Qatar gazette

Publié le par ottolilienthal

Victoire du PSG en Ligue des champions : au-delà du triomphe sportif, pourquoi le Qatar a largement réussi son Paris...

La victoire des hommes de Luis Enrique face à l'Inter Milan s'inscrit dans une logique plus large. En un peu plus d'une décennie, Doha a construit un empire économique et diplomatique dont la capitale française est la vitrine.

Ils ont réussi à rêver plus grand. Le fameux slogan du PSG version qatarie est devenu réalité au terme d'une finale maîtrisée face à l'Inter Milan (5-0). Le petit émirat, à peine plus grand que la Corse, était comme chez lui pour cette finale munichoise, samedi 31 mai : outre le PSG, sa propriété depuis 2011, le logo de la compagnie aérienne maison Qatar Airways s'affichait sur les panneaux publicitaires en vertu de son partenariat avec l'UEFA(Nouvelle fenêtre), et même sur le maillot d'entraînement(Nouvelle fenêtre) de l'Inter Milan. De là à dire qu'il l'aurait emporté quel que soit le score, il n'y a qu'un pas qu'on pourrait presque franchir.

Au-delà du sportif, le rachat du club parisien en 2011 a tous les atours d'une success story. "N'oubliez jamais que c'est le fonds souverain du Qatar qui a investi dans le club, souligne l'universitaire nord-irlandais Thomas Ross Griffin, auteur de l'article Identity Matters, Qatar and Paris Saint-Germain(Nouvelle fenêtre) ("L'identité compte : le Qatar et le Paris Saint-Germain" en français). Ces gens ne travaillent pas pour une ONG caritative, ils sont là avant tout pour faire de l'argent." Les chiffres parlent autant que la kyrielle de trophées nationaux (36) remportés par le PSG version qatarie : en quatorze ans, la valorisation du club a atteint 4 milliards d'euros, selon le magazine économique Forbes(Nouvelle fenêtre), en attendant l'éventuelle construction d'un nouveau stade en banlieue parisienne pour attirer toujours plus de fans.

Un milliard et demi englouti pour ses stars

Une jolie bascule pour un club qui était souffreteux, gangrené par la violence en tribunes et en proie à des crises perpétuelles lorsque l'émirat a déboursé 70 millions pour se l'offrir. Même en y incluant le milliard et demi d'euros englouti par le fonds national Qatar Sports Investments (QSI) pour acheter les Zlatan Ibrahimovic, David Beckham, Neymar, Kylian Mbappé, Lionel Messi et consorts, la balance semble encore nettement positive. "Ce sont des investisseurs très avisés", abonde la géographe spécialiste du Golfe Natalie Koch.

"L'approche galactique, au début de leur règne, a permis d'établir leur réputation, appuie Thomas Ross Griffin. Ils ont copié les pratiques des grands clubs en Espagne, en Italie. Un peu comme la 'taxe Manchester United', qui entraîne une augmentation du prix d'un joueur convoité par les Red Devils de 20%, il y a désormais la 'taxe PSG'. C'est le lot des équipes qui comptent. Ils la payent, sans sourciller." La stratégie du club a été pensée en plusieurs strates avant d'arriver à l'irrésistible équipe cornaquée par un Luis Enrique adepte d'un football sans méga stars. "La séquence où ils achetaient des grands noms à tour de bras était nécessaire. Démarrer avec une équipe de jeunes ne leur aurait pas permis d'avoir une telle marge en Ligue 1, face à des places fortes comme Lyon ou Marseille."

L'arrogance d'un nouveau riche

Une stratégie conquérante, mais secrète. Contrairement à ce qu'affirmait Frédéric Longuépée(Nouvelle fenêtre), ancien n°2 du club, il n'y a pas une ligne sur le PSG dans le fameux document Vision 2030(Nouvelle fenêtre), une feuille de route assez vague sur la politique globale de Doha. "C'est plus un document destiné à rassurer les investisseurs", nuance Raphaël Le Magoariec, fin connaisseur de l'émirat. Pour le PSG, les grandes décisions sont prises depuis la capitale de l'émirat gazier, avec le président du club, Nasser al-Khelaïfi. Très proche des Al-Thani, il ne fait pas partie de la famille royale.

Les diverses affaires judiciaires auxquelles il est mêlé n'éclaboussent ainsi pas directement le pouvoir. "NAK" est en effet accusé de conflit d'intérêts dans l'attribution des droits TV de la Ligue 1, à cause de sa double casquette de président de BeIN Sports, et est mis en examen depuis février 2025 pour "complicité d'abus de pouvoir" aux côtés de l'industriel Arnaud Lagardère. Ses méthodes sont aussi contestées, comme le recours à une armée de trolls pour ternir numériquement l'image de Kylian Mbappé ou Adrien Rabiot, quand ceux-ci souhaitaient quitter le club.

Le PSG s'est aussi illustré par une arrogance de nouveau riche lors de ses premières campagnes européennes. "Ils ont multiplié les erreurs de communication, en parlant trop et en faisant l'étalage de leurs certitudes", illustre Raphaël Le Magoariec. Après la terrible remontada (1-6) face à Barcelone en 2016, un dirigeant du PSG avait dévoilé au Monde(Nouvelle fenêtre) la feuille de route de l'émir prévue dès 2011 : "Il avait planifié de participer aux quarts de finale de la Ligue des champions, puis aux demies au bout de la troisième année, et à la finale au bout de la cinquième." La première finale de C1, perdue face au Bayern Munich, n'est intervenue "qu'en" 2020, lors d'une saison perturbée par le Covid-19. A l'époque, le club alignait encore les grands noms et les salaires mensuels à sept chiffres.

Même si le football n'est pas une science exacte, les moyens dispendieux du PSG lui ont aussi valu quelques critiques. Vu de l'extérieur, affronter le PSG, c'est affronter l'équipe du Qatar – autrement plus forte que la sélection nationale de l'émirat – et ses moyens illimités. "Nous ne jouons plus contre des clubs de football, mais contre des Etats", soupirait le président de Dortmund, Hans-Joachim Watzke, avec qui Paris ferraillait en demi-finales de C1 en 2024. En Espagne, la fronde anti-PSG est allée très loin : le président de la Ligue Javier Tebas a mené une croisade pour obtenir l'exclusion du club parisien des Coupes d'Europe. En vain. Il n'y a guère que les supporters du Bayern Munich qui ont réussi à faire plier leurs dirigeants pour mettre fin au partenariat avec Qatar Airways, pour des raisons éthiques.

Pourtant, les patrons qataris du PSG font tout pour créer une marque de divertissement la plus déterritorialisée possible. "Le Qatar cherche à construire un objet global qui parlera au plus grand nombre, souligne Raphaël le Magoariec. Comparez avec l'Arabie saoudite qui rhabille Lionel Messi avec un bisht traditionnel dans ses pubs(Nouvelle fenêtre). On n'a jamais vu un joueur du PSG vêtu de la sorte."  

Pour preuve, le contrat entre le club et Qatar Tourism Authority, révélé par les Football Leaks en 2018, "ne faisait figurer aucun objectif chiffré de retombées économiques" pour le petit émirat, juste des clauses liées à une présence constante en Ligue des champions, souligne le chercheur américain Sarath Ganji, auteur de l'article How Qatar became a world leader in sportwashing (Nouvelle fenêtre) ("Comment le Qatar est devenu un leader mondial du blanchiment de l'image par le sport" en français). "A part pendant la Coupe du monde 2022, vous n'avez pas vu des campagnes massives 'Visit Qatar'. Le pays n'a pas besoin d'attirer des touristes, ses 200 000 citoyens sont riches et toutes les infrastructures existent déjà, souligne Natalie Koch. C'est très différent de l'Arabie saoudite [qui a acheté le club anglais de Newcastle en 2021], où une grande partie de la population souffre de la pauvreté."

Un succès de prestige

Il faut saisir que le PSG n'est qu'un rouage d'un plan plus large, qui inclut aussi des investissements colossaux dans l'éducation supérieure ou la défense. "Prenez la récente tournée au Moyen-Orient de Donald Trump. Quel est le seul pays de la région qui a été élevé au rang d'allié majeur hors-Otan par les Etats-Unis ? Le Qatar", souligne Sarath Ganji, alors que le pays vient d'offrir un nouvel avion Air Force One au président américain.

Par ailleurs, l'émirat a plutôt bonne presse à l'international. En témoigne sa 22e place au Global Soft Power Index 2025(Nouvelle fenêtre), un baromètre de l'image des Etats (la France occupe le sixième rang). Pas mal, pour un pays dont le projet vise à "inverser les centralités", comme le résume Raphaël Le Magoariec. En bousculant l'ordre établi, le Qatar s'attire aussi l'inimitié de ceux qu'il essaie de déloger, que ce soit pour organiser de grands événements sportifs comme la Coupe du monde 2022 – une décision entachée de forts soupçons – ou pour peser sur la marche du monde.

Auréolé de son sacre en Ligue des champions, le PSG version Qatar a désormais son rond de serviette à la table des grands d'Europe, et ses propriétaires aux côtés des fonds d'investissement, souvent américains, qui injectent des montagnes de cash dans les grands clubs européens (comme Liverpool ou Chelsea). "On traîne encore en Occident le stéréotype du cheikh arabe qui dépense sans compter pour s'offrir un jouet doré, peu importe son prix", souligne Thomas Ross Griffin. Un temps sur les rangs pour racheter Manchester United, ex-place forte du foot anglais, les Qataris, emmenés par le fils d'un ancien Premier ministre de l'émirat, n'ont pas déposé d'offre. Trop cher, alors que le club reste criblé de dettes et a besoin d'un nouveau stade. 

Le PSG, auréolé de son sacre européen, suffit pour le moment aux ambitions sportives du Qatar. D'autant que le succès en Ligue des champions ne devrait rejaillir que très partiellement sur l'émirat. L'écho des chants de supporters restera bien plus fort à Paris qu'à Doha. "Gagner ce trophée représentera un aboutissement sportif pour le PSG, comme ça l'a été pour Manchester City [propriété des Emirats arabes unis, victorieux de la Ligue des champions en 2023] avant lui. Mais pas forcément pour le Qatar, assure Thomas Ross Griffin. Leurs objectifs, ils les ont déjà atteints".

France Télévisions
 
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https://www.franceinfo.fr/sports/foot/ligue-des-champions/finale/victoire-du-psg-en-ligue-des-champions-au-dela-du-triomphe-sportif-pourquoi-le-qatar-a-largement-reussi-son-paris_7277724.html

Avec le PSG en finale de la Champions League, le « soft power » qatari rayonne. Le succès depuis des années de la chaîne de télévision « Al-Jazira », vecteur tout-puissant de projection extérieure du pays, en est un autre témoin. Pourtant, il y a moins d’un siècle, le Qatar, petite péninsule à peine plus grande que la Corse, n’était qu’un repère de pêcheurs de perles. Puis le pétrole, et surtout le gaz, ont jailli. Le pays est devenu riche, très riche. Avec un PIB par habitant proche de 120 000 dollars, il figure dans le top 5 mondial, loin devant la France à la 28e place.

Une population majoritairement immigrée

Ses habitants sont riches, enfin ceux de souche, c’est-à-dire une minorité. Car comme dans les autres États du Golfe, la population est majoritairement composée d’immigrés. Le Qatar compte un peu plus de 3 millions d’habitants, dont à peine plus de 350 000 sont Qataris, soit moins de 1% de la population totale. Les immigrés sont donc ultra-majoritaires, majoritairement des hommes, ce qui provoque un déséquilibre marqué dans la répartition par sexe. Une population venue d’Asie du Sud, d’Afrique du Nord ou des Philippines qui constitue 90% de la main-d’œuvre du pays. Le Qatar, c’est l’exploitation d’une double rente : pétrolière et d’immigration économique. Il exporte ses ressources naturelles, investit ses profits à l’étranger, et importe la force de travail nécessaire pour faire fonctionner l’économie et transformer son territoire. Le pétrole et le gaz restent néanmoins au cœur du modèle.

La puissance économique par les hydrocarbures

Troisième exportateur mondial de gaz naturel liquéfié, ils représentent 86% des exportations, pour un montant estimé à 83 milliards de dollars en 2024, soit 37% du PIB. Les hydrocarbures assurent également plus de 82% des recettes publiques. De quoi permettre au pays de générer de solides excédents commerciaux. La récente baisse des cours du pétrole et du gaz pèse sur les perspectives, mais sans compromettre pour l’instant les excédents courants. Ces revenus sont transformés en rente financière via le Qatar Investment Authority : huitième fonds souverain au monde avec 525 milliards d’actifs sous gestion, il est devenu un acteur majeur de l’économie mondiale, en diversifiant ses investissements à l’échelle géographique et sectorielle (énergie, luxe, numérique, immobilier), mais aussi dans le sport via sa filiale QSI, propriétaire à 100% du PSG et de BeIN Sport. Autant de leviers d’influence au service de la diplomatie et de la visibilité du pays.

L’économie interne et ses appuis

En interne, la rente pétrolière finance une administration et des entreprises publiques, bien rémunérées et réservées aux Qataris, ainsi qu’un secteur privé totalement dépendant de la main-d’œuvre étrangère. Celle-ci sert d’abord la population : selon Human Rights Watch, 100 000 migrants travaillent comme domestiques. Dans la santé, 69% des médecins et 91% des infirmiers sont étrangers. Elle développe aussi le pays : routes, métros, stades, hôtels… Le BTP, qui pèse 12% du PIB, repose à 100% sur des travailleurs immigrés, tout comme l’agriculture. Le commerce, l’hôtellerie et la restauration sont eux aussi massivement portés par des expatriés.

Le modèle qatari montre ainsi comment un État riche en ressources naturelles peut bâtir sa prospérité sur une autre rente – celle de l’immigration – en attirant des centaines de milliers d’étrangers.

 
Alexandre Mirlicourtois

Publié le lundi 26 mai 2025

https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Qatar-le-developpement-spectaculaire-des-rentes_3754037.html?u

Coupe du monde 2022 : "Le Quotidien de La Réunion" boycotte la compétition au Qatar et assure que "Même si la France est championne, nous ne relaierons pas l'exploit sportif"

Le journal a pris la  décision de boycotter la Coupe du monde de football 2022 qui aura lieu au Qatar. Vincent Vibert, son directeur, répond aux questions de franceinfo.

"La décision s'est prise en même pas cinq minutes", raconte mardi 13 septembre sur franceinfo, Vincent Vibert, directeur du Quotidien de La Réunion. Le journal est le premier titre qui prend la décision de boycotter la Coupe du monde de football organisée au Qatar du 28 novembre au 18 décembre 2022. C'est "le service des sports du quotidien qui a proposé de prendre une position forte qui en lien avec nos valeurs, de respect d'autant que nous fêtons les 46 ans du journal", et "même si la France est championne du monde, nous ne relaierons pas l'exploit sportif".

franceinfo : Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision ?

Vincent Vibert : Ce sujet est arrivé par le service des sports du quotidien qui nous a posé la question de savoir comment traiter cette info par rapport aux problématiques environnementales, de droits humains et de liberté d'expression. Il a proposé de prendre une position forte qui est en lien avec nos valeurs, de respect d'autant que nous fêtons les 46 ans du journal. La décision s'est prise en même pas cinq minutes. On s'est dit : on boycotte totalement l'événement parce qu'aujourd'hui pour nous cet évènement catalyse l'ensemble des problématiques dont je vous ai parlé. Et en 2022, c'est inacceptable et on a décidé de prendre cette décision.

 

Pourquoi n'avez-vous pas boycotté les Jeux olympiques de Pékin par exemple à cause de l'oppression contre les Ouïghours ?

Ce n'est pas le pays qu'on boycotte parce que dans le monde, quel pays serait parfait ? Le monde a changé depuis les derniers JO notamment depuis la pandémie de Covid-19, on voit qu'il y a une accélération des problématiques climatiques et cette Coupe du monde catalyse tout ce qui n'est plus acceptable dans le monde aujourd'hui.

"C'est la façon dont cet événement est organisé qui n'est pas normal et que nous souhaitons dénoncer."

Vincent Vibert, directeur du Quotidien de La Réunion

à franceinfo

Je trouve que c'est le rôle des médias et de la presse d'ouvrir ces débats et d'éveiller les consciences. Après la sortie du journal ce [mardi] matin  il y a eu des réactions sur les réseaux sociaux et je peux dire qu'elles sont à 95% positives. Il y a un soutien et un accueil favorable qu'un titre de presse prenne cette décision.

Imaginons que la France se retrouve en finale et gagne la compétition, il n'y aura pas un mot dans votre journal ?

Il n'y aura pas un mot sur tout l'événement sportif et on n'aura aucun revenu publicitaire lié à la Coupe du monde. On n'en acceptera pas. On ne relaiera aucun sujet sur l'aspect sportif en revanche nous pourrons relayer les à-côtés de l'événement. Même si la France est championne du monde, nous ne relaierons pas l'exploit sportif. La presse vit des moments compliqués, peut-être allons-nous gagner des lecteurs qui s'associent à nos démarches. On verra s'il y a un réel impact sur les ventes mais à un certain moment sur des questions morales et de valeurs, il faut dissocier les choses de la partie économique.

Radio France
 
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https://www.francetvinfo.fr/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-le-quotidien-de-la-reunion-boycotte-la-competition-au-qatar-et-assure-que-meme-si-la-france-est-championne-nous-ne-relaierons-pas-l-exploit-sportif_5359216.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20220914-[lestitres-coldroite/titre5]

Le Qatar épinglé par Amnesty International à un an du Mondial 2022

L'organisation humanitaire estime que les progrès réalisés ces dernières années par l'émirat sur les conditions de vie et de travail des employés migrants sont au point mort, à un an du début de la Coupe du monde de football.

La polémique est née dès les premiers coups de pioches pour l’édification des stades de la Coupe du monde 2022. Les conditions de vie et de travail des ouvriers de ces chantiers, essentiellement originaires du Bangladesh et du Népal, ont été dénoncées par plusieurs syndicats internationaux et organisations humanitaires, dont Amnesty International, qui publie chaque année son "Reality Check" sur le Qatar depuis cinq ans. Dans son dernier rapport, publié ce mardi 16 novembre, elle estime que les progrès engagés par les autorités pour améliorer le sort des travailleurs "sont au point mort depuis un an, et que les anciennes pratiques abusives ont refait surface".

Amnesty International n’appelle pas au boycott de la compétition et ne fait pas d’enquête pour évaluer le nombre de morts, mais elle estime, tout comme les experts de l’Organisation internationale du travail (OIT) présents sur place, que 70% des décès sur les chantiers ne sont pas étayés et ne sont donc pas reliés aux conditions de chaleur extrêmes du pays. "Six cas ont été documentés et d’autres sont à venir", insiste une porte-parole.

 

6.500 morts en 10 ans

Le coût humain de ces chantiers a été régulièrement dénoncé par plusieurs organisations internationales et dans un article du quotidien britannique The Guardian, qui évoquaient, en début d’année, le décès de 6.500 ouvriers sur dix ans. Hassan al-Thawadi, le patron du comité d’organisation de la Coupe du monde 2022, réfute l’accusation. Ce chiffre, selon lui, n’inclut pas seulement des ouvriers et il avance le bilan de 37 morts liés aux chantiers de construction des stades. "Nous menons une enquête approfondie sur chaque décès, assure-t-il, nous regardons son état de santé avant la mort, sa médication, les circonstances de l’accident. Nos enquêtes vont au-delà de ce qui nous est demandé." Les évolutions des conditions de travail des employés sont suivies de près par les représentants de l’OIT, présents sur place depuis 2013.

"La relation était plutôt combative au départ, raconte Max Tuñón, chef du bureau de l’OIT à Doha. Mais elle est très bonne, très ouverte aujourd’hui. Le Qatar est en train de fixer les standards pour la région". Parmi les réformes entreprises, le gouvernement a supprimé la Kafala, un système d’exploitation qui lie le travailleur à son employeur. L’employé n’a plus besoin de son autorisation pour changer de job, son passeport ne peut plus lui être enlevé, il bénéficie d’un salaire minimum d’environ 240 euros par mois auxquels s’ajoutent près de 200 euros d’indemnités de logement et de repas. Les syndicats sont interdits mais les employés peuvent élire des représentants chargés de transmettre leurs doléances. Une révolution pour les entreprises locales. "Mais la Coupe du monde ne doit pas être la ligne d’arrivée", martèle Max Tuñón.

Craintes de retour à l'ancien système

 

Dans son rapport, Amnesty International met en garde contre les tentations réactionnaires d’une frange de la population qatarienne. "Sur le terrain, les réformes ne sont pas toujours mises en place et beaucoup d’entreprises veulent revenir à l’ancien système", accuse Lola Schulmann, chargée de plaidoyer à Amnesty International. Les ouvriers des stades sont particulièrement surveillés, tant par les ONG que par l’OIT. Mais le sort des centaines de milliers de travailleurs immigrés présents dans l’émirat demeure incertain selon Amnesty International, notamment celui des employés domestiques ou des travailleurs dans les secteurs de l’hôtellerie et de la sécurité. L’organisation estime que des pans entiers de la Kafala restent en vigueur et cite notamment le cas d'Aisha, qui travaille dans l’hôtellerie, et affirme "avoir été menacée par son patron lorsqu’elle a refusé de signer un nouveau contrat avec lui et a demandé à changer d’employeur". Il reste un an au Qatar pour se rendre irréprochable.

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