Russie chronique
Après l’arrestation de onze suspects liés à l’attentat le 22 mars au Crocus City Hall, le pays compte ses morts et tente de comprendre ce qui s’est passé, tandis que semble s’effondrer le “théâtre de la sécurité” de Vladimir Poutine.
“Moscou pleure ses victimes”, titre le journal espagnol El País, dont le correspondant à Moscou raconte le “choc” perceptible au lendemain du pire attentat en Russie depuis 2002. “Les affiches publicitaires ont été remplacées par l’image d’une bougie sur fond noir avec la devise en deuil, ‘22.02.2024’”, décrit-il.
“C’était une attaque contre des personnes sans défense, un acte barbare”, s’émeut un étudiant préférant garder l’anonymat, croisé près du “lieu du drame”, toujours fermé et sous strict contrôle policier, tandis que l’enquête des services de sécurité se poursuit.
Les autorités russes ont identifié à l’heure actuelle 29 personnes sur les 133 tuées dans l’attaque, rapporte NBC News, alors que les sauveteurs continuent de déblayer les débris du Crocus City Hall, détruit par un incendie provoqué par les assaillants. Incendie qui a enfin fini par être maîtrisé samedi en fin de journée, ajoute la chaîne américaine.
Des suspects arrêtés et interrogés
Le FSB a annoncé samedi avoir arrêté dans la région de Briansk 11 personnes en lien avec l’attentat, dont les quatre assaillants présumés, rapporte le média russe en exil The Moscow Times. Tous sont des ressortissants étrangers, notamment des Tadjiks, selon l’agence de presse TASS. Dans la foulée, les médias officiels russes ont publié des vidéos montrant des policiers interrogeant, parfois brutalement, certains suspects.
Dans l’une des vidéos d’interrogatoire, partagée par l’agence Ria Novosti, on peut voir “un homme allongé face contre terre tandis qu’un autre homme, dont l’identité n’est pas révélée, le tient par les cheveux pour qu’il fasse face à la caméra”, décrit le Moscow Times, qui insiste sur le fait que le FSB a par le passé “mis en scène” des vidéos d’interrogatoires.
Le suspect révèle que ses “papiers ont expiré” en Turquie, et qu’il est ensuite venu en Russie, pour “tirer sur des gens, contre de l’argent”. On lui aurait ainsi promis un million de roubles (10 000 euros) pour mener à bien l’attaque, mais l’homme, “visiblement tremblant”, dit ne pas connaître l’identité de ses commanditaires, qui l’auraient contacté sur Telegram.
Une autre vidéo particulièrement violente, décrite par un autre média russe en exil Meduza, mais dont l’authenticité n’a pas pu être vérifiée, montre un policier coupant l’oreille d’un suspect à terre, avant d’essayer de la lui mettre dans la bouche et de le frapper sur la tête. On retrouve le même homme dans d’autres vidéos, un bandage ensanglanté sur la tête.
“Théories du complot inutiles”
Si, comme le remarque la Süddeutsche Zeitung en Allemagne, les autorités russes ne cessent de pointer du doigt l’Ukraine, la Maison Blanche a pour sa part réitéré que Daech-K, un “ennemi commun qui doit être vaincu partout”, était le seul responsable de l’attaque. Volodymyr Zelensky, de son côté, a déclaré dans son message quotidien sur Telegram que “ce qui s’est passé hier à Moscou est évident : Poutine et les autres salauds essaient juste de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre”.
Le mensuel américain The Atlantic explique parfaitement pourquoi la piste de l’État islamique (EI) est la plus logique, et pourquoi toutes les autres ne sont que “des théories du complot inutiles”, y compris celle formulée par le joueur d’échecs exilé aux États-Unis Garry Kasparov, qui a suggéré que “la Russie s’était elle-même attaquée pour susciter un sentiment ethnonationaliste”.
The Atlantic observe ainsi qu’“un citoyen russe sur cinq est musulman” et que “la montée en puissance de l’EI a été utile à la Russie, qui ne pouvait imaginer meilleure destination pour ses djihadistes qu’un conflit lointain [en Syrie ou en Afghganistan] avec un taux de mortalité élevé”. Mais, ajoute le journal, tous ne sont pas morts, et un “bon nombre d’entre eux n’ont pas perdu leur ferveur”. D’où l’attaque du 22 mars, prévisible “pour quiconque connaît le djihadisme en Russie”.
La fin du “théâtre de la sécurité”
Et d’où la colère de Poutine, qui n’a pas réussi à maintenir ce que le Moscow Times nomme, dans un autre article, le “théâtre de la sécurité”. Un théâtre qu’il convient de “replacer dans sa perspective sociologique”, et qui fonctionne selon “la même logique que celle dictée en tout lieu par le système : prenez soin de vous et surveillez vos arrières, ne soyez pas responsable des autres, restez silencieux et ne coopérez pas”. La recette parfaite pour une catastrophe de ce type.
Parallèlement à cette incurie, “plutôt que de protéger la société contre les véritables terroristes violents”, complète le New York Times, “Poutine a ordonné à ses services de sécurité tentaculaires de poursuivre les dissidents, les journalistes et toute personne considérée comme une menace à ce que le Kremlin considère comme les ‘valeurs traditionnelles’”.
Aussi, “dans un pays où les forces spéciales antiterroristes pourchassent les commentateurs en ligne”, écrit le Times en citant Ruslan Leviev, un analyste militaire russe en exil, “les terroristes se sentiront toujours libres”.
C’est l’industrie qui compte, idiot...On apprenait en effet le 11 mars, via des sources de l’OTAN citées par CNN, que la Russie produirait presque trois fois plus d’obus d’artillerie que les États-Unis et l’Europe réunis ! Vouloir aider l’Ukraine est une chose, mais si cela se limite à faire tourner la planche à billets pour financer quelques usines sous-dimensionnées,
C'est ce qu'a déclaré Lech Walesa, qui fut le premier président démocratiquement élu en Pologne, dans une interview exclusive accordée à Swedish Radio News. Lech Walesa estime que les dirigeants européens devraient se concentrer davantage sur le soutien a apporté à un soulèvement populaire en Russie. "Nous devons revenir à la manière dont nous avons obtenu un changement politique en Pologne avec le mouvement Solidarnosc. Nous avons gagné notre combat sans tirer un seul coup de feu", conclut Lech Walesa.
Lech Walesa déclare que l'invasion massive de l'Ukraine par la Russie ne l'a pas surpris. "Non, je n'ai pas été particulièrement surpris. Parce que la Russie n'a jamais modifié son système politique post-soviétique. Pas même pendant les réformes de Gorbatchev. À l'époque déjà, j'avais prévenu l'Occident de ne pas se laisser abuser", déclare Lech Walesa. Dans les années 1970 et 1980, Lech Walesa était au cœur de la politique mondiale. Le mouvement syndical - Solidarité (Solidarnosc) - qu'il a fondé sur le chantier naval Lénine de Gdansk a défié le régime communiste soutenu par l'Union soviétique en Pologne. Il a provoqué ainsi l'effondrement de l'ensemble du pacte de Varsovie et, par extension, la dissolution de l'Union soviétique. Les images de l'électricien polonais à l'épaisse moustache sont entrées dans les livres d'histoire.
Aujourd'hui âgé de 80 ans, Lech Walesa n'a pas cessé de prêcher les conclusions qu'il a tirées de décennies de négociations et de confrontations avec le pouvoir en place à Moscou. Tant que le système politique russe ne changera pas fondamentalement, le pays restera une menace pour l'Europe : "Si la Russie est vaincue, dans 20 ans, un nouveau Lénine ou un nouveau Staline ne fera qu'essayer de faire ce que Poutine essaie de faire aujourd'hui", prévient Lech Walesa, qui pense que les dirigeants européens devraient se concentrer davantage sur le soutien d'un soulèvement populaire en Russie. Pour Lech Walesa, il faut désormais s'inspirer de la manière dont le changement politique a été obtenu en Pologne grâce à Solidarnosc : "Nous avons gagné notre bataille sans tirer un seul coup de feu".
https://sverigesradio.se/artikel/expresidenten-ryssland-behover-forandras-i-grunden
Ne jamais minimiser la Russie...après avoir un temps fléchi, l’économie russe annonce une croissance équivalente à celles de la France et de la Grande Bretagne, et meilleure que celle de l’Allemagne qui se contracte....La bureaucratie russe a amplement déjoué les prévisions de l’Occident qui misait sur une strangulation à la faveur d’une artillerie lourde économico-financière
Les exportations pétrolières rapportent aujourd'hui plus à la Russie qu'avant la guerre...C'est un échec majeur pour les sanctions occidentales. Depuis maintenant un peu plus d'un an, un prix plafond du pétrole russe vendu à des pays tiers, fixé à 60 dollars par baril de brut, est imposé par le G7, l'Union européenne et l'Australie sur les exportations de l'or noir venu de Russie.
En Russie, des criminels ont été libérés en échange de six mois de service dans la milice Wagner. Désormais libres, certains sèment la terreur dans le pays. Reportage. Des criminels russes ont été recrutés en prison pour se battre en Ukraine. Ils ont été enrôlés pour six mois dans la milice Wagner, contre une promesse : l’effacement de leur peine
ENTRETIEN. Dans un livre qu’il a dirigé, l’historien Jean Lopez revient sur les débuts chaotiques de l’institution militaire avant sa victoire contre l’Allemagne nazie.
C'est une armée qui aura connu, dès ses trente premières années d'existence, nombre de bouleversements. Par sa naissance en pleine guerre civile, sa capacité à encaisser des pertes importantes pendant sa grande guerre patriotique contre la Wehrmacht sans jamais s'effondrer, l'Armée rouge fascine et continue d'inspirer.
L'historien et journaliste Jean Lopez a regroupé des articles et des témoignages publiés dans la revue Guerres & Histoire, dont il est rédacteur en chef, auxquels il a ajouté des contenus inédits – analyses, témoignages, photos, cartes, infographies – pour concevoir L'Armée rouge, innovatrice, libératrice, prédatrice. L'ouvrage raconte le parcours de l'institution militaire la plus originale du XXe siècle, « qui a bouleversé l'art de la guerre ».
Le Point : Votre livre L'Armée rouge a comme titre secondaire les adjectifs innovatrice, libératrice, prédatrice. Pourquoi ?
Jean Lopez : Innovatrice car, dans les années 1920-1930, elle a, sur un plan intellectuel, complètement bouleversé l'art de la guerre. Sous l'impulsion de l'un de ses principaux enseignants des académies militaires, Alexandre Svetchine, l'Armée rouge accouche d'une nouvelle discipline qu'on appelle l'art opératif, qui se donne pour objectif de mettre la tactique, c'est-à-dire les combats, au service de la stratégie. Un officier soviétique, quand il veut décider une opération, ne perd jamais de vue le chemin global qu'a dessiné la stratégie vers la victoire.
Libératrice, car on ne peut pas nier que c'est l'Armée rouge qui a terrassé la Wehrmacht. Elle porte seule le combat jusqu'au 6 juin 1944, les fronts périphériques ouverts par les alliées ne rendant pas compte de la disproportion des efforts. Elle libère de façon directe la moitié est de l'Europe et de l'Allemagne. Mais c'est là qu'il faut immédiatement aborder le terme de prédatrice.
Elle ne fait pas que libérer cette moitié de l'Europe, elle l'occupe immédiatement et en bouleverse l'existence avec une pureté effroyable qui est celle du système communiste auquel elle est liée ontologiquement. Il est évident que, pour un Polonais ou un Tchèque, l'arrivée de l'Armée rouge ne peut pas signifier la même chose que pour nous, les Français, l'arrivée des Américains. Il ne faut pas oublier que c'était une armée au service d'un projet.
Cette armée va naître pendant la guerre civile et va tout de suite affronter les armées blanches et celles d'autres nations. Elle va apprendre le métier des armes dans le sang…
Quand les bolcheviques prennent le pouvoir par un coup d'État, ils ont besoin d'un outil militaire pour pouvoir préserver leur pouvoir et leur révolution. Elle naît dans une confusion extrême, dans un pays qui est déjà ravagé par presque quatre années de guerre. Tout manque : il n'y a pas assez d'armes, pas assez de pain. Les hommes désertent dès qu'approche le temps des travaux agricoles.
Trotski [alors commissaire du peuple chargé de l'organisation de l'Armée rouge, NDLR] ne trouve pas d'autre remède que la coercition, puisque la propagande ne peut pas tout. Cette armée, dès sa naissance, utilise une violence extrême pour maintenir les hommes au combat. Elle ne fait pas non plus très attention au sang de ses soldats qu'elle dilapide assez facilement.
Malgré un foisonnement intellectuel dans les années d'entre-deux-guerres, l'URSS enchaîne les défaites, du début de l'opération Barbarossa en juin 1941 lancée par la Wehrmacht jusqu'à la bataille de Stalingrad. Comment expliquer ce paradoxe ?
Il faut se rappeler que l'armée vue comme la meilleure du monde à l'époque, celle de la France, est battue en six semaines. En Grèce, en Crète et en Afrique du Nord, pendant la première moitié de la guerre, les Britanniques subissent également des revers. On a donc à faire, avec la Wehrmacht, à une armée quasiment professionnalisée qui connaît la guerre mécanisée et aérienne sur le bout des doigts. Même si l'Armée rouge est un gros morceau numériquement, elle a volé en éclats. Les Allemands l'ont martelé pendant six mois.
Néanmoins, si on compare avec la campagne de France, la confusion au début de l'opération Barbarossa dure une dizaine de jours et est vite surmontée par les Soviétiques. On se bat mal mais on se bat. L'Armée rouge encaisse de terribles pertes, elle est en nombre inférieur à l'armée allemande dans de nombreux secteurs, elle laisse plus de 3 millions de prisonniers, elle recule de 1 200 kilomètres mais elle ne reste pas inerte.
L'Armée rouge va ensuite basculer dans une autre façon de conduire la guerre…
En 1943, elle est stabilisée, son commandement a compris comment fonctionne l'adversaire. Les Soviétiques créent de grandes formations blindées avec les six armées de chars qui vont former la pointe de diamant capable de perforer le front allemand. Ils ont également bouché un certain nombre de trous dans leur panoplie d'armements, notamment grâce aux livraisons de matériels anglo-saxons, comme les radios et les camions Studebaker, ainsi que de l'essence d'avion plus performante.
On assiste alors à la mise en place d'un véritable rouleau compresseur. L'armée allemande est littéralement saoulée de coups sur 2 000 kilomètres de front. Les opérations s'enchaînent les unes après les autres et c'est inexorablement que les 1 800 kilomètres qui séparent Moscou de Berlin sont avalés à la suite d'une cinquantaine d'opérations géantes qui détruisent complètement la Wehrmacht.
Vous avez recensé plusieurs interviews de vétérans de l'Armée rouge. En quoi leurs témoignages diffèrent-ils de l'actuelle propagande russe sur la grande guerre patriotique ?
Il y a eu des sons de cloche qui étaient assez différents de ceux de la propagande poutinienne, puisque ces hommes, russes, ukrainiens ou des pays Baltes, prennent la parole vers la fin de leur vie. Ils ont reconnu des dysfonctionnements gigantesques de leur armée, l'inhumanité de cette guerre, la violence extrême. Il n'y a qu'un point sur lequel beaucoup ont été réticents, c'était d'admettre le comportement criminel de l'Armée rouge quand elle est entrée en Allemagne. La troupe s'est littéralement ensauvagée, échappant au commandement. Dans certains secteurs du front, il n'y a plus un homme au combat. Ils sont tous en train de se saouler ou de commettre des crimes de guerre.
Peut-on faire des parallèles entre cette Armée rouge et l'armée russe qui a envahi l'Ukraine, notamment sur sa brutalité ?
On doit plutôt se poser la question de savoir si, au fond, il n'y a pas une culture guerrière commune qui remonte à Pierre le Grand, et qui nous oblige à constater un certain nombre de faits, de problèmes récurrents : des officiers peu comptables du sang de leurs hommes, une immense passivité qui fait qu'on accepte ces pertes.
Les Russes, dans leur histoire, ont souvent eu le temps et l'espace parce que les combats se déroulent sur de grandes distances, avec une profondeur importante. Ils ont le nombre, avec des hommes qu'ils peuvent remplacer, même si on ne parle plus de 300 millions de Soviétiques, mais de 140 millions de Russes, avec une chute démographique et qui affronte un voisin quatre fois plus petit que lui.
L'Armée rouge, innovatrice, libératrice, prédatrice, sous la direction de Jean Lopez, éd. Perrin, en partenariat avec Guerres & Histoire, novembre 2023, 400 pages, 35 euros.
Troisième productrice mondiale de pétrole, la Russie souffre désormais d'une pénurie de carburant
https://fr.businessam.be/petrole-essence-diesel-russie-penurie-carburant/
Troisième productrice mondiale de pétrole, la Russie souffre désormais d’une pénurie de carburant...Certaines régions du sud de la Russie manquent de carburant cet été. Et la situation devrait encore se poursuivre quelque temps. Comment un géant du pétrole peut-il subir une pénurie d’essence et de diesel ? Explications.
le rouble chute, les autorités veulent à tout prix éviter une grogne sociale Le rouble a atteint lundi son plus bas niveau face au dollar depuis le début de la guerre en Ukraine. Il vaut aujourd'hui la moitié de ce qu'il valait début 2022. Pour enrayer la crise inflationniste qui s'annonce, la banque centrale russe a annoncé des mesures d'urgence.
La guerre insensée de la Russie en Ukraine fait rage depuis près d'un an et demi et la nature criminelle fondamentale de l'entreprise reste inchangée. Une grande puissance nucléaire veut nier à son voisin – un « pays frère » – un droit d'exister précédemment reconnu. Le président russe Vladimir Poutine a choisi comme moyen une guerre de conquête. S'il parvient à ses fins, l'Ukraine sera intégrée à la Russie et disparaîtra ainsi en tant qu'État souverain indépendant.
Mais chaque semaine qui passe, davantage de preuves laissent penser que ses calculs ont échoué. Loin de mener à une victoire rapide, « l'opération militaire spéciale » de Poutine est devenue un bourbier sanglant dans lequel la Russie pourrait bien perdre la bataille. Si ce conflit a certainement imposé de nombreux sacrifices à l'Ukraine, elle a également créé des coûts pour les Russes ordinaires.
La gravité des dégâts que le Kremlin a créés pour lui-même est devenue pleinement évidente à la fin du mois de juin, lorsqu'Evgueni Prigojine et ses mercenaires du Groupe Wagner ont directement défié les dirigeants. La tentative de coup d'État de Prigojine s'est déroulée durant de nombreuses heures sous les yeux du monde entier et ses bataillons Wagner ont même pris la ville russe de Rostov, le quartier général du quartier militaire russe de la région sud. De là, ses forces – notamment des chars – ont défilé sur Moscou, à moins de 200 kilomètres de cette capitale.
Dans le monde entier, on a pu entendre les questions lancinantes des observateurs pantois. Où étaient la sécurité et les services secrets russes ? Comment le régime de Poutine a-t-il pu permettre un tel défi éhonté à son autorité ?
Dans un discours national prononcé au début de la marche de Prigojine, Poutine a rappelé le chaos de 1917 et a mis en garde contre la guerre civile. On a ensuite plus eu aucune nouvelle de lui. Était-il toujours au Kremlin pendant ces heures dramatiques, ou s'était-il enfui vers Saint-Pétersbourg, comme certains l'ont cru ? Il va sans dire qu'un dictateur qui s'enfuit en courant n'est plus en position de force, surtout quand il agit d'un défi venant de l'intérieur de son premier cercle.
Et que devons-nous faire de l'affirmation du Kremlin selon laquelle l'impasse aurait été résolue par la médiation du président biélorusse Alexandre Loukachenko, vassal subalterne que Poutine utilise parfois mais prend rarement au sérieux ? Même si cela était vrai, cela soulèverait de sérieux doutes quant à la puissance de Poutine.
D’un point de vue institutionnel, la Fédération de Russie a à présent fait preuve d'une faiblesse effrayante. Le groupe Wagner a été en mesure d'ébranler chaque région de l'État, parce que l'État repose entièrement sur la volonté d'un homme dont l'autorité s'est trouvée contestée par un seul coup. Si le despote tombe, il s'ensuit que tout le reste le suivra dans sa chute. Dans les heures critiques de l'insurrection de Prigojine, la Russie de Poutine s'est avérée être ce que ses critiques avaient longtemps prétendu : un État mafieux dépourvu d'institutions solides, mais malheureusement, disposant du plus grand arsenal nucléaire au monde.
Ce fut un moment de vérité et l'allusion de Poutine à 1917 et à la chute du tsar était en fait assez appropriée. L'épisode actuel rappelle en effet cette année-là, qui a provoqué non pas une mais deux révolutions, d'abord en février puis en octobre.
La tentative de coup d'État de Prigojine était étroitement liée à l'échec de la guerre de conquête en Ukraine. La perspective d'une défaite russe calamiteuse s'accroît, remettant en question la sagesse, la compétence et la force de l'homme fort. Avec une défaite militaire imminente, Poutine doit réfléchir soigneusement à son avenir. Combien de pouvoir lui reste-t-il ? Suffisamment pour mettre fin à la guerre par un compromis douloureux ? Ou bien cet aveu de faiblesse va-t-il déclencher un autre défi à son gouvernement ?
Quoi qu'il en soit, la marche de Prigojine sur Moscou signifie que la guerre est entrée dans une nouvelle phase dangereuse. La fin de partie approche et tout ce qui se déroule sur le champ de bataille déterminera l'avenir de la politique intérieure russe. Nous savons à présent que mettre fin à la guerre sera plus risqué et plus difficile que prévu, car tout sentiment de défaite sera considéré comme inacceptable pour certains éléments de l'appareil de pouvoir russe. Prigojine n'était qu'un élément de cette structure.
Plus nous nous rapprochons de la fin de partie, plus s'accroît le risque que le Kremlin ne recoure à des actes irrationnels, comme ordonner l'utilisation d'une arme nucléaire. La révolte de Prigojine offre un aperçu du chaos qui nous attend. Presque tout est concevable aujourd'hui, de la désintégration de la Fédération de Russie à la montée d'un autre régime ultra-nationaliste aux rêves néo-tsaristes de restauration de la Russie impériale.
Tout comme la Russie de Poutine, celle-ci restera enfermée dans le passé, loin de toute perspective de modernisation sociale, politique ou économique. Elle constituerait une menace permanente pour le flanc oriental de l'Europe et pour la stabilité mondiale au sens large. Nous devrons nous armer contre elle - et nos petits-enfants et arrière-petits-enfants devront probablement en faire autant.
Joschka Fischer, ministre allemand des Affaires étrangères et vice-chancelier de 1998 à 2005, ancien dirigeant du Parti vert allemand durant près de 20 ans.
© Project Syndicate 1995–2023
Dans le domaine économique comme militaire, la stratégie de la Russie est de tenir coûte que coûte. Et jusqu’à maintenant, l’économie tient. Par trois fois, le FMI a ainsi revu à la hausse son estimation de croissance pour 2022, passant d’un chiffre apocalyptique pour terminer à -2,2%.
Depuis le 5 juillet, la twittosphère s’affole autour de clichés du manoir du chef du groupe Wagner diffusés par des médias russes. À l’intérieur de son immense demeure, les autorités ont retrouvé d’innombrables accessoires pour changer d’identité ainsi que du matériel de torture.
Depuis les exactions de son groupe paramilitaire, Evgueni Prigojine avait disparu. Le 23 juin dernier, il lançait les miliciens de Wagner à l’assaut de la ville de Rostov en Russie. Une mutinerie qui faisait suite à un soi-disant bombardement du Kremlin sur les combattants du groupe. Le lendemain à peine, le groupe Wagner rendait les armes et acceptait de partir en Tchétchénie. Le patron des miliciens a depuis disparu, alors que le Kremlin lui avait promis l’impunité judiciaire en échange d’une reddition et d’un départ avec ses hommes.
En réalité, Evgueni Prigojine n’a jamais quitté le territoire, ont révélé des médias russes le 5 juillet, relayés par Le Figaro. Le grand chef de Wagner était calfeutré dans sa gigantesque demeure à Saint-Pétersbourg, où les forces de l’ordre ont orchestré une perquisition au lendemain des exactions du groupe paramilitaire. Des photos de son manoir ont fuité en même temps que la nouvelle, dévoilant une véritable caverne d’Ali Baba ayant des airs de purgatoire. Parmi les objets en tout genre, certains clichés ont été floutés par les médias pour leur caractère choquant.
Une photo de tête coupée a notamment été diffusée sur Twitter. Les officiers ont également retrouvé des armes, à l’instar de pistolets et de kalachnikovs avec d'innombrables chargeurs. Dans une des salles recouvertes de marbre noir et blanc, un gros marteau ainsi qu’une énorme masse, symbole des miliciens de Wagner, étaient posés sur le sol. Y figurait l’inscription : "À utiliser en cas de négociation importante." Plus glaçant encore : le manoir comporte une salle d’hôpital équipée de tout le matériel nécessaire pour une opération en soins intensifs
Les médias ont aussi rapporté la grande quantité d’argent cachée partout dans la demeure, sous forme de liasses de billets en roubles et en dollars. Le patron de Wagner possédait également de nombreux passeports avec différentes identités, parfois Evgueni Prigojine, parfois Oleg Semionov ou même Vladimir Bobrov. Le chef milicien changeait régulièrement d’identité, comme le démontrent les nombreux postiches et les perruques retrouvés dans son manoir. L’homme possédait d’ailleurs une étonnante collection de selfies de lui-même grimé de différentes façons, faisant de lui l’homme aux 1 000 visages.
Margaux Menu
https://www.capital.fr/economie-politique/wagner-tetes-coupees-lingots-dor-voici-ce-qui-a-ete-retrouve-dans-la-villa-devgueni-prigojine-1473633
Vladimir Poutine peut-il entraîner la Fédération de Russie tout entière dans sa chute ? De nouveau envisagée, l’hypothèse tétanise les Occidentaux.
La scène se passe à Vilnius, deux jours après la rébellion d'Evgueni Prigojine et des mercenaires de Wagner. À l'origine, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Otan, et Gitanas Nauseda, le président lituanien, ne devaient s'y retrouver ce lundi 26 juin que pour assister à un sympathique défilé protocolaire de soldats allemands et baltes et finaliser l'accueil, quinze jours plus tard, de Joe Biden, Emmanuel Macron, Olaf Scholz et des 28 autres chefs d'État et de gouvernement membres de l'Alliance atlantique. Dans les salons de la prezidentura, ce petit palais du XIVe siècle posé au cœur de la vieille ville, les deux hommes n'ont pourtant pas un instant parlé de logistique. Ils n'ont même pas affiné le menu des discussions du sommet de l'Otan - l'adhésion de la Suède, l'aide militaire à l'Ukraine ou l'obligation pour chaque membre de dépenser au minimum 2 % de son PIB pour sa défense. Cela fait plus d'un an que ces sujets sont sur la table et, hormis les caprices de la Turquie vis-à-vis de l'adhésion suédoise, l'Europe et les États-Unis sont sur la même longueur d'onde. Stoltenberg et Nauseda se sont concentrés sur le dossier qui, en vingt-quatre heures, est devenu l'obsession de toutes les centrales de renseignement occidentales : le risque d'éclatement de la Russie. Et pas pour se réjouir de l'éventuel effondrement du régime de Vladimir Poutine. Bien au contraire.
Il y a encore quelques semaines, ce qui n'était qu'une vague hypothèse est désormais considéré comme une menace supplémentaire pour la sécurité du continent. La guerre en Ukraine n'est pas passée au second plan. Mais ce scénario est à nouveau envisagé avec le plus grand sérieux par les États occidentaux qui ont assisté, effarés, à la rébellion des mercenaires de Wagner, redoutant pendant vingt-quatre heures qu'ils ne s'emparent d'une des nombreuses bases où sont entreposés des missiles nucléaires (lire page 46), ou qu'Evgueni Prigojine n'entraîne dans son aventure plusieurs régiments de l'armée régulière et ne déclenche une guerre civile.
Invraisemblable complaisance. Vis-à-vis de la Russie, les Occidentaux sont comme atteints de schizophrénie. Cela fait des mois qu'ils rêvent de l'après-Poutine, tout en redoutant l'inconnu et l'éventuel éclatement du pays. La peur du chaos n'est pas une vue de l'esprit. Elle est identique à celle du début des années 1990, lors de l'éclatement de l'URSS. À l'époque, George Bush Sr., loin de savourer sa victoire sur le grand rival de la guerre froide, avait donné de nombreux gages pour que la Russie ne soit pas trop affaiblie. À coups de milliards de dollars, il avait permis à Moscou d'éviter la faillite, encouragé les Ukrainiens à céder leur arsenal nucléaire en échange de leur indépendance, signé une convention de bon voisinage entre l'Otan et la Russie et créé, pour elle, un G7 élargi. François Mitterrand, qui redoutait que l'effondrement de l'empire soviétique ne déstabilise l'Europe tout entière, ne pensait pas autrement. D'où sa passivité lors du putsch des généraux contre Mikhaïl Gorbatchev et plus tard son hostilité à Boris Eltsine lorsque celui-ci laissa filer plusieurs ex-républiques soviétiques pour asseoir son pouvoir en Russie.
C'est sur cette peur que Vladimir Poutine a longtemps prospéré et bénéficié d'une invraisemblable complaisance. La seconde guerre de Tchétchénie, la disparition de toute forme d'opposition, l'annexion d'une partie de la Géorgie… La stabilité de la Russie (ainsi que son gaz et ses hydrocarbures) justifiait bien que l'Occident ferme les yeux sur les dérives du Kremlin puisque, après tout, son homme fort restaurait l'autorité d'un État en guenilles et garantissait la stabilité de cet espace infini qui court de la mer Baltique à Vladivostok. En vingt-quatre ans de règne absolu, Vladimir Poutine a instauré un régime autoritaire. Mais l'état de son pays s'est aggravé de manière spectaculaire…
Fuites. Sur un plan économique, c'est un désastre. La comparaison avec la Chine qui partait, elle, de zéro, est accablante. C'est désormais la deuxième économie du monde, tandis que la Russie n'affiche qu'un produit intérieur brut équivalent à celui de l'Espagne - et encore, uniquement grâce à ses matières premières. Et ce avant même les sanctions occidentales de 2014 et 2022. Pire, depuis la guerre en Ukraine, une partie des élites urbaines et de la classe moyenne supérieure a fui le pays, par opposition à la guerre, pour ne pas avoir à combattre ou pour éviter les sanctions occidentales. Le tableau démographique est tragique : la mortalité infantile en Russie est comparable à celle des pays en voie de développement, l'espérance de vie ne dépasse plus 70 ans, le Covid a fait 1 million de morts, le taux de suicides et d'accidents mortels chez les moins de 30 ans est spectaculaire… Selon l'ONU, le pays pourrait perdre 25 millions d'habitants d'ici vingt ans. Mai,s plus que ces données chiffrées, c'est le risque même d'implosion qui menace.
La Russie est une fédération de 89 « sujets », des républiques et territoires aux intérêts contradictoires. Parmi eux, 21 républiques ne sont pas slaves, majoritairement peuplées de Tatars, de Bachkirs, de Tchouvaches, de Tchétchènes, de Bouriates… Certes, les deux guerres de Tchétchénie et l'alliance avec Ramzan Kadyrov, le maître de Grozny, ont, pour l'instant, fait taire toute velléité indépendantiste dans le Caucase du Nord, au prix de dizaines de milliers de morts civils. Mais, même si elles s'expriment à bas bruit, ces velléités restent une réalité au Daghestan ou en Kalmoukie depuis plusieurs mois.
a guerre en Ukraine a aussi rapidement asséché les flux financiers qui permettaient jusque-là au Kremlin d'endormir les rêves nationaux. Plusieurs régions sibériennes contestent désormais le partage des ressources de leur sous-sol, dont elles ne perçoivent plus les dividendes. Autres tensions, sociales notamment, dans les régions russes proches de la Chine, dont l'influence économique et démographique est spectaculaire.
Au 15 mars 2023, la Russie comptait déjà des pertes considérables : 162 500 soldats, 6 800 blindés, 3 500 chars, 289 hélicoptères et 305 avions (sources occidentales).
Depuis 2020, 30 régions et provinces (sur les 89 sujets de la fédération) ont connu d'importantes manifestations, sociales, politiques ou séparatistes. Les revendications ethniques ont représenté la moitié des mouvements recensés. À celles-ci s'ajoute la dimension religieuse, notamment dans le Caucase. Sept républiques sont à majorité musulmane et une à majorité bouddhiste (la Kalmoukie).
Illusion. Reste l'organisation institutionnelle. Les gouverneurs (tous fidèles jusqu'à présent à Poutine ou imposés par lui) ont de nombreux pouvoirs. En cas de flottement à la tête du pays, certains d'entre eux pourraient être tentés de prendre leur envol politique, tant le pays est constitué de grandes villes concentrant tous les pouvoirs et régnant sur des territoires immenses et peu peuplés.
Certains voisins de la Russie, jusque-là dans son orbite ou sous sa protection, ressentent déjà très concrètement l'affaiblissement du Kremlin. Prudemment, le Kazakhstan prend ses distances depuis plusieurs mois. Tout comme le Kirghizistan. En Géorgie, le pouvoir prorusse, confronté à de gigantesques manifestations pro-occidentales il y a quelques mois, n'a reçu aucun soutien de Moscou. Plus grave pour la crédibilité de la Russie dans la région : l'Arménie, attaquée par l'Azerbaïdjan, n'a pas bénéficié de son arbitrage et de sa protection, pourtant garantie dans les traités entre les deux pays.
Reste une illusion qui a fait long feu avec le conflit en Ukraine. Considérée comme la deuxième du monde après celle des États-Unis, l'armée russe semblait, malgré la corruption, s'être modernisée de façon efficace depuis la chute de l'URSS et constituer, avec les services secrets, la colonne vertébrale du pays. Elle affichait des succès notables (en Tchétchénie, en Géorgie, en Syrie, etc.) et semblait disposer de troupes d'élite et de matériels modernes. Or les services de renseignement occidentaux ont été sidérés par son inefficacité opérationnelle en Ukraine. Et ce d'autant que l'essentiel des troupes déployées (les pertes humaines sont estimées à 200 000 hommes depuis un an) proviennent des terres les plus lointaines et les plus pauvres du pays, là où justement la colère sociale contre Moscou ne cesse de s'étendre.
Facteur aggravant. Dans leurs analyses, les services occidentaux n'ont pas oublié leurs classiques historiques et savent que les débâcles militaires sont généralement suivies en Russie de gigantesques bouleversements politiques. Ce fut le cas en 1905. En 1917. Ou en 1989, conséquence indirecte de la guerre en Afghanistan… L'Histoire, c'était justement le pari de Vladimir Poutine. Avec la conquête de Kiev, il rêvait de renforcer son pouvoir, comme autrefois Staline après la guerre contre l'Allemagne nazie. Plus que le déclin bien réel du pays, cette stratégie politique est sans doute le facteur aggravant des menaces d'implosion de la Russie. Vladimir Poutine n'a pas fait le deuil de son empire et de la période où Moscou avait de l'influence en tous points du globe. Pire, il veut restaurer son influence à tout prix. Depuis dix-huit mois, c'est en jouant avec l'Histoire qu'il justifie son offensive en Ukraine, dans un déni de réalité total, puisque, depuis deux décennies, l'Ukraine s'est tournée et ancrée à l'Ouest et refuse la domination de Moscou. C'est aussi avec cet objectif de restaurer la puissance russe qu'il a encouragé Evgueni Prigojine et sa milice privée à se déployer en Syrie, en Libye, en Centrafrique ou au Mali, sans en mesurer le risque. Pour lui-même et pour son pays§
Romain GubertL'après-Poutine : son successeur pourrait-il s'avérer encore plus dangereux ?
https://fr.businessam.be/lapres-poutine-son-successeur-pourrait-il-saverer-encore-plus-dangereux/
L’après-Poutine : son successeur pourrait-il s’avérer encore plus dangereux ? ..Politico s’est livré à un jeu aussi ludique que morbide : deviner qui pourrait succéder à Vladimir Poutine, en misant sur ses chances d’accéder au trône et le danger que le candidat pourrait représenter en termes d’attaque nucléaire
Echec et mat pour la Russie ? - Michel Santi
https://michelsanti.fr/plafonnement-prix-petrole/petrole-russe
Echec et mat pour la Russie ? Le plafonnement des prix du pétrole décidé il y a quelques jours par le G 7 est une mesure originale, inédite, à prendre très au sérieux. Les pays membres de ce club exclusif refuseront donc d’acheter à la Russie son pétrole à un prix qui dépassera un certain niveau qui sera fixé ultérieurement
C’était une question de temps : la Russie commence à sacrifier des avions pour pouvoir maintenir d’autres engins en vie. Mais certains avions modernes sont trop sophistiqués pour être réparables avec d’autres pièces. A terme, les sanctions occidentales feront mal à l’aviation russe.
https://fr.businessam.be/union-sovietique-russie-retour-des-magasins-specialises-en-biens-etrangers/
Comme un parfum d’Union soviétique : en Russie, le retour des magasins spécialisés en biens étrangers réservés aux diplomate...Le terme ne dira pas grand-chose à la plupart des occidentaux, mais en Russie on se rappelle encore des magasins Beriozka. Il s’agissait d’une chaîne de boutiques de l’époque soviétique apparue en 1964, et dans laquelle on pouvait trouver des produits importés, donc plutôt luxueux pour les citoyens soviétiques.
L'exode silencieux des élites culturelles de Russie suite à la guerre en Ukraine...Les esprits les plus brillants ont quitté la Russie par milliers suite à l'invasion russe de l'Ukraine. Notre journaliste Monica Pinna enquête sur les raisons de cette fuite des cerveaux.
Le maître du Kremlin ne vit pas à la même époque que nous. Son logiciel est resté bloqué à l’époque où Staline l’emportait sur Hitler.
Poutine habite assurément le même continent que nous, mais sommes-nous bien sûrs de vivre à la même époque que lui ? « Tous ne sont pas présents dans le même temps présent. Ils n'y sont qu'extérieurement. Ils portent avec eux un passé qui s'immisce. » C'est ce qu'écrivait le philosophe Ernst Bloch pour tenter d'expliquer la perpétuation, dans l'Allemagne des années 1930, de foyers de « non-contemporanéité » et d'irrationalisme. Ce retard mental expliquait pourquoi, à ses yeux, certains de ses concitoyens avaient été aussi facilement abusés par la propagande nazie que le sont certains des nôtres par les légendes complotistes.
L'URSS a incarné une forme de modernité alternative à la nôtre. Mieux : détentrice proclamée du sens de l'Histoire, elle prétendait en incarner l'aboutissement inéluctable. Avant 1989, c'était la démocratie libérale et le capitalisme qui passaient souvent pour archaïques. « Patrie du prolétariat international » et épicentre du mouvement communiste mondial, elle diffusait une idéologie puissante. Elle pouvait asseoir sa volonté d'hégémonie sur la multiplicité des partis communistes locaux. La Russie actuelle ne propose pas d'idéologie exportable, hormis des exotismes tels que l'Eurasisme. La Russie est devenue la patrie des « faits alternatifs », à côté desquels les inventions d'un Donald Trump passeraient pour de bénignes exagérations.
Elle est devenue une puissance purement disruptive, un État perturbateur et voyou (rogue state). Contrairement à la Chine, elle ne cherche même pas à fonder un nouvel ordre international conforme à ses intérêts en contestant l'ordre libéral international, mais tout bêtement à conquérir des terres dans une logique d'expansion impériale digne du XIXe siècle. Malgré ses dimensions géographiques colossales, sans la Biélorussie et l'Ukraine, la Russie ne serait plus, paraît-il, qu'un État-nation comme les autres et non pas l'empire auquel aspirent ses dirigeants
Le régime russe actuel n'incarne aucun modèle transposable et, hormis la « stabilité » (incarnée par l'insubmersible Vladimir Poutine, au pouvoir depuis l'époque où Chirac présidait la France et Bill Clinton, les États-Unis), il n'a pas grand-chose à offrir à ses sujets. C'est pourquoi il leur déverse des tombereaux de nostalgie patriotique. Selon Galia Ackerman, Poutine a rafistolé une sorte de conservatisme à usage interne, fondé sur la réconciliation entre la Russie tsariste et la Russie soviétique.
Mais il faudrait ajouter : à usage externe, présentant la Russie comme le conservatoire des valeurs chrétiennes, le rempart de l'Occident contre l'islamisme et le wokisme américain. Mais son logiciel est manifestement resté bloqué à l'époque la plus glorieuse de la carrière du maréchal en tunique blanche : la victoire de Staline sur l'Allemagne, lors de la « Grande Guerre patriotique ».
Il a décidé de rayer l'Ukraine de la carte de l'Europe, comme Hitler et Staline se sont entendus pour supprimer la Pologne, cet « avorton du traité de Versailles. Même juifs, tous ceux que le Kremlin considère comme des ennemis sont ipso facto des « nazis ». Il fait la guerre selon les méthodes d'il y a soixante-quinze ans : en bombardant les villes de manière indiscriminée avec sa super-artillerie et en creusant des tranchées pour protéger les positions acquises. La logistique, le ravitaillement, le renseignement sont obsolètes et ce sont des faiblesses bien exploitées par les Ukrainiens, qui sont, eux, des Européens de leur temps. Poutine est un fantôme du XXe siècle, dangereusement attardé dans le nôtre.
À moins que nous ne nous soyons trop vite imaginés avoir abordé aux rivages d'une illusoire « post-Histoire »… et que nous soyons en train de nous éveiller de ce doux rêve au son du canon. Car, dans une autre version de la non-contemporanéité d'Ernst Bloch, la vieille Europe, qui s'était imaginée diffuser son mode de vie et ses valeurs par le commerce et la norme juridique, se retrouve déphasée par un environnement qui a terriblement changé depuis nos glorieuses années 1990.
Les logiques de force sont redevenues déterminantes. L'Europe en prend conscience avec un certain retard. Espérons que Raymond Aron ait eu raison, lui qui disait que « les démocraties, lentes à s'émouvoir, ne s'arrêtent pas avant la victoire totale ».
https://www.lepoint.fr/invites-du-point/poutine-un-fantome-du-xxe-siecle-02-06-2022-2478113_420.php
De sa culture militaire à l'invasion de l'Ukraine, comment Vladimir Poutine "se légitime" à travers la guerre...Depuis son accession au pouvoir, à l'aube des années 2000, le maître du Kremlin, imprégné de valeurs militaristes, n'a cessé d'asseoir la puissance russe en faisant la guerre
Alors que la guerre s’enlise, Poutine purge massivement ses services de renseignement...Les mécomptes de l’armée russe lancée bien imprudemment dans l’invasion de l’Ukraine ont déjà fait tomber quelques têtes parmi les postes hauts placés de l’état-major et des services de renseignement du pays.
« L’armée russe est mal préparée et affronte des Ukrainiens galvanisés »...Ancien commandant des forces américaines en Europe, le lieutenant général à la retraite Ben Hodges craint que la situation n’empire pour les civils mais doute que la Russie puisse « prendre le contrôle » de toute l’Ukraine
Pourquoi les premiers jours de la guerre en Ukraine se sont si mal passés pour la Russie sur le plan militaire...Les troupes russes ont été tenues à l’écart de Kiev... Ils n’ont réussi à prendre le contrôle d’aucun autre grand centre de population.. Ils doivent encore établir une supériorité aérienne. Ils ne parviennent même pas à accomplir les tâches logistiques de base, comme s’assurer que leurs véhicules ont suffisamment de carburant.jusqu’à présent, la guerre n’a pas tourné à l’avantage de la Russie. Pourquoi ?
Russie: le désastre en direct...Les multiples défauts de paiement russes des décennies précédentes ayant secoué les fondements des marchés sont sans commune mesure avec ce qui attend désormais l’économie mondiale.........................
Russie: puissance pauvre...En termes de sanctions à son encontre, la Russie est tout particulièrement vulnérable dans le domaine technologique. Cette dépendance remonte à loin, à l’époque soviétique en fait...comment la Russie parviendra-t-elle à survivre avec de nouvelles sanctions qui se préparent ?
turbulences sous contrôle...en hausse de 8% environ, les prix de l’alimentation et des boissons non alcoolisées sont à un plus haut depuis janvier 2016. De quoi nourrir la grogne sociale d’autant plus que le revenu des Russes a diminué de 3%
Avec une température record de 34,7 degrés, Moscou a connu lundi sa journée de juin la plus chaude jamais enregistrée en 120 ans. Et les prochains jours s’annoncent d’ores et déjà encore plus suffocants. Cela faisait en effet depuis 1901 qu’une telle température n’avait plus été enregistrée en juin dans la capitale russe par le service météorologique Roshydromet, qui tient des registres des températures depuis 1881.
C’est à reculons que l’Ouest s’embarque dans des mesures visant à punir la Biélorussie de Lukashenko de ses derniers méfaits. Le régime actuel à Minsk, étant en mode survie, n’avait évidemment pas prévu un tel retentissement international..
Les États-Unis ont annoncé le déploiement d’hommes et de bombardiers en Norvège. Une grande première qui en dit long sur les ambitions américaines sur l’Arctique. Et qui constitue un message fort lancé à l’adresse de la Russie.
Les confessions d'un mercenaire russe
https://www.lepoint.fr/monde/les-confessions-d-un-mercenaire-russe-08-12-2020-2404750_24.php
Les confessions d'un mercenaire russe Un combattant a pu raconter de l'intérieur l'une des milices les plus secrètes au monde, l'organisation Wagner, avant que la sortie de son livre soit annulée.
Cosmonautes saouls et robot aux tweets incontrôlables: l’histoire surréaliste qui met la Russie dans l’embarras...L’histoire est totalement incongrue et prête à sourire. Mais elle embarrasse tout un pays
La consommation d’alcool par individu a reculé de 43 % entre 2003 et 2016, sous l’effet d’une politique de restrictions menée depuis le début des années 2000, et d’une révolution culturelle...
...La loi russe garantit à chaque citoyen des funérailles gratuites, mais en réalité, c’est devenu impossible à Moscou. Une place au cimetière coûte entre 15 000 et 60 000 euros. Toute une série d’individus vont alors tenter de voler de l’argent à des membres de sa famille en deuil : cela commence par les médecins de l’hôpital, suivis par la police, les pompes funèbres et les responsables des cimetières. L’ensemble du secteur des pompes funèbres à Moscou est entre les mains de l’État, mais est de facto dirigé par une mafia locale....
.......Cette diminution est due à plusieurs facteurs. Déjà, le taux de mortalité a connu un pic en 2018 dans un tiers des régions de Russie............................................................
1 Russe sur 4 n'a pas de toilettes modernes - Express
https://fr.express.live/1-russe-sur-4-na-pas-de-toilettes-modernes/
Plus d’un cinquième des ménages russes n’ont pas accès à des toilette modernes, indique un rapport de Rosstat, l’office statistique russe. Cette étude a été menée auprès de 60.000 ménages russes en septembre de l’année dernière. Pour certains observateurs, ces chiffres sont révélateurs des problèmes matériels et sociaux auxquels le pays est confronté.............................
La colère monte face à "l'éternelle pauvreté"
https://www.20min.ch/ro/news/monde/story/La-colere-monte-face-a--l-eternelle-pauvrete--12722917
Midi à Saint-Pétersbourg: une chanteuse entonne des chants soviétiques et un couple danse devant une cinquantaine de retraités attablés. Le restaurant Dobrodomik offre le repas aux personnes âgées, particulièrement exposées aux difficultés sociales qui provoquent un mécontentement croissant en Russie....
La Russie compte plus de guérisseurs que de médecins
En Russie, les hommes d'affaires ont l'habitude de consulter des médiums avant de conclure une affaire, les malades en phase terminale font confiance aux sorciers et aux sorcières et les épouses...
https://fr.express.live/2018/11/26/la-russie-compte-plus-de-guerisseurs-que-de-medecins
Présidentielle russe: "En réalité, la question de la succession de Poutine va rapidement se poser"
Le pouvoir russe pousse pour une participation élevée, afin de légitimer le probable nouveau mandat présidentiel de Vladimir Poutine. Régnant sur la Russie depuis 18 ans, celui-ci envisage ...
Pour l'auteur de "Poutine de A à Z", la venue du président russe à Paris inaugure des relations plus apaisées entre les deux pays.
Ancien diplomate en poste notamment en Mauritanie et à Paris, Vladimir Fédorovski fut également le traducteur de Léonid Brejnev lors de ses discussions avec les leaders du monde arabe comme Saddam Hussein ou le colonel Kadhafi. Dans les années 1990, s'opposant à la ligne dure du Parti communiste de l'Union soviétique et du KGB, il est porte-parole du mouvement des réformes démocratiques pendant la résistance au putsch de Moscou d'août 1991. Proche d'Alexandre Iakovlev, idéologue de la perestroïka, il s'éloigne progressivement des cercles du pouvoir, s'installe en France et publie plusieurs dizaines de livres sur l'histoire de la Russie et de l'Union soviétique.
Son dernier ouvrage, Poutine de A à Z (éditions Stock), dresse un portrait politique, culturel et psychologique du président russe. Fédorovski explique en quoi il est le reflet d'un pays. Son image et sa popularité auprès de ses concitoyens sont aux antipodes de l'opinion que l'Occident a de lui. Ce lundi 29 mai, Vladimir Poutine est de passage en France pour inaugurer une exposition consacrée à Pierre le Grand et pour rencontrer le nouveau président français. Entre les deux pays, les relations diplomatiques étaient presque au point mort depuis l'affaire des Mistral. Pour le diplomate et écrivain, cette visite est un signe très positif...
Le Point.fr : Quel est l'objectif de la visite de Vladimir Poutine en France ?
Vladimir Fédorovski : Il vient inaugurer l'exposition consacrée au voyage de Pierre le Grand à Paris et dans ses environs en 1717. Celle-ci se tient au Grand Trianon. Mais le voyage du premier des Russes devient éminemment politique et diplomatique. Vladimir Poutine a bien l'intention d'écrire une nouvelle page des relations entre les deux pays et de clore les cinq années désastreuses de ses rapports avec François Hollande. La non-livraison des deux navires Mistral a laissé des traces importantes : les Russes ne voulaient plus faire d'affaires avec la France et les relations entre l'ancien chef de l'État français et Vladimir Poutine étaient glaciales. On est allé trop loin ! Il n'y avait plus de réponses graduées, mais une escalade permanente. Comme en témoignait l'annulation de la visite à Paris du président russe, qui devait inaugurer le centre culturel et l'église orthodoxe de Paris.
Qu'est-ce qui a changé ?
L'opinion publique française est la plus russophile d'Europe et était la plus disposée à renouer avec Poutine. Pendant la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou François Fillon n'ont pas caché leurs bonnes relations avec le locataire du Kremlin. Et personne ne leur en aura fait le procès... Le changement de président y est également pour beaucoup. Il faut également ajouter à cela la nécessité pour Vladimir Poutine de sortir de son isolement. Emmanuel Macron lui a tendu la main : c'est très habile de sa part.
On pensait que l'allié naturel du pouvoir russe serait Donald Trump...
Les années Obama ont montré les difficultés entre les deux superpuissances et Trump a été présenté comme un agent de Poutine. Mais on voit bien que les choses ne sont pas aussi simples que cela. Le président américain ne veut pas alléger les sanctions qui frappent la Russie et a bombardé des positions de Bachar el-Assad, l'allié du Kremlin. Par ailleurs, les liens supposés entre la famille Trump et les conseillers du président américain vont rendre suspecte toute tentative de rapprochement spectaculaire entre les deux pays. L'entente cordiale entre Moscou et Washington a du plomb dans l'aile. C'est pour cela que Vladimir Poutine voit en Emmanuel Macron l'héritier de De Gaulle et de Mitterrand : tous les deux étaient très actifs à l'Est. Il pense que Macron va renouer avec la realpolitik, que l'histoire et la géographie vont revenir dans le jeu.
Poutine est-il prêt à des concessions pour rétablir la confiance entre la France et lui ?
Les concessions ne sont pas le truc de Poutine. En revanche, il recherche l'équilibre des intérêts. Et il est tiraillé entre deux stratégies. Son entourage l'incite à rompre avec l'Europe au profit de relations très poussées avec la Chine. Mais la jeune garde est plus mesurée et propose des relations équilibrées et amicales avec la Chine et l'Europe. Une autre école de pensée se fait entendre. Celle-ci craint que l'Europe s'islamise et oublie son histoire et ses traditions au profit de l'islam. Poutine n'est pas d'accord avec cela et il continue de miser sur le Vieux Continent. À cet égard, il a été très sensible à la nomination de Jean-Yves Le Drian, qu'il respecte, au Quai d'Orsay.
Quelle est la position du Kremlin à l'égard de l'islamisme radical ?
La priorité, c'est la lutte contre l'islamisme. Pour Moscou, la guerre mondiale a commencé.
Quels sont les points de convergence entre Paris et Moscou ?
Sur l'Iran et sur la Corée du Nord, les positions russe et française sont très proches. Et fort différentes de celles de Washington. Le reste dépendra des relations personnelles que noueront les deux chefs d'État. Poutine est arrivé très jeune au pouvoir en bousculant les codes. Il se retrouve dans Macron. Plus que dans Hollande, dont il disait : « Un homme qui ne peut pas gérer ses femmes ne peut pas gérer la France. » Le volontarisme de Macron les intéresse. Et l'organisation de cette rencontre bilatérale à Versailles est un signe très positif.
Propos recueillis par Jérôme Béglé
Pour appuyer ses offensives, idéologiques comme territoriales, le régime de Vladimir Poutine opère une relecture très personnelle du pacte germano-soviétique et de la «Grande Guerre Patriotique».
Comment expliquer le pouvoir d'attraction qu'exerce la Russie de Vladimir Poutine sur une bonne partie de la classe politique française? Le chercheur Olivier Schmitt s'attaque à la question dans Pourquoi Poutine est notre allié? Anatomie d'une passion française (Hikari Éditions, 128 pages, 9,90 euros). Dans cet ouvrage très clair et pédagogique, il décrypte quatre arguments souvent avancés pour justifier un rapprochement: le fait que Poutine serait un «vrai dirigeant», l'existence de valeurs communes entre la France et la Russie ou d'un intérêt de la France à un rapprochement, et enfin l'argument selon lequel l'alliance avec la Russie vaudrait bien celle avec les États-Unis. Nous reproduisons ci-dessous un extrait du chapitre consacré aux «valeurs communes», sur la façon dont la Russie réécrit l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.
C’est dans le contexte d’une large diffusion des pseudo-sciences, d’interprétations historiques fantaisistes et de relativisme absolu que s’inscrit la volonté politique récente du gouvernement russe d’interpréter l’histoire afin d’orienter le sentiment patriotique dans le sens d’un soutien au pouvoir. En 2009, il créa la «Commission de lutte contre la falsification de l’histoire au détriment des intérêts de la Russie», dont le but, comme son nom l’indique, était bien de falsifier l’histoire, mais dans les intérêts du gouvernement. La commission fut dissoute en 2013, le gouvernement se concentrant sur la question de l’éducation dans la lutte contre la «falsification» dans le pays, notamment à travers l’instauration d’un manuel d’histoire unique. Mais la relecture sélective de l’histoire est aussi le fait de nombreuses déclarations publiques.
L’un des principaux thèmes sujet à une forme de révisionnisme historique de la part du Kremlin est la Seconde Guerre mondiale. En 2014, Vladimir Poutine a brisé un tabou en défendant le pacte germano-soviétique d'août 1939, ou pacte Molotov-Ribbentrop, comme ayant été dans les intérêts de la Russie. Ce faisant, il signifie qu’il ne fallait pas résister à Hitler en 1939, puisque c’est ce que Staline a fait, et qu’il a eu raison de le faire. Les propagandistes du régime russe ont d’ailleurs bien compris le signal, le directeur du bureau de New York de l’Institut de la démocratie et de la coopération (un organisme du gouvernement russe qui possède également un bureau à Paris) déclarant que Hitler jusqu’en 1939 était le «bon Hitler».
Mais, de fait, Vladimir Poutine crée une mémoire de la guerre très différente de celle des pays occidentaux, pour qui il fallait résister à Hitler en 1939, une idée qui est au cœur de l’établissement de la République fédérale d’Allemagne après le conflit. Implicitement, il critique aussi la Pologne, la première victime de la Seconde Guerre mondiale. Berlin tenta pendant cinq ans (1934-début 1939) d’obtenir une alliance avec Varsovie pour attaquer l’URSS, qu’il n’obtint jamais. En revanche, il suffit de trois jours à Ribbentrop en 1939 pour que l’URSS accepte, avec enthousiasme, une alliance qui allait aboutir à la destruction de la Pologne. Après la défaite polonaise, l’Armée Rouge organisa un défilé commun avec la Wehrmacht, tandis que les officiers du NKVD, la police politique soviétique, traquaient et éliminaient l’élite polonaise.
Vladimir Poutine a justifié le pacte Molotov-Ribbentrop par l’idée selon laquelle l’URSS s’était sentie trahie par les puissances occidentales à Munich et n’avait pas d’autre choix, une interprétation complaisamment relayée par les compagnons de route de son régime en France, comme Jacques Sapir. C’est oublier l’action soviétique au moment de la crise des Sudètes. Les Soviétiques attendaient de la crise l’occasion de s’étendre en Europe centrale, et indiquaient vouloir déployer des troupes pour protéger la Tchécoslovaquie, ce qui pour de simples raisons géographiques aurait nécessité l’invasion de la Pologne, de la Roumanie, ou des deux. Quatre groupes d’armées soviétiques furent ainsi positionnés le long de la frontière polonaise.
Comme l’a bien montré Timothy Snyder, la crise des Sudètes a été l’occasion pour l’URSS d’entamer un nettoyage ethnique des individus d’origine polonaise sur son territoire: les instructions données au NKVD étaient claires et stipulaient que «les Polonais doivent être détruits». 1.226 éliminations furent conduites durant la crise de Munich, soit entre le 15 et le 28 septembre 1938. En occultant, et indirectement justifiant ces massacres, Vladimir Poutine recrée une histoire qui efface les victimes polonaises du grand récit.
Deux interprétations de la Seconde Guerre mondiale ont toujours coexisté en Union soviétique puis en Russie, puisque l’URSS s’est trouvée des deux côtés durant la guerre: initialement dans le camp des agresseurs puis dans la grande alliance avec les Etats-Unis après qu’Hitler eut trahi Staline. Pendant longtemps, la glorification de la guerre défensive (1941-1945) a prévalu sous la forme de la «grande guerre patriotique», et permettait de présenter l’URSS comme l’épicentre de la résistance aux forces fascistes. Dans la glorification de cette période, le pacte Molotov-Ribbentrop devait être passé sous silence non pas tant pour ses conséquences (permettre le début de la Seconde Guerre mondiale), mais parce qu’il représentait une erreur de la part de Staline: le pacte laissa les troupes allemandes s’approcher des frontières de l’URSS bien avant l’invasion de 1941, permit à l’Allemagne de devenir la puissance européenne qui faillit s’emparer de Moscou et donna au dictateur soviétique une illusion de sécurité qui lui fit nier les renseignements selon lequel l’Allemagne se préparait à l’attaquer, le prenant complètement par surprise.
En revanche, réhabiliter le pacte Molotov-Ribbentrop revient à mettre en avant la période d’agression de 1939 à 1941, durant laquelle l’URSS entreprit l’invasion de la Finlande (une «guerre d’hiver» qui se révéla très coûteuse pour l’agresseur), mais aussi des pays baltes, où des référendums bidons furent organisés pour justifier et soutenir l’agression. Le climat politique russe actuel, qui glorifie les agressions contre la Géorgie et contre l’Ukraine, incite évidemment à valoriser une période de l’histoire qui présente des similitudes troublantes avec la Russie contemporaine. Entre 1939 et 1941, la propagande soviétique présenta l’Allemagne nazie comme un État ami, les dirigeants parlant du «camarade Hitler» et appelant au «triomphe du fascisme international», et des swastikas apparaissant sur les bâtiments publics.
Cette confusion idéologique est également présente aujourd’hui en Russie: les Juifs sont présentés comme responsables de leur extermination à la télévision publique, l’extrême-droite russe défile le 9 mai 1945 (qui marque la fin de la Seconde Guerre mondiale en Russie) et des campagnes homophobes sont présentées comme une défense de la civilisation occidentale.
Cette banalisation implicite du nazisme, qui s’opère simultanément à une glorification du stalinisme, se retrouve dans les propos des thuriféraires français du régime russe: l’écrivain d’extrême-droite Nicolas Bonnal écrit par exemple sur Sputnik News que «le général de Gaulle ne cesse de vouloir se rapprocher de la Russie, fût-elle dirigée par le maréchal Staline. Ce dernier apparaît sous sa plume comme un gentil ogre avec qui il faut apprendre à s'entendre», au mépris de toute évidence historique, de Gaulle ayant toujours su qui étaient ses alliés et qui étaient ses ennemis (comme il le démontra durant la crise de Cuba), et s’il sortit de la structure militaire intégrée de l’Otan pour cause de divergence sur la stratégie de dissuasion nucléaire, il ne remit jamais en cause la pertinence de l’Alliance Atlantique.
Plus grave, dans le même article, on peut lire: «Roosevelt sait qu'il a gagné le monde grâce à cette inutile guerre européenne qu'il a inspirée sans la livrer.» La Seconde Guerre mondiale n’aurait donc rien à voir avec les agressions commises par le régime hitlérien et la nature raciste et expansionniste du nazisme, mais serait en fait une conséquence d’un complot américain contre l’Europe. Outre la stupidité historique manifeste du propos (les cimetières militaires américains en France rappelant la participation américaine à un conflit qui fut mené simultanément en Asie et en Europe par les Etats-Unis), ce révisionnisme laisse entendre que le nazisme n’aurait été qu’un régime politique comme les autres, et l’une des victimes malencontreuses de la volonté de domination américaine.
Dans le même temps, le régime russe continue de s’appuyer sur le souvenir de la Grande Guerre Patriotique dans sa tentative actuelle d’inscrire positivement le stalinisme dans l’histoire russe, ainsi que sur les habitudes rhétoriques héritées de l’Union Soviétique, en particulier l’accusation de «nazi» ou de «fasciste» comme artifice rhétorique servant à discréditer les opposants au régime. Ainsi, durant la révolution ukrainienne de 2014, la propagande russe a qualifié l’intégralité des manifestants de «fascistes», ou de «néo-nazis», mettant en avant la présence (avérée) parmi les opposants au régime de membres du parti d’extrême-droite Svoboda.
Il s’agit d’une vieille tactique consistant à tenter d’associer l’intégralité d’un mouvement à ses membres les plus extrêmes, en agissant comme si les motivations de ses derniers étaient partagées par tous les manifestants. Évidemment, personne ne doit être dupe de cette manipulation rhétorique (qui reviendrait à dire que Mai 68 était un mouvement intégralement trotskyste car Alain Krivine faisait partie des manifestants), mais elle est très présente dans le discours issu de Moscou et de ses relais occidentaux, que l’on entend régulièrement évoquer «les fascistes au pouvoir à Kiev». Et ce, alors que le candidat de Svoboda a seulement obtenu 1,16% des voix lors de l’élection présidentielle ukrainienne de 2014 ayant suivi la chute de Viktor Ianoukovitch, ce qui donne une idée de l’attractivité de l’extrême-droite auprès de la population ukrainienne… En revanche, c’est bien l’intégralité de l’extrême-droite européenne (y compris des fascistes et des néo-nazis) que Moscou a convoquée pour servir «d’observateurs» à son référendum bidon organisé en Crimée en 2014. On voit ainsi bien la manipulation rhétorique grâce à laquelle Moscou peut sans honte qualifier ses opposants de «fascistes» et de «nazis» tout en soutenant les extrêmes-droites européennes.
La réhabilitation officielle du pacte Molotov-Ribbentrop par le régime russe actuel crée ainsi une mémoire du conflit alternative à celle répandue en Europe occidentale, en valorisant la guerre d’agression et la confusion idéologique entre extrême-gauche et extrême-droite. Cette orientation idéologique est finalement tout sauf surprenante, car elle correspond à l’alignement tactique qu’a entrepris la Russie avec les extrême-droites européennes.
L'histoire de la Russie est riche en recherches et en avancées scientifiques de premier plan. Aujourd'hui, le Kremlin investit dans les théories du complot et les impostures universitaires...
Les pays occidentaux ont multiplié les faux pas envers Moscou. Bref inventaire des bévues qui ont alimenté l'escalade vers une mini-guerre froide.
« C'est maintenant ou jamais que l'on doit prendre la défense de la Russie, sinon ils auront notre peau. Cela fait des siècles qu'on la couvre de calomnies. » Cette exhortation pourrait avoir été lancée par Vladimir Poutine. Elle a été prononcée par Alexandre Soljenitsyne. Du rescapé du goulag à l'ancien officier du KGB devenu tsar, un même nationalisme angoissé, une même conviction que l'éternelle Russie aux frontières incertaines est incomprise et assiégée par des forces hostiles.
Les Russes admettent mal la fin de leur empire. Ils ne veulent pas être relégués en deuxième division sur la scène internationale. « La fin du communisme a été une bénédiction, la fin de l'URSS une malédiction » : cette formule à l'emporte-pièce résume bien leur état d'esprit. La chute du système soviétique n'était pas la fin de l'histoire mais le début d'une autre. Les Occidentaux ne l'ont pas compris et ont multiplié les fautes politiques envers le Kremlin.
L'Alliance atlantique avait été créée pour endiguer la menace existentielle que l'Union soviétique faisait peser sur l'Europe libre. L'Otan était un enfant de la guerre froide. Son article 5, voulu par les Européens, garantit une automaticité de riposte en cas d'agression contre l'un de ses membres. L'organisation aurait pu disparaître après l'implosion de l'URSS. Mais trois facteurs ont contribué à la sauver.
D'abord, les pays de l'Est européen libérés de la tutelle communiste avaient des raisons historiques de continuer à se méfier de leur voisin russe. Ils ont donc réclamé à cor et à cri la protection de l'Otan. Ensuite, la majorité des États d'Europe de l'Ouest voyaient dans le parapluie de l'Alliance un prétexte commode pour ne pas prendre en main leur propre défense. Enfin, la bureaucratie otanienne a habilement planifié sa propre survie en élargissant la compétence géographique de l'Alliance et en s'inventant de nouvelles missions, garantissant ainsi la pérennisation de fructueuses carrières civiles et militaires.
Les Occidentaux avaient cependant implicitement promis aux Russes que les anciennes Républiques d'URSS n'avaient pas vocation à rejoindre l'Otan. Notamment lors d'une conversation le 9 février 1990 entre le secrétaire d'État américain James Baker et Mikhaïl Gorbatchev. Au sommet de Londres, les 5 et 6 juillet de la même année, l'Otan semblait vouloir se transformer en une alliance politique. En 1997, à Paris, était signé, sous la houlette de Jacques Chirac, « l'acte fondateur Otan-Russie » et en 2002 le Conseil Otan-Russie était créé. Le temps paraissait au beau fixe. Pas pour très longtemps. Dès 2004, les trois pays baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) adhéraient à l'Otan. Fin de la lune de miel.
À partir de 2007, les Américains se mettent en tête de déployer dans l'est de l'Europe un bouclier antimissile. Les Russes voient dans cette initiative une véritable provocation et une rupture de l'équilibre stratégique, même si Washington assure que la Russie n'est pas visée, mais plutôt l'Iran. Après un interminable feuilleton, le projet prend corps et les premiers systèmes (batteries et radars) sont en voie d'être opérationnels en Roumanie et en Pologne. Moscou vient de répliquer en installant dans l'enclave de Kaliningrad (l'ex-Königsberg, la ville natale de Kant...) des missiles à courte portée Iskander et SS-400. Une douloureuse épine enfoncée au cœur de l'Europe entre la Pologne et la Lituanie.
Parallèlement, l'Otan a cru bon d'organiser en juin dernier en Pologne de spectaculaires manœuvres militaires, un mois avant le sommet de l'organisation à Varsovie. Nom de l'opération : « Anaconda ». Thème : « l'Union des bleus » repousse une invasion de « l'Union des rouges ». Excellent pour énerver un peu plus l'ours russe. Toutes ces gesticulations sont bien sûr plus politiques que militaires : Moscou est un partenaire difficile, pas un ennemi. Personne n'envisage une guerre contre la Russie. Ces bruits de bottes ne font que compliquer cependant les relations avec le Kremlin.
L'Ukraine est un pays souverain. Mais des liens historiques, économiques et humains étroits unissent cet État à la Russie depuis la nuit des temps. Quant à la Crimée, elle était russe depuis sa conquête par la Grande Catherine au XVIIIe siècle. En 1954, un décret de huit lignes signé par Nikita Khrouchtchev la rattache à l'Ukraine pour des raisons obscures. L'Union européenne aurait dû prendre en compte ces données incontournables, marcher sur des œufs et associer Moscou au processus lorsqu'il s'est agi de signer un partenariat entre Kiev et Bruxelles.
Au lieu de cela, l'Europe a agi avec la délicatesse d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, enclenchant une machine infernale qui a conduit à l'annexion russe de la Crimée et à la partition de facto du pays entre l'ouest et l'est russophone. Avec pour conséquences des sanctions contre la Russie qui pénalisent lourdement les agriculteurs français. Sans compter la vente annulée des deux navires de guerre Mistral.
Le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité de Nations unies vote la résolution 1973 instituant une zone d'exclusion aérienne dans le ciel libyen et prévoyant d'utiliser tout moyen pour assurer la protection des populations civiles. Le texte n'autorise pas explicitement des frappes aériennes et exclut en revanche l'envoi de troupes étrangères. Il n'est évidemment pas question de renverser Kadhafi. Russie, Chine et Allemagne s'abstiennent. Les Russes affirmeront ensuite avoir été bernés et ne jamais avoir donné le moindre feu vert à une opération visant à changer le régime libyen. Ils accuseront les Occidentaux, Français et Britanniques en tête, d'avoir outrepassé le mandat de l'ONU. Les Russes étaient-ils véritablement dupes ? Peu importe, cette affaire pèsera lourd dans la crise syrienne, renforçant la suspicion de Moscou envers toute démarche internationale.
En Syrie, les Occidentaux ont systématiquement utilisé une boussole indiquant le sud. Ils ont misé sur une fantomatique résistance « démocratique », puis se sont accommodés d'alliés encombrants, tel Al-Nosra, devenu Fatah al Cham, filiale d'Al-Qaïda. Ils se sont appuyés sur des partenaires ambiguës, Qatar ou Arabie saoudite. Ou sur les Kurdes qui constituent une bombe à fragmentation pour tous les États de la région, dont la Turquie.
La France s'est gravement trompée sur l'analyse de Barack Obama. Celui-ci n'a pas considéré que la crise syrienne menaçait les intérêts vitaux des États-Unis. Et, en août 2013, François Hollande s'est retrouvé abandonné en rase campagne quand il a voulu déclencher des frappes contre les troupes de Bachar el-Assad.
Surtout, la France a sous-estimé la détermination des Russes. Ceux-ci ont une vision binaire de la situation : si Bachar tombe, l'État syrien s'effondre, comme en Irak, et les islamistes prennent le pouvoir. La Russie a de graves soucis, sur son propre territoire, avec les mouvements fondamentalistes musulmans, notamment au Daguestan. Elle veut être partie prenante dans les affaires du Proche-Orient et renoue avec sa tradition historique de protection des chrétiens orthodoxes du Levant.
Le bilan des relations de ces dernières années entre l'Occident et la Russie s'apparente au désastre. Il est donc urgent, pour la France en particulier, de retisser la trame d'un dialogue réaliste. Sans se coucher, la tête haute et le regard fixé sur nos seuls intérêts.
Ainsi, un tiers des Russes pensent que les extraterrestres ont déjà visité notre planète. Même les croyances religieuses traditionnelles sont de plus en plus populaires. Presque 80% des habitants se disent Chrétiens orthodoxes, mais seulement 40% croient en Dieu, et entre 4 et 7% assistent régulièrement aux offices religieux.
Pour beaucoup, ce n’est pas leur croyance qui s’exprime, mais un besoin profond de se prémunir contre la malchance – le même besoin qui conduit à une utilisation croissante des charmes et talismans. Deux tiers des femmes russes disent qu’elles « se sont tournées vers des magiciens, diseurs de bonne aventure et voyants pour obtenir de l’aide ».
Quand les personnes se sentent partir à la dérive, ce qui est de plus en plus le cas en Russie depuis la chute de l’Union Soviétique, elles appellent de leurs vœux une « aide de pouvoirs externes », ce qui explique en grande partie le culte voué au président Vladimir Poutine. Et celui-ci encourage de telles superstitions, parce qu’elles « écartent la réflexion critique ». Et un peuple crédule est un peuple facile à gouverner…
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https://fr.express.live/2016/04/14/poutine-garde-nationale-contre-terrorisme/
C'est une prévision dont Poutine ne se vante sans doute pas : en une génération, son pays devrait avoir perdu la moitié de sa population.
Les envolées lyriques et nationalistes de Vladimir Poutine sur le retour en force de la grande Russie, après ce « désastre historique » que fut la fin de l'empire soviétique, ne peuvent faire illusion qu'auprès de ceux de ses concitoyens que sa propagande abêtit. Pour les démographes et les économistes qui regardent froidement les chiffres et leur évolution, la Russie aura perdu mathématiquement son rang de grande puissance dans une trentaine d'années. Non seulement parce qu'en raison des sanctions internationales qui la frappent, du fait de sa politique aventuriste et hégémonique (Georgie, Crimée, Ukraine), son économie s'appauvrit un peu plus chaque jour. Mais surtout parce que sa population diminue à une allure record.
En une génération, la Russie devrait, sauf extraordinaire retournement de situation, avoir perdu la moitié de ses habitants. Les prévisions des démographes indiquent que la population russe pourrait chuter de 143,5 millions aujourd'hui à 80 millions vers 2050. Même si on ne fait guère de publicité à ces statistiques à Moscou, c'est un organisme russe officiel, l'Institut pour la démographie, les migrations et le développement régional qui vient de révéler ces chiffres.
La raison est double : la hausse constante de la mortalité due à l'alcoolisme et la diminution dramatique des naissances, provoquée, quoi qu'en dise le maître du Kremlin, par le manque de confiance des Russes dans l'avenir. L'augmentation de la mortalité est particulièrement spectaculaire cette année, où ce taux a augmenté de 5,2 % depuis janvier par rapport à 2014. Et il ne s'agit pas d'hécatombe parmi les personnes âgées pour on ne sait quel manque de soins ou difficulté à se procurer des médicaments. La population où le nombre de décès a le plus augmenté est celle des hommes de 30 à 45 ans.
« Dans 70 % des cas, reconnaît la ministre de la Santé, Veronika Skvortsova, les autopsies montrent une alcoolémie supérieure à la normale » pour les décès soudains d'hommes dans la force de l'âge. Une statistique qui s'appuie sur le fait que les situations d'ivresse, particulièrement lorsqu'elles sont répétées, entraînent une propension très importante au suicide.
Le résultat de cette dégradation est que l'espérance de vie en Russie est tombée à 63 ans. Elle est de ce fait plus basse que dans n'importe quel pays d'Europe. À peu près l'équivalent de ce qu'elle est au Rwanda. Et peut-être plus grave pour le renouvellement des générations, l'espérance de vie des femmes russes est supérieure de 12 ans à celle des hommes. Une différence de longévité dont l'exemple le plus proche est celui d'un pays dont la population mâle est depuis trois ans décimée par la guerre : la Syrie.
Il faut évidemment ne pas croire aveuglément aux projections statistiques, même lorsqu'elles viennent de spécialistes. Calculs de probabilité et modélisations amènent parfois à des excès de pessimisme dans les prévisions. Il ne faut pas non plus écarter une opération de communication du Kremlin, qui aurait pu faire fuiter ces informations en Occident avant de faire, en Russie, une grande campagne de propagande et de reprise en main sur le thème : "Il faut impérativement un sursaut dans la lutte contre l'alcoolisme, sinon notre chère Russie va devenir la risée des étrangers qui guettent avec délectation notre décrépitude."
Le seul problème, si c'est le cas, c'est que ce ne sera pas la première fois que Moscou lance une grande bataille contre ce fléau qu'est l'alcoolisme de sa population. Et que jusqu'à présent, cela n'a pas donné grand résultat.