par le déploiement de LMUR (Light Multipurpose Guided Rocket) lancées à partir d'hélicoptères tels que le Ka-52 et le Mi-28.

"Plusieurs indicateurs suggèrent que les Russes travaillent activement à l'adaptation de leurs tactiques pour maintenir l'opération. Cela est confirmé par le déploiement de ressources supplémentaires provenant d'autres parties de la ligne de front", a ajouté Frontelligence Insight.

Oct 24, 2023

Comment Elon Musk et Starlink ont, pour 400 millions de dollars, "trahi" l'armée ukrainienne

Permis par le système Starlink de SpaceX et Elon Musk, l'accès à internet par satellite est crucial pour les combattants ukrainiens. Selon une enquête de Ronan Farrow, le milliardaire a failli couper l'accès au réseau, pour des raisons financières et politiques.

C'est l'un des grands enseignements du conflit en Ukraine, qui décidément en comporte beaucoup : la guerre du futur et l'efficacité opérationnelle de ses combattants reposeront en grande partie sur un accès fluide et constant à internet, et les satellites peuvent le garantir.

En la matière et ainsi que l'expliquait le Monde fin 2022, Elon Musk et SpaceX ont plusieurs coups d'avance ; première en son genre, leur constellation satellitaire Starlink permet une connectivité en tout point du globe. Le système est, dès les premiers jours de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, rapidement devenue vital pour la première, pour ses populations civiles sous les bombes comme pour ses troupes et leurs omniprésents drones à connecter.

Ce fil ténu a pourtant bien failli se rompre, comme l'avaient déjà expliqué le Financial Times ou korii. à sa suite en octobre 2022, et comme l'explore désormais en détail une enquête très fouillée de Ronan Farrow pour le New Yorker.

Des pertes de connexion en pleine offensive

Dès les premiers mois du conflit généralisé, Starlink a offert à l'Ukraine des centaines de récepteurs satellites, souvent financés par des fonds publics ou des dons privés, ainsi que l'expliquait alors Numerama et contrairement à ce que prétendait le patron de SpaceX.

Une fois l'accès au réseau sur le territoire ukrainien ouvert de bonne grâce par Elon Musk, ces antennes ont constitué une garantie solide que l'accès du pays à l'internet, de ses civils comme de ses militaires, ne pourrait être facilement coupé ou brouillé par la Russie. Une telle organisation présente néanmoins un défaut aussi énorme et évident : sans contrat avec un quelconque État et sous cette forme molle, elle dépend du bon vouloir d'un seul homme, en l'occurrence Musk, dont on connaît l'instabilité des avis et humeurs.

Comme l'explique Ronan Farrow dans sa longue et passionnante enquête pour le New Yorker, Elon Musk a d'abord pris fait et cause, sans réserve, pour l'Ukraine. "Initialement, Musk a montré un soutien sans limite à la cause ukrainienne, répondant par des encouragements quand Mykhaïlo Albertovytch, ministre de la transformation numérique du pays, tweetait des photos de l'équipement sur le terrain", écrit ainsi le journaliste.

Mais les choses ont rapidement tourné à l'aigre. Musk a fait comprendre qu'il ne pourrait fournir indéfiniment du matériel ou un soutien technique à l'Ukraine. Surtout, le milliardaire s'est senti de moins en moins à l'aise avec l'usage militaire qui était fait de sa constellation satellitaire.

Puis des coupures de réseau ont été rapportées du front et des régions de Kherson, Zaporijjia, Kharkiv, Donetsk et Luhansk, à l'automne 2022, par des soldats ukrainiens. En pleine offensive d'automne face à l'armée russe, ils se retrouvaient soudainement plongés dans l'obscurité informationnelle, donc dans un noir des plus dangereux : la panique a été grande.

"Les communications étaient mortes, les unités isolées. Quand on est à l'offensive, et c'est particulièrement vrai pour les officiers, on a besoin d'un flux continu d'information en provenance des bataillons. Les officiers ont dû courir vers le front pour se mettre à portée de radio, se mettant eux-mêmes en danger", explique à Farrow un militaire du nom de Mikola.

Une question de (gros) millions

"Les officiels ukrainiens expliquent que le timing de ces pannes et de leur résolution peut laisser penser que les problèmes ne sont pas dus à de mauvais fonctionnements techniques, ou à un brouillage par les forces russes, mais qu'ils sont le résultat de restrictions géographiques imposées par SpaceX", écrivait quant à lui le Financial Times, qui parlait de "geofencing", une technique consistant à couper l'accès dans certaines zones mais pas dans d'autres.

Musk répondait, lui, que la question était avant tout financière, et qu'il ne pouvait indéfiniment fournir un service gratuit à Kiev. Des mois plus tard, ainsi que l'a rapporté Reuters, il faudra l'intervention du Pentagone et la signature d'un contrat à 400 millions de dollars pour s'assurer qu'Elon Musk ne couperait pas l'accès de l'Ukraine sur un coup de tête solitaire.

Plans de paix, rencontre avec Vladimir Poutine et peur de la Chine

La question financière était-elle la seule à faire vaciller le plein soutien initial de Musk à l'Ukraine ? Sans doute pas. Il s'en est publiquement vanté avant de rétracter ses rodomontades, mais il semble que le milliardaire d'origine sud-africaine ait pu s'entretenir directement avec Vladimir Poutine, à qui il a pourtant proposé un combat singulier.

Un peu après cette supposée discussion, le multi-patron proposait publiquement un "plan de paix" très proche de ce que pourrait être la ligne du Kremlin ou de Donald Trump : que l'Ukraine accepte officiellement d'abandonner les territoires déjà conquis par son envahissant voisin, notamment la Crimée, et les deux pays pourront commencer à discuter.

Bref, les coupures intermittentes des services de Starlink dans les zones où l'Ukraine était à l'offensive ont semblé correspondre assez précisément à ce curieux nouvel alignement de Musk avec une certaine ligne plus favorable à la vision russe, et à celle de Vladimir Poutine.

Mais Farrow pousse la réflexion –et l'enquête– un peu plus loin. Selon lui, c'est aussi en pensant à sa relation de grande dépendance avec la Chine que Musk a ainsi commencé à changer d'avis. Beijing prépare sa propre constellation de 13 000 satellites en basse orbite, comme l'a rapporté notamment le Washington Post. Mais si elle le fait, comme l'explique The Economist, c'est que l'empire du Milieu a rapidement compris quel risque militaire (voire civil) l'existence d'un réseau universel et privé comme Starlink, détenu par une firme américaine, pouvait présenter.

Or, Elon Musk est hautement dépendant de la Chine : c'est pour Tesla un marché colossal, et les gigantesques installations de la marque à Shanghai produisent la moitié des véhicules qu'elle vend dans le monde. Et la Chine, alliée discrète de la Russie, a fait comprendre à Musk qu'elle voyait son soutien à l'Ukraine d'un très mauvais œil, en ayant sans doute en tête ce qui pourrait se passer à Taïwan si une invasion venait à être décidée.

Ce n'est donc pas un hasard si le patron de SpaceX et Tesla a, comme il l'avait fait pour l'Ukraine et ainsi que l'a rapporté le Monde, également proposé sa propre vision d'un "plan de paix" entre les deux Chine : pour Musk, il est là aussi à la fois question de politique, et d'opinions changeantes, comme de gros, de très gros sous.

https://www.geo.fr/geopolitique/comment-elon-musk-et-starlink-ont-pour-400-millions-de-dollars-trahi-larmee-ukrainienne-216259

« L’hostilité à l’égard de la Russie durera des décennies »

Un an après le début de la guerre, le diplomate américain Steven Pifer, spécialiste de la région, prévoit une guerre longue « jusqu’à épuisement mutuel ».

Steven Pifer, ancien ambassadeur des États-Unis à Kiev et diplomate à Varsovie, Moscou et Londres, a travaillé au sein du département d'État sur les relations américaines avec les pays de l'ex-Union soviétique et de l'Europe, le contrôle des armements et les questions de sécurité.

À la Brookings Institution, un think tank basé à Washington, il est spécialiste des armes nucléaires, de l'Ukraine et de la Russie. Un an après l'invasion russe en Ukraine, il analyse la situation actuelle et les évolutions probables.

Le Point : Un an après le début de la guerre en Ukraine, Joe Biden a effectué une visite historique à Kiev. À quoi a-t-elle servi ?

Steven Pifer : C'était surtout symbolique, mais c'était très important. Cela a beaucoup remonté le moral des Ukrainiens qui voient les États-Unis comme leur plus grand soutien, en particulier sur le plan militaire. C'était aussi un message à Moscou, qui a bien compris que Biden était décidé à maintenir l'aide à l'Ukraine.

De la réponse de Vladimir Poutine, on a surtout retenu le retrait annoncé du traité New Start, qui limite les arsenaux nucléaires des deux pays. Est-ce si inquiétant qu'on le dit ?

Son discours était par ailleurs plutôt plat. Mais il a commis une erreur. En refusant les inspections, les Russes suppriment les mécanismes dont disposent les États-Unis pour confirmer qu'ils se conforment au traité. Est-ce le moment de faire ça ?

Les États-Unis chargent pour l'instant les missiles balistiques intercontinentaux américains de moins d'ogives [la partie antérieure contenant la charge destructive, NDLR] que leur capacité. Par exemple, le Trident peut être armé de huit ogives nucléaires mais en en transporte quatre ou cinq pour respecter le traité.

Or, il y a beaucoup d'ogives en stock. La Fédération des scientifiques américains estime que les États-Unis pourraient en ajouter jusqu'à 1 400 aux missiles balistiques. Par ailleurs, les États-Unis commencent à produire la classe Columbia de sous-marins nucléaires ainsi que de nouveaux missiles balistiques intercontinentaux ou encore le bombardier B-21…

Est-ce une bonne idée de se mettre à dos un adversaire qui peut charger beaucoup plus d'armes et modernise ses chaînes de production ?

Les armes nucléaires constituent une menace persistante depuis un an. Est-il rationnel de s'inquiéter que Poutine les utilise ?

Lorsqu'une puissance nucléaire comme la Russie profère des menaces, on ne peut l'ignorer. Mais je crois qu'elles ont atteint leur paroxysme en septembre, quand Poutine a annoncé l'annexion de quatre territoires ukrainiens. Les Ukrainiens ont ignoré la menace nucléaire qui l'accompagnait.

Pour eux, cette guerre est si existentielle que je ne suis pas sûr que la peur des armes nucléaires change leurs calculs. L'Occident a bien réagi, en disant que les conséquences seraient graves. Je pense aussi que les Chinois et les Indiens ne sont pas favorables aux menaces nucléaires.

Les Russes se sont rendu compte qu'elles avaient peu d'effets et se révélaient contre-productives auprès des pays du Sud qui sont importants pour eux. Ils ont donc désamorcé la rhétorique.

Fin octobre, au club de discussion Valdaï, à Moscou, Poutine a déclaré que la Russie n'avait pas proféré de menaces nucléaires, que c'était un mensonge de l'Occident pour ternir son image. Une semaine plus tard, le ministère russe des Affaires étrangères a publié une déclaration sur la prévention de la guerre nucléaire, dans le même esprit.

Les ministres des Affaires étrangères russe et chinois se sont ensuite rencontrés et le ministre chinois a déclaré que Sergueï Lavrov était conscient que les menaces nucléaires étaient inacceptables. Et Lavrov a adopté ce langage au sommet du G20 à Bali. Je pense que les Russes ont essayé, puis reculé.

Les récentes humiliations infligées à la Russie, diplomatiques et militaires, peuvent-elles changer cela ?

Utiliser des armes nucléaires ferait de Poutine un paria international. Comment des pays du Sud réagiraient-ils face à un grand pays qui attaque un petit pays voisin avec des armes classiques, puis, lorsqu'il ne parvient pas à ses fins, passe à l'arme nucléaire ?

Je ne suis pas dans la tête de Poutine, mais il y a sûrement des gens qui lui disent que le prix politique serait énorme. Et qu'il n'est pas sûr que cela change quoi que ce soit sur le champ de bataille.

Quant à l'Occident, s'il cède et réduit son aide à l'Ukraine, il fera face à une menace nucléaire à chaque conflit majeur avec la Russie.

Certains pays non alignés refusent de se ranger du côté des États-Unis. Lula da Silva, président du Brésil, en visite à Washington, a dit à Joe Biden qu'il ne voulait pas aider l'Ukraine. Qu'en pensez-vous ?

Les pays du Sud voient cette guerre comme un conflit entre pays du Nord, qui ne les affecte pas directement. Certains y ont aussi vu un moyen d'obtenir du pétrole moins cher. Ce sera un défi pour l'Occident de leur faire comprendre que leurs intérêts sont en jeu.

C'est un effort diplomatique à long terme. Lavrov passe beaucoup de temps dans ces pays, puisqu'il est persona non grata en Occident, qui n'a pas encore lancé de contre-offensive diplomatique.

Que penser de l'intention de la Chine de s'impliquer davantage, au moment où la relation avec les États-Unis est au plus bas ?

Il est frappant que le secrétaire Antony Blinken ait mis la Chine en garde si elle fournissait de l'aide létale à la Russie. Mais les Chinois sont prudents. En 2014, après l'invasion de la Crimée et la guerre du Donbass, la première vague de sanctions a coupé les institutions russes des banques occidentales et les Russes se sont tournés vers la Chine. Mais les Chinois n'ont pas repris une grande partie de cette activité.

Même si le gouvernement chinois souhaite aider les Russes, il ne veut pas se heurter aux États-Unis et à l'Europe, avec lesquels il a de réels intérêts économiques en jeu. Il tente donc d'aider les Russes sans franchir la limite. Par ailleurs, ce que font les Russes contredit les principes de la politique étrangère de la Chine, qui tient à l'intégrité territoriale, à la souveraineté et s'oppose à l'usage de la force.

Qu'attendre de l'offensive militaire de printemps, notamment en Moldavie ?

L'armée russe ne peut rien faire à moins de prendre tout le sud de l'Ukraine et d'établir un passage avec la Transnistrie en Moldavie. Or ils ont été repoussés de la rive ouest du fleuve. Les troupes semblent mal équipées, mal entraînées.

Je pense que l'une des raisons pour lesquelles les Ukrainiens restent à Bakhmout, qui a peu d'importance stratégique, est qu'ils pensent pouvoir infliger des pertes aux Russes, qui y tiennent.

Les Ukrainiens peuvent ainsi économiser leurs forces pour une offensive au printemps, lorsque les conditions seront meilleures et qu'ils pourront intégrer des systèmes comme les chars Leopard, les véhicules de combat Bradley, etc.

Mais je ne suis pas sûr qu'ils puissent libérer davantage de terrain. L'objectif pourrait être de les aider à progresser au point que Moscou envisagerait sérieusement une négociation, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Ils pourraient négocier un accord qui, sans atteindre tous leurs objectifs, serait acceptable.

À quoi pourrait ressembler une victoire ukrainienne, de manière réaliste ?

Il est probable que ce soit une guerre interminable, qui mènerait à une négociation quand les deux parties seront épuisées. Pour l'instant, je ne pense pas que l'Occident devrait demander aux Ukrainiens de négocier tant que rien n'indique que Moscou est prêt à le faire sérieusement.

Perdre sur le terrain et annoncer l'annexion de quatre territoires, ce n'est pas sérieux. La question, si à un moment les Russes veulent négocier, est de savoir si Zelensky est prêt à des compromis. Pour l'instant, les Ukrainiens veulent une libération complète, des réparations et des procès pour crimes de guerre.

Et je ne pense pas que Zelensky accepte de compromis, en partie parce que la population ukrainienne s'est vraiment durcie face à la Russie ces dix derniers mois.

Au lieu d'attendre l'épuisement mutuel, si l'Occident fournissait des armes à l'Ukraine maintenant, celle-ci aurait plus de chance de lancer des offensives victorieuses et de pousser Moscou à négocier.

Aux États-Unis, le soutien à l'aide à l'Ukraine diminue. Ron DeSantis, gouverneur de Floride pressenti pour être candidat en 2024, a traité l'armée russe de puissance militaire de troisième rang, Marjorie Taylor Greene, élue de Géorgie, parle d'une sécession des États américains défavorables à la guerre… Le soutien à l'Ukraine peut-il survivre à la campagne présidentielle ?

Biden doit s'impliquer, de même que les républicains modérés du Sénat. Le Congrès doit mieux expliquer les enjeux. Le soutien à l'Ukraine, selon mon expérience depuis le début des années 1990, a généralement été bipartisan. Mais depuis sept ou huit mois, en effet, l'aile Maga [Make America Great Again, le slogan de Trump, NDLR] du Parti républicain m'inquiète, en remettant cela en question.

Le président devra s'exprimer plus publiquement sur les enjeux, de même que les acteurs les plus traditionnels, en politique étrangère, du Parti républicain, comme Mitch McConnell [président de la minorité républicaine au Sénat, NDLR], qui les comprennent.

Le FMI prévoit une croissance plus rapide pour l'économie russe que pour l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Biden a annoncé de nouvelles sanctions. Mais fonctionnent-elles ?

Elles n'ont pas été aussi efficaces que nous le pensions, mais elles ont eu un impact. Poutine a déclaré que l'économie russe s'était contractée de 2,1 % en 2022, où l'on attendait une reprise de la croissance post-Covid. Et la réalité est probablement de 3 à 4 %. Les prévisions pour 2023 vont de « stagnantes » à une baisse de 5,5 %.

Selon une statistique officielle russe, les recettes du gouvernement, en janvier, pour le pétrole et le gaz, ont diminué de 46 % par rapport à l'an dernier. Et l'Europe semble se débrouiller sans le gaz russe, ce qui va avoir un impact important sur l'économie russe. Les Russes n'ont pas les gazoducs pour acheminer du gaz vers l'Asie ni la capacité de produire assez de GNL.

Vous êtes-vous trouvé face à Vladimir Poutine ?

J'ai assisté à des réunions avec lui pendant le premier gouvernement de George W. Bush. Il semblait capable de calculer les coûts et bénéfices d'une situation, rationnellement. Au cours des quinze dernières années, il a fait de l'Ukraine un enjeu personnel, il est devenu plus irascible, sa confiance en lui s'est muée en arrogance. Ce mélange d'arrogance, de colère et d'émotion nuit à son jugement.

Cette guerre est une tragédie pour l'Ukraine, mais c'est aussi un désastre pour la Russie : 200 000 soldats tués ou blessés, 50 à 60 % de leurs principaux chars de combat modernes détruits, une économie qui va, au mieux, stagner dans les années à venir…

Poutine a aussi réalisé un exploit que personne n'aurait prédit : l'adhésion prochaine de la Finlande et de la Suède à l'Otan, une énorme défaite géopolitique pour la Russie. Par ailleurs, avant, en Ukraine, on trouvait des Ukrainiens très antirusses, mais ils étaient rares. La plupart aimaient bien la Russie, où ils avaient des parents et amis. Ou ils étaient indifférents.

Cela a changé. Comme me l'a dit un Ukrainien, Poutine a créé une identité nationale imprégnée du sentiment antirusse. Cette hostilité à l'égard de la Russie durera des décennies.

On entend parfois qu'il serait malade ou affaibli politiquement, qu'en pensez-vous ?

Il y a eu beaucoup de spéculations sur sa santé, mais personne n'a vu son dossier médical ! Le directeur de la CIA, Bill Burns, a dit l'été dernier que Poutine lui semblait « en trop bonne santé ».

Politiquement, il a réussi à se maintenir. Mais je me demande combien de temps, avec des sanctions économiques de plus en plus lourdes et alors que leurs maris, fils, cousins et oncles rentrent dans des sacs mortuaires, les Russes vont soutenir cette guerre qui s'éternise.

Propos recueillis par , correspondante aux États-Unis

le pire est-il à venir ?

Notre spécialiste des questions militaires présente huit scénarios possibles pour l’an II du conflit, de la victoire de la Russie à la guerre mondiale.

La guerre n'a jamais été une science exacte. Un an après le début de celle qu'a engagée la Russie contre l'Ukraine, huit ans après le soutien militaire apporté aux séparatistes du Donbass et la conquête de la Crimée réussie pratiquement sans aucun combat ni aucune réaction internationale autre que symbolique, les positions évoluent peu. Quelle sera la suite du conflit, qui entre le 24 février dans sa deuxième année ? Certains éléments plaident pour une accentuation de l'offensive russe, d'autres laissent entendre que les Ukrainiens pourraient à leur tour tenter une reconquête des territoires perdus… Leurs alliés avancent prudemment et communiquent sur un appui qui devra changer de dimension pour faire basculer le sort des armes, au risque de voir les opinions publiques occidentales se lasser. Vladimir Poutine n'a pas renoncé à soumettre l'ensemble du territoire de son adversaire. Fort de l'héroïsme de son peuple et du courage de son armée, Volodymyr Zelensky incarne la résistance à l'oppression, mais les 40 millions d'Ukrainiens pourront-ils tenir face à 140 millions de Russes privés de libertés et chauffés à blanc par leur tyran ?

 

SCÉNARIO 1 La victoire russe (atteinte des buts de guerre de Poutine)

Pour Vladimir Poutine, tenir la Russie d'une main de fer n'est pas une option. La réussite de son plan de conquête en dépend, et tout particulièrement sa capacité à mobiliser des centaines de milliers d'hommes. La pire hypothèse pour les Ukrainiens en particulier et les Européens en général, en sus de la quarantaine de pays, États-Unis en tête, qui apportent une aide à Kiev, serait que le scénario écrit par Poutine aille jusqu'à son point final. Il n'a pas précisé publiquement les objectifs de cette guerre, qu'il a décidée seul. Mais, au fil de ses discours, il a tout de même défini son objectif. En lançant la guerre, le 24 février 2022, il a déclaré : « J'ai pris la décision d'une opération militaire spéciale de démilitarisation et de dénazification de l'Ukraine pour que, libérés de cette oppression, les Ukrainiens puissent librement choisir leur avenir. » Il précisait, le 30 septembre 2022 : « Nous ferons tout pour garantir la sécurité de nos peuples » et obtenir la victoire de « la grande Russie historique », ajoutant : « La nation ukrainienne n'existe pas. »

Un an après le début de sa tentative de mise en œuvre, le scénario qu'il avait écrit seul ne s'est pas réalisé. Mal entraînée, mal équipée, mal commandée, tactiquement défaillante, l'armée russe a jusqu'à présent échoué à soumettre Kiev. Y parviendra-t-elle finalement ? Les difficultés qu'elle rencontre dans l'offensive meurtrière engagée pour pousser son avantage à l'ouest du Donbass montrent que le prix à payer est très élevé. Pour vaincre, la Russie possède des atouts : son énorme profondeur stratégique, sa colossale base industrielle toujours davantage mise à contribution, son mépris pour la vie de ses propres soldats envoyés au carnage, son recours éhonté aux frappes contre les infrastructures civiles (qui relèvent des crimes de guerre), sa possession d'armes à très longue portée susceptibles de frapper l'ensemble du territoire adverse. Tout cela peut-il l'aider à réussir une offensive massive malgré les faiblesses structurelles manifestées aux yeux de tous depuis un an ? Les innombrables experts disséquant l'avenir de cette guerre échafaudent des hypothèses contradictoires, pronostiquant une attaque via la Biélorussie, de nouveaux assauts vers le sud du pays, etc. La vérité est que personne n'en sait rien, puisque personne ne se trouve dans la tête de Poutine.

Scénario 2 La victoire ukrainienne (reconquête de tout le territoire, y compris de la Crimée)

L'Ukraine n'affiche qu'un seul objectif : la reconquête de l'ensemble du territoire occupé par la Russie, soit quelque 16,4 % du territoire national à ce jour, y compris la Crimée conquise en 2014. Au plus fort de la guerre de conquête il y a un an, pratiquement le quart (24,4 %) du territoire ukrainien se trouvait sous la férule russe. En août 2022, Volodymyr Zelensky déclarait de la façon la plus nette : « La guerre en Ukraine a commencé avec la Crimée et doit se terminer avec sa libération. » Son état-major est sur la même position : « Notre objectif est de libérer l'ensemble du territoire. Les soldats n'accepteront aucune négociation, aucune solution de compromis. » Le sabotage en octobre 2022 du pont de Kertch, qui relie la Crimée à la Russie, semble prouver que Kiev n'a pas renoncé à la péninsule.

Ce scénario est-il réaliste ? En d'autres termes : les forces ukrainiennes sont-elles en mesure, avec leurs seuls moyens nationaux, de reprendre le territoire perdu ? Dans l'état actuel du rapport de forces, cet espoir apparaît peu réaliste. Le chef d'état-major des armées américaines, le général Mark Milley, l'a exprimé de façon à ne pas heurter Kiev : à ses yeux, il est possible « pour les Ukrainiens de mener une offensive significative afin de libérer le plus possible de territoires. Cela dépendra des livraisons d'équipements, et des entraînements. […] Mais cela sera très, très difficile ». Bouter les Russes hors d'Ukraine exigerait d'autres moyens que ceux qu'octroient l'Otan et les autres alliés. Et surtout, une volonté politique que ces derniers ne manifestent pas.

Que l'Ukraine affiche cette ambition et contraigne Moscou à engager des moyens humains et matériels lourds pour défendre la Crimée, c'est une chose. Mais, sur ce point, on ne doit pas attendre de Joe Biden un engagement autre que verbal, à l'image de ce qu'il déclarait le 26 février 2021, quelques jours après son entrée à la Maison-Blanche : « La Crimée, c'est l'Ukraine. Les États-Unis ne reconnaissent pas et ne reconnaîtront jamais son annexion. » Cette position demeure inchangée, et Washington ne voit pas d'inconvénient à ce que Kiev agite le chiffon rouge. Mais que se passerait-il si les Ukrainiens tentaient vraiment de reprendre la péninsule de 27 000 kilomètres carrés ? Pour un officier général français de premier plan, dont les propos n'engagent certes que lui, « la Crimée est la vraie ligne rouge de Poutine, à mes yeux la seule option qui le conduirait en cas de danger à utiliser l'arme nucléaire tactique ». Mais ce scénario demeure la principale motivation des Ukrainiens en même temps qu'une obsession légitime. Qui oserait les en blâmer ?

Scénario 3 Le blocage sur une ligne de front 

Dans les jours qui avaient suivi le début de la guerre, le géographe et diplomate français Michel Foucher expliquait : « Les Russes n'ont rien à faire de la partie de l'Ukraine située à l'ouest de Dniepr. Ce qui les intéresse vivement, en revanche, ce sont les villes industrielles et le littoral de la mer Noire [Le Point, 3 mars 2022]. » Le 20 janvier 2023, à l'issue d'une conférence des alliés de l'Otan sur la base de Ramstein (Allemagne), le général américain Milley n'a pas caché son scepticisme : « D'un point de vue militaire, je maintiens qu'il sera très difficile d'expulser les forces russes de toutes les zones d'Ukraine occupées. » Le général pourrait bien avoir en tête l'idée du statu quo. Dans ce scénario, la guerre se figerait après une négociation et la conclusion d'un armistice. Mais les positions de l'agresseur et de sa victime sont tranchées et ne laissent pas paraître la moindre volonté de transaction. Pour Moscou, l'acquisition illégale de la partie orientale de l'Ukraine et de la Crimée n'est pas négociable. Et, pour l'Ukraine, leur récupération ne l'est pas non plus. Dans cette hypothèse de « non-accord », les belligérants pourraient se retrouver ad vitam aeternam dans une relation à la coréenne, sans traité de paix mais sans guerre non plus. Jusqu'à la prochaine explosion.

Scénario 4 L'Europe lâche prise 

Les déclarations, tout comme les actes concrets, l'attestent : les dirigeants européens, y compris les Britanniques, sont très engagés en faveur de l'Ukraine, conscients que c'est aussi la sécurité du continent et la crédibilité de l'Otan qui sont en jeu. Néanmoins, dans toutes les démocraties européennes, des voix se font entendre pour mettre en avant les coûts et les autres inconvénients de la guerre. Le soutien militaire n'est pas gratuit ; le conflit a eu des effets sur les prix de l'énergie et sur l'inflation ; l'agitation de l'arme nucléaire par Vladimir Poutine attise les peurs. Pour l'instant, au sein de l'Union européenne, seule la Hongrie s'est plus ou moins alignée sur Moscou, tandis que les autres républiques d'Europe centrale, autrefois vassales du Kremlin, comptent parmi les plus précieux soutiens de l'Ukraine. Mais un retournement des opinions publiques n'est pas un scénario invraisemblable, et les dirigeants des démocraties en sont conscients. Les Ukrainiens aussi !

Scénario 5 Les États-Unis lâchent prise 

Le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, avait appelé durant la campagne des élections de mi-mandat en 2022 à une réduction de l'aide américaine à l'Ukraine, réclamant qu'elle soit davantage supervisée par le Congrès. « Nous sommes en récession, et les gens ne sont pas prêts à signer un chèque en blanc à l'Ukraine », avait-il dit. Aujourd'hui, les proches de Donald Trump entrent dans la danse. Le sénateur de l'Ohio J.D. Vance, le plus actif d'entre eux, déclarait avant même que la guerre ne commence : « Je ne m'intéresse pas vraiment à ce qui arrive à l'Ukraine, d'une façon ou d'une autre. » Ajoutant depuis que l'envoi de chars lourds M1 Abrams à Kiev par Washington, « au bout du compte, ne sert pas l'intérêt de notre sécurité nationale ». Ce trumpiste engagé sur la ligne Maga (« Make America Great Again ») appelle de ses vœux un retour aux affaire de l'ex-président. Avec 35 autres parlementaires, il réclame aujourd'hui que l'aide accordée à Kiev soit rendue publique dans tous ses détails. Ces prises de position sont à lire dans la perspective de la désignation du candidat républicain à la présidentielle de l'an prochain. Dans la perspective d'une guerre longue en Ukraine, elles confirment une érosion du soutien à la politique d'aide mise en œuvre par Joe Biden. En décembre 2022, le cercle de réflexion Chicago Council on Global Affairs notait que 48 % des sondés approuvaient la poursuite de l'aide à l'Ukraine tant que cela serait nécessaire, soit un recul de 10 points en six mois. L'opinion américaine demeure travaillée par l'un des partisans déclarés de Vladimir Poutine aux États-Unis, l'animateur de la chaîne Fox News Tucker Carlson. Celui-ci estimait voilà un an, alors que les colonnes de chars russes filaient vers Kiev : « On ne le dira jamais assez, l'Ukraine n'est pas une démocratie… Pour s'en tenir aux normes américaines, l'Ukraine est une tyrannie. » À ce stade, l'appui américain, essentiel, demeure solide. Mais que se passera-t-il après les élections de l'an prochain ?

Scénario 6 L'aide occidentale s'intensifie 

Depuis le début de la guerre, les « Occidentaux », autrement dit les États-Unis, les Européens, membres de l'Otan ou pas, et des pays alliés d'autres continents (Australie, Japon, etc.) livrent à l'Ukraine des armements létaux (blindés, munitions) lui permettant de se défendre. Beaucoup plus discrètement, voire secrètement, ils fournissent des moyens non létaux : renseignement, imagerie satellitaire, outils de communication (accès au réseau Starlink, par exemple), moyens d'attaque et de défense cyber. Le fait est que, si l'ensemble de ces moyens a contribué à bloquer puis à repousser l'avancée russe, il ne s'est pas montré, à ce jour, susceptible de permettre aux Ukrainiens de repousser l'ennemi russe hors des frontières reconnues. À cor et à cri, Volodymyr Zelensky réclame davantage d'armements lourds, au-delà des vieux fonds de hangar promis par les alliés en matière de chars ou d'avions de combat. Pour l'instant, il ne peut espérer rien de plus, ses alliés craignant qu'ils ne lui permettent d'atteindre son ennemi sur le sol russe. Le scénario d'un soutien occidental assez massif pour donner à l'Ukraine les capacités de retrouver sa totale souveraineté n'est pas à l'ordre du jour. Faire basculer le sort des armes en faveur des Ukrainiens exigerait que les pays alliés dépêchent massivement sur leur sol des troupes, des armes terrestres et aériennes et leur lourd accompagnement, et utilisent les missiles conventionnels de leurs marines. C'est, dans un avenir prévisible, inenvisageable.

Scénario 7 La Russie déstabilise l'Occident 

Agissant au vu et au su du monde comme un État terroriste, au sens propre du terme, frappant sans discernement des populations civiles ukrainiennes non impliquées dans le conflit, multipliant les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, tous documentés, la Russie pourrait être tentée de déstabiliser ses adversaires occidentaux. Il lui suffirait de reprendre les pires méthodes du temps de la guerre froide, quand elle manipulait à distance des groupes terroristes via ses services secrets ou des dictatures moyen-orientales inféodées. Aujourd'hui, Moscou pourrait s'appuyer sur l'Iran (qui lui livre déjà massivement des drones militaires), mais aussi sur des groupes comme le Hezbollah ou les milices du groupe Wagner présentes dans plusieurs pays africains et en Syrie. Poutine a fait des assassinats politiques, dans son pays ou ailleurs, l'une de ses méthodes de gouvernement. Il a les moyens d'organiser une guerre secrète contre les démocraties européennes.

Scénario 8 Le conflit embrase la planète 

 
 
 

N'agitons pas le scénario du pire, celui de la troisième guerre mondiale. Mais c'est celui auquel pense de manière explicite le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, quand il déclare le 6 février 2023 : « Les perspectives de paix ne cessent de se réduire. Les risques d'une escalade et d'un carnage supplémentaires ne cessent d'augmenter. […] Je crains que le monde ne soit pas en train d'avancer en dormant comme un somnambule vers une guerre plus large mais qu'il le fasse en fait les yeux grands ouverts. » Sans y croire vraiment, tout le monde cauchemarde et certains s'y préparent, par exemple quand l'Otan dépêche des troupes en soutien aux pays Baltes ou à la Roumanie. Car c'est précisément dans ces pays proches de la Russie et de l'Ukraine que le conflit risque de dégénérer.

, Alice Dubernet

Tchernobyl : la folle histoire des soldats russes contaminés

Impréparation ? Mépris des troupes ? Pour occuper la centrale nucléaire, des militaires russes ont traversé la « forêt rouge », un lieu hautement radioactif…

L'histoire est folle et révélatrice de la manière dont les dirigeants russes considèrent leurs propres militaires. Il existe une forêt en bordure du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, prise par les Russes quelques heures après l'invasion du 24 février. Ce lieu boisé, qui abrite un véritable écosystème, porte un nom : la « forêt rouge ». Après l'explosion du réacteur numéro 4 le 26 avril 1986, la forêt de pins a pris une teinte rouge en raison des retombées radioactives qui ont tué la chlorophylle. Depuis, elle se trouve dans la zone d'exclusion, interdite au public dans un rayon de 30 kilomètres autour de la centrale. Elle est même un des endroits les plus contaminés du périmètre. Ces derniers jours, l'armée russe a quitté le site, permettant aux ouvriers, jusqu'ici retenus, de retrouver leurs familles. L'agence Reuters a pu interviewer deux de ces employés de la centrale, dont le témoignage est éminemment instructif.

D'abord, les deux hommes ont été sidérés de voir les chars russes rouler à vive allure dans la zone d'exclusion, soulevant à leur passage de la poussière radioactive. « Le convoi a soulevé une grosse colonne de poussière. De nombreux capteurs de radioprotection ont montré des niveaux élevés », a expliqué un des deux témoins. Leur étonnement fut encore plus grand en constatant qu'aucun des militaires russes venus pour prendre la centrale nucléaire n'était équipé de tenue de protection. « C'est suicidaire », selon un des deux ouvriers, car la poussière inhalée est susceptible de provoquer des radiations internes. Energoatom, l'agence nucléaire ukrainienne, a mesuré une augmentation des niveaux de radiations à Tchernobyl, sept fois supérieure à la normale, en raison de la perturbation des sols. En outre, des tranchées auraient été constatées dans la zone d'exclusion après le départ des blindés russes. « La Russie a fait preuve d'irresponsabilité sur tous les plans, que ce soit le refus de laisser le personnel de la centrale remplir ses fonctions ou le creusement de tranchées dans la zone contaminée », a affirmé le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba. « Sans surprise, les occupants ont reçu des doses importantes de radiations. Ils ont paniqué au premier signe de maladies [diarrhées, vomissements… : NDLR]. Et c'est apparu très soudainement », déclare l'agence dans un communiqué, qui indique que du matériel hautement contaminé a été enterré à la hâte non loin de la centrale. Beaucoup de soldats russes auraient été accueillis à l'hôpital de Gomel, un centre de radiothérapie en Biélorussie.

Une semaine après l'occupation de la centrale, des spécialistes de l'armée russe formés à la gestion des radiations sont arrivés sur le site. Un peu tard au regard des risques encourus. Après avoir vu les soldats russes traverser la « forêt rouge », un des ouvriers les a mis en garde sur les risques pour leur vie. Les soldats en question, certains très jeunes, n'avaient jamais entendu parler de l'explosion d'un réacteur nucléaire… « Quand on leur a demandé s'ils étaient au courant de la catastrophe de 1986, l'explosion du quatrième bloc, ils n'en avaient aucune idée. »

 

Par

 
 
 
"le pays peut être matraqué, en partie détruit, mais les Russes ne gagneront pas", estime un expert en stratégie militaire

D'après Pierre Servent, Vladimir Poutine n'aura pas assez de soldats pour organiser l'occupation totale du territoire ukrainien et ses 44 millions d'habitants. Mais "le rouleau compresseur russe va continuer à se dérouler, à écraser les villes qui résistent".

L'évacuation des civils se poursuit, mardi 8 mars, dans plusieurs villes ukrainiennes pour échapper aux bombardements de l'armée russe, après l'annonce d'une série de cessez-le-feu par Moscou. Deux semaines après le début de la guerre, la capitale Kiev, Karkhiv (nord-est), la deuxième ville du pays et Marioupol (sud), résistent encore. Mais jusqu'à quand ? "L'Ukraine a prouvé une capacité de résistance assez extraordinaire", juge Pierre Servent, spécialiste des questions de défense, auteur de Cinquante nuances de guerre aux éditions Robert Laffont.  Il y a eu un certain nombre de défaillances dans le mode opératoire mais le rouleau compresseur russe va continuer à se dérouler, à écraser les villes qui résistent. Kharkiv, Irpin, Marioupol, etc."

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franceinfo : Les États-Unis ont-ils raison de dire que les russes ont déjà mobilisé la quasi-totalité de leurs troupes massées à la frontière dans la guerre en Ukraine ?

Pierre Servent : Selon mes informations, oui, c'est à dire en gros, les 190 000 hommes qui étaient positionnés en Biélorussie et en Russie sont engagés dans la bataille. Les derniers qui n'avaient pas été engagés se trouvaient en Biélorussie. Il s'agit des unités composées d'appelés du contingent, donc de soldats qui font leur service militaire et qui ont été engagés tardivement parce que le commandement militaire, considérait, à juste titre, que c'était des unités qui n'étaient pas suffisamment combatives pour se retrouver en face de civils qui pourraient s'opposer en combattant. L'ensemble des forces est engagé, mais on a noté des faiblesses du dispositif, à savoir notamment sur tout ce qui est approvisionnement et logistique. On note aussi une coordination assez faible entre l'aviation et les troupes au sol. Cela explique en partie pourquoi le rouleau compresseur russe marque un peu le pas.

Il n'y a pas de ruse dans la façon d'avancer des Russes aujourd'hui ? 

Non, il n'y a pas de ruse. Pour tous ceux qui ont analysé les guerres en Tchétchénie, en Géorgie, mais surtout en Syrie, les Russes reviennent à leur "savoir-faire", c'est à dire on assiège, on étrangle, on se sert des civils comme levier de guerre pour casser le moral des militaires. Il s'agit de toutes les opérations pour couper l'eau, l'électricité, la possibilité d'utiliser le portable, internet, etc. Le but, c'est vraiment de démoraliser des civils. L'objectif est de segmenter le terrain, de le matraquer par avions, avec des missiles de croisière, des lance-roquettes, multiples, des bombes thermobariques.

"Une fois que ce travail de destruction sera considéré comme à peu près terminé, il y aura pénétration au sol, y compris de tueurs spécialisés."

Pierre Servent

à franceinfo

Les Tchétchènes, qui sont concentrés notamment du côté de Tchernobyl, les commandos de Wagner qui sont au sud et les Américains disent -je n'ai pas pu vérifier cette information - qu'éventuellement des miliciens syriens, ceux qui étaient spécialisés dans l'épuration ethnique en Syrie pourraient être engagés également. Il y a deux points qui bloquent, qui posent problème à Poutine, c'est Odessa et Kiev, car il a construit un narratif sur la libération de l'Ukraine des nazis. Les nazis, à partir de 1941 quand ils ont envahi l'Ukraine, n'ont pas détruit ni Kiev ni Odessa. Et donc là, il a un tout petit problème d'image.

On a tort de penser que l'armée russe est en difficulté aujourd'hui ?

Les choses ne se sont pas déroulées comme Poutine l'imaginait. Le Président russe pensait que le pays s'effondrerait assez rapidement, que le président Zelensky fuirait et qu'il serait donc possible, à la façon soviétique, de prendre la capitale Kiev. Un peu à la façon de ce que les Russes avaient fait en 1956 à Budapest, puis en 1968 à Prague. C'est ça le mode de fonctionnement russe, et c'est d'ailleurs pour ça que Poutine n'a pas engagé toutes les forces qui étaient massées autour du pays. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi.

"L'Ukraine a prouvé une capacité de résistance assez extraordinaire. Il y a eu un certain nombre de défaillances dans le mode opératoire. Le rouleau compresseur russe va toutefois continuer à se dérouler, à écraser les villes qui résistent. Kharkiv, Irpin, Marioupol, etc."

Pierre Servent

à franceinfo

Et cela sans aucune distinction d'objectifs civils et militaires, et même en visant assez cyniquement les hôpitaux ou les bâtiments universitaires, les bâtiments civils, les maternités, etc. C'est un classique. Je crois qu'il n'y a vraiment que ceux qui n'ont pas suivi les derniers conflits qui sont surpris par cela. Ensuite il y aura la conquête au sol. Tout cela peut prendre encore plusieurs semaines, notamment parce que l'armée ukrainienne, d'une façon assez étonnante ne sombre pas. Elle fait face de façon incroyable alors qu'elle n'est pas ravitaillée et qu'elle n'a pas des stocks inépuisables. Alors, il y a peut-être les armements européens qui arrivent, je ne sais pas comment d'ailleurs, mais c'est vrai que l'armée ukrainienne résiste. Donc là, il y a quelque chose qui patine du côté russe, mais ils vont continuer à mettre le paquet et ils ont une maîtrise totale du ciel et une capacité en missiles de tous types, y compris de missiles de croisière navals, puisque ils ont le contrôle de la mer d'Azov et une partie de la mer Noire. Donc, en effet, cela va moins vite que ce que les russes pensaient, mais ils vont continuer à mettre toutes leurs forces dans la bataille.

On ne peut pas parler de difficultés?

Il y a difficulté par rapport aux plans d'origine, c'est à dire l'idée d'une conquête très rapide du territoire, une chute de Kiev facilitée par un coup d'État. Ce plan-là est déjoué puisqu'au treizième jour, des villes très importantes comme Kiev, Kharkiv, Marioupol ou Odessa résistent toujours. La machine russe bute sur la résistance ukrainienne. Mais dans la durée, sauf miracle, malheureusement, le rouleau compresseur russe dont parle le chef d'état-major des Armées, le général Thierry Burkhard, arrivera à ses fins. Cela ne veut pas dire que la résistance ukrainienne sera tuée. C'est pour ça que les buts de guerre de Poutine sont fous. Ils sont fous car avec 200 000 hommes, imaginer tenir un pays comme l'Ukraine, qui est plus grand que la France, qui a une population de 44 millions d'habitants c'est impossible.

 

"Vladimir Poutine rentre dans un conflit qui pourrait à terme le faire sauter ou marquer la fin du personnage."

Pierre Servent

à franceinfo

Les Ukrainiens, l'armée ukrainienne peut perdre, le pays peut être envahi, matraqué, détruit en partie mais à mon avis, les Russes ne gagneront pas au final. Je rappelle qu'en France occupée durant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands avaient jusqu'à 440 000 soldats d'occupation en France, dans un pays qui était administré par le régime collaborateur et antisémite de Vichy. Ce qui fait que toute la partie administration, police, gendarmerie était prise en charge par les Français du système collaborateur. Mais il y avait quand même 440 000 hommes. Donc, est ce que Poutine va mettre son million de soldats en occupation en Ukraine ? Je ne sais pas. Je ne comprends pas ce qu'il cherche à l'arrivée.

Nathanael Charbonnier - franceinfo
Radio France
 
Publié

 

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-le-pays-peut-etre-matraque-en-partie-detruit-mais-les-russes-ne-gagneront-pas-estime-un-expert-en-strategie-militaire_4998324.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220310-[lestitres-coldroite/titre5]

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D
Celui qui gagne, ce n’est pas le vainqueur militaire.<br /> L’Ukraine, un nouveau bourbier pour la Russie.<br /> Mais quel désastre humanitaire.
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