le tabou de l'esclavagisme arabo-musulman
Seul l’héritage impérial occidental expliquerait les rapports conflictuels de certaines minorités avec la France. Pourtant, elle n’est pas la seule à avoir des reproches à se faire.
L'embrasement des zones urbaines sensibles – qui concentrent 30 % de l'immigration en provenance d'Afrique et de Turquie, selon l'historien Pascal Blanchard – s'apprivoise comme un choc des civilisations par certains acteurs. Le président turc a désigné le « racisme culturel et institutionnel » ainsi que le « passé colonial » parmi les causes des conflits entre la France et une partie de ses minorités. Un moyen pour lui de flatter les ressentiments des minorités hostiles et non assimilées en s'imposant comme le protecteur des musulmans sur la scène mondiale. Erdogan s'arroge ainsi la fonction que l'Europe exerçait pour les chrétiens ottomans quand le Vieux Continent était en position de force.
Voilà que les habits de Martin Luther King sont enfilés par l'héritier de cet empire qui a attendu les pressions européennes pour lutter contre l'esclavage et concéder quelques droits à ses minorités avant d'en exterminer une et d'en persécuter bien d'autres. On est tenté de brandir la parabole de la paille et de la poutre. Mais la référence a peu de chances d'être comprise d'un personnage qui s'emploie à éradiquer toute trace de présence chrétienne dans l'ancienne Anatolie conquise par les Turcs, comme le montre le sort de la basilique Sainte-Sophie, entre autres édifices.
Ce procès a cependant un certain écho dans cette conscience occidentale si orgueilleuse et amnésique. L'Europe croit porter le poids du monde sur ses épaules. Mue par le mythe du bon sauvage, elle ignore que toutes les sociétés ont commis les crimes dont elle s'arroge l'exclusivité. Si l'on admet avec Raymond Aron que l'Histoire est tragique, aucune culture n'est restée en marge de celle-ci. C'est encore plus vrai de cette religion mahométane « qui agit sur les hommes avec le même esprit destructeur qui l'a fondée » pour reprendre les mots de Montesquieu. Byzance, Afrique romaine, Espagne, Balkans, Europe centrale et orientale : l'Islam a plus empiété sur l'Occident que l'inverse. Pourtant, « la colonisation » désigne encore la seule domination que les Européens ont exercée sur des sociétés loin d'être irréprochables avec l'étranger.
L'Europe vue comme le « domaine de la guerre »
Alors que l'Islam a enseveli l'immense partie du monde chrétien et gréco-romain dans lequel il est né, l'orientaliste Bernard Lewis rappelle que les musulmans ont longtemps manifesté de l'indifférence et du mépris à l'égard des mœurs européennes : « Avant le XVIIIe siècle, pas un savant ou homme de lettres musulman ne semble avoir cherché à apprendre une langue occidentale et encore moins à élaborer une grammaire, un dictionnaire ou d'autres outils linguistiques. » Et Lewis de rappeler que les musulmans considéraient l'imitation des infidèles comme un acte impie. Cette attitude contraste avec celle des lettrés européens. Ils fondent dès le Moyen Âge des lieux d'enseignement consacrés à la culture orientale, à tel point que les études européennes sur le Moyen-Orient à la fin du XVIIIe siècle « devançaient largement celles des musulmans eux-mêmes », selon l'orientaliste.
L'esprit de clocher islamique se doublait d'une hostilité de principe vis-à-vis des territoires européens que les juristes musulmans désignaient comme le « domaine de la guerre ». Loin de se limiter à l'expansion militaire, cette guerre prenait aussi la forme de campagnes régulières de pillages et d'enlèvements pour alimenter le vaste commerce d'esclaves que les musulmans ont constitué. Ces razzias étaient aussi bien dirigées contre les Européens que contre les Subsahariens que le philosophe tunisien Ibn Khaldoun désignait avec dédain comme « le seul peuple à accepter l'esclavage en raison d'un degré inférieur d'humanité ».
Paternalisme et lecture provinciale des enjeux
Avant de reculer sous les coups des puissances européennes, le pillage et le trafic d'esclaves européens et africains formaient une industrie bien implantée sur le littoral maghrébin, et dont le centre était Alger. « C'est qu'en fait d'aventure il est très ordinaire de voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire, puis être à leur famille à point nommé rendus, après quinze ou vingt ans qu'on les a crus perdus », lit-on dans L'Étourdi de Molière. À quel point cet héritage peu glorieux pèse-t-il sur les mœurs des descendants des populations maghrébines et subsahariennes compte tenu de l'absence de travail mémoriel dans les pays dont ils sont issus ? Question taboue chez les commentateurs pour qui seul l'Européen serait marqué par les préjugés du passé. Comme si, faute d'être entré dans l'Histoire, le musulman ou l'Africain n'en était que le spectateur.
Ce paternalisme se double d'une lecture provinciale des enjeux actuels quand ils dépassent les frontières hexagonales. La France n'est pas la seule nation à connaître des difficultés avec ses minorités extra-européennes. Ces derniers forment un groupe plus criminogène que la moyenne dans la plupart des pays occidentaux. Même la Suisse, bien connue pour son terrible passé impérial, affiche un taux disproportionné de Nord-Africains et de musulmans dans ses prisons.
Enfin, les musulmans figurent aussi sur la scène internationale parmi les groupes les plus belligènes : « On s'aperçoit que les musulmans ont du mal à vivre en paix avec leurs voisins », observait déjà Samuel Huntington en 1996 en recensant le nombre élevé de conflits impliquant des musulmans sur la planète. Si on ajoute à cela le fait que les minorités ont peu de droits dans les pays où les disciples de Mahomet sont majoritaires, force est de constater qu'il n'est pas de peuple qui soit toujours et partout innocent.
L'histoire de l'oppression est universelle.
Mais il en est autrement de l'autocritique.
Ferghane Azihari
https://www.lepoint.fr/invites-du-point/esclavage-imperialisme-pillage-et-si-on-parlait-de-l-heritage-arabo-musulman-11-07-2023-2527971_420.php?M_BT=6286141392673#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20230711-[Article_11]
Alors qu’en France, ce 10 mai est dédié à la mémoire de la traite et de son abolition, retour sur un épisode sombre de l’histoire de l’esclavage, sur la côte est de l’Afrique.
Dans cette pièce d'à peine deux mètres de hauteur, accessible par un petit escalier menant au sous-sol, l'air est suffocant. Une mince ouverture, tout au fond, laisse passer de l'air chaud et humide. Assis sur les deux blocs de pierre à droite et à gauche, on ne tient qu'assis, la tête recroquevillée. Durant plusieurs siècles pourtant, à cet endroit, près de 75 personnes étaient entassées là. Ces hommes, femmes et enfants y agonisaient plusieurs jours avant d'être vendus sur le marché aux esclaves de Stone Town, la capitale de Zanzibar. L'archipel, situé au large de la Tanzanie, a été durant deux siècles le centre de la traite négrière en Afrique de l'Est. Donald Petterson, auteur de Revolution in Zanzibar : an American's Cold War Tale, estime qu'entre 40 000 et 50 000 esclaves ont été amenés de force sur son île principale, appelée elle aussi Zanzibar ou Unguja.
D'abord investies par les Portugais dès 1502, les îles de Zanzibar tombent sous le contrôle du sultanat d'Oman en 1698. À cette date, le commerce d'esclaves est déjà pratiqué, pour approvisionner les Antilles. Mais sous le joug omanais, la traite prend un nouvel essor. Et pour cause, les autorités ont besoin de travailleurs dans les champs de clous de girofle qu'ils ont pour projet de cultiver sur l'île. La vente d'esclaves à l'Arabie, la Perse, l'Inde ou l'île de la Réunion est aussi une manne financière conséquente. Pour se fournir des esclaves, le sultanat noue alors peu à peu des contacts avec certaines communautés de l'intérieur du continent, à l'exception des zones sous contrôle massaï.
Vers 1750, les marchands arabes arrivent sur les rives du lac Tanganyika, à l'extrême ouest de l'actuelle Tanzanie, dans le village d'Ujiji, et implantent des entrepôts à Tabora, dans le centre de l'actuelle Tanzanie : les routes caravanières sont tracées.
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Zanzibar, terre d'esclaves
Dans le centre de l'Afrique de l'Est, des tensions existaient déjà entre les Yao, les Makua et les Marava, qui réglaient leurs conflits en échangeant les prisonniers de guerre. « Ainsi, les musulmans arabes ont rencontré des structures déjà existantes, ce qui a facilité l'achat d'esclaves pour leurs besoins », explique l'historien sénégalais Tidiane N'Diaye au média allemand DW.
Depuis le lac Tanganyika, des milliers de personnes sont capturées, et doivent parcourir les 1 200 kilomètres qui les séparent de la côte. Enchaînées les unes aux autres, des défenses d'éléphants sur les épaules, peu d'entre elles atteignent leur destination finale. Les estimations officielles avancent que trois esclaves sur quatre sont morts de faim, de la variole et du choléra, ou d'épuisement sur la route qui les menait au marché. Certains, considérés comme trop faibles, sont aussi assassinés en chemin par les marchands.
Les survivants de cette route meurtrière transitent tous, ensuite, par Bagamoyo, situé en face de Zanzibar, sur la côte est tanzanienne. À leur arrivée, ils étaient conduits sur un vaste terrain vague de la ville, posé à côté de la maison d'un riche propriétaire de plantations de noix de coco, Said Magram Awadh. Aujourd'hui, l'imposant bâtiment défraîchi se tient toujours à cet endroit. L'actuel jardin qui l'entoure était, au XIXe siècle, l'endroit où les esclaves étaient attachés quelques jours, avant de reprendre la route. Depuis la fenêtre du premier étage, la vue sur la mer est imprenable. Un chemin de terre, depuis l'édifice, y amène les habitants et touristes de passage. Le même qui deux siècles auparavant conduisait les esclaves à leur triste destinée.
30 % de mortalité dans les plantations
Malgré le peu de survivants qui arrivent finalement à Zanzibar, à partir de 1820, le commerce du clou de girofle est florissant. De grandes plantations sont aménagées, sur lesquelles s'épuisent les esclaves. De 1839 à 1860, la quantité exportée passe de 565 à 12 600 kilos par an. Sous le règne du sultan Sayyid Saïd, qui déplace la capitale du sultanat et sa cour de Mascate à Stone Town en 1840, Zanzibar fournit alors les trois quarts de la production mondiale. Des palais sont édifiés avec les recettes gagnées, et la capitale Stone Town devient l'un des ports les plus prospères d'Afrique de l'Est. Et ce, alors même que de nombreux esclaves ne survivent pas aux conditions de travail dans les plantations. Selon Donald Petterson, 30 % d'entre eux sont morts dans les champs de clous de girofle de l'île. Des pertes importantes qui, par la même occasion, maintiennent le fort besoin d'esclaves.
Au cœur de Stone Town aussi, derrière les palais rutilants des autorités, les misérables conditions de vie des esclaves sont criantes. « La puanteur qui se dégage d'un mile et demi ou de deux miles carrés de plage de mer exposée, qui est le dépositaire général de la crasse de la ville, est assez horrible », écrivait l'explorateur britannique David Livingstone en 1866 lors de son arrivée sur la côte. Outre l'odeur nauséabonde omniprésente de Stone Town, d'autres récits décrivent une ville remplie d'esclaves au bord de la famine et un endroit où le choléra, le paludisme et les maladies vénériennes prospèrent.
Durant toute une partie du XIXe siècle, les Britanniques, qui ont aboli l'esclavage dans leurs colonies en 1833, pressent les Omanais de faire de même, sans succès. Si l'empire désapprouve la traite, il a aussi pour intérêt de conserver la mainmise des Omanais sur ce territoire. Les Français, rivaux de Londres et qui possèdent une grande partie du continent, sont donc hors jeu quant à l'acquisition de ce côté de l'Afrique. Il faudra donc attendre 1873 pour que le sultan Seyyid Barghash, sous la pression de la Grande-Bretagne, signe un traité rendant illégale la traite des esclaves sur ses territoires. Pour autant, ce pacte ne signe pas définitivement la fin de la traite, la possession d'un esclave étant encore autorisée. Ce n'est qu'en 1909 que l'esclavage est définitivement aboli en Afrique de l'Est, 19 ans après l'établissement d'un protectorat britannique à Zanzibar.
Le marché de Stone Town, lui, a bien été fermé en 1873. À la place, l'Universities Mission to Central Africa (UMCA, une société missionnaire britannique), y érige une église anglicane. Ses hauts murs gris et jaunes, au bord de New Mkunazini Road, se dressent aujourd'hui sur l'ancienne place où étaient vendus les esclaves. À l'intérieur, l'autel a été placé à l'endroit même où ces derniers, après avoir été alignés par ordre de taille, étaient fouettés avec une branche urticante pour jauger de leur potentiel. Ceux qui criaient le plus fort étaient jugés plus faibles et donc vendus moins cher. Sur le sol marbré de l'église, un grand cercle blanc ourlé de rouge – symbole du sang versé – symbolise le lieu des exactions.
À la sortie de l'église, un petit baptistère en pierre n'a, lui non plus, pas été placé au hasard. C'est là que les négriers de l'île tuaient les bébés qui encombraient les mères esclaves, prêtes à être vendues.
« La colonisation arabe était pire que la colonisation européenne » L’auteur du « Messie du Darfour », Abdelaziz Baraka Sakin, revient avec « La Princesse de Zanzibar », un roman éblouissant d’audace sur une période tragique...Avec Le Messie du Darfour, puis Les Jango, Abdelaziz Baraka Sakin nous a régalés, sur des sujets difficiles, de deux romans sur son Soudan natal, duquel il a dû s'exiler.
Quand on nous parle d’esclavage, à l’école, à la télévision ou dans les discours politiques, on ne parle quasi-exclusivement que de la traite organisée par les méchants occidentaux dans le cadre du commerce triangulaire. Jamais il n'est question d'une autre traite, pourtant bien plus ancienne, bien plus longue, bien plus importante, violente et meurtrière : la traite arabo-musulmane..
Chouki El Hamel, historien marocain installé aux Etats-Unis, retrace le passé esclavagiste du royaume chérifien pour décrypter le racisme qui perdure au Maroc.
Chouki El Hamel, professeur à l’Université d’Arizona, a réédité en français son ouvrage Le Maroc noir, une histoire de l’esclavage, de la race et de l’islam, aux éditions La Croisée de Chemins.
Traduit en français par Anne-Marie Teewissen, l’ouvrage était écrit à l’origine en anglais par le chercheur marocain, installé aux Etats-Unis, après des études à La Sorbonne. L’ouvrage exhume le passé esclavagiste du Maroc et déconstuit les stéréotypes sur les Noirs pour analyser le racisme qui sévit encore dans le royaume chérifien.
Chouki El Hamel Des études visant à restaurer le rôle oublié des Noirs en Afrique du Nord viennent seulement de commencer. Elles visent à remettre en question les interprétations conventionnelles de l’esclavage en terre d’islam, de raconter l’histoire des sous-représentés et de révéler le système d’inégalité, les sentiments de supériorité et la narration nationaliste en tant que système de contrôle social des minorités marocaines marginalisées. Malgré la diversité et l’africanité du Maroc, l’esclavage a été profondément façonné par les identités raciales et il était alors associé à des origines africaines, comme si le Maroc n’était pas africain.
La société marocaine était malheureusement divisée par la couleur et la « race ». J’ai soutenu dans ce livre que les concepts de « race » et de racisme ne sont pas une invention euro-américaine. J’ai tracé des généalogies distinctes de ces concepts en Afrique du Nord pendant la période islamique. Dès le XVIe siècle, des dynasties marocaines ont lié la « blancheur » à la légitimité politique et à la liberté, comme le sultan Ahmad Al-Mansour (r. 1578-1603).
L’Histoire est aussi témoin de musulmans asservissant d’autres musulmans. Par exemple, les Haratine [terme qui désigne les Maures noirs], des « Noirs libres », anciens esclaves, ont été asservis pendant le règne du sultan Moulay Ismaïl au XVIIe siècle. Cet asservissement illégal a marqué un tournant crucial dans l’histoire marocaine et a façonné l’avenir des relations raciales futures et de « l’identité noire ».
En 1672, le sultan alaouite Moulay Ismaïl a voulu former une armée permanente et loyale pour faire face à l’instabilité politique. Dans un projet discriminatoire, il donna l’ordre d’asservir tous les Noirs, dont les Haratine, qui étaient pourtant libres par leur statut. Pourtant, selon la loi islamique, aucun musulman libre ou devenu libre ne peut être soumis à l’esclavage. Afin de justifier la construction de cette armée de Marocains noirs grâce à l’esclavage, Moulay Ismaïl estima que les Haratine étaient des gens différents des Arabes ou Amazighs, plus patients et plus obéissants.
D’autres musulmans noirs ont été asservis en Afrique, mais l’exception marocaine réside dans l’ampleur et les méthodes de cette opération. Au total, sous le règne du sultan Moulay Ismaïl (1672 à 1727), plus de 221 320 personnes noires ont été humiliées et violées, leurs droits légaux, dont leur liberté, bafoués. Ce projet a perpétué le statut d’esclave de tous les Noirs, même de ceux qui étaient libres.
Il s’agissait d’un racisme religieux à code couleur. L’asservissement des musulmans noirs et de Noirs marocains a été légitimé dans une culture islamique par leur prétendu statut d’esclaves et leur passé païen. Dans mon livre, je soutiens que, contrairement à plusieurs textes judiciaires islamiques dominants, le Coran ne soutient pas la pratique de l’esclavage, mais plutôt son abolition. Le Coran préconise une structure sociale visant à créer un environnement juste, au service de Dieu, et non pas des relations de hiérarchie et de servitude entre les groupes sociaux ou les peuples.
Il n’existe dans le Coran aucun verset qui indique l’acception de l’esclavage en tant que pratique sociale normale. Malheureusement, la plupart des interprètes masculins dans le monde islamique ont prévalu contre cette voix éthique et ont fait exactement le contraire des recommandations du Coran.
Dès le début, l’interprétation et la codification du droit islamique ont été intimement liées à la création de l’Empire islamique. Le message initial du Coran a été progressivement érodé par les aspirations politiques et de pouvoir du régime élitiste. Les oulémas [théologien du Coran et des traditions musulmanes] se sont appuyés sur certains hadith [traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet] obscures et dans leurs propres interprétations sélectives du Coran.
Le rejet moral de l’esclavage a toujours existé dans l’histoire islamique. Des personnages importants ont tiré des conclusions fondées sur le Coran qui justifieraient l’abolition de l’esclavage. Mais leurs interprétations ont été inefficaces jusqu’au XIXe siècle, quand les idées modernes occidentales en faveur du mouvement abolitionniste ont prévalu. Les interprétations du texte sacré sont si contradictoires que la Tunisie a rendu l’esclavage illégal en 1846, avant même la France [l’abolition définitive date de 1848]. En revanche, l’esclavage au Maroc n’a jamais été aboli par aucun décret de l’autorité royale. L’esclavage a plutôt disparu du fait du système capitaliste introduit par l’occupation coloniale française du Maroc
Le trafic d’esclaves était officiellement aboli. Mais il était interdit aux fonctionnaires du protectorat de s’immiscer dans les foyers des musulmans. L’autorité coloniale a donc consenti tacitement à l’esclavage, utilisé principalement à des fins domestiques. Elle se limitait à prendre des mesures administratives contre les aspects de l’esclavage qui choquaient, dans les cas d’excès et d’abus évidents. A partir de 1935, l’establishment royal marocain coopéra pour lutter contre la vente clandestine d’esclaves. A noter que les commerçants français ont profité de la traite négrière pour embarquer en tant que passagères à bord de navires français des Sénégalaises qui étaient ensuite vendues à des riches Marocains à titre privé.
A l’heure actuelle, tous les termes désignant les Noirs tels que « Haratine » et « Kuhal » – pluriel de « couleur noire » – sont utilisés de manière interchangeable dans la plupart des régions du pays. Le mépris racial persiste donc à l’égard des Haratine et des Noirs en général.
i certains Noirs ont intégré les couches sociales élevées et exercé toutes sortes de professions, la majorité se bat encore en marge d’une société injuste. Il existe toujours des villages entiers considérés comme des groupes marginalisés privés de services sociaux et administratifs de base. Les mariages mixtes entre Arabes ou Amazighs et Noirs à la peau claire sont encore perçus comme un tabou social et honteux dans le sud du Maroc.
Chouki El Hamel, historien marocain professeur à l’Université d’Arizona, aux Etat-Unis, est l’auteur de l’ouvrage Le Maroc noir, une histoire de l’esclavage, de la race et de l’islam, aux éditions La Croisée de Chemins (2019).
Racisme anti-Noirs au Maroc : « Le Coran ne soutient pas la pratique de l’esclavage mais son abolition » Chouki El Hamel, historien marocain installé aux Etats-Unis, retrace le passé esclavagiste du royaume chérifien pour décrypter le racisme qui perdure au Maroc.
La Mauritanie esclave de son passé
(extrait)
..l'élection de Mohamed Ould Ghazouani à la tête de la République islamique de Mauritanie a tout d'une victoire civile..(..)..dans ses promesses figurait la volonté d'éradiquer toute forme d'injustice et, notamment, d'en finir avec la marginalisation des esclaves ou de leurs descendants.
C'est un fait : aboli en 1981 et pénalisé en 2015, l'esclavage des Africains noirs par la communauté arabo-berbère a la vie dure. Selon les militants anti-esclavagistes, comme Biram Ould Dah Ould Abeid, lui-même haratine- fils d'émancipés- et candidat malheureux à l'élection, arrivé deuxième avec 18,58 %, il reste encore 150 000 esclaves dans le pays...
Le Canard enchaîné, 26/06/2019
" En Afrique du Nord, il y a des codes sociaux qui excluent les Noirs "
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/05/12/en-afrique-du-nord-il-y-a-des-codes-sociaux-qui-excluent-les-noirs_5461175_3212.html
"Que les nations arabo-musulmanes se penchent enfin sur leurs traites négrières"
https://www.causeur.fr/traites-negrieres-arabes-tidiane-ndiaye-158860
Le racisme anti-noirs aux pays du Maghreb
https://www.causeur.fr/racisme-maghreb-noirs-miss-algerie-158117
" Esclaves africains. Pas hier. Aujourd'hui "
https://insolentiae.com/esclaves-africains-pas-hier-aujourdhui-ledito-de-charles-sannat/
Des migrants sont vendus comme esclaves en Libye
https://www.20minutes.fr/monde/2169355-20171115-video-migrants-vendus-comme-esclaves-libye
L'autre esclavage : un aperçu de la traite arabo-musulmane - outre-mer 1ère
https://la1ere.francetvinfo.fr/2014/04/29/l-autre-esclavage-un-apercu-de-la-traite-arabo-musulmane-147531.html
Un migrant raconte : " En Libye, nous ne sommes que des esclaves "
https://www.lemonde.fr/afrique/video/2017/08/24/un-migrant-raconte-en-libye-nous-ne-sommes-que-des-esclaves_5176180_3212.html
Il y a plus d'esclaves aujourd'hui qu'il n'y en a eu du XVIe au XIXe siècle, par Annie Kelly
https://www.les-crises.fr/il-y-a-plus-desclaves-aujourdhui-quil-ny-en-a-eu-du-xvie-au-xixe-siecle-par-annie-kelly/
L'esclavage n'est pas aboli. Il n'a jamais été aussi rentable qu'au 21è siècle !
https://mrmondialisation.org/lesclavage-nest-pas-aboli-il-na-jamais-ete-aussi-rentable-quau-21e-siecle/
Esclavage en Mauritanie : " Les autorités sont dans l'hypocrisie et le déni "
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/16/esclavage-en-mauritanie-les-autorites-sont-dans-l-hypocrisie-et-le-deni_5128347_3212.html
" Marchés d'esclaves ": quand la Libye devient la nouvelle Gorée ?
https://afrique.latribune.fr/politique/2017-04-13/-marches-d-esclaves-quand-la-libye-devient-la-nouvelle-goree.html
"En Mauritanie, les filles esclaves de 9 ans sont violées par le maître, ses fils, son chauffeur ou son hôte de passage"
https://www.lalibre.be/international/en-mauritanie-les-filles-esclaves-de-9-ans-sont-violees-par-le-maitre-ses-fils-son-chauffeur-ou-son-hote-de-passage-58aece08cd70ce397f183305
C'est souvent au détour d'une blague anodine ou d'une expression que se véhiculent le racisme et les stéréotypes entre les peuples africains.
«Un travail d’arabe», pour qualifier une activité de mauvaise qualité. «Des cheveux de noirs» pour parler de cheveux abîmés voire moches, voilà des tournures que l’on utilise tous les jours, de manière inconsciente. Entrées dans le langage courant, les expressions comme «sentir le dingari» ou juste «dingari» — qui renvoient à la forte odeur des vêtements portés par des Maliens ou Sénégalais — contribuent à la dévalorisation d'une culture ou d'une race. Souvent les personnes qui font appel à ces stéréotypes n'ont pas l'intention de blesser ou d'offenser la personne qu'elles ont en face d'eux. Naïvement, elles utilisent une expression sans connaître sa véritable origine.
Utilisés depuis des générations, ces proverbes découlent pour la plupart de stéréotypes raciaux instaurés pendant l’époque coloniale. Selon une étude menée par EthnoArt, une association créée en 2002 à l’initiative d’ethnologues et d’artistes en Ile-de-France, l'administration coloniale française classait les populations dont il avait la charge en trois catégories: le Jaune, le Brun et le Noir. À l’époque cette classification était considérée comme scientifique, avec pour chacune, une caractéristique particulière.
EthnoArt illustre son propos:
«Physiquement limité, l’Asiatique est un fervent travailleur, mais le mystère qui l’entoure suscite la méfiance. L’Arabe dit le Brun est souvent musulman et dangereux, c’est un fanatique et un fourbe. Mais avec de l’encadrement, il peut se révéler un valeureux combattant bien qu’il soit fainéant. Fort et docile, l’Africain est quant à lui un bon enfant. Un comportement qui fait de lui dans la hiérarchie des races le moins évolué de tous. Il occupait la position la plus proche de l’état d’animalité. Pour preuve, il a le rythme dans la peau.»
A cela s'ajoute les rivalités entre pays voisins comme le révèle ce proverbe de la République du Congo:
«Si tu croises un serpent et un zaïrois dans la forêt, prend le serpent et laisse le zaïrois».
En mai dernier, l'existence de groupes Facebook incitant au lynchage de «beurettes» par la communauté arabe cristalisait les passions. Récemment ce sont les qualifications de la coupe du Monde de Football 2014 qui ont retenu l'attention des amateurs d'expressions et proverbes en tout genre (enfin, souvent racistes).
Alors que l’Algérie et le Burkina Faso s’affrontaient, des supporters algériens se sont emportés sur la Toile. Ainsi pouvait-on lire des commentaires comme «les tribunes burkinabè, on dirait les cales d'un bateau d'esclaves». Sous le couvert de l’anonymat, en invoquant l’humour et la liberté d’expression, Internet s’est révélé une parfaite couverture pour diffuser ces idées reçues.
Greta Mulumbu
622 au XXe siècle - L'esclavage en terre d'islam
https://www.herodote.net/L_esclavage_en_terre_d_islam-synthese-12.php
Il y a plus de 45 millions d'esclaves aujourd'hui dans le monde !
https://www.contrepoints.org/2016/08/15/263068-y-a-plus-de-45-millions-desclaves-aujourdhui-monde
http://www.slate.fr/story/119043/esclavage-recule-pas-monde
L’esclavage a été aboli dans quasiment tous les pays du monde. Il est pourtant loin d’avoir disparu. Le phénomène est-il aujourd’hui plus important qu’hier ?