pirates et corsaires...

Publié le par ottolilienthal

Le pirate Samuel Bellamy bâtit un empire en quelques mois: l'épave de son navire nous livre encore ses trésors...

Vêtu de velours noir et armé de quatre pistolets, «Black Sam» n'était pas un pirate comme les autres. En moins de deux ans, il amassa une fortune colossale avant que la mer ne l'emporte avec son légendaire navire, le Whydah Gally.

Vêtu de velours noir, de bas de soie et de souliers à boucles d'argent, le capitaine Samuel Bellamy n'était pas un pirate comme les autres. Originaire du Devonshire dans le sud-ouest de l'Angleterre, il avait la réputation de toujours porter quatre pistolets de duel à la ceinture ainsi qu'une épée, ses cheveux d'un noir de jais relevés d'un simple ruban. Ce raffinement, allié à son allure de chef charismatique, lui valut le surnom de «Black Sam», raconte un article du National Geographic.

En moins de deux ans de carrière, Samuel Bellamy et son équipage accumulèrent une fortune colossale –l'équivalent de 120 millions d'euros actuels– faisant de lui l'un des pirates les plus riches de l'histoire. Mais sa trajectoire fut brutalement interrompue: en avril 1717, une tempête dévastatrice jeta son navire, le Whydah Gally, contre les bancs de sable du Massachusetts, l'emportant avec la quasi-totalité de ses 146 hommes d'équipage.

Construit à l'origine pour la traite négrière, le Whydah Gally était rapide, robuste et parfaitement adapté à ce «commerce atlantique» où armes, textiles et vin européens étaient échangés contre des captifs africains. En 1716, après une chasse de trois jours, Bellamy s'empara du navire au large des Bahamas. À l'époque, les pirates ciblaient souvent les bâtiments liés à la traite, capturant cargaisons, butins et parfois les hommes réduits en esclavage qui, dans certains cas, rejoignaient leurs rangs.

Lorsqu'il captura le Whydah Gally, Bellamy trouva à son bord de l'or, de l'indigo, du sucre, du rhum et des épices, mais le navire l'intéressait plus que tout. Il en fit son navire amiral, détournant les infrastructures d'un système économique bâti sur l'oppression pour poursuivre ses propres ambitions. Samuel Bellamy, connu pour sa relative clémence, alla même jusqu'à offrir de l'argent et son ancien navire, le Sultana, au capitaine vaincu.

Un Robin des Bois... des mers?

Né en 1689, Samuel Bellamy avait servi dans la Royal Navy avant de se retrouver sans emploi après la fin des guerres européennes. Installé quelque temps au Massachusetts, il y tomba amoureux, mais la famille de la jeune femme refusa l'union avec un marin sans fortune. Le naufrage d'une flotte espagnole au large de la Floride en 1715 donna envie à Bellamy et son associé Palsgrave Williams de tenter leur chance, et de mettre la main sur les trésors que contenaient leurs cales. Ils basculèrent rapidement dans une véritable carrière de piraterie.

Le duo rallia Benjamin Hornigold, vétéran du genre, accompagné d'un certain Edward Teach, plus tard connu sous le nom de Barbe Noire. Bellamy fit vite ses preuves et fut élu capitaine par les hommes, déposant Hornigold et Teach. Il mena ensuite une campagne aussi spectaculaire que hors normes: 53 navires pris en quelques mois, un partage équitable des prises avec son équipage et un discours enflammé contre les élites, telle était sa recette. «Ils nous vilipendent, ces scélérats, alors que la seule différence est qu'ils dépouillent les pauvres sous couvert de la loi, tandis que nous pillons les riches avec notre propre courage», déclara-t-il à un capitaine vaincu, réticent à rejoindre les rangs du Whydah Gally.

Une carrière fulgurante

La vie des pirates, malgré ses dangers, offrait aux marins un régime quasi démocratique, une alimentation meilleure que sur les navires marchands, et une répartition des butins plus équitable qu'à terre. Loin des images d'Épinal, la piraterie incarnait ici une alternative sociale radicale à une époque dominée par les inégalités. Le charismatique Bellamy fit partie de ceux qui poussèrent à leur paroxysme cette philosophie de l'«égalité par le vol».

Mais son ascension fulgurante prit fin au large du Cap Cod, dans le Massachusetts. Dans la nuit du 26 avril 1717, une violente tempête provoqua le naufrage du Whydah Gally. Samuel Bellamy et presque tout son équipage périrent. Si des habitants récupérèrent des débris et quelques corps dans les jours qui suivirent, l'épave, elle, disparut avec tous ses trésors pendant plus de 250 ans.

Ce n'est qu'en 1984 que l'explorateur Barry Clifford localisa le site du naufrage, ouvrant un chantier archéologique maritime unique. Plus de 200.000 objets ont depuis été remontés, dont des pièces d'or et d'argent, des bijoux, des canons, une cloche, ainsi qu'un impressionnant lot de parures en or Akan venues d'Afrique de l'Ouest.

En 2021, des ossements humains ont même été retrouvés, prisonniers des concrétions minérales. Des tests ADN sont prévus afin de parvenir à identifier le corps du Robin des Bois des mers en le comparant à celui d'un de ses descendants encore vivant aujourd'hui.

Clément Poursain

https://www.slate.fr/culture/black-sam-bellamy-pirate-empire-sombrer-atlantique-whydah-gally-fouilles-epave-tresors?

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Les corsaires reviennent à la mode. Je ne parle pas des pantalons courts pour l’été mais des collègues de Surcouf ou Jean Bart. En février, Tim Burchett, sénateur républicain du Tennessee, a déposé un projet de loi afin d’autoriser le Président Trump à avoir recours à des corsaires pour éradiquer les cartels de la drogue mexicains.

Le texte lui permettait d’émettre des « lettres de marque et de représailles » contre eux, c’est-à-dire de sous-traiter à des personnes privées ou des entreprises de services de sécurité et de défense, la capture, l’élimination ou la saisie des biens des barons de la drogue à l’étranger.

Après les attentats du 11 septembre 2001, l’administration Bush avait déjà voulu faire voter une loi pour autoriser le Département d’État à octroyer, sans attendre l’aval du Congrès, des lettres de marque pour faire la chasse aux terroristes. En 2008, le Congrès avait aussi voulu mandater une société privée pour s’attaquer aux pirates somaliens au large de la côte est de l’Afrique. Mais ces textes, légaux aux US, n’ont jamais été votés.

Il faut bien comprendre la différence entre les corsaires et les pirates : les corsaires sont mandatés par un pouvoir politique – grâce à cette fameuse « lettre de marque et de représailles », alors que les pirates agissent en dehors de tout cadre légal et peuvent finir pendus. En temps de guerre, les corsaires qui pillaient les navires partageaient le butin avec l'Etat. C’est pourquoi certains d’entre eux sont devenus de véritables héros nationaux.

Quand on entend les déclarations de Donald Trump, on peut se demander si le XXIème siècle n’est pas, de toute façon, en passe de remettre ces agissements à la mode : sa volonté de s’emparer du Groenland, son avidité pour les richesses du sous-sol ukrainien, ses taxes douanières confiscatoires…

C’est en tout cas le parallèle qu’ose Jean-Marc Vittori dans Les Echos, qui précise que s’il n'est pas question ici de mettre la main sur des navires pour vendre leur cargaison - du moins pour le moment – on revient bien au temps de la rapine occasionnelle. On pourrait aussi citer les milliardaires du numérique, qui pillent allègrement nos données, ou Musk qui fait main basse sur l’espace avec ses satellites. Comme au temps des corsaires, on mêle intérêt public et intérêts privés, politique et économie.

Cette logique de prédation révèle une vision du monde économique : ce que l'historien Arnaud Orain appelle le « capitalisme de la finitude ». Dans le monde des corsaires du 18ème siècle, les ressources étaient disponibles en quantités limitées. Ce que l'un gagnait, l'autre le perdait. Donald Trump et ses conseillers sont persuadés que les Etats-Unis ont beaucoup donné au reste du monde, qu’ils doivent maintenant récupérer leur dû.

C’est un retour en arrière majeur. Car depuis deux siècles, notre représentation du monde était bien différente : le monde était infini et les échanges entre pays étaient un jeu gagnant-gagnant. Mais l’idée de la planète qui s’épuise a balayé cette idée. On se bat désormais pour des ressources limitées. D’où le retour des prédateurs.

Christine Kerdellant

Publié le lundi 12 mai 2025

https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Christine-Kerdellant-Trump-ou-le-retour-des-corsaires-_3753992.html?

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