Les conserves sont aussi bonnes pour la santé que les produits frais
Avec des comptes plombés par son aventure américaine, l’entreprise familiale traverse une mauvaise passe. Pour rebondir, elle vient d’annoncer l’arrêt des salades en sachet et compte sur l’innovation et des idées recettes à moins de 2 euros pour rendre enfin sexy les légumes...
Qu’on se le dise. Il n’y a pas de conservateur dans une boite de conserve. «Nous devons arrêter la conserve, pour parler de préservation des aliments», martèle Xavier Unkovic, le directeur général de Bonduelle. L’homme qui a pris ses fonctions voilà tout juste un an n’a pas vraiment le choix, car ces petites boites en métal représentent près de la moitié des ventes de son entreprise. Et actuellement, les résultats patinent. Sur le dernier exercice clôt fin août, le chiffre d’affaires de Bonduelle est redescendu à 2,37 milliards d’euros, soit un recul de 1,4% sur un an. Surtout, ses volumes sont en baisse de 3,5%. Embêtant.
Après avoir passé en revue toute l’entreprise depuis son arrivée, cet ancien du groupe Mars et du géant américain des plats vegan Amy’s Kitchen estime donc que l’entreprise de Villeneuve d’Ascq «peut mieux faire». Alors pour éviter à Bonduelle de finir dans le cimetières des marques chéries mais abandonnées des consommateurs, comme Kodak ou la célèbre compagnie PanAm, Xavier Unkovic a présenté le 7 octobre un plan de transformation à trois ans qui doit permettre de faire rebondir l’entreprise et lui assurer 2,5% de croissance annuelle. Objectif : retrouver la première place du podium européen des fabricants de légumes transformés, que Mc Cain lui a ravie...
Les légumes en conserves, le nouvel antirides ?
Parmi les chantiers prioritaires, le nouveau boss promet donc de transformer et moderniser la conserve. «Aujourd’hui c’est le dernier rayon où les gens vont dans un supermarché», regrette-il. Or, la conserve a tous les atouts pour réussir : c’est un produit accessible, qui permet de manger des légumes, stockés facilement, et qui en préserve les qualités nutritionnelles.
“«Je rêve que Bonduelle arrête la conserve et lance la préserve». Xavier Unkovic, DG Bonduelle.”
A l’écouter, entre le beta carotène des poivrons, du brocoli, voire des carottes et le silicium présent dans les épinards et les haricots verts, connu pour stimuler la production de collagène, les conserves Bonduelle seraient presque le nouvel antirides. «Nos produits font du bien en termes de vitalité, d’énergie, de digestion et de beauté, mais on en parle très peu : à nous de réveiller les bénéfices de nos produits», lance Xavier Unkovic.
Des idées repas à moins de 2 euros et prêtes en 15 minutes max
Pour promouvoir le segment et changer son image, les équipes envisagent de doubler le budget communication. Les réseaux sociaux vont bénéficier de l’essentiel de ces investissements. Des partenariats avec des influenceurs sont prévus. L’important est de faciliter la consommation en donnant des idées. C’est là qu’intervient Luc Fontaine, le chef maison de Bonduelle. Depuis des mois, il travaille à la conception de recettes simples et accessibles pour promouvoir les légumes et légumineuses (légumes secs type pois chiches, lentilles...). Il vient de terminer sa liste, avec un pitch clair : pas plus de 5 ingrédients, moins de 15 minutes de préparation et le tout pour moins de 2 euros la portion. Le concept risque de plaire à tous ceux qui veulent varier les plaisirs et sortir des pâtes. Alors que les premiers consommateurs ont pu tester ces idées repas , la tarte brocoli-cheddar et le curry de petits pois-lentilles semblent en bonne place pour devenir les chouchous des cuisiniers pressés...
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Bonduelle lance des barquettes de carottes à moins de 1 euro
Mais pour changer l’image des légumes et donner un coup de fouet aux ventes, Bonduelle diversifie également sa présence hors des conserves. Au rayon traiteur frais, la marque vient de lancer ses «Minis», une offre de barquettes de carottes ou taboulé de 110 grammes, vendues à moins de 1 euro... Au risque d'être pris en flagrant délit de shrinkflation, comme ces marques qui ont baissé discrètement la taille de leurs emballages ? «Rien à voir, notre promesse est d'être mini, car nous nous adressons à ceux qui ont une petite faim», promet Céline Barral, directrice de la stratégie, des marques et de l’impact pour Bonduelle. En mars, le groupe lancera à son tour Cassegrain à l’assaut du frais. La marque premium arrivera avec une offre de quatre bols repas, chacun sur une base de légumineuses (lentilles, quinoa…).
Fermeture de l'usine de salades en sachet, une activité "structurellement déficitaire"
Pour pouvoir investir dans les business de demain, l’entreprise a toutefois dû faire des choix et assume l’arrêt des salades en sachet, une activité «structurellement déficitaire, qui perdait environ dix millions d’euros par an», selon le directeur général. Fin août, Bonduelle a annoncé son projet de cession en France et en Allemagne et la fermeture du site de production de Saint-Mihiel (55). «Nous avons trouvé des partenaires prêts à reprendre le flambeau», précise toutefois Xavier Unkovic, sans en dévoiler les contours. L’opération a déjà été passée dans les comptes, où 5 millions d’euros de frais de restructuration ont été inscrits.
Outre ces chantiers prioritaires en Europe, Bonduelle doit aussi s’attaquer à sa filiale américaine qui plombe ses comptes. En passant une lourde dépréciation de ses actifs outre-Atlantique, l’entreprise termine d’ailleurs l’exercice dans le rouge, avec une perte nette de 145 millions d’euros pour 2023-2024. Alors cette fois c’est décidé, fini le Bistro, cette marque locale qui s’affichait sur ses gammes au pays de l’Oncle Sam. Depuis quelques semaines, les Américains découvrent Bonduelle by Bistro. Bientôt, des sachets repas seront commercialisés sous le seul étendard Bonduelle. Mais pour faire connaître ses recettes et son nouveau nom, pas question d’investir en affichage ou en télévision. Investisseur prudent et économe, Bonduelle préfère parier sur des partenariats avec les distributeurs et du marketing hyper local. Des «lunch bowl» oui, mais sans apparition au Super Bowl. C'est promis !
Angélique Vallez Chef d'enquête Capital
https://www.capital.fr/entreprises-marches/bonduelle-pourquoi-il-ne-veut-plus-entendre-parler-de-conserves-1503549
«Évitez de manger trop gras, trop salé, trop sucré», «manger, bouger», «au moins cinq fruits et légumes par jour». Nous sommes assaillis d’impératifs portant sur le manger sain/équilibrer, qui vont (trop?) souvent de pair avec le manger frais.
Mais manger des fruits et légumes frais coûte cher. Or, les produits frais sont-ils réellement meilleurs (nutritivement) que les produits en conserve? Pas selon les chercheurs sur la santé et le bien-être de l’agence de communication Ketchum. Cathy Kapica, l’auteure de l’étude, explique:
«Il y a une augmentation des discours autour des aliments frais, spécialement pour les fruits et légumes, comme étant plus nutritifs. Pourtant cette hypothèse n’a jamais été appuyée par des preuves.»
Dans l’étude, les aliments étudiés (le maïs, les épinards, les tomates et le thon) sont sans sel ou sucre ajouté et ont été cuisinés afin de pouvoir faire une comparaison précise. Ainsi, en prenant en compte le prix, le temps de préparation mais également le gaspillage –c’est-à-dire les parties non comestibles d’un aliment– de produits qu’ils soient frais, surgelés, en conserve ou secs, ce sont les aliments en boîte qui l’emportent dans la majorité des cas. Pour arriver au coût total de chaque aliment, le temps passé à nettoyer, préparer et cuisiner a été noté et calculé à un taux de 7,25 dollars (5,50 euros) de l’heure, soit le salaire minimum dans le New Jersey, là où l’étude a eu lieu.
Les chercheurs ont ainsi analysé que les tomates en conserve reviennent 60% moins chères que les fraîches, pour le même apport en fibres, étant donné le temps de préparation que demande les tomates fraîches. En ce qui concerne les épinards en conserve, ils sont 85% moins chers que frais, pour les mêmes raisons. Le maïs est quant à lui plus cher en conserve que frais, cependant à cause du temps passé à l’éplucher et des parties non comestibles qu’il faut retirer, les familles économisent en réalité 25% en l’achetant en conserve.
Néanmoins, l’étude étant faite par une agence de communication, dont certains clients font partie du secteur alimentaire, nous avons tenu à vérifier ces résultats avec des nutritionnistes. C’est loin d’être la première étude financée par l’industrie alimentaire et aucune de ces recherches n’a jamais été contestée. Selon Florence Pujol, diététicienne-nutritionniste (auteure du livre Je mange et je suis bien) la majorité des études sont effectivement financées par l’industrie agro-alimentaire, mais restent très utiles pour les nutritionnistes.
Elle souligne néanmoins que les résultats peuvent varier d’une étude à l’autre: la même boîte de conserve n’aura pas la même quantité de nutriments (dans une mesure infime) selon les chercheurs. Il existe toutefois une base à laquelle on peut se référer, la table Ciqual qui est «une moyenne des nutriments de l’ensemble des études», d’après la diététicienne.
Quand on demande à Florence Rossi-Pacini, membre de l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN), s’il y a une différence d’apport de nutriments entre les conserves et les produits frais (en ce qui concerne les aliments étudiés par Cathy Kapica), elle répond que cela «dépend des nutriments qu’on évalue». L’étude Ketchum s’est focalisée sur les nutriments qui importaient le plus à son panel, c’est-à-dire les fibres (tomates, épinards, maïs), le potassium (thon, épinards), le magnésium (épinards, maïs), la vitamine A (thon, épinards) et la vitamine C (tomates, épinards). Il n’y a alors aucune différence, selon les diététiciennes, entre les produits frais et en conserve.
«Quand on parle de produits frais, si ce sont ceux dans son jardin et qu’on les mange tout de suite, alors on a toutes les vitamines. Mais si on les laisse tremper longtemps, pour les nettoyer par exemple, on va avoir une perte de vitamines (hydrosolubles, comme les vitamines B ou C, NDLR)», explique Florence Rossi-Pacini. Elle précise encore que la vitamine C «est sensible à l’air, à la température et à la lumière», tout comme la vitamine A. Ce qui fait que même les produits frais ne regorgent pas forcément de ces dernières.
En effet, les légumes achetés sur le marché ont déjà perdu quasiment toutes leurs vitamines en étant sur un étal. De plus, ils sont rarement consommés sur le champ, on va donc les conserver dans son bac à légumes dans le réfrigérateur, leur faisant ainsi perdre les dernières vitamines qu’ils contenaient.
Lors de la mise en conserve, la stérilisation et la pasteurisation mettent également ces vitamines à rude épreuve, étant donné que la température monte à 120°C/130°C ce qui détruit une partie des vitamines. Florence Pujol tempère, on réalise la même opération chez soi, en cuisant ses fruits où légumes. Donc la perte en vitamines est similaire dans les conserves et les produits frais.
La conservation ou la cuisson ne sont pas les seules étapes qui risquent d’endommager les vitamines, la préparation des aliments également. En effet, comme l’explique Le Figaro, «plus les légumes sont coupés finement (râpés) et exposés à l’air, plus ils perdent leurs vitamines».
Les conserves n’altèrent en rien les nutriments comme les protéines, les fibres ou le potassium, par rapport aux produits frais. Et leur cuisson non plus. En ce qui concerne les protéines, explique Florence Pujol, «elles vont simplement changer de forme mais cela ne change rien pour nous». Il en va de même pour le potassium. Pour les fibres, la cuisson agit comme «si on prédigérait les fibres», elles sont donc plus rapidement assimilées par l’organisme et sont moins irritantes.
Il n’y a ainsi aucune différence significative entre les nutriments qu’apportent les aliments frais ou en conserve. La seule chose à laquelle il faille veiller, c’est à l’ajout de sucre ou de sel dans les boîtes de conserve. C’est pourquoi on demande très souvent aux personnes qui suivent des régimes contrôlés en sel de ne pas utiliser de conserve. Florence Pujol précise cependant que l’ajout de sucre ou sel dépend de la marque de la conserve. C’est donc au consommateur de bien lire les étiquettes des produits qu’il consomme. Dans tous les cas, ni le sucre, ni le sel n’ont d’impact sur les vitamines, les protéines ou les fibres présentes dans l’aliment à l’origine.
Florence Rossi-Pacini conclut:
«L’important c’est vraiment de pouvoir varier, d’alterner tous les produits. En faisant attention au sel dans les conserves et au niveau des modalités de préparation des produits frais. Certes il faut les laver mais il faut éviter les trempages.»
Delphine Dyèvre