cannibalisme gazette
Un chercheur en histoire a démontré, à travers des textes anciens, que le cannibalisme a connu des heures de gloire en Europe de l’Ouest.
Les Européens ne sont pas aussi exceptionnels qu’ils ne le pensaient. Après plusieurs décennies à penser que, contrairement à d’autres peuples, leurs ancêtres n’avaient jamais consommé de chair humaine de manière systémique, il semblerait que cela soit complètement faux. Le chercheur en histoire, Abel de Lorenzo Rodriguez, a publié une étude dans Academia pour tenter de le démontrer. Il en fait part dans The Conversation.
Selon le chercheur, les hommes ont mangé de la viande humaine dans l’ouest de l’Europe des temps préhistoriques jusqu’au Moyen Âge. Les temps de famine, de guerre ou de difficultés économiques et politiques ont poussé les hommes à verser dans le cannibalisme. Des faits inscrits dans des récits de l’époque. Mais ce n’est pas tout. Les Européens auraient aussi longtemps consommé des fluides corporels humains
Des règles claires pour éviter le cannibalisme, dès le VIIe siècle
Comment Abel de Lorenzo Rodriguez est-il parvenu à cette conclusion ? En s’intéressant aux interdictions progressives de la part des gouvernements et des instances religieuses. Sous l’Empire romain, le Code de Théodose, un recueil de décisions impériales, interdisait la profanation des tombes et des cercueils.
Une loi similaire se retrouve dans le Code de Recceswinth, le corpus législatif en vigueur dans le royaume wisigoth, au VIIe siècle. Or, si ces règles ont été édictées, c’est précisément parce que des profanations avaient régulièrement lieu.
Puis, l’Église chrétienne a publié des manuels des ordres de pénitence. À chaque péché était alors associée une punition particulière. Cela permettait de définir ce qui était répréhensible ou non, notamment sur le plan de la violence et de la sexualité.
L’archevêque de Canterbury, Théodore de Tarse, avait alors expliqué à sa paroisse qu’ingérer du sang ou du sperme était interdit. Des mises au point destinées notamment aux femmes qui, à l’époque, buvaient le sang de leur époux, croyant que cela pouvait guérir certaines maladies.
La consommation du sacré plutôt que des corps
L’Église a pourtant dû remettre ses propres pratiques en question. La béatification de certaines figures humaines entraînait, au Moyen Âge, des situations ambiguës. Les fidèles voulaient être au plus près des saints et voyaient leur corps comme des remèdes miracles.
Si consommer leur chair était interdit, manger ce qui avait touché leur corps était autorisé. Certains mangeaient alors les pierres et la terre qui entouraient la tombe, ou encore l’huile qui avait servi à bénir le cercueil. Une manière de consommer le sacré.
Les pratiques de cannibalisme se sont peu à peu taries, tant en Europe de l’Ouest qu’ailleurs dans le monde. Entre l’attrait pour les histoires romantiques à base de vampires, ou autres créatures assoiffées de sang et certaines croyances, le sang, la graisse et l’urine humaine ont encore connu des adeptes dans les années 1800.
Au-delà de la morale, le cannibalisme, jadis répandu dans certaines sociétés humaines, présente plus d’inconvénients que de bénéfices...
Lorsque la faim vous guette, pourquoi ne pas flanquer vos crocs dans la cuisse de votre collègue ? Et pourquoi pas ? Si, aujourd'hui, le cannibalisme est universellement condamné et réprimé, il fut un temps où l'idée de manger ses semblables n'était pas seulement tolérée, elle pouvait même être perçue comme un acte sacré. Qu'est-ce qui a conduit à ce changement radical ?
Non seulement les prêtres aztèques prenaient un vif plaisir à sacrifier leurs victimes en se montrant le plus cruels possible, mais ils jouissaient en les dévorant. Le fait de consommer la chair des sacrifiés était vu comme un moyen de s'approprier leur force et leur essence divine. Le cannibalisme (ou l'« anthropophagie », littéralement « manger des hommes », comme préfèrent le qualifier la plupart des anthropologues modernes) était pratiqué bien avant l'apparition de l'Homo sapiens moderne.
« Les mangeurs d'hommes » d'Hérodote
Dans les habitations troglodytes de l'Homo antecessor, l'ancêtre commun des humains modernes et des néandertaliens, les anthropologues ont découvert des os humains « décharnés » datant de 600 000 ans. Les os les plus anciens d'Homo sapiens, découverts en Éthiopie, montrent également des signes de décharnement par d'autres humains.
Le cannibalisme sacré a persisté (ou est réapparu) en Occident jusqu'à l'époque romaine. Certains clans druidiques semblent avoir pratiqué le sacrifice humain et le cannibalisme dans les premiers siècles, et de nombreux auteurs grecs et romains font référence à des tribus ayant des pratiques cannibales. Saint Jérôme mentionne un peuple cannibale appelé les Attacotti ; Hérodote fait référence à une tribu qu'il appelle simplement « les mangeurs d'hommes » (anthropophages). L'exemple le plus connu est sans doute celui utilisé par Montaigne dans ses Essais, au chapitre « Des cannibales ». « Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage », veut-il croire. Nous sommes tous le cannibale de quelqu'un.
Les dangers du cannibalisme
Mais qu'est-ce qui nous empêche de tous nous manger entre nous ? La prison, certes, mais surtout des préoccupations sanitaires. En principe, même une viande infectée, une fois bien cuite, est comestible. La cuisse de votre collègue pourrait donc se déguster sans problème, comme toute viande rouge. Mais nous ne sommes pas des cochons : tout n'est pas bon dans l'humain ! Manger un cerveau humain, même à point, cela peut provoquer le kuru, une maladie neurodégénérative mortelle.
Les Fore, une tribu de Nouvelle-Guinée, pratiquaient le cannibalisme funéraire et c'est ainsi que le kuru s'est propagé parmi eux. Le nom « kuru » signifie « trembler » en langue fore, un symptôme caractéristique de cette maladie terrifiante. Résultat : en quinze ans, ce rituel anthropophagique mortuaire a entraîné la mort de 2 500 d'entre eux.
Si le cannibalisme est risqué, c'est aussi parce que chasser une poule reste moins dangereux que chasser un homme de son gabarit… C'est le coût de la « contre-attaque » : lorsqu'un individu devient prédateur d'un animal de son espèce, il y a une augmentation du coût de la prédation. En effet, la chasse d'autres hommes peut s'avérer périlleuse et pourrait se retourner contre vous. La faim ne justifie pas toujours les moyens.
Quels bénéfices caloriques de la consommation de chair humaine ?
Le cannibalisme pose également des questions d'efficacité nutritionnelle. Car, finalement, votre collègue a un apport nutritif assez faible… Une étude publiée par des chercheurs de l'université de Brighton a tenté de quantifier les bénéfices caloriques de la consommation de chair humaine. Le corps humain contient environ 81 500 calories, soit l'équivalent de quarante jours de nourriture pour un individu moyen, qui consomme quotidiennement 2 000 calories. Mais, en comparaison avec les autres sources de nourriture, la viande humaine est relativement pauvre en graisses et en protéines.
James Cole, l'auteur de l'étude, souligne que la viande humaine n'était probablement consommée que dans des situations de famine extrême ou de désespoir. « D'un point de vue purement calorique, le cannibalisme est inefficace par rapport à la chasse ou à la collecte de végétaux. Cela explique en partie pourquoi il n'a jamais été une pratique alimentaire durable », écrit-il.
Pour mieux comprendre l'apport nutritionnel, Cole a étudié les valeurs caloriques des différentes parties du corps humain. Par exemple, la graisse humaine, bien qu'abondante chez certains, n'offre pas autant de calories que celle de certains animaux. Le muscle humain fournit environ 1 300 calories par kilo, ce qui est relativement bas en comparaison avec la viande de bœuf ou de porc.
En outre, la chasse et la collecte de nourriture végétale offrent des rendements caloriques bien supérieurs avec un moindre risque de transmission de maladies. Par exemple, un cerf moyen offre environ 163 680 calories, soit le double de ce que fournirait un humain adulte moyen, sans les risques sanitaires associés au cannibalisme.
Expédition Franklin: un disparu identifié par son ADN aurait été victime du cannibalisme de ses camarades...Les mystères autour de la funeste exploration Franklin restent nombreux. L'identification, près de deux siècles plus tard, de l'une des très nombreuses victimes remet en lumière cette affaire qui a secoué le Royaume-Uni.
Des paléoanthropologues américains ont découvert des marques de coupure sur un ancien fossile humain conservé dans un musée, suggérant qu'il s'agit du plus ancien cas de cannibalisme, datant d'un million d'années