Cref, Teulade, Hollande...

Publié le par ottolilienthal

Les difficultés exemplaires d’une complémentaire retraite

Mi-novembre, l’Union mutualiste de retraite, qui gère l’une des principaux complémentaire-retraite de France, annonçait des mesures drastiques pour ses adhérents. Un avant-goût des difficultés du système de retraite français selon elle. Une tromperie sur laquelle l’Etat et les organismes de contrôle ont fermé les yeux, selon de nombreux adhérents, qui ont porté l’affaire en justice.

Le square Max-Hymans, à Paris, pourrait difficilement abriter 300.000 manifestants. Au 3 de cette esplanade qui jouxte la gare Montparnasse se trouve le siège de la Mutuelle générale de l’Education nationale (MGEN), lequel accueillait lui-même, le mardi 18 novembre, l’assemblée générale extraordinaire de l’Union mutualiste de retraite (UMR), qui gère le complément-retraite de plus de 475.000 sociétaires, majoritairement de la fonction publique et de l'Éducation nationale.

Aucun de ses sociétaires n’était invité à cette assemblée générale. D’ailleurs, aucun d’entre eux ne savait où celle-ci se tenait. Pourquoi si peu de publicité? Peut-être parce que l’UMR décidait ce jour-là de mesures très impopulaires. Peut-être parce qu'elle avait peur d’un rassemblement de sociétaires mécontents, un sit-in par exemple.

Près de 300.000 personnes sont touchées par les décisions annoncées par la mutuelle. Pour environ 200.000 adhérents encore cotisants, l’âge de liquidation, le moment de bascule de la cotisation à la rente, est repoussé de 60 à 62 ans. Le taux de rendement de l’épargne baisse à 1,5%. Mais les plus touchés sont les allocataires d’un régime fermé, appelé le R1: ils sont 108.000 et verront leur rente mensuelle, fruit de longues années de cotisations, diminuer d’un tiers d’un coup.

Christine est dans ce cas. Elle touche actuellement 185 euros par mois; elle touchera désormais environ 130 euros. Retraitée depuis 1991, elle perçoit un peu moins de 1.000 euros de retraite d’institutrice. Elle peut résumer en une phrase le sentiment de nombreux adhérents, encouragés, notamment par leur mutuelle, la MGEN, à cotiser pour ce régime, un complément de retraite présenté comme solide et performant: «On a le sentiment d’avoir été floués, et c’est pas fini.»

Paul Le Bihan, directeur général de l’UMR, préfère parler de «plan d’ajustement». Et déroule aussitôt les éléments de langage: à l’origine de ces mesures, la baisse des taux d’intérêt, qui diminue le rendement de l’épargne. Mais aussi «l’allongement de l'espérance de vie, qui continue à augmenter dans notre pays, et nous conduit à verser des rentes plus longtemps à nos adhérents». Or «comme l’objectif premier, c’est de verser une rente à vie», rappelle-t-il, «on joue sur certains paramètres du produit» (le taux de rendement, l’âge de perception de la rente). Enfin, troisième raison: une «réglementation peu adaptée», en l’occurrence la nouvelle directive européenne Solvabilité II, perçue comme favorable aux assureurs de court terme plutôt qu'aux assureurs de long terme.

«Je conçois que c’est très difficile d’admettre qu’une rente baisse, ou que certains paramètres du produit soient revus. Mais dans les faits, le résultat n’est pas différent de ce qui se passe quand l’Etat décide de baisser son niveau de rémunération du Livret A», explique-t-il.

Le directeur général de l’UMR prédit pour l’année 2015 «des décisions d’ajustements importantes» dans le domaine de la retraite. L’Agirc-Arrco, la complémentaire des cadres et des salariés, n’est-elle pas dans de très sérieuses difficultés? La dernière réforme des retraites de Jean-Marc Ayrault, qui a allongé également la durée de cotisation, n’est-elle pas déjà insuffisante? Au fond, la crise de l’UMR ne serait rien d’autre qu’une première alerte.

Une première alerte, ou un lourd héritage?

Ce n’est pas complètement faux, mais ce n’est pas complètement vrai non plus. Derrière les raisons invoquées, il y a un héritage, au sujet duquel l’UMR est très discret, mais que les adhérents connaissent bien.

Pour le Comité d’information et de défense des adhérents de l’UMR, ce plan d’ajustement trouve sa source dans des difficultés anciennes, plus ou moins cachées aux adhérents. Ces fameux petits astérisques en bas de page ou ces détails techniques incompréhensibles pour le commun des mortels. Qui décrivent en l’occurrence une dette, ou plutôt une «insuffisance de provisionnement». Autrement dit, un manque d'argent pour faire face aux engagements.

Dans son rapport de gestion 2013, l’UMR évoque «l’insuffisance de provisionnement des régimes R1 et Corem». Où l’on apprend «qu’au global, sur la base du taux d’actualisation de référence de 3% utilisé pour le calcul de la PMT, les régimes R1 et Corem affichent une insuffisance de provisionnement de 27 M€ avec les TPG93 et une insuffisance de 458,8 M€ avec les TG05.» Pas très clair, non? Disons que le trou annoncé est alors compris entre 27 et 460 millions d’euros.

A quand le retour à l’équilibre? «Nous avons une trajectoire qui nous permet de couvrir nos engagements. Nous sommes très attaché à son respect, d’où les mesures qui ont été proposées en assemblée générale», rappelle Paul Le Bihan, qui reconnaît implicitement que le passé, et le passif, de l’UMR a une incidence sur les mesures adoptées en assemblée générale. La «trajectoire» évoquée mène au provisionnement intégral des engagements, ou comblement définitif du trou, prévu pour 2027.

Un huissier à l'Elysée

Mais d’où vient cette dette? L’UMR est une structure juridique réunissant différentes mutuelles, au premier rang desquelles la MGEN. Cette union est née en 2002 sur les cendres d’une autre union de mutuelles, la mutuelle retraite de la fonction publique (MRFP). Et ça, l’UMR ne l’affiche pas en gras sur les publicités.

Car appelez-la «affaire du Cref», «affaire René Teulade» ou «affaire de la MRFP», le résultat est le même: condamnation d’une dizaine d’administrateurs pour abus de confiance; condamnation de l’Etat pour défaut de surveillance d’une mutuelle qui fonctionnait dans l’illégalité depuis... 1989; lenteurs de la justice, dont les parties civiles ont parfois considéré qu’elle n’était pas sans relation avec la proximité entre le Cref et le monde politique. Au point que le 22 novembre 2013, un huissier se rendait à l’Elysée pour inviter François Hollande à témoigner sur cette affaire, en tant qu’ex-trésorier d’une association hébergée à l’époque gratuitement par la mutuelle.

Nicolas Lecoq-Vallon, avocat du CIDS, coordonne l’ensemble des procédures mené par celui-ci, dont la plainte pour tromperie déposée contre l’UMR et ses administrateurs:

«Les nouveaux adhérents, depuis 2002, avaient l’impression d’adhérer à un régime non seulement solide, mais neuf. On leur a caché qu’il était issu de la faillite d’un régime précédent qui s’appelait le Cref.

 

La faute, c’est la dissimulation du trou du Cref, dont est issu le Corem, et le préjudice, ce sont les mesures qui ont été annoncées mardi 18 novembre. Les adhérents ne pouvaient pas savoir qu’ils entraient dans le tonneau des Danaïdes et qu’ils allaient payer le passif d’une gestion antérieure.»

Car contrairement à Paul Le Bihan, qui qualifie de «particulièrement détaillé» le rapport de gestion de l’UMR cité plus haut, Maître Lecoq-Vallon et le CIDS sont confiants. «Nous avons plein de dispositions qui prévoient un principe d’information nette, loyale et transparente. Le moins qu’on puisse dire est que le discours n’est pas net, loyal ou transparent, et qu’on est dans la tromperie telle que définie par le code de consommation.»

Le CIDS visera également «tous les complices que l’instruction révèlera». Dont les autorités de contrôle, en premier lieu l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Celle-ci est chargée, entre autres, de la surveillance des assurances et des mutuelles. L’héritière des institutions qui avaient déjà failli à leur mission de contrôle dans les années 1990, entraînant la condamnation de l’Etat. Où l’affaire de l’UMR devient exemplaire à un troisième titre: la difficulté des associations de défense d’adhérents ou de consommateurs à être reconnues en France, et donc écoutées par les institutions.

«Comme si un syndic ne convoquait pas les copropriétaires»

Le 5 juin 2014, l’Association nationale des fonctionnaires épargnants pour la retraite (ARCAF), dont le président Guillaume Prache, saisissait l’ACPR sur «les présomptions d’infraction de l’UMR aux règles d’information des épargnants». Le courrier attaquait le mode de calcul de la dette, estimée à 2,1 milliard d’euros (contre 500 millions selon la mutuelle). L’UMR a aujourd’hui revu ses estimations, tout en bas de sa page d’accueil. Son trou pourrait s’élever au maximum à 2,2 milliards d’euros...

La saisine de l’association tient en 4 pages. La réponse de l’ACPR, datée du 23 juillet en deux paragraphes, un pour résumer la question, le second pour ne pas y répondre. Le sens de la synthèse. « Je peux vous assurer que la situation de l’UMR est suivie de très près par mes services, conformément à ses missions de contrôle de la situation financière des organismes et de la protection de la clientèle.» Des services «tenus au secret professionnel», qui n’ont pas à communiquer avec «les associations représentant les intérêts des adhérents des organismes d’assurance.»

Pourquoi ne pas avoir prévenu les adhérents du lieu de réunion de l'assemblée générale? Pour Christine, l’adhérente «frustrée et mécontente» qui a perdu ce jour-là 30% de sa rente mensuelle, après avoir déjà perdu 17% en 2002, «c’est comme si un syndic ne convoquait pas les copropriétaires».

Impression compréhensible de tromperie par rapport aux valeurs affichées, notamment la transparence? Loin de là. Simplement les statuts, conclut le directeur général de la mutuelle : «Je pense qu’une assemblée générale est un moment important dans la vie de toute entreprise, mutuelle ou pas. Je pense que les organes dirigeants sont très attachés au respect des règles de fonctionnement d’une assemblée générale. Et nous n’y dérogeons pas.»

Raphaël Czarny

 

http://www.slate.fr/story/95281/difficultes-exemplaires-complementaire-retraite

 

 

rappel archives :

 

 La faillite du Cref, complément retraite des instituteurs, est un scandale que “Valeurs actuelles” fut le premier à dénoncer en 2001. Près de 5 000 fonctionnaires, parmi les plus modestes de l’Éducation nationale, victimes de la gestion calamiteuse de leur épargne, viennent d’obtenir réparation devant la cour d’appel de Paris. Avant 435 000 autres ? Retour sur un combat au long cours qui n’est peut-être pas fini.

 

Quand, le 29 juin 2001, Valeurs actuelles fit sa couverture sur l’affaire du Cref pour dénoncer un scandale probablement bien pire que celui de la Mnef (dont le PS émergeait à peine), nous nous attendions à tout… sauf à recevoir des remerciements. Et c’est pourtant ce qui arriva, bien avant la citation en justice à laquelle nous ne pouvions échapper, vu la gravité des faits que nous prenions le risque de dénoncer.

 

Le journal était alors mis en kiosque le vendredi et, week-end oblige, il était rare que nos abonnés nous adressent leurs commentaires avant le début de la semaine suivante. Et comme Internet en était à ses balbutiements, il était plus exceptionnel encore qu’un article de Valeurs actuelles, lu par des acheteurs occasionnels, fasse instantanément boule de neige, surtout si les revues de presse radio-télé s’étaient abstenues de le relayer. Ce qui, en l’espèce, avait été le cas.

Dès le lundi 2 juillet, pourtant, notre standard téléphonique explosait sous les appels, cependant que les lettres affluaient à la rédaction. Et ce n’était qu’un cri : “Merci de votre courage !” Le plus extraordinaire – mais aussi le plus émouvant – n’était pas le contenu de ces messages, mais bien d’où ils venaient. Loin d’être seulement des électeurs de droite ravis de voir la gauche empêtrée dans un scandale de plus à moins d’un an de l’élection présidentielle, ceux qui nous félicitaient indiquaient parfois qu’ils continueraient à voter à gauche… Mais en tout état de cause, plus pour cette gauche-là !

Tous ou presque, en effet, étaient les victimes d’une manipulation d’un rare cynisme que nous résumions, en sub stance, par cette question : comment un homme aussi “avisé” que René Teulade, en sa qualité d’ancien président de la Mutualité française (1979-1992), de ministre des Affaires sociales (1992- 1993), signataire, à ce double titre, d’un rapport officiel sur les retraites (1999), avait-il pu, comme président puis président d’honneur de la Mutuelle de retraite de la fonction publique (MRFP), proposer à 440 000 de ses sociétaires un produit de retraite mis hors la loi par les directives européennes et promis à la faillite par le déséquilibre de notre démographie ?

 

Un coup de tonnerre pour ceux qui se croyaient à l’abri

 

Que révélions-nous, ce 29 juin 2001 ? Que, pour éviter d’être condamné par la Cour de justice de Luxembourg, le gouvernement Jospin avait décidé de transformer le Cref (complément de retraite de la fonction publique) en régime par capitalisation, alors qu’il fonctionnait jusqu’alors à 60 % par répartition. Opéré progressivement, ce changement aurait peut-être été indolore pour les 440 000 bénéficiaires de cette rente, servie aux retraités les plus modestes de l’Éducation nationale. Décidé dans l’urgence, il se révélait une catastrophe pour beaucoup d’entre eux, brusquement confrontés à une baisse moyenne de 16 % de leurs pensions alors que leur contrat d’adhé sion stipulait que celles-ci resteraient indexées sur l’augmentation des traitements de la fonction publique. Et ce, facteur aggravant, sans qu’aucun d’entre eux ait été averti, depuis huit ans, de ce qui se préparait.

 

Un comble alors que René Teulade, outre ses fonctions nationales, exerçait la présidence de la Fédération internationale de la mutualité, et que sa propre mutuelle entretenait des liens plus qu’étroits avec l’Observatoire européen de la protection sociale… un organisme soutenu à bout de bras financièrement par la MRFP mais qui n’a pas cru utile d’alerter son partenaire sur l’évolution du cadre institutionnel communautaire, ou alors si discrètement qu’il n’en a pas tenu compte…

 

Depuis 1992, deux directives européennes obligent en effet les produits de retraite facultatifs – dont faisait partie le Cref – à abandonner le système par répartition pour la capitalisation, mais aussi et surtout à adopter les règles prudentielles analogues à celle des compagnies d’assurances – en clair, à provisionner l’intégralité de leurs engagements. Résultat : le Cref, qui fonctionnait par répartition et limitait à cinq ans le provisionnement de ses prestations, se trouvait doublement hors la loi. Mieux : dès 1988, soit quatre ans avant l’entrée en vigueur de cette législation, la MRFP, que présidait René Teulade, s’était mise en contravention avec les règles du code de la Mutualité française… dirigée par ce même Teulade ! Des règles qui, anticipant de quatre ans la réglementation communautaire, recommandaient de restreindre drastiquement le recours à la répartition dans le cas des régimes facultatifs. Schizophrénie politique ?

 

Dénonçant le pari impossible du Cref – promettre à tous une pension constante dès lors que la démographie impliquait une chute des cotisants et une hausse des ayants droit – , l’Association des fonctionnaires épargnants (Arcaf) avait mis en garde, en 1994, sur la viabilité du produit. Et dès 1997, au nom de la commission des finances du Sénat, le sénateur Philippe Marini tirait la sonnette d’alarme : encourager l’adhésion à un tel régime au moyen d’une défiscalisation n’est pas “responsable” de la part de l’État. Mais il y a pis : non contents d’apprendre qu’ils devaient renoncer à une partie de leur épargne, les 440 000 sociétaires du Cref découvraient, au même moment, que de graves soupçons pesaient sur les dirigeants de leur mutuelle.

 

Alimentées, entre autres, par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) tenu curieusement secret depuis 1999, des informations convergentes arrivent alors sur le bureau des juges. Elles visent un certain nombre d’irrégularités parmi lesquelles des avantages en nature accordés à ceux-là mêmes qui avaient conduit la mutuelle à une quasi-faillite et certains de ses adhérents à la ruine : logements de fonction gratuits ou à loyers ridiculement bas dans les plus beaux quartiers de Paris ; travaux en tout genre réalisés au domicile privé de certains dirigeants de la mutuelle ; voitures mises à disposition ; indemnités de représentation et frais de bouche parfois exorbitants (par exemple, 9 315,55 francs pour un seul repas de quatre personnes arrosé d’un seul grand cru, en mars 1997 ) ; “club direction” avec maître d’hôtel se fournissant chez les meilleurs traiteurs ; cartes de crédit corporate généreusement concédées ; parachutes dorés dignes d’une multinationale (9 millions de francs versés par exemple à titre d’indemnité pour le licenciement d’un di recteur financier)… Sans compter les facilités offertes au Parti socialiste et à ses satellites.

 

C’est ainsi, par exemple, que jusqu’à sa mise en liquidation, en 1987, le Matin de Paris, qui avait relayé tous les combats du PS, comptait dans son tour de table une société intitulée UES Media et domiciliée… au siège parisien de la MRFP, 62, boulevard Garibaldi ! Constituée dans le cadre juridique d’une “union d’économie sociale sous forme de société anonyme coopérative”, elle était en fait une émanation du CCOMCEN (le Comité de coordination des oeuvres mutualistes et coopératives de l’Éducation nationale), auquel adhérait la MRFP…

 

Quant au siège du PS, rue de Solferino – un superbe immeuble de près de 2 000 mètres carrés – , les sociétaires du Cref ont appris, stupéfaits, qu’il fut entièrement rénové par leur mutuelle avant d’être loué, en 1981, au mouvement de François Mitterrand puis vendu à ce même PS en 1985, Lionel Jospin en étant le premier secrétaire. Prix de vente déclaré : 53 millions de francs. Soit 26 500francs le mètre carré de bureaux, quand, en 1985 – point de départ d’une flambée spéculative qui ne s’achèverait que cinq ans plus tard – , le prix moyen dans cet arrondissement dépassait déjà 40 000 francs.

 

Pour avoir été le premier à révéler tout cela – et bien d’autres choses encore ! – Valeurs actuelles fut poursuivi par René Teulade et la MRFP. Deux phrases de notre article du 29 juin 2001 étaient particulièrement visées : « Pire que la Mnef, l’affaire Cref. » Et aussi : « L’argent des retraités de l’Éducation nationale a-t-il vocation à assurer le train de vie de certains dignitaires socialistes ? »

 

Parallèlement, le Comité d’information et de défense des sociétaires du Cref (CIDS), créé par la bouillante Andrée Rouffet-Pinon (5 000 adhérents, et au tant de plaignants contre la mutuelle !), était lui aussi traduit en justice. En cause : leurs accusations sur l’impéritie des gestionnaires du Cref, mais aussi et surtout sur les soupçons convergents d’abus de biens sociaux ayant accompagné sa faillite…

 

Curieusement, seul notre premier article aura été attaqué, et nullement ceux qui ont suivi, lesquels contenaient pourtant des informations toujours plus précises, confirmées par les découvertes des enquêteurs diligentés par la jus tice…

 

4 600 plaignants satisfaits… et 435 000 potentiels ?

 

C’est que, depuis 2001, les faits n’ont cessé de nous donner raison : en juillet 2001, le siège de la mutuelle était perquisitionné ; en février 2002, René Teulade et huit de ses anciens collaborateurs étaient mis en examen et placés sous contrôle judiciaire ; en avril 2003, enfin, le produit Cref disparaissait au profit d’un système classique de capitalisation, géré par une nouvelle entité regroupant les plus importantes mutuelles de la fonction publique, l’UMR (l’Union mutualiste retraite, qui se substituait à la MRFP en s’adossant notamment à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale)…

Surtout, les adhérents du Cref, défendus par Me Nicolas Lecoq-Vallon, remportaient bientôt une première victoire décisive : en avril 2004, une décision de la chambre d’instruction de Paris confirmait qu’il existait bien un lien entre les détournements d’argent invoqués par le CIDS et la baisse des compléments retraite (jusqu’à 50 % d’épargne en moins pour certains sociétaires du Cref !). Résultat : Valeurs actuelles n’était condamné, le 20 janvier 2005, qu’à un euro de dommages et intérêts pour avoir mis en cause René Teulade (essentiellement, pour n’avoir pu prouver que nous avions, à plusieurs reprises, tenté de le joindre), la cour reconnaissant par ailleurs que « le but poursuivi, l’information des lecteurs, était légitime » et que nous avions pro cédé « à une enquête sérieuse, notamment en obtenant la communication du rap port de l’Igas qui est accablant pour le Cref». C’était, pour notre hebdomadaire, dont la valeur des informations était reconnue par la justice, un encouragement notoire à poursuivre ses investigations. Et pour les retraités du Cref ayant adhéré au CIDS, un obstacle de moins dans l’obtention de l’essentiel : la reconnaissance par la justice du dol dont ils ont été victimes. C’est chose faite depuis que, le 29 avril dernier, la cour d’appel de Paris a donné définitivement raison aux sociétaires du Cref qui, en 2008, avaient été déboutés de leurs demandes de dommages et in térêts. Extrêmement sévère, le jugement condamne l’UMR à payer 20 000 euros d’indemnités aux 4 600 plaignants du CIDS.

 

Pour eux, comme pour Me Lecoq-Vallon, qui a porté si longtemps ce dossier, c’est une victoire éclatante. Mais l’affaire n’est pas purgée pour autant. Car rien ne dit que les 435 000 autres sociétaires du Cref, également lésés mais qui n’avaient pas cru utile de porter plainte, ne vont pas exciper de ce jugement pour obtenir la reconnaissance de leurs droits !

 

Ici, deux logiques s’affrontent : celle de la prescription des faits et celle de l’égalité des citoyens devant la loi. Le défaut d’information dont tous les sociétaires du Cref ont été victimes peut-il être sanctionné au profit seulement de ceux qui ont déposé plainte, et ne pas l’être s’agissant de ceux qui ont négligé de se porter partie civile ?

 

Depuis l’origine de l’affaire, Me Lecoq-Vallon plaide en effet pour la responsabilité de l’État, autorité de tutelle des mutuelles et garant de l’intérêt général. L’avocat prévenait dans Valeurs actuelles dès le 20mai 2003 : « La MRFP n’a ja mais appliqué les conditions posées par la Mutualité française, comme l’a constaté le Conseil d’État dans un arrêt du mois de juillet 2001. Il s’agit donc bien d’un problème structurel qui a été occulté pendant des années, y compris par les pouvoirs publics qui ont accordé la déductibilité fiscale au régime à compter du 1er janvier 1989, ce qui est en soi une forme d’incitation, alors que l’État aurait dû au moins vérifier la viabilité et la légalité du Cref avant de lui accorder un tel avantage. » Complice d’un tel abus de confiance, l’État sera-t-il prochainement mis sur la sellette ?

 

La somme qu’il aurait alors à débourser, dans l’hypothèse probable où les mutuelles seraient dans l’incapacité de le faire, serait astronomique : près de 9 milliards d’euros, trois fois le prix du porte-avions Charles-de-Gaulle !

 

D’ici là, les victimes du Cref attendent avec intérêt la décision du tribunal correctionnel, saisi du volet pénal de l’affaire. Jugés en mars dernier, René Teulade et ses collaborateurs seront fixés le 8 juin sur leur sort. À l’issue du procès, le procureur avait requis pour lui une peine de 18 mois de prison avec sursis et de 10 à 18 mois pour les autres.

 

  Éric Branca

 

http://www.valeursactuelles.com/actualit%C3%A9s/politique/cref-un-combat-de-valeurs20110512.html

 

Nicolas Lecoq-Vallon, avocat des victimes du CREF :

 

"le scandale de ce régime repose sur le fait que la mutuelle disait que les droits ne baisseraient jamais (..) car les

traitements des fonctionnaires étaient indexés sur l'inflation"

 

"les gens ont souvent par solidarité, par discipline syndicale, adhéré, beaucoup dans les établissements d'enseignement et fait du prosélytisme, mettant l'essentiel de leur épargne dans ce régime"

 

"au mois d'octobre 2000, on a annoncé qu'il y avait un trou de 1,5 milliard et que , par conséquent, le principe d'indexation ne serait plus respecté"

 

"c'est le plus grand scandale de l'épargne en France, car des fonctionnaires modestes se retrouvent dans une misère noire, certains ayant subi un préjudice portant sur 100 000 euros"

 

On peut s'étonner du peu de relais dans les médias traditionnels du jugement du 8 juin 2011 de la 11e Chambre du Tribunal Correctionnel de Paris qui a reconnu coupable René Teulade (ancien ministre, suppléant de François Hollande de 1997 à 2002), d'abus de confiance en tant que Président e l'a condamné à 18 mois de prison avec sursis et 5000 euros d'amende. Contre les 7 autres prévenus, ont été prononcées des peines de 8 à 18 mois de prison avec sursis et de 1500 à 5000 euros d'amende.. Le Conseil d'Etat a confirmé ce jugement le 25 avril 2012.

 

autres liens sur le scandale :

 

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/05/09/97002-20120509FILWWW00612-retraites-le-conseil-d-etat-donne-raison.php

 

(avec d'éloquents commentaires des internautes) 

 

 

Hollande dans la nasse du procès Teulade :

 

http://www.lepoint.fr/politique/une-deuxieme-convocation-pour-le-temoin-francois-hollande-10-04-2013-1652901_20.php

 

Cref: des dirigeants du régime de retraite sur le banc des accusés (16/05/2013) :

http://www.boursorama.com/actualites/cref-des-dirigeants-du-regime-de-retraite-sur-le-banc-des-accuses-24023dd892b664500849a48efa84c

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