Portraits sympathiques...
Un artisan dans les coulisses..
Jean-Noël Barrot ministre des Affaires étrangères a largement œuvré à la reconnaissance de l’État de Palestine par le chef de l’État.
C’est un petit bout d’histoire qui tient sur une fiche bristol. Jean-Noël Barrot l’a précieusement gardée et se fait un plaisir de la montrer. C’était le 29 juillet 2025, au petit matin, à New York. Le ministre des Affaires étrangères est en réunion à la représentation française à l’ONU avec ses homologues arabes quand son collègue jordanien lui glisse un mot sur un bout de carton : « Sa Majesté a parlé avec Keir Starmer. On croise les doigts. » Il comprend que le vent tourne : le roi de Jordanie a échangé avec le Premier ministre anglais, désormais prêt à reconnaître l’État de Palestine. La veille encore, la France était isolée. Mais ce ralliement d’un membre du G7 change la donne. Quand un conseiller lui confirme la nouvelle, Barrot dit avoir ressenti « une intense émotion ».
Ce 22 septembre 2025, ce n’est pas lui, mais Emmanuel Macron qui a entériné la reconnaissance par la France de l’État de Palestine. Mais le ministre, qui espère sa reconduction au gouvernement, revendique son rôle dans les coulisses. Des centaines de réunions et d’entretiens, avec ses homologues des pays arabes ou du G7, à jouer les « éclaireurs » ou les « assembliers ».
La diplomatie n’était pourtant pas sa langue d’origine. Certes, être le fils de Jacques Barrot, figure de la démocratie chrétienne et ancien commissaire européen, donne quelques prédestinations. Mais sa matière première, c’est l’économie : un doctorat à HEC et des cours au Massachusetts Institute of Technology. Il a fallu la volonté de Michel Barnier pour que le centriste se retrouve il y a un an, propulsé au Quai d’Orsay, après un passage aux Affaires européennes.
Le Moyen-Orient s’est tout de suite imposé à son agenda. Un an après les massacres du 7 octobre 2023, le ministre partage le deuil des familles des victimes sur le lieu du festival Nova. Le soir même, il se rend au Mémorial de Yad Vashem avec une intention particulière : se recueillir devant un arbre planté en hommage à un Juste, le pasteur Trocmé de Chambon-sur-Lignon, son fief familial en Haute-Loire. En juin 1940, l’homme d’Église avait appelé ses paroissiens à cacher des enfants juifs. Parmi ces villageois, le grand-père de Jean-Noël Barrot.
Avant le Quai, son « inclinaison naturelle » le portait déjà à défendre la reconnaissance d’un État palestinien, au nom de l’autodétermination des peuples. Emmanuel Macron l’envisageait aussi, mais seulement dans le cadre d’une dynamique internationale. Alors Barrot s’est mis au boulot, a monté avec l’Arabie saoudite la conférence pour une solution à deux États. Avec son homologue Fayçal ben Farhane, ils ont douté : fallait-il attendre le retour d’une paix à Gaza, exiger des gestes du Hamas ? Une ligne, décriée, l’a emporté : ne pas soumettre cette reconnaissance à des conditions posées au Hamas pour ne pas se mettre dans la main d’un « groupe terroriste ».
Le ministre s’est efforcé de faire bouger les pays arabes et estime avoir décroché « l’inespéré » : une condamnation du Hamas, notamment par la Turquie et le Qatar, affichant leurs intentions de normaliser à terme leurs relations avec Israël. « Personne n’avait obtenu ça », dit-il. C’est aussi ce qui a achevé de convaincre Emmanuel Macron. Le 9 juin, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’engage en faveur d’une démilitarisation du Hamas et de la solution à deux États. Un mois et demi plus tard, à la tribune de l’ONU, Jean-Noël Barrot scelle la position française : « Il n’y a rien de plus précieux pour l’homme que la dignité de se tenir libre et debout sur la terre dans laquelle plongent ses racines ».
Dimitri Krier et Maël Thierry. Le Nl Obs. N° 3184. 25/09/2025
INTERVIEW. L'ex-cuisinière de Johnny Hallyday passe à table en publiant ses recettes et en racontant l'intimité du chanteur mort en décembre 2017.
C'est par hasard que cette ancienne fleuriste va partager la vie du rocker… À l'âge de 55 ans, douée en cuisine et poussée par des proches, Jacqueline Benoit postule pour tenir les fourneaux à Saint-Tropez pendant l'été 1990. Un coup d'essai réussi puisque Johnny la rappelle à la rentrée pour l'embaucher dans sa résidence parisienne. Durant six ans, elle va chouchouter la rock star en lui mitonnant ses plats préférés, qui font l'objet aujourd'hui d'un livre de recettes*. Elle découvre les copains, la famille, les concerts, les nuits d'insomnie, régale les grandes tablées, s'occupe le week-end de Laura, alors enfant, qui a souhaité préfacer l'ouvrage. « Quand, petite fille, j'arrivais le week-end chez mon père, ma joie était immense de retrouver Jacqueline et j'étais toujours rassurée de la savoir auprès de lui le jour, mais aussi parfois la nuit. » À l'arrivée de Laeticia, Jacqueline fera ses bagages : il y a une femme de trop près des fourneaux…
Le Point : Quel genre de patron était Johnny ?
Jacqueline Benoit : Très facile. En privé, il n'avait rien d'une rock star. Il était humble et attachant, pas du tout la grosse tête. Et généreux, en plus de ça. J'ai tout le temps été gâtée. Vous en connaissez beaucoup des patrons qui vous achètent une Rolex ?
C'était pour quelle occasion ?
Il me l'avait achetée rue Royale pour Noël. Je me souviens qu'il était aussi ému que moi. Quand j'ai ouvert mon paquet, il m'observait du coin de l'œil. Il y a eu aussi des vêtements, il cherchait à rendre les gens heureux. Aujourd'hui, la montre ne quitte jamais mon poignet.
Quels plats aimait-il ?
Il n'était pas difficile. Curieusement, il aimait les soupes hiver comme été – je lui en préparais des froides. Mais aussi les viandes rouges, les crustacés, toutes les pâtes... Surtout des plats uniques. Il ne prenait pas de repas complets avec trois plats de suite. Du coup, il revenait souvent dans la cuisine pour grignoter un sandwich, un cornichon… Il aimait tout ce qui était épicé : les sauces, les moutardes, les vinaigres – j'en avais 23 sortes dans mes placards. Son grand jeu, à Saint-Tropez, c'était de faire un concours avec sa bande de copains pour savoir celui qui mangerait le plus de piments. Ils finissaient tous très rouges sur la terrasse…
Ne détestait-il pas certains mets ?
Pas question de lui faire du lapin ! Il m'a prévenue quand je suis arrivée. Il m'a raconté que cela remontait à son enfance : il avait élevé un petit lapin avant de se rendre compte que sa tante l'avait passé à la casserole. Il l'avait retrouvé dans un plat sur la table… Il n'en a plus mangé de sa vie.
En revanche, on sait qu'il aimait bien boire… Lui en faisiez-vous le reproche ?
On connaissait ses travers, mais je me serais bien gardée de faire une réflexion. Chacun doit rester à sa place.
Le mettiez-vous parfois au régime ?
Il changeait ses habitudes alimentaires avant les tournées. Je lui faisais des potages diététiques, des bouillons épicés pour garder un peu de goût… Il suivait aussi une cure de citron pour nettoyer la tuyauterie, comme on disait. On boit un citron qui a macéré, puis deux, puis dix, tous les jours pendant environ une semaine. Il était plutôt du genre volontaire !
Vous avez vécu six ans sous le même toit. Vous êtes devenue une intime…
C'est vrai, j'ai fini peu à peu par faire partie de la famille… Mais on s'est toujours vouvoyés, on se respectait mutuellement. Quand il rentrait tard, il me demandait parfois de lui faire un petit plat, et de le manger avec lui. Je me souviens ainsi de lui avoir fait une truffade à 2 heures du matin – il adorait les pommes de terre. Sinon, je lui préparais des en-cas, il n'avait plus qu'à piocher… Chaque soir, il me laissait un mot dans la cuisine pour me dire à quelle heure je devais le réveiller. Le lendemain, je lui montais son café, puis un autre. Il me demandait encore cinq minutes de sommeil… comme un gamin ! Il était très jeune de caractère, un peu comme moi.
On sait pourtant qu'il n'était pas facile à vivre, qu'il pouvait pousser quelques coups de gueule…
Je faisais preuve de diplomatie... Il n'y a jamais eu de mots entre nous. Quand il avait des soucis, je savais comment lui redonner le moral, lui changer les idées. Il était très blagueur aussi. Un jour, il fait venir un tatoueur et tous ses copains sont priés de choisir un motif… Ils viennent me charrier dans la cuisine : « Jacqueline, il faut vous faire tatouer ! » plaisantent-ils. « Ah non, jamais ! » Et puis, le matin, quand le tatoueur range ses affaires, je me suis laissé tenter, un papillon à tête de tigre. Johnny était soufflé !
Vous aviez intégré son clan…
Je l'ai vécu comme une grande chance dans ma vie. J'allais à ses concerts, il m'invitait parfois au restaurant. Jacqueline, faites-vous belle, on sort ce soir ! Et il m'envoyait dans les cuisines des chefs pour que je pique les recettes qu'il aimait… Il ne pouvait pas vivre en restant seul, une habitude qu'il avait depuis tout petit. Certains soirs, quand les amis n'étaient pas là, il me demandait de regarder un film américain avec lui. Ce n'était pas mon truc, je ne parle pas bien l'anglais… J'ai toujours voulu lui rendre la vie la plus agréable possible.
Et tout s'arrête avec l'arrivée de Laeticia. Vous quittez votre service l'année de son mariage avec Johnny. Vous aviez dit qu'elle avait rapidement fait le ménage…
Je ne veux pas en parler ni entrer dans la polémique. J'ai eu de la peine, bien sûr, comme quand on aime les gens et qu'on se sépare… J'ai travaillé ensuite pour des Chinois, très sympathiques. Cela m'a permis de tourner la page. Nous nous sommes ensuite recroisés avec Johnny, lors de concerts. Mais chacun avait sa vie…
Sa fille Laura ne vous a pas oubliée. Elle a même préfacé votre livre en vous rendant hommage…
On a de beaux souvenirs ensemble. Je me suis occupée d'elle quand elle venait tous les quinze jours passer le week-end chez son père… Je l'emmenais notamment faire du cheval à Boulogne. C'est ainsi que j'ai fait peu à peu la connaissance de la famille. C'est moi qui lui ai demandé de rédiger cette préface.
On a dit qu'elle a accepté pour vexer Laeticia.
C'est faux, il n'y a pas de malice là-dessous. Il ne faut pas tout mélanger. Avec ce livre, j'ai simplement voulu partager avec les fans les recettes de Johnny et des souvenirs liés à ces plats et ces bons moments autour de la table.
Propos recueillis par Marc Fourny
*À lire : « Les Recettes préférées de Johnny », par Jacqueline Benoit, éditions Hachette, 24,95 euros.
Le patrimoine, ce n’est pas que les vieilles pierres. Au même titre qu’un Poulidor ou qu’un Johnny, Guy Roux appartient d’ores et déjà à la légende du pays. Guy Roux est en quelque sorte un monument national et sa capacité unique à détecter les talents, les révéler, les magnifier, demeure un mystère. Pour autant, à ce jour, aucun film documentaire sur lui n’avait encore été diffusé sur le service public de télévision...
Arbitrage, corruption, OM et chiffre d’affaires des boucheries auxerroises les semaines de Coupe d’Europe… « Le Monde » a évoqué les sujets importants avec « l’homme au bonnet ».
« N’allez pas trop vite, ma pile ne peut pas aller au-dessus de 110. » Légèrement voûté devant sa valise, dont dépasse un France-Football, bonnet en laine vissé sur des joues rebondies, Guy Roux remonte le quai à son rythme. En 2001, l’entraîneur a subi un double pontage coronarien et vit, depuis, à battements de cœur programmés.
A ceux qui en doutaient, Guy Roux n’est pas à la retraite. Celui qui a entraîné l’AJA de 1961 à 2005 supervise son association, notamment la partie « amateurs ». Tous les lundis, il quitte sa Bourgogne pour quelques interventions télévisées. C’est sur la banquette délavée d’un vieux tortillard de campagne, Auxerre-Paris via Laroche-Migennes, que nous faisons par hasard sa rencontre.
Lorsque nous abordons notre voisin de banquette, lundi 19 mars, il sort d’une longue conversation téléphonique à propos des « Chinois » qui possèdent l’AJA – le club a été racheté à l’été 2016 par James Zhou, richissime embouteilleur proche du pouvoir. Avec lui, une remontée en Ligue 1 est possible, espère Guy Roux. Il n’entraîne plus, mais ne déroge pas à sa vieille obsession : calculer le classement final en avance. Qu’importe que deux joueurs se soient battus ensemble le week-end précédent, l’important est ailleurs : le maintien en Ligue 2 est d’ores et déjà assuré. Le public auxerrois a dû s’habituer, depuis six ans, au deuxième échelon national, loin des grandes soirées européennes qu’a connues « l’entraîneur au bonnet ».
Le pot-au-feu des soirs de Coupe d’Europe
Guy Roux a toujours accordé une grande importance au douzième homme, le public, celui de l’Abbé-Deschamps, le stade auxerrois. « Nos spectateurs, je les connais bien. Ce sont des gens simples, aller au stade, c’est un sacrifice financier. » Comment le sait-il ? Par les petits commerces. « Les semaines de Coupe d’Europe, les boucheries de la ville ne vendaient pas les bons morceaux, la viande de charolais, les pièces chères. Ce qui partait, c’était le pot-au-feu ou les abats. »
Le prix de la billetterie était fixé en fonction de l’affiche et de la date. « Les matchs contre les cadors comme Marseille, normalement, on augmentait le tarif de 50 % si c’était dans les vingt premiers jours du mois. Mais si ça tombait en fin de mois, on maintenait le tarif normal. » Quant aux joueurs, ils avaient interdiction d’afficher leur richesse.
Djibril Cissé n’avait ainsi pas le droit d’utiliser sa Ferrari en ville. A la place, il venait au stade avec une petite citadine discrète. Une des nombreuses règles strictes qu’il imposait à ses « poulains », comme le repas obligatoire le soir de match, « pour des raisons de diététique et de récupération », avec, de préférence, épouse et parents.
Lolo, Basile et Canto
L’attachement de Guy Roux au prix et à la valeur des choses a fait les choux gras des « Guignols de l’info » dans les années 1990. L’ancien pion en école de médecine, devenu assureur pendant trente-quatre ans, a toujours veillé au grain en ce qui concerne les dépenses. Ses recrues-phares, c’étaient souvent de « bonnes affaires ».
Il se rappelle ainsi avoir « récupéré » Laurent Blanc en 1995 sans rien débourser, alors que Saint-Etienne était en pleins déboires financiers. Après une saison de galère, le Cévenol a même accepté de revoir ses émoluments à la baisse pour rejoindre le club bourguignon. « Son agent lui a dit : “joue pour Guy Roux, dans six mois, tu retrouves l’équipe de France.” » Dont acte, il a été retenu pour l’Euro 1996.
Guy Roux parle de Laurent Blanc comme d’un modèle d’intelligence et de professionnalisme. Mais quand on l’interroge sur les meilleurs joueurs qu’il a dirigés, deux autres noms reviennent : Basile Boli, « le meilleur défenseur que j’ai eu », futur champion d’Europe avec Marseille, et Eric Cantona, le sulfureux attaquant à l’ego si difficile à gérer. « Je la lui dois, dit-il en pointant sa Légion d’honneur. Des fois, je me demande ce que j’ai fait pour la mériter. Et puis je me rappelle que j’ai entraîné Cantona pendant sept ans. »
Les deux ont en commun d’avoir également joué pour le club qui faisait régner la terreur au début des années 1990, l’Olympique de Marseille. Guy Roux reste persuadé que l’arbitrage privilégiait le club de Bernard Tapie. « Je me souviens, une fois, l’arbitre a sifflé deux pénalties alors qu’il n’y avait pas un Auxerrois à dix mètres du ballon. Depuis mon banc, au deuxième, je criais : “encore ! encore !” C’était ironique. »
« On s’est fait emmancher par l’UEFA »
Dans ces cas-là, il notait le nom de l’homme en noir dans un classeur, et il lui arrivait de le prendre à partie à l’Abbé-Deschamps. « Je me faisais prévenir, je venais l’accueillir personnellement. Je lui montrais ce que j’avais noté : là, tel match, vous avez sifflé pénalty, il n’y avait pas pénalty. Là, pas pénalty non plus. Alors aujourd’hui, je ne vous demande pas de me les rendre, mais je vous préviens, à la moindre touche mal attribuée, je mets le feu au stade. »
Des déboires arbitraux, Guy Roux en a connu. Le plus célèbre d’entre eux lui a coûté une place en demi-finale de Ligue des champions, en 1997. Ce jour-là, face au Borussia Dortmund, Lilian Laslandes marque le but de l’égalisation d’un splendide retourné, mais celui-ci est annulé pour jeu dangereux. « On s’est fait emmancher, parce que l’UEFA ne voulait pas d’un petit club comme nous en finale », grommelle le technicien. Il assure avoir eu la preuve d’un pot-de-vin au moins une fois pour un match qui concernait Auxerre, mais refuse d’en dire plus.
L’homme aux cent matchs en Coupe d’Europe, dont six quarts de finale, se souvient aussi des stratagèmes retors de la part de certains clubs adverses pour influencer le cours du match. Dans les pays de l’Est, il évoque les « jolies filles » qui patientaient devant la chambre de ses joueurs. Guy Roux faisait la ronde lui-même dans les couloirs de l’hôtel et exigeait dans les conditions d’accueil que les films pornographiques ne soient pas disponibles et les magnétoscopes débranchés.
Rendez-vous raté avec l’équipe de France
Plus célèbre entraîneur de France, Guy Roux n’aura jamais entraîné l’équipe nationale. L’occasion s’est pourtant présentée, par deux fois. La première en 1993, après la piteuse sortie en éliminatoires de la Coupe du monde. « C’est moi qui ai refusé. Dans notre métier, ça fonctionne par cycle, et là, je sentais que j’avais une jeune génération de joueurs avec laquelle je pouvais faire un coup. » Celle des Lionel Charbonnier, Corentin Martins, Franck Silvestre ou encore Lilian Laslandes, qui le mènera au doublé championnat-Coupe de France, en 1996.
La seconde, c’est en 1998. Aimé Jacquet vient d’être sacré champion du monde, mais refuse de continuer. Guy Roux est contacté par la FFF. Mais, cette fois, c’est son club qui le retient : son contrat court encore, et son président, Jean-Claude Hamel, refuse de le lâcher. Guy Roux en garde, sur le coup, une grande amertume, qu’il finit par surmonter. « Sélectionneur, c’est deux semaines de travail tous les trois mois. Je me serais ennuyé. »
Aujourd’hui, pourtant, le banc ne manque pas à Guy Roux. Le 18 octobre, il fêtera ses 80 ans. Mais, ce soir-là, il est attendu sur le plateau de la chaîne de télévision L’Equipe pour discuter des matchs du week-end. Il en a vu huit, dont l’emballant Nice-PSG et l’électrique OM-Lyon. « Je suis paré, ils peuvent me poser les questions qu’ils veulent, ils ne me prendront pas en défaut. »
Ses 45 tours sur sa tablette
Désormais, il vit à son rythme. Il prend des cours deux heures par semaine pour apprendre à utiliser sa nouvelle tablette tactile. La dernière fois, son professeur lui a montré comment écouter de la musique. « C’est formidable, je peux écouter mes 45 tours de Léo Ferré, Brassens, et Barbara sans avoir à les emporter », s’enthousiasme-t-il avec des yeux d’enfant – il a fréquenté Léo Ferré, qu’il a rencontré par hasard, et pour qui il était capable de rouler pendant 400 kilomètres dans la nuit pour aller l’écouter en concert. C’est d’ailleurs lui qui a fait découvrir l’artiste à Eric Cantona.
Il a ses rituels, comme son traditionnel en-cas du jeudi soir avec sa « bande de copains sûrs », ou leurs canons du samedi midi – y compris les week-ends de matchs. Il s’intéresse à la géopolitique, lit « Le Figaro à l’hôtel, parce que c’est gratuit », rigole-t-il, « Le Monde quand il y a un grand événement », jongle entre L’Express, L’Obs et Le Point. Il se passionne en ce moment pour l’élection de Vladimir Poutine et les relations entre Donald Trump, comme il l’appelle, et la Corée du Nord, tout en sachant pertinemment qu’il restera éternellement étiqueté « football ».
A la descente du train, une femme en bomber noir se précipite vers lui pour faire un selfie. « C’est bien vous qui avez été champion de foot de rue, c’est ça ? Je vais envoyer la photo à mon petit-cousin, il ne va pas en revenir. » Guy Roux ne corrige pas. Il sourit. C’est la troisième fois qu’un passager l’immortalise en une heure trente de train.
LE MONDE | Par William Audureau

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