Jean Marc Jancovici

Publié le par ottolilienthal

« L’IA, c’est la nouvelle promesse d’eldorado formulée par une partie du monde “tech” »...

 

Dans notre série de prises de parole d’experts, politiques, entrepreneurs et investisseurs, nous avons relevé le post sur Linked In de Jean-Marc Jancovici, Founding Partner de Carbone 4 et président du Shift Project, avec son habituel ton incisif, sur la frénésie autour de l’intelligence artificielle. « L’intelligence artificielle, c’est la nouvelle promesse d’eldorado formulée par une partie du monde “tech” », écrit-il, tout en rappelant que les ressources nécessaires à son développement ne sont pas infinies.

Selon lui, la France joue la carte de « l’électricité décarbonée » et de ses « ingénieurs compétents » pour attirer les serveurs et les projets d’IA. Il s’interroge néanmoins sur les conséquences dans un contexte de sobriété : « Dans le monde fini, ce qui va se passer n’est pas un développement profitable à tous et sur tous les plans, mais plutôt un effet d’éviction sur d’autres secteurs, avec un risque social et environnemental à la clé. »

Pour Jean-Marc Jancovici, la course à l’IA ne doit pas faire oublier la nécessité d’investir dans l’industrie, l’agriculture et les infrastructures durables. Il met en garde : « Si nous mettons plus de cerveaux, de kWh, et de cuivre pour faire de l’intelligence artificielle, il en restera moins pour rendre durables et résilientes l’industrie, l’agriculture, les infrastructures de transport, ou encore les logements. »

Il pointe aussi les limites de l’IA face aux enjeux concrets du changement climatique : « Ce n’est pas Chat GPT qui va faire baisser la température sous les combles en cas de canicule, ou rendre les abeilles résistantes aux néonicotinoïdes ! »

Il invite les décideurs à réfléchir à l’emploi de ressources jugées « déjà limitées » : « Le temps, les cerveaux, les moyens matériels et l’électricité que nous allons mettre dans le superflu manquera – et en fait manque déjà – au nécessaire. » 

Un rapport intermédiaire du Shift Project paraîtra le 6 mars, se focalisant sur « l’impact de l’IA sur les émissions et la consommation d’énergie », une lecture que nous attendons avec impatience.

https://www.frenchweb.fr/pour-jean-marc-jancovici-lia-cest-la-nouvelle-promesse-deldorado-formulee-par-une-partie-du-monde-tech/451270

 

Les années 2023 et 2024 ont été nettement plus chaudes que ce à quoi nous nous attendions sur la base du taux de réchauffement approximativement linéaire (et des variations autour de cette tendance) que le monde a connu depuis 1970.
 
Surtout que le mois de janvier 2025 a été, de manière tout à fait inattendue, le mois de janvier le plus chaud jamais enregistré, avec 1,75 °C de plus qu'à l'époque préindustrielle, battant ainsi le précédent record établi en 2024.
 
Et ce, malgré la présence de conditions La Niña dans le Pacifique tropical, l'épisode El Niño de 2023/2024 s'étant estompé depuis longtemps.
 
C'est la première fois en 80 ans de relevés qu'un mois de janvier avec La Nina est supérieur aux mois de janvier précédents avec El Nino
 
Cette persistance de record anormalement élevés depuis 9 mois, en prenant en compte l'effet El Nino - La Nina dans les prévisions, est une preuve que le rythme du réchauffement serait supérieur aux prévisions des climatologues, pourtant déjà pas franchement optimistes.
 
(par adrien Couzinier)
 
Après Elon Musk, c'est au tour d'un autre propriétaire de réseau social, Mark Zuckerberg, de plaider ouvertement pour une liberté d'expression "non modérée", dont une des traductions concrètes va être de supprimer son équipe de "fact checkers"
 
Cette décision serait sans grande importance si les réseaux sociaux n'étaient pas devenus un vecteur très significatif de diffusion de l'information, la bonne comme la mauvaise.
 
C'est l'occasion de rappeler le texte que j'ai commis il y a une paire d'années pour préfacer un livre dont le sujet est précisément... la façon dont fonctionnent les algorithmes des réseaux sociaux, et les conséquences que cela a sur le rapport au monde de leurs utilisateurs : https://jancovici.com/.../une-preface-pour-le-livre.../
 
Pourquoi se préoccuper de réseaux sociaux quand on s'occupe de climat, d'énergie et de biodiversité ?
 
Il y aurait au moins deux raisons éligibles :
 
- la première, c'est que le digital engendre 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Mais, dans le cas présent, on ne voit pas bien en quoi la décision de Zuckerberg ferait augmenter - ou baisser - les émissions du système
 
- la seconde, qui elle est centrale ici, est que nous ne pouvons pas correctement tenir compte des limites planétaires si nous les comprenons de travers. Se tromper de problème à traiter est une manière éprouvée de faire son propre malheur !
 
Pourquoi les réseaux sociaux peuvent ils contribuer à se tromper de problème ? Le début du raisonnement, c'est que gérer l'environnement, c'est gérer une restriction globale sur un plan ou sur un autre, et donc gérer un renoncement.
 
Or, personne n'aime apprendre qu'il va y avoir un gros effort à faire. Comme nous avons toutes et tous une tendance au déni à nos heures, refuser l'obstacle est toujours une tentation, et cela peut notamment se matérialiser en se disant que le problème à traiter n'existe pas.
 
Dans le monde des media traditionnels, nous sommes exposés à une information non choisie par le lecteur ou la lectrice, mais par la rédaction du media (même s'il y a évidemment un lien entre les deux). Du coup nous sommes, de ce seul fait, parfois exposés à des raisonnements qui ne sont pas les nôtres, et cela peut nous conduire à mieux réfléchir.
 
Mais dans le monde des réseaux sociaux, nous ne sommes confrontés qu'à des informations qui vont dans notre sens, car c'est l'intérêt de ces réseaux (qui sont des entreprises, et pas des services publics).
 
Si notre manière de penser est que les opinions (confortables pour soi) priment sur les faits, le réseau nous confortera dans cette position au lieu de nous en faire sortir. Et nous aggraverons la crise de ce seul fait.
 
Peut-il y avoir une solution à ce problème ? Je n'en vois qu'une, qui est terriblement chronophage : avoir une armée de personnes qui répondent, pédagogiquement et sans s'énerver, à toutes les publications contenant des affirmations farfelues concernant les faits.
 
Mais qui va payer pour cela ?
(par adrien Couzinier)
 

 

 

 
 
 
 
 

La légende veut que Franklin Roosevelt, lors du New Deal (juste après la grande crise de 1929), ait évalué la reprise de l'économie américaine en comptant les trains de marchandises qui circulaient (enfin pas lui directement, probablement !). A l'époque, point de PIB pour suivre l'activité : il n'était qu'embryonnaire dans la tête de quelques personnes, mais ne faisait pas partie des indicateurs suivis au niveau national. Et, de fait, un bon proxy de l'état de la production (donc de l'économie "réelle") était de nombre de trains utilisés pour transporter des marchandises, puisque le producteur et le consommateur d'un bien ne sont qu'exceptionnellement au même endroit.

Désormais, ce n'est plus le train qui assure l'essentiel des échanges physiques, mais le camion. A quelques rarissimes exceptions près, tout produit qui sera acheté par un consommateur "final" (les ménages, mais aussi les entreprises et l'administration pour leur usage propre, et non pour incorporer le bien à une production vendue) passera dans une caisse à roulettes. En s'inspirant de ce que faisait Roosevelt, on peut donc se dire que l'état de l'économie "physique" est mieux reflété par la quantité de tonnes qui sont chargées dans les camions que par le PIB, qui est désormais calculé avec un tel nombre de conventions et d'approximations qu'il est de plus en plus difficile d'interpréter ses variations.

Et là, surprise : ces tonnes chargées dans les camions - qui incluent aussi les biens intermédiaires - diminuent depuis 2007 dans notre pays, c'est à dire en gros depuis le pic de production du pétrole conventionnel dans le monde, qui a marqué le début de la baisse subie de l'approvisionnement énergétique de l'Europe. Le maximum (des tonnes chargées) a aussi eu lieu en 2007 pour l'Europe dans son ensemble. Cet indicateur physique vient se rajouter à d'autres (les m2 construits dans l'année, ou les kWh d'énergie disponibles) qui plaident pour le fait que, sur le plan physique, la contraction de l'économie dure désormais depuis plus de 15 ans.

Quoi que disent les indicateurs monétaires, et quel que soit le mécanisme économique qui en est la traduction, la réalité physique ressentie par une fraction croissante de la population est donc que l'accès à des kg de nourriture, des m2 de logement, ou des kg (ou m3) de biens manufacturés est de plus en plus restreint.

De là à considérer que le vote que nous venons de vivre est logique, il n'y a qu'un pas. Il n'y a qu'à "remonter" le niveau physique de la production, diront d'aucun(e)s. Sauf que c'est très exactement ce qu'essaient de faire les politiques depuis des décennies, et ça fonctionne moyen, précisément parce que les flux physiques se heurtent à des limites... physiques.

Le défi qui nous attend est donc de nous doter de projets compatibles avec un "pouvoir d'achat physique" qui continue globalement à baisser. Pas facile, certes, mais à croire que nous pourrons faire autrement la désillusion risque d'être cruelle.

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Dormez tranquilles jusqu'en 2100 de Jean-Marc Jancovici, livre qui a de quoi laisser scotché. Paru en 2015 avant Le Monde Sans Fin, et après d'autres livres comme "Le Plein SVP" en 2006 et "C'est Maintenant !" en 2009 (co-écrits avec l'économiste Alain Grandjean).
 
À une époque où le niveau d'insouciance était nettement plus élevé qu'aujourd'hui, le livre était assez clairvoyant. Par exemple :
 
1) Par des statistiques implacables sur le PIB et la dette, Jancovici acte pour de bon ce qu'il anticipait depuis un moment : la croissance, c'est terminé. Depuis 2007 le PIB constant / habitant est quasiment au point mort, alors même que la dette explose. Donc on s'endette pour éviter de s'écrouler ! Voilà un constat embêtant, qui depuis n'a fait que se confirmer.
Pour les croyants dans une croissance éternelle le message est tellement brutal qu'aujourd'hui encore ils se raccrochent à des branches improbables pour nier l'évidence.
 
2) Les conséquences observables du changement climatique sont aujourd'hui sans commune mesure avec 2015. Vous verrez par exemple sur ces pages que Jancovici parlait dès l'époque de retrait-gonflement des argiles et de fissuration du bâti, phénomène aujourd'hui assez répandu et médiatisé.
 
Un autre message particulièrement frappant de cette lecture est "l'effet ciseau" entre la contrainte énergétique et le changement climatique, notamment sur ces deux pages.
Si encore nous avions une énergie infinie nous pourrions imaginer nous adapter au changement climatique assez longtemps. Or là nous risquons d'être pris en tenaille.
Voilà en effet une situation ma foi épineuse. 🤔
 
Les pages qui suivent suggèrent que l'Europe est particulièrement concernée. Il est aujourd'hui avéré que le climat et Europe se réchauffe plus vite qu'ailleurs (non mais la France a carrément des problèmes d'eau quoi 😯), et il devrait désormais être évident pour qui veut bien ouvrir les yeux que nous sommes particulièrement vulnérables sur le plan énergétique, pour des raisons géologiques et géopolitiques.
 
(hommage proposé par Cyrus Farhangi)
 
https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/pfbid02MvLRocCvqSbTfYMZCCNrcS1x7eusWBaQNcGFXsYq2i3VA6VzAZEHWwdmPhdVCsodl?ref=embed_page

Emeutes : le gouvernement met la pression sur les réseaux sociaux

"Quand survient une manifestation de violence au sein des sociétés humaines, qu'il s'agisse d'une guerre comme en Ukraine ou en Syrie, d'émeutes comme en Argentine ou en ce moment chez nous, ou des révoltes du Printemps Arabe, c'est rarement "à chaud" que les explications sur les sous-jacents de l'évolution en cours sont largement diffusées, ou utiles pour l'action.

Mais si ces poussées de violence découlent d'une évolution structurelle, c'est bien de cette dernière dont il faut se soucier dès que la situation "se calme".

Dans ce cadre, existe-t-il un lien entre ces émeutes et l'environnement, c'est à dire le monde physique ? Historiquement, la limite physique a hélas souvent amené de la violence. Malthus attribue à la décrue de la production agricole dans les pays du nord de l'Europe les "invasions barbares", et plus près de nous nombre de conflits viennent d'une insuffisance de ressources prenant la population à revers.

Or, depuis 2008 notre pays - et toute l'Europe - est en légère "contraction physique", parce que l'approvisionnement énergétique - donc les machines au travail qui créent l'économie - est en baisse subie. En témoignent par exemple la baisse des m² construits (en tendance), la baisse de la production industrielle et des tonnes chargées dans les camions, et la baisse depuis 2010, logique à la suite, du revenu disponible des ménages.

Dès lors que, "en tendance", les ménages voient leur revenus réels diminuer, les plans qui fonctionnaient dans le passé vont-ils fonctionner à l'avenir ?

Les grosses villes et les emplois tertiaires ont été créés par l'abondance énergétique (voir https://t.ly/fHG8 ). Faut-il chercher à garder une population essentiellement urbaine dans le monde de demain ? Ne va-t-on pas, avec la contraction énergétique, donner naissance des groupes de plus en plus en plus abondants "d'urbains désoeuvrés", qui seront alors le terreau du désarroi puis de la violence ? Quels métiers seront adaptés à moins de flux physiques ?

La société de consommation devient de plus en plus un rêve inaccessible quand les revenus diminuent, alors même que la publicité et les "influenceurs" poussent à conserver ce rêve. Cette injonction contradictoire ne doit-elle pas fatalement déboucher sur, au choix, de la neurasthénie ou de la violence ?

Assimiler une population immigrée est facile en période d'expansion économique, mais moins évident en période de ressources moins grasses (aucun propos raciste là-dedans : je suis moi-même un immigré de la 2è génération). Comment gérer nos relations avec les pays "du sud" pour que la population de ces pays se sente bien chez elle et n'ait pas spécialement envie d'aller ailleurs dans un monde avec moins de ressources ?

Autant de questions (très) difficiles (et bien d'autres), qu'il serait peut-être sage de ne pas trop tarder à se poser dès que les gendarmes et les émeutiers auront - provisoirement - réintégré leur base arrière. Sinon les mêmes causes risquent hélas de produire les mêmes effets."

JM Jancovici
https://www.lesechos.fr/…/emeutes-le-gouvernement-met-la-pr…
(posté par Joëlle Leconte)

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